Pour Steven Spielberg, les films Netflix ne devraient pas être acceptés aux Oscars

Camille Vignes | 1 mars 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Camille Vignes | 1 mars 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Le cinéma connait un changement en profondeur depuis l'arrivée en masse de la SVoD et la crainte que cela ne le tue est très grande pour Steven Spielberg.

Steven Spielberg l’a déjà fait savoir de nombreuses fois par le passé : il n’approuve pas que les films Netflix (et autres plateformes SVoD) fassent partie de compétitions aussi honorifiques que celle des Oscars. Pour lui, ces films, par nature, peuvent prétendre aux Emmys, mais pas se mesurer aux longs-métrages sortis au cinéma.

A tel point que le cinéaste prestigieux et surpuissant va s'engager pour que les règles changent après les trois Oscars gagnés par Roma (dont meilleur réalisateur pour Alfonso Cuarón et meilleur film étranger). Un porte-parole d'Amblin, sa société de production, a ainsi expliqué que le réalisateur oscarisé pour La Liste de Schindler et Il faut sauver le soldat Ryan comptait mener campagne en tant que représentant de la branche des réalisateurs de l'Académie, et espère qu'il sera épaulé par d'autres artistes.

 

Photo Steven SpielbergSpileberg shooté

 

Le réalisateur n’en est pas à son coup d’essai en ce qui concerne la critique du géant du streaming et sa place de plus en plus énorme. Et par le passé, il a déjà fait savoir qu’il ne pensait pas que les films sortant en SVoD étaient dignes des Oscars, et que rien ne valait une bonne vieille salle de cinéma.

Et pour le réalisateur de Jurassic Park et Rencontres du troisième type, le nerf du problème est bien là : à partir du moment où le film est pensé pour avoir une exploitation SVoD, il ne peut pas être qualifié de film cinéma. Enfin, pour être plus précis, selon Steven Spielberg, il faut que le film respecte un certain temps en salles pour être considéré comme du cinéma (et prétendre aux Oscars). Un commentaire qui vise la parade de Netflix, qui sort certains films sur un petit circuit simplement pour cocher la case nécessaire à certaines cérémonies.

Ainsi, Roma, avec 3 semaines en moyenne et jusqu'à 13 dans certaines salles selon IndieWire, n’aurait pas respecté la fenêtre requise (90 jours en salles) pour faire partie de la compétition - énonciation hypocrite quand on sait que les documentaires ou films étrangers ne sont pas soumis au même délai.

 

photoDonc non, Roma n'est pas du cinéma

 

Mais ce n'est pas le seul grief que le réalisateur a contre Netflix, et les plateformes de vidéos à la demande en général. En effet, que Netflix ne fasse pas de recettes au box-office et que les films soient disponibles 24h/24, 7j/7, est une réelle injustice. Et au-delà de ces questions de visibilité, les sommes engagées par Netflix lors de la campagne marketing de Roma pour les Oscars lui semblent indécentes.

La où Green Book : Sur les routes du Sud, grand vainqueur de la compétition, aurait déboursé 5 millions de dollars (le marketing global serait de 25 millions delon The New York Times), le budget marketing (pour la compétition) de Roma est estimé à 50 millions.

 

photoUn Oscar qu'il fait plaisir à tonton Steven ?

 

Et qu'on soit d'accord ou non avec Steven Spielberg, cette nouvelle déclaration ravive un débat sur l'avenir du cinéma qui est en pleine transformation, puisque de plus en plus de films sortent directement sur des plateformes du type Netflix. C'est un fait : le géant du streaming a su répondre aux demandes et comportements des spectateurs, et offre à bien des réalisateurs la possibilité de concrétiser leurs projets.

Il y a eu beaucoup de productions de taille modeste, et qui auraient probablement peu de chance d'atteindre leur public en salles. Mais les sommes investies par Netflix sont énormes, et les cinéastes et acteurs séduits, de plus en plus incroyables. AvecThe Irishman de Martin Scorsese qui arrivera courant 2019 sur la plateforme, le signal est puissant.

