Formula 1 : Pilotes de leur destin saison 4 - critique à bout de course sur Netflix

Arnold Petit | 11 mars 2022 - MAJ : 11/03/2022 16:16
Arnold Petit | 11 mars 2022 - MAJ : 11/03/2022 16:16

Parmi les séries documentaires sportives de Netflix, quelques-unes comme l'incroyable Last Chance U (ou son spin-off Last Chance U : Basketball), Cheer ou la nostalgique The Last Dance se distinguent par leur excellence et Formula 1 : Pilotes de leur destin est l'une d'entre elles. Devenue un petit phénomène de la plateforme et du monde de la F1, la série est de retour pour une quatrième saison peut-être encore plus attendue que les précédentes, disponible depuis le 11 mars.

JOURS DE TONNERRE

Une compétition acharnée, des courses sous tension, des trahisons, des secrets, des guerres d'ego, des luttes fraternelles, des revirements de situation, des drames et, au final, vingt pilotes venus des quatre coins du monde et de milieux totalement différents qui s'élancent à plus de 300 km/h pour atteindre un rêve, un seul : remporter le titre de champion du monde.

La Formule 1 a tout d'un bon scénario, que le cinéma a plus ou moins bien essayé d'adapter avant que Netflix ne s'en empare. Acquisition rendue possible uniquement depuis 2017 et le rachat des droits commerciaux de la F1 par le groupe américain Liberty Media à Bernie Ecclestone après trente ans de règne durant lesquels le patron britannique de la F1 aura misé sur l'exclusivité et la télévision en refusant de se développer sur le web ou les réseaux.

 

Formula 1 : Pilotes de leur destin : photoRemplacer les pneus usés par de nouvelles gommes, vite et bien

 

Formula 1 : Drive to Survive (traduit par Pilotes de leur destin pour des raisons encore inconnues) a donc ouvert les portes de ce sport longtemps resté hermétique et en a dévoilé les arcanes comme aucun film ou documentaire ne l'avait jamais fait avant. Derrière les aspects stratégiques, politiques ou économiques abordés d'épisode en épisode, la série montrait surtout la Formule 1 dans tout ce qu'elle a de plus cruel, terrifiant, injuste, sincère, merveilleux, dramatique. Dans tout ce qu'elle a de plus humain et passionnant.

Le succès a été phénoménal dès la première saison et la troisième a même atteint la première place du top mondial de Netflix pendant quelques jours, attirant toujours plus de nouveaux et jeunes spectateurs vers la discipline (notamment aux États-Unis). À tel point que la date de sortie de la série est devenue un événement à part du calendrier et que Stefano Domenicali, le président de la F1, a récemment vanté "l'effet incroyable" qu'elle a eu sur la Formule 1 et l'élargissement de son public.

Alors après une des saisons les plus marquantes de ces dernières années, avec la rivalité entre Mercedes et Red Bull et entre Lewis Hamilton et Max Verstappen à son apogée, jusqu'au dénouement controversé dans le dernier tour de la dernière course qui a vu le jeune pilote décrocher le titre devant le septuple champion, cette quatrième saison de Formula 1 : Pilotes de leur destin s'annonçait encore plus folle. Et la série en est bien consciente. Le montage d'introduction suffit à lui seul à faire renaître cette excitation bouillonnante et familière qui fait oublier que la fin de l'histoire est déjà écrite.

 

Formula 1 : Pilotes de leur destin : photoL'accident spectaculaire à Monza entre Hamilton et Verstappen, un des grands moments de la saison

 

Weekend of a Champion

Même si quelques nouvelles têtes font leur apparition dans les paddocks ou devant la caméra, Formula 1 : Pilotes de leur destin a conservé tout ce qui a fait sa réussite depuis trois saisons : un mixage sonore immersif, des plans filmés au plus près et un découpage thématique où chaque épisode suit une écurie ou un pilote en particulier à travers des extraits de courses, des images exclusives et des interviews des pilotes, des directeurs d'écuries et de proches, entre exercice de style et portrait plus intime.

Chacun connaît d'ailleurs bien son rôle maintenant, ce qu'il doit dire ou faire une fois devant la caméra, et certains, comme George Russell, se rassurent d'apparaître un peu plus longtemps après avoir été coupé au montage l'année dernière. Comme d'habitude, la série retrace le championnat en se focalisant sur quelques Grands Prix marquants et s'appuie toujours sur ces personnalités atypiques qui se sont imposées comme les héros de la série au fil des saisons.

