Outer Banks saison 1 : critique des Goonies pour les nuls, sur Netflix

Mathieu Jaborska | 22 avril 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 22 avril 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Désormais grand manitou de la teen-série, Netflix ne se cache même plus de piller ses propres programmes pour en faire des super-compilations. Une pincée de Stranger Things (l'actrice Madelyn Cline), un zeste de Riverdale et une cuillère à soupe de On My Block mijotent dans le gros bouillon indigeste Outer Banks, conçu par ses créateurs Shannon BurkeJonas et Josh Pate comme un appel à l'aventure. Mais l'aventure en elle-même laisse un arrière-goût de réchauffé.

IT'S A TRAP !

Le filtre orange qui teinte la quasi-intégralité des plans et les événements des 2 premiers épisodes ne ménagent pas leurs efforts pour forcer la comparaison avec Les Goonies, madeleine de Proust de la moitié des abonnés de la plateforme. Kiara, Pope, JJ et John B, souffrant encore de la disparition d’un paternel peu expert dans l’art des patronymes, tombent sur un bateau gisant au fond du marais après une tempête. Il sera question de retrouver un trésor ancestral et convoité par bien des âmes malveillantes.

Voilà un pitch très pratique pour entraîner des spectateurs naïfs dans les mailles du filet. Très vite, ils comprendront les raisons de la pauvreté de la mise en scène et de la présence de mannequin trentenaires tous droits sortis du dernier catalogue La Redoute, dans les rôles d’adolescents de 16 ans en pleine découverte de leur sexualité. Dès l’épisode 3, l’aventure promise se met littéralement en pause pour cause de mer trop agitée, de crise de nerf d'un des membres de la bande ou de la raison décidée par le scénario, afin de mieux se consacrer à des amourettes soap toutes droites sorties du plus dégoulinant des téléfilms M6.

 

photoNetflix and chill

 

Tout y passe, d’une bande originale quasi-intégralement composée de faux rock californien des années 2000 aux escapades romantiques qui se terminent en baiser sur le port, en passant par le personnage de pervers narcissique jaloux et destructeur. La chasse au trésor ne fait plus office que de fil rouge à l’épreuve de l’élasticité de l’intrigue. Elle fait des pieds et des mains pour jeter ses petits héros bodybuildés dans les bras les uns des autres, au risque de reléguer certains d’entre eux au rang de bad boy irrésistible ou de machine à friendzone (Kiara, un véritable bout de viande dans le groupe).

Les amateurs de cinéma d’aventure, du moins ceux qui n’ont pas encore décroché, se consolent grâce aux passages obligatoires de ce genre d’histoires (telle une visite aux fameuses archives), ou grâce à quelques morceaux d’action ou de tension qui se démarquent dans la forme. On peut citer l’épisode 6, sorte de remake peu inspiré du Don't Breathe de Fede Alvarez, ou bien sûr la dernière partie, pourtant encore une fois un prétexte pour développer une amourette parasitant de plus en plus le récit, au point qu’elle finit par motiver tous les enjeux, ou presque.

 

photoLa saison des rateaux

 

LA LUTTE DES CLASSES POUR LES NULS

Car le vrai nerf de la guerre, ici, c’est le social, thématique presque aussi importante que les hormones des protagonistes pour Netflix. Les "Outer Banks" du titre, archipel d’îles où vivent nos héros, sont le théâtre d’affrontements entre les "pogues" et les "kooks". La séquence de la fête du début explique bien en voix-off les différentes catégories de population qui parcourent ce microcosme où tout le monde parle d’Instagram, mais où personne n’utilise son téléphone portable. Il y a les touristes, les pauvres et les riches. Les premiers n’existent simplement pas, les deuxièmes sont les personnages principaux, et les derniers sont pour la plupart les antagonistes.

Sur le papier, c'est loin d’être bête, et d’ailleurs, la structure globale de la saison s’accorde parfaitement avec l'idée suivante : se lancer dans la quête d’une grosse somme d’argent peut s’avérer moins romantique que prévu dans un pays rongé par les inégalités. Dommage que l’intrigue fasse tout pour gâcher une telle réflexion, accumulant peut-être tous les clichés possibles et imaginables à propos des deux camps. Les Outer Banks représentent une vision des Etats-Unis rêvée par un scénariste feignant, où les riches sont excessivement riches et irritants, et les pauvres, excessivement libres ; même si certains parents sont alcooliques et frappent leur gosse, cela va de soi.

 

photoObservation d'un individu aisé dans son habitat naturel

 

Comme si cela ne suffisait pas, la psychologie des différents protagonistes et antagonistes est perpétuellement soulignée et surlignée, histoire de faire passer au forceps l’illogisme complet du pétage de plomb de la dernière partie, chasse à l’homme reposant exclusivement sur les incohérences passées. Loin de nous l’idée de reprocher aux auteurs de la série de s’enflammer un peu sur la fin. Mais encore faudrait-il que cette poursuite mettant en scène une police aussi incompétente qu’indigne de confiance (le récit se serait clôt en 5 minutes s'il n’y avait pas la queue chez les garde-côtes), repose sur des rebondissements crédibles.

A force de tirer vers le drame adolescent mélo et le commentaire social incapable de nuancer son propos, l’intégralité de l'aventure finit par ne plus faire sens, à commencer par la crédibilité d’un méchant pourtant annoncé en grandes pompes. S’il est si menaçant, c’est bien parce que son entourage est d’une stupidité rare.

Enfin, le dernier acte ubuesque se termine sur un cliffhanger odieux, oubliant complètement le pitch original et ne résolvant rien, sinon une romance téléguidée. Conclusion de l’intéressée : en fait c’est vachement mieux de vivre chez les pauvres et leurs abdos. Conclusion de Netflix : on vous commande une saison 2 ?

