Cannes 2022 : on a vu Les Nuits de Mashhad, grand thriller choc sur un serial killer misogyne

Alexandre Janowiak | 23 mai 2022
Alexandre Janowiak | 23 mai 2022

Après une année 2021 exceptionnelle en juillet, Cannes retrouve le mois de mai pour son édition 2022 et sa sélection riche d'une centaine de films plus ou moins attendus. Après son ouverture zombiesque avec Coupez !, le festival bat donc son plein et dévoile un peu plus ses joyaux (ou non) chaque jour. L'heure pour nous de vous livrer notre avis à chaud sur Les Nuits de Mashhad (ou Holy Spider en version anglaise), le thriller-choc sur un serial killer de prostitués réalisé par Ali Abbasi, derrière l'OVNI Border en 2018.

 

 

De quoi ça parle ? 2001, Mashhad en Iran. Un homme attire des prostitués chez lui et les exécute de sang-froid pour "nettoyer la ville de ses péchés". Bien décidée à stopper cette série de féminicides, une journaliste enquête pour résoudre l'affaire, mais comprend rapidement que les autorités locales ne sont pas spécialement pressées de s'en occuper.

C’était comment ? Un choc. Soyons tout de suite honnête, Les Nuits de Mashhad n'a rien du thriller hyper original au niveau de sa structure. Avec un déroulé somme toute assez classique, le long-métrage d'Ali Abbasi suit des chemins assez connus du genre, notamment dans une première heure pleinement concentrée sur le parcours en parallèle du tueur en série et de la journaliste enquêtant sur ses féminicides. Cependant, Les Nuits de Mashhad captive chaque seconde grâce à son sujet aussi glauque que politique, tirée d'une histoire vraie.

Le long-métrage suit les pas d'une prostituée, Somayeh, dans une introduction très frontale : violence sexuelle, fellation forcée, toilette primaire entre les clients... la jeune femme subit un véritable calvaire chaque soir pour nourrir son fils jusqu'à sa rencontre avec un homme mystérieux, mais plutôt délicat au premier abord.

Pourtant quelque chose cloche, cette gentillesse inhabituelle trouble Somayeh, convaincue qu'elle doit s'enfuir... trop tardivement. Cet homme n'est autre que Saeed Hanaei, le tueur en série qui sévit dans la ville de Mashhad. En quelques secondes d'une extrême brutalité, il broie le cou de la jeune femme, avant de transporter son cadavre dans la périphérie de la ville et de s'enfoncer dans la nuit tentaculaire de Mashhad.

 

Les Nuits de Mashhad : photoUne violence misogyne terrifiante

 

En moins de 10 minutes, Ali Abbasi offre une entrée en matière des plus marquantes dans Les Nuits de Mashhad. Une façon de montrer tout de suite la violence et noirceur du serial killer pour ne jamais être ambigu avec lui et ne jamais donner envie aux spectateurs de le trouver attachant. Car avec une certaine intelligence, la première heure va s'attarder sur son quotidien et ses multiples meurtres, plus ou moins maîtrisés (une scène de tuerie tourne presque à la comédie burlesque), en parallèle de l'investigation de la journaliste Rahimi (incarnée par l'excellente Zar Amir Ebrahimi).

Une juxtaposition des points de vue qui permet de mieux comprendre les intentions "morales" du tueur en série et ses pulsions meurtrières tout en découvrant la misogynie ambiante de l'Iran à travers les yeux de Rahimi (cette rencontre où elle demande à une prostituée si elle a remarqué un mec louche qui lui répond : "ils sont tous louches"). Et c'est sans aucun doute ici que Les Nuits de Mashhad trouve son écho le plus frappant. Même si à travers une mise en scène étouffante et un jeu étourdissant avec les bruits, Ali Abbasi nous enfonce dans les tréfonds d'une enquête anxiogène et malsaine extrêmement palpitante, ce n'est pas tant le sujet de son film.

 

Les Nuits de Mashhad : Photo Zar Amir EbrahimiSous tension permanente

 

Comme le cinéaste le confie dans le dossier de presse du film : « Dans un monde normal, il est évident qu’un homme qui a assassiné 16 êtres humains serait considéré coupable. Mais, en Iran, c’était différent : une partie de l’opinion publique et des médias les plus conservateurs se sont mis à encenser Hanaei en héros. Ils étaient convaincus qu’il n’avait fait qu’accomplir son devoir religieux, consistant à nettoyer les rues – autrement dit à assassiner ces femmes "impures". »

Après un tournant terriblement tendu au milieu du film, le long-métrage bascule alors complètement dans l'étude de l'Iran, et notamment son ultra-conservatisme religieux et politique. C'est ce qui rend Les Nuits de Mashhad profondément troublant et subversif : comment un multiple assassin peut-il se retrouver aussi confiant devant un tribunal ? À quel moment les desseins d'un serial killer peuvent-ils résonner dans les esprits d'une grande majorité d'hommes (et de femmes) ? Pourquoi les médias ont-ils fait aussi peu de cas de ses meurtres ? Comment les femmes ont pu être dépossédées de leur humanité à ce point sans que cela ne gêne qui que ce soit ou, pire, que cela devienne même une normalité ?

 

Les Nuits de Mashhad : Photo Zar Amir EbrahimiSous le choc

 

À travers un pur thriller, Ali Abbasi interroge donc la société iranienne et tend un miroir dérangeant sur la situation actuelle sur place. En résulte une exploration palpitante des enjeux religieux, politiques et sociaux du pays, remontant peu à peu le fil d'un mal qu'il a lui-même laissé s'installer. Assurément, Les Nuits de Mashhad est un thriller maîtrisé malgré son classicisme, mais c'est surtout un sacré portrait au vitriol d'une société gangrénée par un fanatisme religieux, un pouvoir passif et un système pourri de l'intérieur de plus en plus alarmant. 

Et ça sort quand ? Le film sort le 13 juillet au cinéma.

Tout savoir sur Les Nuits de Mashhad

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commentaires
MassLunar
24/05/2022 à 12:53

Intriguant, j'avais lu le roman graphique L'araignée de Mashad de Mana Neyestani qui était très prenant et se focalisait sur le tueur à travers des interviews d'une journaliste.
J'ai bien envie de voir ce thriller .

Roxy
23/05/2022 à 18:58

@escort book
Donc la fornication et l'homosexualité sont des déviances, selon toi ? Et bin y a du boulot...