Il est impossible de savoir quels changements ce débat engendrera pour l'Académie, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle devra s'adapter à une réalité qui a bien changé en quelques années. Et avec un cinéaste aussi puissant que Spielberg qui prend position, la discussion est loin d'être terminée.

 

TournageDu coup le prochain film de Martin Scorsese...

 

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commentaires
VHS_Guy
03/03/2019 à 22:48

@Kukuma

Si le film tue, alors il mérite la prison plutôt. ;)

Kukuma
03/03/2019 à 10:12

Je suis un grand fan de Spielberg mais là je ne suis pas d'accord avec lui , que le film sois au ciné ou sur Netflix , si le film tue tout , il mérite une récompense

MystereK
02/03/2019 à 23:26

Dae-Soo "Le problème est ailleurs, qu'ils ne soient justement pas diffusés au cinéma, qui procure des sensations uniques, en est un. "

Les films Netflix sont diffusé en salle en dehors de la France, pas avec une distribution équivalente à un Marvel, les derniers Coen ou Cuaron ont pu être vu en salle. La France, c'est le problème de la chronologie des médias.

Ded
02/03/2019 à 22:49

Toutes ces considérations prout-prout de financier qui sommeille en lui, concernant les codes déontologiques d'une cérémonie plus commerciale qu'artistique consacrant, au terme de suspenses bidons et au paroxysme de l'absurdité, réalisateur et film opposé comme étant chacun les meilleurs, me laisse dubitatif. Certes, pour moi, rien de tel émotionnellement qu'un visionnage en salle obscure parce que, en partie, j'y suis habitué depuis près de 60 ans. Mais qu'en est-il pour les jeunes générations nées avec des technologies leur permettant de regarder un film sur un smartphone sans que cela ne leur raye ni la rétine ni les tympans ? C'est leur avenir, M. Spielberg... pas le nôtre ! ;0)
Tout ça pour dire que j'ai vu "Companeros" (La noche de 12 anos), merveille d'humanité de Alvaro Brechner et qui peut largement faire la pige à n'importe quelle production cinématographique...

trashyboy
02/03/2019 à 11:33

Des années à voir des films récompensés grâce à l'argent de Weinstein (pour ne citer que lui), sans que cela pose problème à qui que ce soit. Par contre, que Netflix débarque dans la compétition, avec des films de qualité, cela dérange.

Même si je comprends sa logique quant au fait de passer en salles, je ne suis pas sûr que ce soit son seul problème.

balbal
02/03/2019 à 10:20

"La où Green Book : Sur les routes du Sud, grand vainqueur de la compétition, aurait déboursé 5 millions de dollars (le marketing global serait de 25 millions selon The New York Times), le budget marketing (pour la compétition) de Roma est estimé à 50 millions."

Le rôle de Docteur Justice ne lui va pas, pas crédible une seule seconde. La plupart de ces films explosent les budgets promos pendant que les productions modestes ne survivent quasiment que par le bouche à oreille. Je suis plutôt fan de Spielberg mais je me pose même la question si il avait l'opportunité d'ouvrir sa plateforme, si il tiendrait ce même discours. Je me souviens à l'époque de la création de Dreamworks SKG, son discours c'était de rendre le pouvoir aux créatifs (ce que fait Netflix pour certains réals) et on a vu ce que cela a donné par la suite. Je ne sais pas pourquoi il se fait une fixette la dessus mais il est temps pour lui de comprendre qu'il y a maintenant plusieurs manières de voir un film.
Et Duel c'est un film ou un téléfilm?

