The Crown saison 5 : critique de l'intimité royale sur Netflix

Alexandre Janowiak | 9 novembre 2022 - MAJ : 09/11/2022 18:41
Alexandre Janowiak | 9 novembre 2022 - MAJ : 09/11/2022 18:41

Quelques semaines après la mort de Elizabeth II à l'âge de 96 ans, la série The Crown consacrée à la famille royale revient sur Netflix pour sa cinquième saison. Après une saison 4 brillante, la série showrunnée par Peter Morgan entre dans sa dernière ligne droite, la série étant structurée sur un plan de six saisons. Un tout nouveau casting prend donc les rênes avec l'arrivée de Imelda Staunton dans la peau de la reine, mais également Elizabeth Debicki en Diana, Dominic West en prince Charles, Olivia Williams en Camilla Parker-Bowles ou encore Jonathan Pryce en prince Philip. Et avec ces changements, la série prend également un nouveau tournant qui pourra déstabiliser. Attention mini-spoilers !

un peuple et sa reine

Cette saison 5 de The Crown s'ouvre sur une archive (de fiction) de la reine Elizabeth II inaugurant dans les années 50 le Britannia, le yacht royal où elle fera d'innombrables rencontres au fil de ses voyages et emmagasinera tant de souvenirs. Et si ce bond dans le passé pouvait sembler anodin au premier abord, c'était sans compter l'écriture de Peter Morgan, décidé à en faire une sorte de fil rouge de l'état de la monarchie quarante ans plus tard.

Car dans les années 90, le Britannia n'a plus la même allure que lors de son inauguration et le gouvernement de John Major (puis de Tony Blair) se refusera à dépenser des mille et des cents pour réparer un bateau vieux comme le monde. Et forcément, le parallèle avec la reine est rapidement établi : proche de la soixantaine, symbole d'une monarchie en perte de vitesse, Elizabeth II n'a plus la même aura que lors de son couronnement et n'a plus vraiment le soutien de tout un peuple.

 

The Crown : Photo Imelda StauntonUne reine en plein questionnement

 

Outre un yacht, pourquoi les Britanniques devraient payer les réparations d'un Windsor incendié ? Plus encore, la reine a-t-elle toujours véritablement une raison d'exister ? Devenue quasiment une simple façade aux yeux du monde, la figure vieillissante d'un peuple en pleine modernisation, Elizabeth II fait partie du décor, des meubles, mais pour quoi faire ? La légitimité de la monarchie est donc remise en cause avec violence et dureté durant toute cette saison 5.

Avec intelligence et lucidité, The Crown s'attaque à ce sujet frontalement, ne craignant jamais de subir de futurs polémiques (déjà au coeur des conversations avant même la diffusion sur Netflix). Pourtant, contrairement aux saisons précédentes, The Crown ne va pas plonger totalement dans une étude approfondie de l'Histoire britannique à travers le prisme de la famille royale et c'est d'ailleurs ce qui pourra repousser certains spectateurs, habituellement ravis de jongler entre le micro et le macro.

 

The Crown : photoUne monarchie proche de l'effondrement

 

the man who wants to be king

Un choix assez déstabilisant tout au long de cette cinquième saison, les années 90 ayant eu un gros impact sur le quotidien des Britanniques. Ainsi, on pouvait s'attendre à voir un peu plus d'éléments autour de la crise financière du début de la décennie et la croissance économique rétablie par le gouvernement de John Major (succédant à Margaret Thatcher). Le Premier ministre est d'ailleurs quasiment absent des dix épisodes, bénéficiant d'un temps de présence quasiment similaire à celui de Tony Blair (débarquant pourtant en toute fin de saison après son élection en 1997).

Évidemment, il y a du très bon au niveau politique. Au-delà d'un passage amusant autour du président russe Boris Eltsine, la rétrocession de Hong Kong, brillamment mise en scène dans le dixième épisode par Alex Gabassi, est passionnante, élevant le rôle du prince Charles dans les enjeux diplomatiques et politiques du royaume.

