Kate Beckinsale : parcours d'une actrice magnifique, mais pas que

Sylvie Rama | 14 mars 2006
Sylvie Rama | 14 mars 2006

Au pays de Charles, il y a Kate. Issue d'une lignée de comédiens, cultivée, élevée au théâtre, elle s'illustre sur les planches. Ce n'est pas pour rien si elle s'est distinguée dans une tragédie shakespearienne. Après avoir embarqué dans un gros vaisseau historique où elle vit un amour tragique, elle espère naviguer vers une gloire outre-Atlantique. Non, ce n'est pas cette Kate-là ! C'est l'autre.

 

 

Kate théâtrale

L'autre merveille british se nomme Beckinsale. Née à Londres en 1973, avec des vétérans du petit écran pour parents, la passion de la comédie coule dans ses veines. Bien qu'elle participe très tôt aux petits spectacles organisés dans son école, elle n'adopte pas tout de go le même dada que ses parents puisqu'elle compte s'orienter vers l'écriture. Elle traverse l'adolescence en crise : elle sèche ses cours, s'isole et sombre dans l'anorexie. En réalité, elle ne se remet pas de la disparition de son père, décédé alors qu'elle n'avait que 6 ans. La lecture et l'écriture constituent un refuge qui contribuent à la sortir de sa funeste torpeur. Durant son adolescence, à deux reprises elle remporte le concours littéraire de jeunes écrivains organisé par les libraires anglais W.H. Smith. La première fois dans la catégorie poèmes et l'année suivante dans celle des nouvelles. Bouquineuse assidue, elle raffole des beaux ouvrages, des grands auteurs du XIXe et a lu toutes les œuvres de Jane Austen. Au fil de ses épisodes littéraires, la « bibliomane » arrive à un chapitre important de sa vie en abordant un nouveau genre dans lequel elle se livre complètement. Conquise par l'art théâtral, elle s'inscrit aux ateliers organisés dans son lycée et décide enfin de se lancer dans la comédie. C'est lentement et discrètement qu'elle s'initie au métier.

Kate Beckinsale débute dans la série TV policière Devices and desires, puis figure dans le téléfilm One against the wind, qu'elle tourne tous deux durant les vacances scolaires. Plutôt que de suivre des cours de théâtre dans une école spécialisée, elle s'inscrit à l'université d'Oxford en 1991, ou elle étudie les littératures française et russe avec l'idée de pouvoir jouer plus tard dans des langues étrangères (elle maîtrise parfaitement la langue de Molière). Pour parfaire sa formation, elle intègre la troupe théâtrale de l'université. Après avoir tenu le rôle principal d'un court-métrage TV, en 1992 elle tente le grand écran en auditionnant pour Les Hauts de Hurlevent, adaptation du célèbre roman d'Emily Brontë. Le rôle lui échappe, chopé par une certaine Juliette Binoche.

 

 

Séduit par son profil plus littéraire que cinéphile, c'est Kenneth Branagh qui lui offre en 1993 sa première apparition au cinéma dans son étonnante adaptation de la comédie de Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien. En scène pour de cruels « jeux de l'amour » façon burlesque, elle donne vie à la jeune et naïve Hero aux côtés de Brannagh, Emma Thompson, Denzel Washington ou encore Keanu Reeves. Assujettie aux adaptations, elle poursuit avec Uncovered, thriller horrifique inspiré de l'œuvre littéraire d'Arturo Pérez-Reverte, Le Tableau du maître flamand. Elle s'inféode une fois de plus à Shakespeare pour Le Prince de Jutland, version danoise d'Hamlet, en servant dignement le rôle d'Ethel face à Gabriel Byrne, Christian Bale et Andy Serkis.

L'année 1995, elle tourne un second thriller horrifique, Haunted, puis (encore) une adaptation du roman satirique La Ferme du mauvais sort de Stella Gibbons, qui créé un miniphénomène médiatique, avant de s'envoler pour Paris achever sa 3e année universitaire. L'étudiante rencontre Manuel Flèche, jeune réalisateur en quête d'une personnalité forte pour son long-métrage Marie-Louise ou la permission. Kate s'engage dans le projet et tourne avec les petits frenchies Clovis Cornillac et Bruno Putzulu. De retour en Angleterre, son inclination pour les adaptations ne décline pas. Elle fait des pieds et des mains afin d'obtenir le rôle titre d'Emma, d'après le classique de Jane Austen. Sa prestation lui permet ensuite de décrocher haut la main le rôle d'Alice dans le féerique Through the looking glass d'après Lewis Carroll, tandis que chaque soir sur scène, elle est ovationnée pour La Mouette de Tchekhov. En 1997, elle impose son sourire communicatif dans la sympathique comédie bariolée Shooting fish. Elle forme avec Stuart Townsend et Dan Futterman un drôle et touchant trio. Le film génère des recettes colossales et s'affiche 3e plus gros succès de l'année en Angleterre.

