Cannes wars – Épisode 2

Thomas Douineau | 13 mai 2005
Thomas Douineau | 13 mai 2005

CANNES WARS : Épisode II

Scarlett et moi, c'est une longue histoire d'amour...

Je l'avais tout d'abord remarqué (comme beaucoup) dans L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux y voyant surtout encore une enfant actrice prodige sous l'œil d'un grand cinéaste naturaliste. Mais c'est en voyant le génial Ghost world que j'ai vu tout son véritable potentiel. Alors que la plupart des spectateurs ne parlaient que de Thora Birch (qui reconnaissons-le est formidable), je n'avais d'yeux que pour la moue et la voix rauque de Scarlett. Et évidemment, comme bon nombre, le coup de foudre s'est vraiment réalisé lorsque Sofia Coppola l'a emmenée se perdre à Tokyo dans son Lost in Translation. La fille Coppola avait sublimé la femme enfant, ne serait ce qu'avec les premières images où l'on voyait les fesses de Scarlett à travers sa culotte rose transparente.

Ce jeudi 12 mai était donc une date importante dans mon histoire de cinéma puisque la jeune fille venait avec Woody Allen présentait son nouveau film Match Point. L'occasion de pouvoir enfin rencontrer la divine et voir ce que le génial Woody allait en faire. Alors je sais que vous qui me lisez derrière votre ordinateur vous devez vous dire : « quelle chance il a le salaud, voir tous les films les plus attendus de l'année, rencontrer les plus grandes stars et au bord de la mer… Mais on parle peu des United Colors of Cannes. En effet même si vous êtes accrédités Presse, différentes couleurs vous distinguent : dans l'ordre prioritaire, les badges jaunes, bleus, les roses, les roses avec pastille, les blanches avec pastille. Autant dire que si vous avez ces derniers, vous êtes assurés d'avoir la meilleure place non seulement à la conférence mais aussi à la projection du soir…ce qui évidemment n'est pas mon cas. Donc, je me prépare, me met sur mon trente et un et me pointe devant la salle des conférences de presse, deux heures avant pour les beaux yeux de la Scarlett dont l'arrivée est prévue à 11h00. Deux heures après Scarlett passe, je distingue son chignon mais je n'ai pas bougé, je suis à peu prés à la même place. Et l'on me dit que c'est complet et la conférence de presse commencera sans moi. Après c'est une course au téléviseur diffusant la conférence car même pour les téléviseurs, il faut faire la queue et lorsque vous avez fait tous les étages du palais et que vous trouvez un téléviseur sans personne devant, vous apercevez que même en augmentant le volume, il n'y a aucun son. Qu'à cela ne tienne, j'arrive à me planter devant un autre récepteur et j'observe Scarlett, Jonathan Rhys Meyers et la mignonnette Emily Mortimer (qu'on avait remarqué en clone de Courtney Cox dans Scream 3). La conférence finit et je me rends à l'autre bout du palais pour la voir descendre les marches mais elle est déjà passée…Un rendez-vous manqué, un lapin posé par Scarlett, voilà ce qui peut fendre mon cœur à vie d'un cinéphile.

Et puis, il y a les séances officielles non ouvertes à la presse mais où un tas de mendiants en smoking viennent en quête d'un ticket. Et figurez vous que quelqu'un me donne un ticket magique pour rentrer dans la salle Lumière. Je pensais que comme à l'accoutumer, je pourrais apercevoir Scarlett au loin du haut du balcon, imaginez ma surprise de me retrouver à l'orchestre, à quelque mètre d'elle, divine Scarlett cachant son visage sous son chignon. Après que le public cannois est accueilli l'équipe par une standing ovation, l'obscurité vint et ma Scarlett devint sous mes yeux une Femme. Impressionnant à quel point un cinéaste qui a toujours su trouver des alter ego masculin (Jason Biggs récemment ou lui même la plupart du temps) ou féminin (Diane Keaton ou Mia Farrow) s'est cette fois laissé dominé par une actrice.