 

The Crown : Photo Jonny Lee MillerUn Premier ministre passionnant et pourtant délaissé

 

Tout ce qui tourne autour du futur roi est sans doute ce qui est le plus brillant à ce niveau, notamment sa volonté de moderniser l'image de la royauté (cette fameuse équipe formée pour assurer la survie de la monarchie dans un monde qui évolue). Son rendez-vous secret avec Tony Blair à Hong Kong (même si, a priori, fictionnel) est d'ailleurs un des grands moments de cette saison, continuant à explorer les désirs de pouvoir d'un homme contraint d'attendre son heure.

Une quasi-trahison envers la reine (sa mère) qui offrira une confrontation mère-fils courte mais tendue sur les rôles de chacun, leur vision du monde, leur désir opposé de monarchie et finira par une mise au point stricte et sévère à l'encontre d'un Charles trop pressé et d'une Elizabeth II bien décidée à jouer le rôle d'une vie jusqu'à son dernier souffle. C'est dans ce dixième épisode que The Crown retrouve probablement le plus sa marque de fabrique, liant les enjeux d'une nation aux desseins d'individus liés par le sang.

Ce n'est probablement pas suffisant pour combler la radiographie espérée par certains spectateurs, toutefois, comme un miroir de son propre récit, la série va trouver sa puissance narrative ailleurs : dans l'intime.

 

The Crown : Photo Dominic WestUn prince pressé d'être roi

 

anti-love story

L'annus horribilis de 1992, relégué à un seul petit épisode malgré la richesse de ses événements entre l'incendie de Windsor, les ruptures amoureuses des trois ainés de la reine, les multiples scandales publics liés à ces relations et le 40e anniversaire du couronnement de Elizabeth II, est peut-être le point clé de cette saison 5.

Avec l'écriture ciselée de Peter Morgan, ce quatrième épisode est dense et parvient à créer des connexions passionnantes (autant dans la mise en scène que dans les relations) entre les personnages, leurs émotions, leurs amours. Et alors, The Crown prend une tournure différente de celle habituelle, donnant beaucoup plus de places à l'intimité de ses personnages et aux conséquences de leur liaison/désillusion/tension amoureuse sur leur santé mentale, leur état psychologique.

 

The Crown : Photo Lesley Manville, Timothy DaltonLa joie et les regrets

 

Avec esprit et perspicacité, la série ne s'empêche d'ailleurs désormais plus de revenir en arrière, replaçant les enjeux émotionnels de ses personnages à travers le temps pour mieux développer leur ressenti présent. Les retrouvailles entre Margaret et Peter Townsend (joué par l'ancien James Bond Timothy Dalton) sont sûrement les plus émouvantes de cette saison 5, les deux anciens amants repensant avec nostalgie à leur idylle passée (justement dans cet épisode 4). L'usure des sentiments entre Elizabeth II et Philip crée également un trouble saisissant dans l'épisode 6.

Le duo se doit de rester uni et complice pour la tenue de la monarchie alors même que la reine commence à douter du rapprochement de son mari avec la comtesse Penelope Knatchbull avec qui il entretient une relation amicale très intime. Et, alors même qu'ils se disputent cette compagnie trop régulière, la reine se rend à l'évidence lors d'un échange avec le Premier ministre John Major : la clé d’un mariage heureux se trouve sûrement dans le refus d’interférer avec l’âme de l’autre, pour vivre en harmonie (citant Anna Dostoïevski). Une conclusion douloureuse où Elizabeth II trouve finalement une compagnie à l’écoute et en osmose avec elle à travers ses corgis, sous le regard d'un Philip dépassionné.

 

The Crown : Photo Jonathan Pryce, Natascha McElhoneDes âmes perdues retrouvant une raison d'exister

 

QUAND ON N'A (même pas) QUE L'AMOUR

Autant dire que cette saison 5 parle surtout d'amour, de la perte de son intimité et de solitude à travers ces dix épisodes. Trois éléments majeurs ayant parcouru la vie de la figure phare de cette cinquième saison : Lady Diana. Incarnée par l'incandescente Elizabeth Debicki, la princesse de Galles est au coeur de tous les récits, le scénario se déplaçant au gré de ses mouvements et de ses actions. Et sans surprise, elle vole la vedette à tous les personnages gravitant autour d'elle, d'autant plus que Peter Morgan la met dans une position revancharde, appuyant son pouvoir de déstabilisation sur la famille royale.