 

Formula 1 : Pilotes de leur destin : photoDaniel Ricciardo et son nouveau directeur d'écurie chez McLaren, Zak Brown

 

Le fameux sourire de Daniel Ricciardo s'efface avec son arrivée chez McLaren et sa relation passive agressive avec son nouveau coéquipier Lando Norris jusqu'à la victoire libératrice de Monza tandis que Yuki Tsunoda et Esteban Ocon partagent un épisode plus tranquille autour de leurs débuts dans ce milieu impitoyable, loin de leurs racines.

Dans les stands, Christian Horner continue de mener une guerre presque obsessionnelle face à Toto Wolff qui essaie de garder son visage impassible et la tension entre Mercedes et Red Bull s'accroît à mesure que Lewis Hamilton et Max Verstappen s'accrochent et se disputent les victoires sur la piste. Cependant, si la bataille pour le titre occupe une majeure partie des épisodes, cette quatrième saison souffre évidemment de l'absence de Max Verstappen, qui a refusé de participer à la série Netflix, lui reprochant d'être trop scénarisée et "d'inventer beaucoup de choses".

 

Formula 1 : Pilotes de leur destin : photoMême sur les photos, il est caché

 

À peine mentionné avant les derniers épisodes, le champion du monde néerlandais apparaît en arrière-plan, avec les images de course, les caméras embarquées ou quand il discute avec un autre pilote, mais sa version des faits manque cruellement au duel que la série met en scène et n'est finalement racontée qu'à travers les déclarations de Christian Horner. Le directeur de Red Bull est donc omniprésent tout au long de la saison pour se faire le porte-parole du jeune prodige entre deux piques adressés à son homologue de Mercedes, parfois jusqu'à devenir insupportablement erratique ou accaparer l'attention au détriment d'autres pilotes.

Malgré sa pole position et son départ avorté chez lui lors du Grand Prix de Monaco, Charles Leclerc est relayé au rang de personnage secondaire, comme Ferrari, quand d'autres sont tout simplement inexistants : Sergio Pérez, coéquipier de Verstappen qui a pourtant joué un rôle capital dans son sacre, Sebastian Vettel, Lance Stroll ou encore Kimi Raikonnen, qui disputait sa dernière saison en Formule 1 à 42 ans après 19 saisons, 21 victoires, 103 podiums, le record du nombre de départs (342) et un titre de champion en 2007.

 

Formula 1 : Pilotes de leur destin : photoLewis and the News 


RUSH

À force de se focaliser sur Mercedes et Red Bull, Formula 1 : Pilotes de leur destin en finit par négliger les autres écuries, les petites, les oubliées, celles que la série suivait pourtant dans sa première saison avec tendresse et une touchante émotion, qui s'est malheureusement perdue au profit du spectacle et des gros noms.

Un des chapitres est bien dédié à Williams, à la vente de la prestigieuse écurie familiale et au départ de Claire Williams qui cède sa place à Jost Capito. Mais malgré l'hommage à Frank Williams, légendaire fondateur disparu en novembre 2021, l'épisode semble surtout être une opportunité de préparer la suite et d'introduire George Russell avant qu'il se retrouve au volant d'une Mercedes la saison prochaine aux côtés de Lewis Hamilton.

 

Formula 1 : Pilotes de leur destin : photoD'anciens alliés à frères ennemis

 

Devenu un des personnages cultes de la série avec son accent presque caricatural et sa malchance qu'il tourne à l'autodérision, Guenther Steiner a bien le droit à son traditionnel épisode dans lequel il se bat contre les sempiternelles faux-pas de l'écurie Haas et la différence de niveaux entre ses deux nouveaux pilotes. Contrairement à Mick Schumacher, le fils du légendaire Michael Schumacher, Nikita Mazepin ne parvient pas à prendre ses marques et multiplie les erreurs sans les assumer.

En revanche, plutôt que de s'attarder sur l'influence néfaste de Dmitry Mazepin, le père du jeune Russe et le nouveau sponsor de l'écurie, qui va jusqu'à menacer de retirer son financement si son fils n'a pas la même configuration sur sa voiture que celle de Mick Schumacher (alors que c'est déjà le cas), la série réécrit complètement l'histoire et le Grand Prix de Russie.