À aucun moment on ne retrouve le style auquel Woody Allen nous avait habitué. Il s'agit d'un drame, plus le genre d'histoire que les personnages de ses films racontent dans un restaurant français de Manhattan. Mais cette fois, Allen a enfin pris des risques et est allé tourné à Londres. Adieu Central Park, vive Notting Hill ! Match Point est un superbe film à 100.000 lieux de la cool attitude de Woody. Évidemment ces obsessions sont présentes mais il y a Scarlett qui est devenue son fantasme, qui par l'intermédiaire de Jonathan Rhys Meyers la fait se déshabiller, la met enceinte. Très souvent, on tombe amoureux le temps d'une projection, on peut regarder une superbe femme à travers les yeux d'un grand cinéaste sans se faire traiter de pervers ou sans se prendre une gifle. Combien de fois à la vision de ce film, on a envie de rentrer dans le film et de prendre la place de Rhys Meyers. Après tout, Woody l'avait fait avec La rose pourpre du Caire. Voir Scarlett Johansson plus belle que jamais à l'écran en train de se regarder : et si c'était ça l'ultime fantasme cinématographique ?

Alors évidemment, je sais ce que vous pensez, qu'il n'y a plus aucune objectivité dans mes propos et pourtant, Woody a fait très fort en nous racontant un drame antique avec une intensité et une profondeur qu'on ne lui soupçonnait plus. Et la lumière fut, et ce fut la première standing ovation du festival. Edouard Baer, Yolande Moreau, la miss monde de Bollywood (dont j'oublie toujours le nom), Catherine Deneuve, Natacha Régnier, de nombreuses stars étaient la pour saluer son talent et il a fait un sans faute. Et Scarlett était là, émue à quelques mètres de moi. Exit le string de l'acrobate du cirque du soleil de la veille, exit le salut embrasé de Salma Hayek.

À la sortie de la projection, j'entamais avec des hurluberlus (parce qu'il n'y a que ça ici) un combat au sabre laser jouet sons et lumières en attendant l'épisode trois. Mais il n'y avait pas la princesse Scarlett à sauver. Pour se remettre de cette projection, il fallait absolument que j'aille voir en copie restaurée le Bullitt de Peter ¥ates, projeté en plein air juste à côté du festival (et dans quelques semaines, jours, en DVD collector zone 1). Je ne sais pas si vraiment on peut se rendre compte : un écran géant est placé sur la mer en bord de plage des centaines de chaises longues et tout autour la croisière qui s'anime. En le revoyant même avec les musiques des soirées qui commencent à monter le volume et les immenses faisceaux lumineux venant de part et d'autres, l'efficacité de ce film est resté intacte, sans doute le premier polar urbain. Michael Mann s'en est sans doute beaucoup inspiré pour Heat. Et il y a cette fameuse scène devenue culte de course poursuite ou un Mc Queen plus classe que jamais change les vitesses. Ah le vrombissement des voitures. Scène ébouriffante d'une dizaine de minutes. Et en voyant ça, je me suis imaginé être Steve McQueen et avoir sur le siège passager Scarlett Johansson.

Demain, la journée s'annonce longue et chargée, Atom Egoyan va t-il nous assurer un beau lendemain ? Gus Van Sant va t-il réussir à faire renaître le fantôme de Kurt Cobain ? Mais on attend surtout de voir un vendredi 13, les vingt premières minutes de Land of the dead de Romero à minuit évidemment.

Mr Blue.

Enfin, Tout cela ne m'a pas empêché de capturer par poste de télé interposé trois questions à Woody Allen.

Une place au soleil de George Stevens
Oui, bien sûr que j'ai vu Une place au soleil mais ce n'est pas l'inspiration première du film. Ce qui m'a attiré, c'est avant tout le fait qu'une personne soit prête à tuer une personne innocente pour s'innocenter du meurtre qu'il s'apprête à commettre. C'est ce qui m'a intéressé en écrivant le scénario.

Londres vs Manhattan
J'ai tourné en Angleterre même si ça fait des décennies que je tourne aux États-Unis car il devient de plus en plus difficile de tourner un film librement. Les producteurs qui avant étaient surtout des banques essaient d'interférer dans le domaine artistique, sur le choix des acteurs, sur le script, moi, je demande juste à pouvoir faire mon film à ma manière et le plus librement possible. J'ai choisi Scarlett Johansson mais tous les acteurs ont travaillé de manière très démocratique, de manière alphabétique quelle que soit l'importance de la star.

Crime et châtiment
Il m'a semblé que l'histoire avait des points communs avec la littérature du 19ième siècle. Je voulais qu'il y ait un lien entre mon petit film et ce très grand roman de Dostoïevski. J'ai pleinement conscience des limites d'un film. Un réalisateur ne pourra jamais autant approfondir qu'un romancier. Dans un film, on a des contraintes de temps, le romancier, lui n'en a pas. Il peut vous imposer six cent pages de lecture s'il le veut. Alors que si ça dure trop longtemps dans une salle de cinéma, les gens s'en vont.

Mr Blue.

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