Blockbusters coréens et pépites d'animation : le meilleur du festival des Utopiales 2023

Mathieu Jaborska | 21 novembre 2023 - MAJ : 25/11/2023 18:43
Mathieu Jaborska | 21 novembre 2023 - MAJ : 25/11/2023 18:43

Comme chaque année, le festival International de science-fiction des Utopiales proposait un panorama du genre en 2023, y compris au cinéma. On fait le point.

Du 1er au 5 novembre 2023, la gigantesque Cité des Congrès de Nantes se transformait une nouvelle fois en véritable vaisseau amiral de la science-fiction. Comme chaque année, le programme était plus que dense. Les habitués savent bien que venir aux Utopiales, manifestation précieuse puisqu’elle traite de tous les courants du genre sans privilégier outre mesure les franchises lucratives du moment, c’est devoir faire face à de nombreux dilemmes.

Il faut choisir entre conférences scientifiques qui font des nœuds au cerveau (votre serviteur a tenté de comprendre pour vous le concept d’antimatière, en vain), rencontres littéraires de qualité, dédicaces de BD, sessions de jeu de rôle, de jeu de société ou de jeu vidéo, vidange de porte-monnaie dans l’imposante librairie, arpentage des diverses expositions, ateliers… Mais c’est bien évidemment vers la programmation cinéma qu’Ecran Large s’est tourné. Petit compte-rendu.

 

The Wandering Earth 2 : photoNantes en 2059

 

The Big Shorts

Particularité des Utopiales : les différentes séances de court-métrage sont très accessibles et par conséquent extrêmement populaires, au point de remplir l’imposante salle Dune. Preuve que le format peut conquérir un large public, si toutefois on lui accorde la place nécessaire. Autre particularité du festival : la diversité. Bien que les séances soient fréquentées aussi bien par les cinéphiles endurcis que par les familles curieuses, les programmateurs n’hésitent pas à y inclure des films singuliers, voire parfois carrément expérimentaux.

Les deux grands gagnants de cette édition peuvent en attester. Le prix du Jury revient à l’excellent Hito, dystopie hyper colorée et complètement azimutée qui déjoue avec humour les attendus du genre, tout en rendant directement hommage aux excès de folie du cinéma asiatique, en particulier ceux du culte House d’Ôbayashi. Le public a quant à lui couronné The Many Worlds of George Goodman…, peu ou prou une adaptation de Rick en Morty de 15 minutes. Les aventures du personnage éponymes sont très divertissantes, surtout quand il se bastonne à cheval entre les dimensions, mais font forcément pâle figure à côté de la radicalité pop d’Everything Everywhere all at Once.

 

Hito : photoLa poésie lumineuse de Hito

 

Au rayon animation, difficile de départager Cosmic Shit, désopilante parodie de voyage métaphysique dans les confins d’un univers non sensique, et Bye Bear, récit hypnotique du retour à l’état sauvage d’un robot fêtard. Le dernier remercie dans son générique « Tim Miller pour son refus ». Le court aurait-il été évincé de sa série Love, Death and Robots sur Netflix ? En tout cas, il surpasse nombre de ses épisodes vides de sens.

Bien que la sélection comporte des curiosités remarquables, telles qu’une adaptation de Kafka sauce Mandico (Society) et un shoot d’épouvante barkerien nostalgique des eighties bien efficace (Paragon), ce sont deux films en apparence plus consensuels qui ont tiré leur épingle du jeu.

 

Bye Bear : photoGueule de bois chez les ours de Bye Bear

 

Launch Fever raconte les coulisses du lancement de la navette Columbia en 2003, qui s’est soldé par la mort de l'équipage. En plongeant dans l’enfer bureaucratique de la NASA, il s’attarde sur une facette rarement représentée de la conquête spatiale : l’organisation des « petites mains », qui assurent la survie des astronautes dans des conditions de travail classique, avec ce que cela suppose de pauses café, de conflits internes et de filtres hiérarchiques injustes. Une description passionnante de la « culture du risque » estimée être à l’origine du dysfonctionnement et un hommage touchant à l’ingénieur qui a tenté de s’y opposer.