Pour que l'épisode se termine plus ou moins bien, la décision de Mazepin de chausser des pneus adaptés à la pluie en fin de course avant tout le monde est présentée comme un coup de génie qui lui permet de "battre Latifi et Mick" alors qu'ils avaient déjà tous les deux abandonné depuis plusieurs tours et que le pilote russe a terminé bon dernier, en étant le seul à avoir deux tours de retard sur Lewis Hamilton. De quoi donner raison aux critiques de Max Verstappen.

 

Formula 1 : Pilotes de leur destin : photoDans les moindres détails

 

Et c'est sûrement l'un des problèmes majeurs de cette nouvelle saison : tout est presque trop soigné, trop orchestré, trop beau pour être vrai, comme ce dîner devant les caméras entre Valtteri Bottas et Toto Wolff après que le pilote finlandais a appris que le directeur de Mercedes avait préféré engager George Russell plutôt que le reconduire pour la saison prochaine. Les équipes de production font partie intégrante des stands et de la vie du paddock désormais et n'essaient plus de bousculer ceux qu'ils filment confortablement ou même d'apporter un peu de profondeur aux événements.

Lewis Hamilton est peut-être l'un des deux personnages principaux de cette saison, mais ses inquiétudes concernant les conditions d'accueil du public à Silverstone au Grand Prix de Grande-Bretagne ou sa peur d'attraper à nouveau le Covid-19 à cause des nuées de fans qui l'encerclent à chaque course se perdent au milieu des dramas qui se répètent inlassablement, comme l'amitié naissante entre Charles Leclerc et Carlos Sainz ou la détresse de Valtteri Bottas.

 

Formula 1 : Pilotes de leur destin : photoObserver attentivement l'ennemi

 

Après le tournage, l'épisode autour de Haas, Nikita Mazepin et son père oligarque trouvent une résonance toute particulière aujourd'hui alors que la Russie est bannie de toutes les compétitions sportives. À la suite de l'invasion de l'Ukraine, l'écurie américaine a mis fin à son contrat avec Nikita Mazepin et Uralkali, la société de Dmitry Mazepin, et rappelé Kevin Magnussen qui avait été libéré il y a deux ans.

Une affaire qui va sûrement déjà alimenter la prochaine saison de Formula 1 : Pilotes de leur destin, comme les changements drastiques sur les monoplaces ou la nouvelle réglementation, alors que la série vient à peine de faire son retour et que le premier Grand Prix du championnat de 2022 n'a même pas encore eu lieu. Une course que les fans suivront sans doute dès le premier virage en attendant de la redécouvrir avec les yeux de Netflix, dans une excellente série, mais peut-être pas si réaliste que ça.

La  saison 4 de Formula 1 : Pilotes de leur destin est disponible en intégralité depuis le 11 mars sur Netflix

 

Saison 4 : Affiche officielle

Résumé

Même si la série-documentaire est toujours aussi captivante et impeccable, cette quatrième saison de Formula 1 : Pilotes de leur destin aurait probablement été encore meilleure si elle n'était pas aussi superficielle et articulée autour d'une incroyable histoire qu'elle ne peut raconter qu'à moitié.

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Lecteurs

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commentaires
Macepijel
07/04/2022 à 10:28

Le nombres d’interviews est insupportable ! On veut voir des faits de course. Au lieu de cela c’est bla-bla-bla avec des monologues qui disent et redisent sans cesse les mêmes évidences. Je n’ai vraiment pas aimé

Fafane
16/03/2022 à 17:32

Commentaires un peu sévères mais juste sur la scénarisation..
Par exemple, mettre au même plan , pour les besoins d'un épisodes, Tsunoda et Ocon alors que l'un débute et l'autre a plus de 2 ans de GP derrière lui est complètement fabriqué.
Comme de passer complètement sous silence le rôle essentiel d'Alonso dans la victoire d'Ocon
Bon point par contre, on découvre un Tsunoda complètement surprenant et marrant.
Autre bon point, on découvre que Horner a vite laissé tombé l'embrouille du début du GP, d'Abu Dhabi pour se concentrer sur la course.

Ethan
13/03/2022 à 02:57

Franchement sui s'intéresse à la f1 depuis Schumacher ?

Emynoduesp
12/03/2022 à 23:22

Mouais, le postulat de base etait pourtant bien.
Avec tout ce qui est tourne, il doit y avoir de quoi faire de beaux episodes sans avoir a scenariser un truc abracadabrantesque.
Je n ai vu que quelques episodes de la saison un, le commentateur et le ”un jour, un heros” auront eu raison de mon envie.d aller au bout.

Momo
11/03/2022 à 15:11

Max la menace a eu bien raison de ne pas venir dans cette galère.

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