DogMan : pourquoi on n'a pas écrit de critique du nouveau Luc Besson (ou presque)

Antoine Desrues | 25 septembre 2023
Antoine Desrues | 25 septembre 2023

On n’avait pas demandé le retour de Luc Besson, mais il a quand même décidé d’envahir les écrans avec DogMan. Décryptage d'un film à problèmes.

Il n'y a pas de bonne solution. Voilà comment on pourrait résumer notre situation en tant que média cinéma face à la sortie de DogMan, le nouveau film de Luc Besson. Comment se positionner face à un cas foncièrement problématique ? Pour être transparent, la question se pose au sein des locaux d'Ecran Large depuis de nombreuses semaines, et d'autres rédactions sont confrontées au même dilemme. Quand le film dépasse le cadre de son contenu, et que le contexte l'entourant est aussi délicat, le rapport à l'information et à son éditorialisation est au centre du débat, qu'on le veuille ou non.

À nos yeux, il y a trois manières d'aborder DogMan :

 

DogMan : bande annonce à la JokerAllez, on prend une grande inspiration

 

  • 1/ Le boycott : même s'il représente déjà une forme de positionnement politique, il prive aussi d'informer et de formuler une réflexion autour du film et des déboires judiciaires de son réalisateur.

  • 2/ Une critique qui ne se concentrerait que sur le film : beaucoup de lecteurs reprochent une politisation des articles, quand ceux-ci devraient (selon eux) se contenter de traiter la qualité purement cinématographique d'une oeuvre. Il est vrai qu'il y a suffisamment à dire sur DogMan du point de vue de ses qualités filmiques et narratives (ou plutôt de leur absence), mais cela pose plusieurs problèmes. D'une part, une critique négative et argumentée n'empêcherait pas de nombreux internautes de nous attaquer sur nos idéaux.

    D'autre part, ce serait jouer le jeu d'une réhabilitation du cinéaste, qui s'assure depuis sa sélection en compétition à la Mostra de Venise 2023 de redorer son image avec des médias complaisants (Paris-Match, Quelle époque !). Parler uniquement du film et taire le reste serait potentiellement perçu comme une forme de complicité, de silence poli et politiquement correct, qui jouerait donc le jeu du polissage médiatique orchestré par l'équipe.

  • 3/ Une critique à charge : pour ceux qui seraient venus chercher un simple texte sur le film, il est vrai que le terme "critique" pourrait amener certains lecteurs à se sentir floués par un propos politique et éditorialisé, qui a de grandes chances de les braquer. Cependant, et on ne cesse de le rappeler à longueur de journée : tout film est politique, dans ce qu'il raconte, dans sa manière de le raconter, et plus généralement par son contexte de sortie. Penser qu'il est possible d'écrire sur DogMan sans assumer une forme de positionnement est absurde, car même l'absence de positionnement en est un.

 

DogMan : photo, Caleb Landry JonesPalm Dog ou Palm Dogshit ?

 

La peste ou le choléra

Dans notre cas précis, la première option n'est pas vraiment envisageable, car elle crée un inévitable curseur sur les films "à boycotter", pour lesquels la frontière pourrait vite s'avérer floue. Ecran Large traite d'un maximum de films et de séries chaque semaine, et on s'est déjà attaqués à des oeuvres problématiques, comme J'accuse ou Vaincre ou mourir.

Ce dernier exemple est d'ailleurs primordial, car il a constitué à la rédaction une véritable jurisprudence. La production de Puy du Fou Films a été traitée chez nous au travers de deux articles (une critique et un dossier approfondi sur sa création, ponctué d'interviews) qui nous ont valu une réaction d'une rare violence. Si notre critique a choisi d'être à charge, elle a aussi pris le parti d'informer sur les conditions de production du film, forcément corrélées à sa valeur purement technique et à ses ambitions politiques, stratégiquement mises sous le tapis par les décisionnaires à sa tête.

 

DogMan : photoNous, en direction de la salle de cinéma

 

On est toujours aussi fiers de ce travail (d'autant que beaucoup de médias n'ont pas souhaité approcher le long-métrage), mais il faut bien reconnaître que les menaces de mort par messages privés, les commentaires complètement à côté de la plaque et même le piratage temporaire du site (dans le but de supprimer la critique pour la remplacer par un avis positif) nous ont quelque peu hallucinés.

