Jurassic Park 4 : ce scénario (débile) abandonné qui a inspiré les Jurassic World

Jurassic Park 4 et ses dinosaures à l'ADN humain n'ont jamais vu le jour, pourtant l'un de ses scénarios absurdes a largement inspiré Jurassic World et ses suites.

Jurassic Park III de Joe Johnston ne devait pas clôturer la saga initiée par Steven Spielberg en 1993. La suite, envisagée dès 2001, est écrite par William Monahan (Kingdom of Heaven) avant qu'il ne laisse sa place en 2004 à John Sayles. Recommandé par Spielberg, qui produit le projet, l'auteur prolifique dans le cinéma de genre (Piranhas, Hurlements) va écrire un script, basé sur celui de Monahan, proche du nanar. Internet s’affolera des années après à la vue de concept arts de Carlos Huante présentant des chimères mi-humaine mi-dino destinés en réalité à une version plus folle du scénario de Sayles. La société d’effets spéciaux ILM démentira d’ailleurs à Screenrant l’officialité des designs.

Si les internautes n’ont retenu que les dinosaures hybrides de l’intrigue de John Sayles, à la lecture du scénario disponible en ligne on se rend compte qu’il y avait multitude d’autres idées débiles et impensables pour la saga Jurassic Park. Pire que ça, on en retrouve même beaucoup dans la trilogie Jurassic World.

 

 

 

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The jurassic squad

Le monde est en crise, les dinosaures ont envahi la planète, ce qu'illustrent les scènes d’ouverture avec un match de baseball attaqué par des Ptérodactyles et des Compsognathus faisant du bateau sur des noix de coco. Mais John Hammond a un plan pour exterminer les animaux préhistoriques : en libérer de nouveaux, stériles, pour une extermination douce façon L'Attaque des Titans. Il doit donc mettre la main sur les embryons volés par Dennis Nedry dans Jurassic Park, et se trouvant toujours dans la bombe de mousse à raser dans laquelle il les avait mis.

Son plan, assez idiot, ne convainc étonnamment pas les Nations Unies. Hammond lance donc sa propre mission en engageant Nick Harris. Ce vétéran devenu mercenaire va se rendre en solitaire à la nage (depuis un bateau) sur Isla Nublar pour récupérer les embryons. Après quelques échauffourées avec les gardes de l’ile, des raptors et un Mosasaure dévoreur d’hydravion, Harris se fait capturer. Heureusement, notre vaillant héros parvient à planquer la bombe de Nedry avant que ses ravisseurs ne l’emmènent… en Suisse. Non pas pour y manger des chocolats, mais pour y rencontrer le méchant james bondien du film, le Baron Von Drax.

Jurassic Park 4 aurait marqué son retour...en squelette

Dans son vaste château, le Baron a créé ses propres dinosaures issus de manipulations génétiques. L'ego du bonhomme est tel que l'ADN des hybrides est fait d'un peu de dinosaures, de chien et du sien, leur donnant des doigts humanoïdes. Ces monstres sont asservis grâce à des stimulants injectés dans leurs corps pour les punir ou les récompenser selon le besoin. Von Drax fait le tour du propriétaire à Harris, présentant son personnel – dont Maya Lundberg, dresseuse de dinosaures – et ses bestioles dans le but de prouver qu'il est sympa. Pour motiver le mercenaire à lui donner les embryons à la valeur inestimable, le Baron le promeut chef de l’escouade des dinos de combat.  

Ayant peu d’estime de lui-même, Harris accepte et débute l’entraînement des raptors GIGN (qui sont munis de gilets pare-balles et de caméra) en vue de leur première mission : sauver une fillette kidnappée dont on ignore tout et tuer ses ravisseurs dont on ne sait rien. La mission est un succès sanglant alors qu'on a mal pour les criminels. Mais trêve de questions morales puisque la seconde mission est lancée, il faut éliminer un chef de cartel. Cependant, Harris commence à sentir que le chocolat qu’il a croqué est un Mon Chéri gorgé de liqueur. Maya, seule membre de la gent féminine du film, l'aide à comprendre que Von Drax n'a rien d'un gentil patron.

 

 

 

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Durant l’entraînement, les raptors se la jouent Steve McQueen en communiquant en morse pour préparer leur évasion – Harris a d'ailleurs eu du flair en nommant le chef des dinosaures Spartacus. Pour l'opération contre le cartel, les dinos-SWAT sont parachutés dans un banquet de chair humaine tandis qu’un ankylosaure fait du ravalement de façade avec sa queue-masse. Les futurs clients de Von Drax, des crapules du monde moderne, admirent leurs futurs achats non loin de là. Soudain, coup de théâtre pour un Jurassic Park, les dinosaures se rebellent inexplicablement et tuent tout le monde sauf Nick et Maya qui finissent ensemble et amoureux.