 

Affiche officielle

Résumé

La promesse d'une chasse au trésor exaltante s'évapore très vite au profit d'une effervescence adolescente nauséeuse et d'un propos social qui s'auto-sabote royalement. Reste des beaux gosses en maillot de bain et une référence à C.H.U.D.. Maigre butin.

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commentaires

07/08/2022 à 17:04

J ai vecu mon adolescence en Martinique. Ce type de romance existe bien dans notre communauté éduquée à l' ancienne, soirée dans villa, sexe mal vu, touristes vus comme des blaireaux, alcoolisme parents et jeunes en bateaux et jet ski, rivalité et combats, population antillaise plus pauvre et rejeté des communautés ri he et souvent blanche et ancestrale. Drogue également. Flics métropolitain en mission de deux ans qui jettent l éponge. Je pense que votre critique est celle de métropolitains qui ne comprennent pas la structure ni la culture des îles ou quasi indépendantes tels qe outer banks. Si c est un cliché pour vous c est une réalité pour nous. Car un cliché à une base de realité. Vous critiquez ce monde à partir de votre vision culturelle du monde. Quel dommage.

Rere
26/04/2020 à 00:58

Énormes incohérences ! Attention spoil....
Pourquoi tous courent après la boussole que seul le père de John B. savait sa valeur pour y avoir gravé Redfield... Comment la femme du marin échoué savait elle pour la boussole, le message que seul John B. saurait trouver etc... puisqu'il n'est pas rentré de sa sortie en mer qui d'ailleurs n'est pas logique... Bref déçu par l'intrigue qui portait selon moi l'essentiel de la série.

Tauxi
23/04/2020 à 22:12

@Angra

Ah mais c'est génial ça, tu va donc pouvoir nous éclairer de tes lumières sur ce qu'est le véritable rock californien de ces années là (et ça nous permettra également de piger quel est finalement le problème avec le contenu de cet article car là y'a de quoi se poser des questions sur l’intérêt de ton intervention...)

Angra
23/04/2020 à 21:19

@Tauxi
Merci pour ta réponse
Au passage, j'anime depuis 23 ans une émission musicale consacrée au hard rock et ses dérivés sur une importante radio locale du centre de la France , donc en matière de rock........Merci quand même.

Tauxi
23/04/2020 à 19:40

@Angra
Ah ok donc t'y connais vraiment rien, tu pose la question qu'est ce que le bon rock californien des années 2000 en t'attendant à un style particulièrement calibré mais les styles musicaux ne fonctionnent pas ainsi.
Le terme rock est générique est englobe de multiple styles...
Bon maintenant t'as posé une question c0nne sois disant qu'un critique cinéma ne peux pas être à la fois un connaisseur en musique, pas la peine de tergiverser pendant des jour sur le fait que c'était une remarque stµpide.

Au passage-->Google/rock californien années 2000 pour parfaire ta culture musicale et comprendre un peu mieux ce que tu crois connaitre.

Angra
23/04/2020 à 16:56

@Tauxi
Salut. Tu cite tout un tas de groupe que je connais pour la plupart MAIS hormis le fait qu'ils viennent peut-être de Californie, je ne vois de point commun entre eux. Les Guns sont un groupe de hard rock et leurs musique n'a rien à voir avec Rage par exemple. Les Doors ressemblent ils à The Offsprings? Non. Le rock californien peut être pratiquer par des groupes qui ne sont pas de cet état. Il en existe même en France.
Salutations à toi.

Tauxi
23/04/2020 à 05:46

@Angra
Alors en rock Californien des années 2000, nous n'avons effectivement pas grand chose de connu:
Red Hot Chili Pepers.Everclear. Bad Religion. Weezer. The Offspring. System of a Down. Green Day, Rage Against the machines, Guns'N Roses, les Doors...

Bon ok, bon nombre de ces groupes sont apparus avant mais ils ont tous sorti des succès pendant les années 2000 qui ont fortement contribué au style de rock de cette époque
Y'en a tellement qu'il n'y a même pas besoin d’être un fin connaisseur pour en parler.

Jeff
23/04/2020 à 01:49

Perso j'ai vraiment aimer la série et je suis prêt pour une 2ieme saison!

Eddie Felson
22/04/2020 à 20:24

Je soutien la comparaison avec le classique de Richard Donner, Les Goonies :
- le héros dans l’attente d’une expulsion de chez lui : ici, dans l’attente du placement dans une famille d’accueil
- une bande de potes, garçons & filles, les pogues fauchés et habitants les quartiers pauvres d’une région cotière des USA comme dans les Goonies
- opposition des classes : quartiers pauvres contres quartiers riches au-travers de 2 bandes rivales
- l’un des Pogues (fauchés) qui s’amourache de la belle de la bande adverse qui sort déjà avec l’un de ses membres comme dans les goonies
- la recherche d’un trésor perdu depuis des lustres et censé être sur un vieux navire disparu comme dans les goonies
Bref, vous changez l’époque, passez de l’Orégon aux côtes de la Caroline du Nord, vous enlever la bande des Fratellis et vous avez « Outer Banks »!
Donc oui, @ouinouin la comparaison avec le film était on ne peut plus justifiée dans cette article!

insgardoced
22/04/2020 à 19:03

Moi j'ai très bien aimé.
La serie donne ce que l'on attend.
C'est pas benjamin gates ou lara croft mais des ados qui recherchent un trésor.
Perso j'adore les goonies mais a part la recherche d'un trésor y'a aucun lien ni aucun clin d'oeil.....aucun mais aucun rapport!!!!
Critique très bizarre mais acceptable si vous prenez cette série pour une sorte de tonie new âge et par pour ce qu'elle est: UN SIMPLE TEEN MOVIE.

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