BIFFF 2013 : Le changement dans la continuité

Patrick Antona | 10 avril 2013
Patrick Antona | 10 avril 2013

Après un trentième anniversaire qui a marqué les esprits des festivaliers en 2012, le renommé Brussels International Fantastic Film Festival a effectué une nouvelle mue en quittant les entrepôts de Tour & Taxi pour occuper les espaces plus cossus du Palais des Beaux-Arts alias Bozar en plein centre-ville. Bien lui en a pris techniquement car outre une grande salle de concert à grande capacité, le BIFFF s'octroie une salle de projection supplémentaire, plus un espace dédié aux Q&A qui lui assurent une plus grande souplesse et un plus grand débit de diffusion. Quant à ceux qui s'inquiétaient que la solennité des lieux allait soit rebuter le public habituel soit le rendre plus timide en ce qui concerne ses bruyantes (mais drôles) manifestations, il n'en est (heureusement) rien. Les "C'est un bon film !", "Tuer encore, jamais plus" et autres "La porte !" (souvent justifiés d'ailleurs) fusent comme d'habitude et ont bien fait de rendre la vision de certains mauvais films bien plus agréables qu'il n'y paraît.

Cette année encore quatre compétitions se partagent l'essentiel de la programmation, entre International Competition, European Competition, la 7th Orbit Competition et la Thriller Competition, agrémentées de quelques avant-premières mondiales et autres inédits. Dans les différents jurys, on peut croiser les cinéastes Roland Joffé, Ian Softley ou encore Frédéric Fonteyne et Patrick Ridremont et parmi les quelques manifestations attendues, une masterclass spécial Giallo animé par un certain Dario Argento.

Bien qu'ayant été absent pour le début des festivités, Ecran Large a pu cependant apprécier une bonne partie du line-up et voir les nombreux invités venus présenter leurs films et devoir  pousser la chansonnette, condition sinéquanone pour revenir l'année suivante, au hasard : Andrès Muschetti (Mama), Giorgio Serafini (The Between), Jason Ford (The Community), Javier Ruiz Caldera (Ghost Graduation) et l'impayable équipe japonais des Sushi Typhoon.

Si cette année, la compéttion s'avère variée internationalement parlant, avec un premier film phlilippin à citer ainsi que brésilien, il n'en demeure pas moins que l'Europe s'octroie une bonne partie des affiches avec de nombreux flicks en provenance de Grande-Bretagne, Italie, Espagne et autres co-productions, belle exemple de vitalité qui, on l'espère, réussira à trouver son public et ouvrir la voie à un cinéma bien plus varié (pour la France, on ne peut qu'en rêver !)

Révélé par Troupe d’élite 1 et 2, l’acteur brésilien Wagner Moura illumine de son talent Man from the future écrit et réalisé par Claudio Torres, une comédie de SF plutôt habile qui se situe au croisement de Retour vers le Futur (avec une scène de bal finale et emblématique) et Timecrimes (pour les diverses incarnations temporelles d'un même personnage. L'éternel capitaine Nascimento partage l'affiche avec la sublime Aline Moraes dans ce qui se révèle être un agréable divertissement, correctement emballé et qui mériterait une diffusion cinéma en France.

Toujours dans le domaine de la comédie hypra-référentielle, les espagnols de Ghost Graduation aka Promocion fantasma tirent leur épingle du jeu en assumant complètement leurs inspirations venues en majorité des ghost movies américains et des comédies teenager des années 80 mais en y ajoutant une dose d'ironie qui les place bien au-dessus des Scary Movie et autre Vampires suck bien frelatés.

D'ailleurs, la seule comédie du genre venue d'Hollywood s'avèrera être une bien grande déception. Hellbenders, adapté du comic book éponyme de J.T. Petty, lui même aux commandes du long-métrage, ne satisfera personne, que ce soient les amateurs de gore que de l'humour bien gras. En dehors de la prestation de Clancy Brown, charismatique en prêtre borderline au langage ordurier, ce poussif amalgame entre Ghostbusters, Constantine et Le Jour de la Bête n'a en tout cas aucunement le prétexte de l'originalité et ne bénéficiera même pas des avantages d'une 3D bien inutile. Direction garantie : le rayon des DTV obscurs.

L'Australie aussi déçoit dans ce domaine, la comédie gore et satirique Inhuman Resources(alias Red Incc.) portée pourtant  par la présence magnétique de Nicholas Hope s'avère être un sous-Saw des plus basiques. Les maquillages de Tom Savini et le sous-thème de la critique de  l'abrutissement au travail n'arrivant pas à sauver l'ensemble de la banalité.

L'Asie est toujours présente avec des productions venues de Corée du Sud, du Japon, de Chine et des Phlippines, et s'illustrent dans le genre du mélo fantastique ou de l'actioner mâtiné de steampunk. Très attendu, le dyptique Taichi Zero / Tai chi Hero du comique  Stephen Fung mélange adroitement (dans son premier opus) kung-fu, saga historique et comédie burlesque, le tout dans un ton qui s'inspire ouvertement du manga japonais (avec écrans splittés et animation) et des adaptations de comic books telles que Scott Pilgrim.