"Son envie de tuer est basée sur la bonté des gens."

le recyclage hollywoodien

À Hollywood rien ne se perd, tout se transforme, il n'est donc pas étonnant d'apprendre que Colin Trevorrow, le réalisateur de Jurassic World et Jurassic World : Le Monde d'après, ainsi que co-scénariste de la trilogie, avouait dans une interview à Screencrush en 2015 avoir lu le script de Sayles et l'avoir aimé :

"Je l’ai fait ! J’ai seulement lu celui de Rick [Jaffa] et Amanda [Silver] [les co-scénaristes de Jurassic World, ndlr] et lu le scénario de Sayles un peu plus tard, car j’étais très curieux. Honnêtement ? Je l’aime pour plein de raisons. Je savais ce qui allait se passer. Ce qui se passait c’était ridicule, mais ce n’est pas une mauvaise chose ! Mon film, ce sont des trucs délirants. Il y a beaucoup à aimer là-dedans. C’est fou de plein de bonnes façons."

Quand tu trouves un vieux script qui te fait gagner du temps de travail

Ainsi, dans l’écriture des personnages de la trilogie Jurassic World se trouve des morceaux du scénario abandonné. Owen Grady et Nick Harris sont des dresseurs de dinosaures attachés à ces poulets au sang-froid, allant jusqu’à leur donner des noms. Le héros joué par Chris Pratt a également la pause de dressage que fait Maya, autre protagoniste imaginé par Sayles insufflé dans Owen. Quant à la relation entre Grady et Vic Hoskins (Vincent D’Onofrio), elle sent le réchauffé de celle entre Harris et Von Drax, l’un incitant l’autre à diriger une mission avec des raptors pour en faire des armes. De plus, l’entreprise du Baron et Biosyn Genetic de Jurassic World 3 ont toutes deux fait fortune dans les OGM.

Le Baron Von Drax est aussi profond que tout vilain générique du MCU, il possède cependant des attributs originaux pour la franchise Jurassic Park, et que Trevorrow a vraisemblablement repris. Ainsi, le manoir présent dans Jurassic World 2, un lieu atypique pour la saga aux dinosaures, était l’un des décors de l’histoire de Sayles. De la même manière que le principe d’un QG se trouvant au cœur des montages, suissesses pour Jurassic Park 4 et nord-italiennes pour le film de 2022. Jurassic World explore lui aussi les ruines du parc du premier opus réalisé par Spielberg, ce qui s'apparente plus à un passage obligé pour une suite d'une trilogie culte, qu’une réécriture d’une idée de Sayles.

Full Metal Jurassic

Les fameux dinosaures hybrides transformés en armes du script du scénariste de Alligator étaient une nouveauté (ou une mauvaise idée) au coeur des deux premiers films co-écrits par Trevorrow. Les dinosaures modifiés de Sayles étaient dotés d’un esprit plus réflectif et du don d'invisibilité, une capacité qu'a l’Indominus Rex. Le dressage des gros lézards – inédit dans les adaptations de l’œuvre de Crichton – est rendu plus "crédible" dans le premier Jurassic World, avant de revenir au concept de Sayles dans le deuxième et le dernier volet avec les raptors guidés par laser. Plus cocasse, le troisième métrage et le script mis au tiroir ont tous deux un contexte inexploité d’une Terre infestée de dinosaures.

Les traces fossilisées du Jurassic Park 4 avorté sont également repérables dans la structure de Jurassic World 2. Les deux intrigues se divisent en parties bien distinctes, l’une sur l’île, l’autre dans le manoir du bad guy. Parfois ce sont des scènes entières qui font écho aux idées de Sayles. Par exemple avec ce mosasaure surgissant de l’eau pour gober un malheureux suspendu à un hélicoptère, ou lorsque les héros se font courser par un dino dans un tuyau sous-terrain sur Isla Nublar, deux séquences se déroulant au début des deux versions. Enfin, la présence injustifiée de la bombe de Nedry à la fin de Jurassic World 3 peut être perçue comme un clin d'oeil à ce scénario qui reposait sur cet objet.

Il aurait été dommage de laisser cette scène sur le papier

Steven Spielberg cherchant une histoire avec un bon équilibre entre aventure et science, son insatisfaction conduira à d'innombrables réécritures faisant muter le projet Jurassic Park 4 en Jurassic World. En 2012, les scénaristes Rick Jaffa et Amanda Silver vont aboutir d'une version gardant de nombreuses folies de Sayles (comme le raid de raptors largués en parachutes sur les membres du cartel). Colin Trevorrow et Derek Connolly repasseront dessus en 2013, ce qui aboutira au film que l'on connaît. 

Avec ce scénario aux airs de fourre-tout nanardesque, la saga faisait un virage complet pour un opus censé conclure l’histoire de Jurassic Park. La magie de l’émerveillement procurée par les créatures préhistoriques des films de Spielberg laissait place, dans le scénario de Sayles, à une aventure mêlant du Expendables à des monstres façon L'Ile du Docteur Moreau. Il est donc assez ironique que ce script rejeté ait autant inspiré les scénaristes Rick Jaffa, Amanda Silver, Derek Connolly et le réalisateur Colin Trevorrow pour débuter une nouvelle trilogie peinant à se détacher de l'héritage de Jurassic Park.