De Jurassic World à Jurassic Park : Les origines du culte préhistorique

Jacques-Henry Poucave | 9 juin 2015
Jacques-Henry Poucave | 9 juin 2015

Alors que la plupart des suites tardives, reboots et autres remakes provoquent le plus souvent l’agacement ou l’indifférence du public, Jurassic World s’annonce comme un succès impérial pour Universal et l’un des films les plus attendus de l’année. Descendant lointain de Jurassic Park, il réactive un culte que nous allons tenter d’analyser.

 



DESSINE-MOI UN DINO

Depuis des décennies, les dinosaures font partie de l’imaginaire collectif, à fortiori de celui des enfants. De livres d’images en jouets, des millions de gosses manipulent ou imaginent ces lézards géants, sortes de dragons bien réels et donc absolument fascinants.

Le Septième Art l’a bien compris, et depuis Le Monde Perdu de 1925, il donne régulièrement vie aux mythiques sauriens. De King Kong à La Vallée du Gwanghi, on ne compte plus les apparitions de ces fantastiques créatures. Pour autant, difficile d’y croire, ni l’animation image par image, ni les varans maquillés  grossièrement ne parviennent vraiment à ressusciter les prédateurs préhistoriques.

Le choc initial de Jurassic Park provient donc de ce sentiment vertigineux, celui de voir pour la première fois de véritables dinosaures. Le sentiment de réalité sera tel que la représentation des dinos en sera bouleversée jusqu’à aujourd’hui, personne n’ayant osé véritablement sortir du canon esthétique établi par Steven Spielberg (à part Peter Jackson et son formidable King Kong).

 

 

PLUS VRAI QUE NATURE

Bien sûr, Abyss et Terminator 2 étaient déjà passés par là, mais avec Jurassic Park, la révolution à venir dans le domaine des effets spéciaux devient palpable. Pour la première fois le grand public réalise que le cinéma est sur le point de basculer dans une nouvelle ère, qu’il est désormais en mesure de lui montrer des choses qui n’existent pas.

Qu’un film peut représenter des éléments totalement synthétiques, absents du plateau de tournage. Et si le making-of du film (à l’époque jugé tellement impressionnant qu’il sera vendu séparément en VHS) fait la part belle aux images des gigantesques robots avec lesquels ont dû interagir les acteurs, ce ne sont pas les images que tout le monde retient.

 

  

Plus sidérantes, celles des comédiens jouant face au vide retiennent définitivement l’attention. Les silhouettes des dinosaures générées de toutes pièces par informatique imprègnent les mémoires et les termes « images de synthèse », « CGI », se répandent. La presse se demande déjà « pourra-t-on faire un film sans acteurs ? » Des perspectives affolantes, qui accompagnèrent le film et sa légende.

 

UN FILM PRÉHISTORIQUE ?

Il apparaît clairement aujourd’hui que la longévité du film ne s’explique pas seulement par ses innovations techniques ou son efficacité globale. L’œuvre de Spielberg fonctionne aussi (surtout) comme une fable cruelle, visionnaire, annonciatrice de l’ouragan qui allait déferler sur le cinéma de divertissement.

Une réplique du film est particulièrement éclairante. Alors que l’archéologue Alan Grant et le mathématicien Ian Malcolm viennent de découvrir les dinosaures qui peuplent le parc, le premier dit à sa compagne et consœur « Nous sommes au chômage », avant que Malcolm lui réponde : « Vous voulez dire éteints ? »

 

  

Un échange qui a bien eu lieu pendant la préparation du film, alors que les responsables des effets physiques et de la stop motion découvraient les tests des effets numériques, comprenant instantanément que leurs métiers étaient en voie de disparition.

Plus encore qu’un survival teinté d’aventure, Jurassic Park est une métaphore visionnaire de ce qui attendait les blockbusters. C’est à dire la création d’une technologie de pointe absolument fascinante et délirante, capable de tout, mais appelée à devenir incontrôlable.

En revoyant aujourd’hui la scène où le T-Rex s’échappe de son enclot sous le regard médusés des visiteurs du parc, impossible de ne pas songer aux super-productions actuelle, dont la course au spectaculaire semble sans limite, et dévore littéralement les personnages, les scénarios, et les ambitions.

En nous précipitant un peu plus tôt que prévu dans le XXIème siècle, Jurassic Park n’a pas seulement lâché sur le Septième Art des prédateurs incontrôlables et affamés, il a involontairement provoqué l’extinction de tout un pan du cinéma de divertissement. Un fait d’autant plus intéressant que beaucoup considèrent que c’était Steven Spielberg déjà, qui avait donné sa forme au blockbuster avec Les Dents de la Mer, accélérant le retour en force des studios après l’avènement du Nouvel Hollywood.

 

 

À ces éléments s'ajoute bien sûr le talent du réalisateur, qui nous a offert avec Jurassic Park une leçon de mise en scène, de suspense et de grand spectacle. Car le mérite de l'œuvre originelle est justement son dosage miraculeux, qui permet au public de passer de l'émerveillement à la terreur en un clin d'œil. C'est cet équilibre, combiné à aux ingrédients cités plus haut, qui fait du film encore aujourd'hui une éclatante réussite.

Tout savoir sur Jurassic World

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commentaires
jimmy76
10/06/2015 à 13:27

Un film de mon enfance, j'avais tellement était fasciné, que sa restera gravé.