Le premier volet réussit à être passionnant et drôle, superposant adroitement diverses intrigues. Seul bémol : les séquences chorégraphiées souffrent encore d'une trop grande utilisation des câbles. En revanche, le second volet souffre malheureusement d'une orientation différente qui annihile du coup tous les espoirs placés dans ce qui s'annonçait comme le renouvellement du film d'art martial moderne. Machines rétro-futuristes à la Jules Verne et parallèle sur la décadence de la Chine ancestrale face au futurisme occidental font parfois bon ménage, mais le visuel époustouflant ne suffit pas à parer le manque de rythme qui finit par tuer la dynamique de l'ensemble.

Venu de Corée du sud, le mélodrame The Peach Tree traite avec sensibilité de la monstruosité des rapports entre frères siamois d'un genre assez spécial, le tout dans une optique de conte de fée aux teintes somptueuses. Ce qui permet de faire passer les quelques redondances du récit. D'autant plus que l'interprétation est de qualité et surtout dénuée de toute mièvrerie.

 

Dans le domaine du thriller horrifique, Jennifer Lynch se vautre encore  une fois avec Chained, après les ratages de Surveillance et du bien bis Hisss. Nous plongeant dans l'intimité d'un serial-killer, l'imposant Bob (Vincent D'Onofrio) qui a à son service le fils d'une de ses victimes pour assurer les bas travaux de la maison (l'emmascié Eamon Farren), Chained souffre d'un esthétisme assez pauvre et d'une narration bien plate. Le récit ne dépasse pas le cadre du huis-clos pesant et le twist final, bien bateau, ne nous sauve en rien de l'ennui. Encore un pétard mouillé de la part de la fille de David Lynch, qui peine à s'affirmer en tant que cinéaste originale.

Plus réussi est le deuxième film des soeurs Jen et Sylva Skoda, American Mary, qui, après le remarqué Dead Hooker in a Trunk, enfoncent encore le clou dans le genre de la comédie noire médicale et horrifique avec cette variation  très inspirée de la série Nip/Tuck. Evitant l'ornière du torture-porn auquel il semblait condamné par un traitement sans fioriture, baignant dans une ambiance malsaine et à la photographie stylisée et chaude, American Mary souffre cependant d'un second acte qui s'éparpille un peu. Mais la prestation irréprochable et sexy en diable de Katharine Isabelle (Ginger Snaps), impeccable en étudiante vengeresse adepte du bistouri, est une des meilleures surprises de cette première moitié de BIFFF.

 

Evoluant dans les mêmes eaux que Eden Lake et Citadel, sur la déshérence  des banlieues anglaises qui entraînent paupérisation et violence des jeunes, Community, premier long de Jason Ford, est une autre déception. Le film n'a pas la force ni l'ambiance des oeuvres pré-citées, si ce n'est une explication originale sur la manière d'améliorer la culture de la beu et une première partie survival urbain qui tient bien la route.

En revanche, dans la catégorie survival fantastique lorgnant vers l'onirisme, The Between est une souffrance intégrale, étirant sur 1h25 une intrigue qui aurait suffit à un épisode de la série Twilight Zone. A noter la présence du réalisateur Peter Bogdanovich qui fait le guest de luxe. Mais à quoi bon ?

Autre souffrance visuelle, Les Ames vagabondes, d'après le roman de Stephanie Meyer (qui ne s'est pas améliorée depuis la saga Twilight), romance syfy sur fond d'invasion extra-terrestre avec parasites et humains résistants adeptes de l'agriculture bio. Le film a instantanément gagné un statut de navet intégral digne d'être cité par Nanarland dans l'avenir. Si on peut tolérer une réalisation impersonnelle d'Andrew Niccol en pilotage automatique dans ce qui semble être une simple commande (soit plus ou moins ce qu'il nous avait déjà offert avec Time Out), on a bien du mal à supporter un script particulièrement crétin. Sans parler du choix narratif raté de la voix intérieure censée illustrée la lutte de l'humaine parasite par l'ET, et qui annihilie tous les maigres ressorts dramatiques, dignes d'une telenovela il est vrai.

Heureusement, en dehors de l'avant-première du correct Oblivion, déjà chroniqué dans nos pages, le fleuron du bon récit de science-fiction revient toujours à Steven Spielberg grâce à sa version 3D de Jurassic Park. L'occasion de se rendre compte que l'impact initial du film ne s'est pas amenuisé avec le temps et que les scènes d'action parfaitement réalisées sont désormais magnifiées par un relief aux petits oignons. En tout cas, entre Les Ames vagabondes dont le comique involontaire semble être la seule qualité et Jurassic Park 3D et ses dinosaures en CGI qui tiennent plus que la route, à Ecran Large, notre choix est fait : c'est papy Spielberg qui gagne... haut la main.  

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