Si l'option 2 est pour nous un contre-sens du métier de critique, on a aussi constaté les limites de l'option 3. À vrai dire, cette observation fait perdre un peu foi en l'humanité, car elle dépend surtout d'un biais autour de ce qu'est devenue la critique. Pour beaucoup de gens, une critique n'est plus une ouverture, une réflexion autour d'une oeuvre, mais un simple guide de consommation, qui aurait autant de valeur qu'un test comparé pour des aspirateurs ou des montres connectées. C'est pourquoi les pas de côtés, ou les interrogations politiques qui composent un film, sont aujourd'hui perçus par certains comme hors-sujet, dans un rapport à la culture de plus en plus dépolitisé.

 

DogMan : photo"Par pitié, appelez la SPA"

 

Maintenant que ce long disclaimer est fait, comment aborder DogMan ? Dans une telle situation, une rédaction comme la nôtre est prise entre deux feux dans une guerre de positions, peu importe si on s'exprime et comment on s'exprime. D'où la nécessité de s'exprimer exactement sur ça : la difficulté à le faire... mais aussi l'importance d'y arriver. Bien sûr, à Ecran Large, nous avons notre vision des choses, et la parole des victimes dans des affaires d'agressions prévaudra toujours sur le reste, surtout lorsqu'un film tend à la remettre en question, directement ou indirectement.

Après mûre réflexion, on a donc décidé de s'orienter vers une quatrième option : un pur édito, qui reviendrait avec honnêteté sur le dilemme de cet article, sans compromettre notre pensée et notre avis sur le film. On ne peut pas parler de DogMan sans parler de Luc Besson, et c'est même voulu, puisque le scénario s'évertue de mettre en abyme son réalisateur à travers son personnage ostracisé. Très bien : commençons par là.

 

Dogman : photo, Marcello FonteDe toute façon, il n'y a qu'un seul Dogman qui compte, et c'est celui de Matteo Garrone

 

Attention, nanar méchant

Le terme “non-lieu" est devenu un élément de langage primordial quand on parle de Luc Besson. Tout d’abord, c’est le verdict officiel de la Cour d’appel de Paris envers les accusations de viol contre le cinéaste par l’actrice Sand Van Roy. Depuis, la comédienne a déposé plainte en Belgique, où la Cour constitutionnelle n’a pas manqué d’interroger la méthodologie de la justice française (et on rappelle au passage la valeur de cet abandon d'action judiciaire, qui repose avant tout sur des charges insuffisantes, et non sur l’innocence avérée de l’accusé).

Il ne faudrait pas oublier que Luc Besson a aussi été accusé d'inconduite sexuelle par d'anciens employés d'EuropaCorp, ainsi que par deux étudiants de son école de cinéma, bien qu'aucun d'entre eux n'ait officiellement porté plainte.

 

DogMan : photoUn message subtil

 

Ensuite, "non-lieu" est le dernier rempart de la presse pour se protéger contre la tentative de réhabilitation médiatique de l’artiste, aussi subtile que ses films. Le petit mot magique aide bien dès qu’on ose rappeler les accusations, que le porte-parole d’EuropaCorp n’hésite pas à qualifier de diffamations dans des coups de pression par mail (et on sait de quoi on parle, puisqu’on en a reçu un, comme tant d’autres médias).

Enfin, si on considère le non-lieu comme l’équivalent juridique de l’expression “circulez, il n’y a rien à voir”, elle est également appropriée pour qualifier la carrière de Besson. Si quelques effets de style et autres tics clipesques ont réussi à cacher la misère narrative de ses blockbusters cultes, le crash icarien de Valerian a calmé les ardeurs du papa d’Arthur et les minimoys, et de spectateurs globalement moins dupes (ou aveugles).

 

DogMan : photo"Père Besson, raconte-moi une piètre histoire"

 

Joker du pauvre

Aujourd’hui, Luc Besson est bien la caricature que Mozinor en faisait avec son “générateur aléatoire de scénarios”. Alors qu’il essaie de sauver EuropaCorp de la ruine par des séries B indigentes, il se contente de bourrer ses récits vains et (abs)cons par les mêmes clichetons du film d’action/espionnage/mafia, de préférence en copiant les copains.

Cette fois, c’est Joker qui passe à la casserole avec DogMan, ou l’histoire d’émancipation d’un handicapé asocial fan de chiens qui se transforme en justicier canin quand il ne fait pas du drag show (déjà un sacré combo de connerie). Sans grande surprise, cette suite de cases cochées aussi indigeste que débile s’accorde à l’agencement très aléatoire des plans et des séquences. Luc Besson voulait en faire son grand retour, un comeback intime et personnel sur l’injustice sociale. Au moins, on ne pourra pas lui enlever une certaine cohérence avec sa vie, puisque DogMan est un non-lieu de cinéma. On a vu des images bouger sur un écran, mais faute de preuves, on n’a pas vu un film.