KibuK
02/03/2019 à 10:11

Si plus rien ne m'étonne vraiment de nos jours, je reste étonné par toutes ces personnes dont je lis les commentaires et qui n'entendent pas la vision de professionnels qui ont un avis différent du leur. Je ne sais pas si Spielberg a tort ou raison mais je comprends sa position en tant que cinéaste pour qui "cinéma" = "projection en salle". Quel mépris de la part de certains commentateurs ci-dessous. Quelle arrogance de leur part de de balayer d'un revers de la main son avis en pensant posséder la vérité à ce point.

Rick-Ornichon
02/03/2019 à 09:01

Ah il fait dans le comique maintenant tonton Steven ?
Le 7ème Art n'est pas foutu de garder ses réalisateurs les plus chevronnés parce qu'aujourd'hui on préfère le pognon à l'art en foutant des boulets aux pieds de mecs qui ont forgé le vrai cinéma tandis qu'on file 200 millions à des tâcherons pour faire du degueulli numérique.
En même temps je comprends qu'il ait peur, cette année Roma, l'an prochain The Irishman...
Et sinon tonton, t'en penses quoi des oscar cette année, hmmmm? Non parce que si Netflix n'a pas sa place, que vient foutre Marvel là-dedans? Quand on sacre des films comme Black Panther ou Bohemian Rhapsody aux oscar, Ça ne fait que confirmer que la statuette n'a plus aucune valeur significative. Alors Netflix dans tout ça, ça me parait un peu dérisoire comme problème....

Greg
02/03/2019 à 00:54

@snake88 : Mais quel rapport ?! Spielberg ne dit pas qu'il ne faut pas travailler avec Netflix, ou avec n'importe quelle plateforme de streaming. Il dit que ces films ne doivent pas concourir pour les Oscars. Et ce n'est pas si absurde que ça. Souvent, ces films bénéficient de sorties techniques uniquement pour entrer en compétition, mais compte-tenu de la réalité de leur exploitation, les Emmys seraient plus appropriés.

VHS_Guy
02/03/2019 à 00:51

Je suis assez en désaccord avec lui. Le "cinéma" est une chose qui évolue. À l'époque de sa création, On ne pouvait voir que le film muet dans des salons. Puis, plus que les films virent populaire et payante, on a commencé à les projeter dans des salles de théâtre. À l'époque, la télévision n'existait pas, et les théâtres étaient les seules endroit où l'on pouvait voir des films.

Avec l'arrivé de la télévision, on avait un nouveau moyen de projeter des films. Plus besoin de passé par les salles de cinéma.

Aujourd'hui, ce n'est même plus une nécessité de voir un film au cinéma, ils pourraient tout simplement sortir les films directement sur vidéo (et encore là, ça commence déjà à dater), ou simplement les sortir sur une plateforme comme NETFLIX (tout prêt, tout chaud, directement dans votre téléviseur). Mais le procédé de projeter les films dans les grandes salles est tellement lucrative que les studios seraient fou de ne pas passer par là.

En fait, ce sont des réalisateurs comme Spielberg, et sa mentalité de dinosaure qui fait que des films indépendant qui n'ont pas les moyens de sortir sur grand-écran, ou des films NETFLIX sont victimes de discriminations. Ce n'est pas parce qu'un film NETFLIX n'est pas sortie en salle qu'il est moins bien réalisé et qu'il est de moins bonne qualité.

Et non, un film NETFLIX n'est pas comme un téléfilm. Les vrais téléfilms sont pensées et créé de manière à ce qu'il ait des pauses publicitaires à certains endroits du films. Souvent dans le scénario, il va y avoir un cliffhanger juste avant la pause publicitaire, de manière que le spectateur ait toujours envie de voir la suite après la pause. Les films NETFLIX ne sont pas conçu de cette manière là.

Certes, la salle de cinéma demeure un lieu favorable pour voir un film, mais ce n'est pas non plus une nécessité. Et aujourd'hui, les télévisions ne cessent de grossir et les technologies à notre disposition qu'il n'y a presque plus de différence niveau immersion.

Donc, ne soit pas mauvais joueur M. Spielberg. Le cinéma évolue, à toi de suivre le courant.

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