 

 

La Kate des monstres

Alors qu'elle affirmait ne pas vouloir mettre les pieds de l'autre côté de l'Atlantique, Kate Beckinsale touche tout de même du doigt le rêve américain. En 1998, elle se déhanche loin de la Manche avec Chloë Sevigny dans Les Derniers Jours du disco, puis accompagne Claire Danes dans Bangkok, aller simple en 1999, parfait sponsor de kleenex et sorte de Midnight express au féminin. En 2000, c'est La Coupe d'or, qui n'est ni une récompense sportive ni un docu sur le foot, mais un film souffreteux de James Ivory, adapté du roman d'Henry James. Dans Laurel Canyon, elle s'ébat dans une piscine lors d'une scène qui ridiculiserait Loana. Pour ce film sans prétention, très remarqué à Sundance, Cannes et Toronto, elle joue face à une Frances McDormand très sex, drug and rock'n roll.

En 2001, Kate Beckinsale est propulsée dans l'énorme machine de guerre (financière) qu'est Pearl Harbor. Pour son premier blockbuster américain, l'anglaise joue l'infirmière aux petits soins pour Ben Affleck et Josh Hartnett. Mais leurs amours enflammées ne parviendront pas à embraser la critique qui prend un satané plaisir à incendier l'œuvre de Michael Bay. Qu'importe pour l'actrice qui flotte sur un nuage et voit désormais pleuvoir les rôles. Elle choisit de vivre avec John Cusack Un amour à New York, comédie guimauve dont le genre irait bien (mieux) à Meg Ryan. Leur idylle reste discrète, autant que Tiptoes, film indépendant dont elle partage la vedette avec Matthew McConaughey en mari et Gary Oldman en... nain !

 

Maintenant, Kate Beckinsale rêve d'incarner un John McClane au féminin (elle est mordue de la saga Die hard). En attendant de devenir star de l'action, elle devient héroïne de science-fiction. Dans le stylisé Underworld de son futur époux Len Wiseman, en 2003, Kate change intégralement de registre (et de garde-robe ! Et de profondeur de scénario !). En vampire à la chevelure de jais chasseresse de loups-garous, son sex-appeal attire les mâles à l'appel (à la pelle). La même année, Stephen Sommers, qui s'est spécialisé dans le recyclage de monstres légendaires, la convertit en traqueuse de vampires pour le gothique Van Helsing, fantastique salmigondis qui récolte surtout un succès critique. Dans la foulée, elle change de bateau avec Aviator. Pour Martin Scorsese elle est Ava Gardner, célèbre conquête d'Howard Hugues (Leonardo DiCaprio). Ayant tout juste débarqué sur nos écrans, Underworld 2 - Evolution lui redonne l'occasion de revêtir sa combinaison en latex et de froncer (si bien) les sourcils.


C'est dire qu'elle les fronce. Sans non plus regretter ses derniers choix de rôles, et en dépit des recettes financières engrangées par la guerrière Sélène, Kate Beckinsale avoue être déçue par son expérience américaine, « en décalage total avec [s]es ambitions cinématographiques de départ ». Ayant depuis quitté les États-Unis pour retourner vivre en Angleterre, et outre le fait de vouloir élever sa fille dans la culture britannique, elle songe notamment à un retour au théâtre : « C'est bien de revenir chez moi et refaire du théâtre. J'ai l'impression de sortir soudainement d'un terrier dans lequel j'aurais séjourné pendant un certain temps. Après tout, ma conquête d'Hollywood n'aura certes pas été un succès » Elle retrouve donc son pays natal où a véritablement éclaté son talent de tragédienne.

 

 

Dans quelques mois, elle sera à l'affiche de la comédie Click, aux côtés d'Adam Sandler et David Hasselhoff, puis de Snow angels, film indépendant de David Gordon Green (L'Autre Rive). Certes, sa carrière américaine n'aura pas été un franc et noble succès (comprendre : une reconnaissance artistique), mais elle aura au moins fait prendre conscience à l'actrice du réel talent qui la prédispose assurément aux vrais rôles dramatiques. Son retour à ses racines laisse présager que l'arbre ne s'abattra pas. « Le passé est un prologue », disait William Shakespeare. 

 

 

 

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