Enfin, I’m Not a Robot aurait pu se ranger parmi ces films-concepts génériques interchangeables, s’il n’était pas aussi bien écrit et réalisé. Le postulat est presque un poncif : et si on vous révélait que vous étiez un robot ? À partir de cette douloureuse prise de conscience, la réalisatrice Victoria Warmerdam développe avec humour et empathie sur les problématiques éthiques qu’elle entraine, non seulement pour le robot, mais aussi pour l’humain chargé de lui confirmer la nouvelle. Subtilement, ellle confine l’action dans les couloirs de bureau de plus en plus étouffants avant de trouver à son héroïne une porte de sortie dans une fin amère qui encapsule en un plan toute l’horreur de la situation. On a hâte de voir la cinéaste aux commandes d’un long-métrage.

 

I'm Not a Robot : photoCrise identitaire dans I'm Not a Robot

 

Des cieux aux abysses

Outre les séances rétrospectives et l’hommage au pionnier René Laloux (la nouvelle copie des Maitres du temps est superbe), la programmation comprenait une compétition de longs-métrages à la sélection un brin anarchique, puisqu’elle contenait aussi bien d’obscures productions quasi amatrices tournées dans un garage (Quantum Suicide) que des méga-blockbusters à plusieurs dizaines de millions de dollars vouées à oblitérer le box-office chinois.

C’est le cas de The Wandering Earth 2, suite-prequel-reboot de l’adaptation chaotique du court roman de Liu Cixin. Elle est bien meilleure, pour la simple et bonne raison qu’elle est plus bourrin, plus décomplexée, plus stupide, plus emphatique, bref, plus tout. Le résultat, long de 2h40, reste hyper bancal, lesté de tunnels narratifs lourdingues, de raccourcis grotesques et d’idées gâchées, d’autant que la meilleure scène, une séquence d’attaque terroriste de 20 minutes traversée de plans-séquences verticaux vertigineux, est située au tout début.

 

The Wandering Earth 2 : photoÀ peu près autant d'explosions que de dialogues abscons

 

Mais ne serait-ce que pour l’ambition de mettre en scène le film catastrophe ultime, enchainant pluies de météorites, attaques humaines, tsunamis, décrochages spatiaux, explosions nucléaires lunaires et autres joyeusetés à l’échelle internationale, il mérite le coup d’oeil. Le Moonfall dont on se serait contentés.

Le public lui aura préféré Concrete Utopia, post-apo à gros budget racontant la survie des habitants d’un immeuble resté miraculeusement debout après un tremblement de terre dévastateur. Sans surprise, ils forment une micro-société de fortune qui vire bientôt au fascisme. Une dystopie très classique, mais techniquement irréprochable et indéniablement divertissante qui a donc remporté le prix du public.

 

Concrete Utopia : photoUtopie concrète

 

Le jury, lui, a distingué le grand vainqueur de l’Étrange Festival : The Theory of Everything, depuis renommé Universal Theory. La singularité de cette enquête bizarroïde en noir et blanc, qui se drape dans l’esthétique et les thématiques de la SF télévisée et cinématographique des années 50 (difficile de ne pas penser à un long épisode de La Quatrième Dimension) le démarque en effet de la concurrence en milieu festivalier. Difficile d’en dire beaucoup plus, sinon en encourageant de le découvrir quand il sortira en salles le 21 février 2024.

Nos deux gros coups de coeur de cette édition sont toutefois bien plus colorés. Toujours en compétition, l’auteur de ces lignes a été complètement pris de court par l’ingéniosité de Molli and Max in the Future. L’idée originale fait très peur : c’est un pastiche de Quand Harry rencontre Sally dans un pastiche de space opera, le tout hyper fauché. Croyez-le ou non, mais ça fonctionne. Le manque flagrant de moyens est largement assumé par le réalisateur Michael Lukk Litwak, qui en profite pour extraire de l'artificialité des deux genres une maladresse humaniste franchement touchante.

 

Le Royaume des abysses : photoOrgasme esthétique

 

Hors compétition enfin, impossible de ne pas être soufflé par la frénésie visuelle ultra-spectaculaire du Royaume des abysses, superproduction animée chinoise dotée d'un budget qui fait tout de même pâle figure à côté de ceux déboursés par Disney et qui pourtant dézingue à vue toutes ses sorties récentes.

C'est un festival de couleurs et de mouvements déments aux inspirations évidentes (Le Voyage de Chihiro en tête), si foisonnant qu'il peut presque donner le tournis. La fin ose même contrebalancer tout ça avec un twist tire-larme bourrin surpassant les Pixar les plus cruels. On en reparle très bientôt sur Ecran Large.

Tout savoir sur The Wandering Earth 2

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