Si l'appel téléphonique vénéneux entre Charles et Camilla rendu public (celui-là même où il désire être un tampon s'enfonçant au plus profond d'elle) n'est pas du fait de Diana, la série se repose essentiellement sur les propos de la princesse de Galles. Outre ses quelques confessions entre deux couloirs sur des vacances horribles ou des tensions avec Charles, la série prendra ainsi le temps de développer les tenants et aboutissants de son interview-choc à la BBC dans les épisodes 7 et 8, démontrant la perversité des médias de l'époque. Mais plus encore, cette saison 5 semble presque construire peu à peu une philosophie de pensée : le destin tragique de Diana était écrit.

 

The Crown : Photo Elizabeth Debicki, Salim DawEt si tout avait commencé là ?

 

Si la série fait évidemment des choix purement fictionnels, elle porte ainsi un regard personnel sur la future mort de la princesse du peuple. Par exemple, le changement de conviction de la reine sur le divorce en 1996, acceptant la séparation officielle (civil et religieuse) de Charles et Diana, a possiblement mené à cette tragédie. Et plus encore, dès l'épisode 3, c'est grâce à la reine Elizabeth que Diana fait la rencontre de Mohammed Al-Fayed (auquel le fabuleux épisode 3 est consacré), soit le père de son futur amant avec lequel elle perdra la vie sous le pont de l'Alma le 31 août 1997.

Sans jamais tomber dans l'hérésie, le sens du spectacle de Peter Morgan continue donc de faire des merveilles. Et si cette saison 5 fait le choix de s'arrêter quelques semaines avant le drame, on peut supposer que l'ultime saison de The Crown s'ouvrira sur de gros titres annonçant l'événement. Le moyen efficace de tourner la page de ce conte de fées devenu un cauchemar royal ? On l'espère.

La saison 5 de The Crown est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 9 novembre 2022

 

The Crown : Affiche française

Résumé

Délaissant les enjeux nationaux de l'Histoire britannique pour plonger dans une introspection intime d'une poignée de personnages, The Crown continue à transformer son simili-biopic de la famille royale en conte tragique.

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commentaires
Marie claire
18/11/2022 à 13:54

J'ai regardé les séries et je suis effaré et outré par Charles comment peut il être si inhumain ,si tourne vers lui et son bonheur, si égoïste Diana ne méritais pas cet homme et j'ai même penser qu'il pouvait être le commanditaire de ce qui est arrivé

Christine56
15/11/2022 à 12:37

L'actrice qui joue le rôle de Diana , est nulle , avec son regard forcé vers le bas et sa maigreur , n'est vraiment pas un bon choix ! Autant Diana avait ce regard très " peronnel" , et même si elle était anorexique , elle n'était pas cadavérique comme Elizabeth Debicki . Très mauvais choix qui ne rends pas honneur à Lady Di .....

Fefeee
14/11/2022 à 10:43

Nulissime ! Déçue, alors que je l'attendais avec impatience... Bref

Nesse
11/11/2022 à 16:16

Tout vient à point à qui sait attendre, Charles est devenu le tampon de Camilla et roi.
La saison 5 est en dessous des précédentes mais toujours passionnante. (Familles, je vous hais!)

Heliconie
11/11/2022 à 15:44

Très décevant, ennuyeux à regarder.

Judeh
10/11/2022 à 12:23

Tres decevant

Alexandre Janowiak - Rédaction
09/11/2022 à 18:38

@vore13

Absolument, c'est corrigé ! Merci !

vore13.
09/11/2022 à 14:37

"la cessation de Hong Kong"
ou rétrocession pour être plus exact..désolé du doublon

vore13
09/11/2022 à 14:33

"la cessation de Hong Kong" -> la cession plutôt non ?

sinon, encore une belle critique de l'équipe !

Eddie Felson
09/11/2022 à 13:57

Toujours au top semble-t-il! Tant mieux, je m’y plonge ce soir.

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