Netflix prévient, si Cannes ne change pas ses règles, le Festival se passera de Scorsese et Orson Welles

Sophie Sthul | 29 mai 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Sophie Sthul | 29 mai 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Un des grands débats qui aura agité la planète cinéma lors du 70ème Festival de Cannes fut la présence en compétition de productions Netflix.

Okja et The Meyerowitz Stories ont échauffé les esprits. En cause, le choix de Netflix de ne pas diffuser ces films en France dans les salles de cinéma. D’où une contestation violente de la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF), qui menaça la Croisette de représailles si des créations non programmées en salles devaient être montrées en compétition.

 

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Okja, produit par Netflix

 

Débat houleux, auquel la Croisette répondit par un communiqué affirmant que les films présentés dès 2018 devraient impérativement être distribués sur grand écran. Une annonce assumée par Pedro Almodovar, Président du Jury, qui annonçait dès la conférence de presse d’ouverture du Festival ne pas souhaiter honorer des films écartés des salles de cinéma.

Et comme on pouvait s’y attendre, la forme n’a pas tardé à réagir. Il y a quelques jours, nos excellents confrères du Point Pop sont allés demander ce qu’il pensait de tout ça au responsable de la communication de Netflix pour le territoire Européen, Yann Lafargue.

 

Photo

Pedro Amodovar

 

Première constatation, le monsieur s’exprime avec un franc parler des plus rares, et fait une série de déclarations très intéressantes. Tout d’abord, il annonce que la société paie bien sa TVA en France, contrairement à ce qu’affirmait la FNCF. Il rappelle ensuite que Netflix ne s’oppose pas en tant que tel à la salle, mais refuse de composer avec la chronologie des médias française, qui lui interdit de sortir simultanément ses productions en salles et sur sa plateforme, rappelant que Okja et The Meyerowitz Stories sortiront bien au cinéma en Corée et aux Etats-Unis.

Ensuite, Yann Lafargue répond à la position de Pedro Almodovar, avec un certain sens de la diplomatie.

«  Almodóvar a une vision très romantique, c'est vraiment la querelle des anciens et des modernes. Son approche est celle des baby-boomers, attachés à la prééminence de la salle. »

 

Photo Adam Sandler , Ben Stiller

The Meyerowitz Stories, produit par Netflix

 

Là où notre attention se décuple, c’est quand le porte-parole évoque la situation avec le Festival de Cannes, non sans souligner que Netflix discute toujours avec le CNC pour obtenir un visa temporaire permettant une sortie salles.

Il explique notamment qu’à son sens, Thierry Frémaux n’est aucunement responsable du blocage actuel.

« Thierry Frémaux est dépassé par la polémique, il est pris en otage par cette optique purement franco-française, et j'en suis désolé pour lui. »

Plus inquiétant, mais logique, Laffargue rappelle que si la règle édictée par le Festival pour répondre à la polémique initiée par la FNCF, prévoyant que des films non-distribués en salles ne pourront plus concourir, alors la Croisette devra se passer des films Netflix.

 

orson welles

Orson Welles, la grosse (re)prise du Festival de Cannes

 

Une situation terrible pour la manifestation, puisque le géant de la SVOD produit entre autres, la restauration et le sauvetage d’un film inédit d’Orson Welles.

 «  Si la nouvelle règle énoncée par le festival est toujours en place en 2018, tant pis, on le montrera ailleurs ! »

Manière de souligner que Netflix souhaite justement collaborer avec le Festival de Cannes. Un point d’autant plus important que l’entreprise s’occupera également des nouveaux Scorsese, Jeremy Saulnier, ou encore Duncan Jones, pour ne citer qu’eux…

 

Oscars

Martin Scorses, la grosse prise de Netflix

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commentaires
Riku
30/05/2017 à 12:56

@Paheon

Non, ça veut juste dire que tu as un avis et une vision des choses. Pas que c'est la réalité.

10 dernières Palmes avant The Square : Daniel Blake, Dheepan, Winter Sleep, Adèle, Amour, Tree of Life, Oncle Boonmee, Le Ruban Blanc, Entre les murs, 4 mois 3 semaines 2 jours. En quoi est-ce la "mode" ? Les jurys changent chaque année, viennent des quatre coins du globe, les films sont très différents (et encore une fois le palmarès en entier témoigne d'une diversité claire, avec des films très populaires remarqués, de Drive à Mommy). Que ça ne plaise pas à chacun de nous, c'est une autre question. Mais je ne vois pas en quoi ce serait la "mode" de primer des films parfois difficiles, conceptuels, novateurs, extrêmes, qui sont de l'ordre de la proposition de cinéma.

Après, si par élitisme on entend que Cannes ne couronne par le film qu'on pourra aller voir avec toute sa famille, au multiplexe du coin, qui ferait un super film du dimanche soir avec une glace dans la main, qui ne froissera ou perturbera ou n'interrogera rien ni personne, et qui rend compte de la réalité de notre monde (comme les films sur le Vietnam d'hier, au hasard) : oui ok, dans ce cas on pourra dire que c'est "élitiste". Mais encore une fois, je ne vois pas en quoi Cannes devrait récompenser des films dans l'optique de plaire au plus grand nombre, de rassembler et satisfaire pleinement et simplement, et éviter de parler politique, société ou autre. Surtout que là où s'arrête ton élitisme commence le populisme d'un autre.

Bref, beaucoup et toujours les mêmes critiques contre Cannes et ce genre d'événement, avec souvent de la caricature, et souvent l'oubli que les chefs d'oeuvres qu'on vénère aujourd'hui ont parfois été portés par des cérémonies et festivals, alors qu'ils étaient considérés comme nuls, dangereux, obscurs ou prétentieux à leur époque. Suffit de jeter un oeil aux 60 dernières années de l'Histoire du cinéma.

Kean
30/05/2017 à 10:31

@Paheon
Non, ça veut juste rien dire ton truc.
Le problème d'être réducteur..

Paehon
30/05/2017 à 10:08

@RIku

Ok je suis (un peu) tombé dans la caricature mais il faut quand même admettre que depuis une quinzaine (vingtaine ?) d'années les palmes d'or sont devenus ultra élitistes et suivent avant tout la mode et/ou l'actualité pour choisir les lauréats et gagnants.

Riku
30/05/2017 à 09:18

Bien sûr. Daniel Blake, Dheepan, La Vie d'Adèle, Tree of Life, Fahreiheit 9/11, Le Pianiste, Dancer in the Dark, Pulp Fiction (et encore, sans parler des autres prix à côté des Palmes : Drive, Inside Llewin Davis, Old Boy, La Vie est belle, Mommy, Polisse, Persepolis, The Artist....) sont des films vus par 3 spectateurs.

Et bien sûr, Netflix ne diffuse que des Stranger Things, War Machine, Okja. Des trucs comme The Get Down, annulé en silence après une saison hors de prix, sont ultra populaires. Et il n'y a aucun film nul sur la plate-forme.

Faudrait peut-être nuancer un minimum les clichés... Et aussi, se demander en quoi Cannes ou un festival devrait être plus "populaire", comme si c'était un gros mot de montrer et soutenir un cinéma plus extrême. Je doute que tout le monde soit ravi si demain, La Famille Bélier ou un film de ce genre reçoit le Grand Prix du Jury et le César du meilleur film. Et je doute aussi fortement que Netflix soit ce doux paradis : c'est un gros business, qui a déjà montré ses premiers vices (virer le showrunner de House of Cards parce qu'il ne voulait pas leur obéir, par ex). Je sais qu'on est à une période où Netflix semble être la réponse à beaucoup de choses, l'el dorado des cinéphiles basé sur quelques séries et films réussis et excitants, mais ça reste une machine énorme, qui n'a pas grand chose de plus noble que ceux qui ont des "subventions" (encore un gros mot ?)

Paehon
30/05/2017 à 09:07

Ce n'est pas illogique que pour concourir à un festival sur le CINEMA qu'un film doive d'abord passer par la case... CINEMA.

Après Cannes ne récompense que des films qui ont eu que 3 spectateurs en moyenne, donc Netflix est leur pire ennemi. Et il ne faudrait pas toucher à leurs subventions non plus...

MystereK
29/05/2017 à 20:00

Apparemment Cannes se veut élitiste et n'aime pas que les films puissent être à portée du plus grand nombre (Netflix atteint plus de monde que les salles d'arts et d'essai parisienne) et pour une durée bien plus longue qu'une sortie en salle. Le mode de distribution importe peu du moment que les gens peuvent voir les films. Netflix, c'est leur argent, ils font ce qu'ils veulent.