 

DogMan : photoQuand tu contemples ta bêtise

 

Chienne de vie

C’est d’ailleurs le problème majeur qu’on a avec le long-métrage : comment esquisser ne serait-ce qu’une pensée sur un objet aussi bête, si ce n’est en énumérant platement ses idées les plus aberrantes ? Certes, il eût été impossible de ne pas citer cette session de cuisine avec des chiens qui ramènent du sucre et de la farine au héros, parce qu’elle remporte aisément la palme de la meilleure scène comique involontaire de l’année.

Mais passée l’envie de rire de ce sous-Todd Phillips (qui était déjà un sous-Scorsese, c’est dire la dégringolade), on fait surtout la grimace devant cet énième thriller écrit à la truelle, qui nous rappelle “qu’on vit dans une société” avec des dialogues dignes d’une dissert de philo de dernier de la classe (avec des perles comme “est-ce que vous aimez la vie ?”).

 

DogMan : photoOn vit dans une saucisse

 

D’ailleurs, comme bien souvent avec ce type de projets, la frustration pseudo-politique de son “auteur” s’accompagne avant tout d’une écriture qui fait de son protagoniste un incel patenté, dont le rejet des autres passe d’abord par un rejet des femmes, qui l’abandonnent ou le trahissent toutes (sa mère, son premier amour...). Caleb Landry Jones a beau livrer sa meilleure imitation de Joaquin Phoenix, il ne peut pas faire grand-chose d'un personnage aussi ingrat et mal écrit.

C’est à la fois l’aspect le plus fascinant et le plus désolant de DogMan. Alors qu’on pourrait s’attendre à voir Besson soigner son image, et donc à réduire la voilure sur le machisme qui le caractérise depuis ses débuts, le naturel ne peut s’empêcher de revenir au triple galop. Doit-on y voir l’inconscience presque candide du réalisateur ? Ou au contraire, l’expression d’une totale impunité, à la limite de la provocation suite à ses déboires judiciaires ?

 

DogMan : photoDes mafieux qui n'auraient même pas fait figurants dans Les Soprano

 

Envie de canidé

Quoi qu’il en soit, le film et ses créateurs sont bien conscients des problèmes émanant de l’existence du projet (n’en déplaise aux cadres d’EuropaCorp). On sait d’avance que la vague de défenseurs auto-proclamés de la liberté d’expression nous reprochera d’aborder DogMan en rapport avec son contexte, mais la réelle malhonnêteté intellectuelle serait de ne pas voir la portée politique d’une telle œuvre. Même sans pointer du doigt les motivations des producteurs ou des divers financiers, le molard craché au visage des nombreuses victimes d’agressions est bien là, qu’il soit volontaire ou non.

Beaucoup ont déjà relevé la honte absolue de la Mostra de Venise 2023, et sa brochette polémique rassemblant DogMan avec les derniers films d'EHPAD de Roman Polanski et Woody Allen. En plus de rejeter la parole de celles et ceux qui ont osé témoigner, la présence de ces cinéastes gâteux ne se justifie que par leur notoriété d’antan (même le sélectionneur de la Mostra, Alberto Barbera, l'a avoué à demi-mot au sujet de Polanski).

Opportunisme ? Résistance face à une cancel culture dont les détracteurs fantasment la dangerosité ? Manque profond de goût ? Qu’importe, puisqu’en conséquence, les victimes sont invisibilisées, au même titre que de jeunes réalisateurs bien plus talentueux, qui voient leur place être volée par ces noms établis qui n’ont plus rien à raconter.

 

DogMan : photoLuc Besson après avoir vu un épisode de RuPaul's Drag Race

 

C’est bien évidemment dans ces moments-là que certains brandissent l’argument fallacieux de la séparation entre l’homme et l’artiste (éternelle question, mais où couper dans ce cas ?). Or, DogMan est sans nul doute le pire exemple pour soutenir cette “cause”. Si la qualité d’une œuvre affirme sa nécessité et prévaut sur tout aspect problématique de sa fabrication, est-ce vraiment avec un tel nanar atomique que l’on souhaite défendre la valeur de Luc Besson ?

La démarche est d’autant plus puante que le long-métrage a vraiment des airs de premier jet de scénario jamais retravaillé, que n’importe quel producteur sans trois tonnes de cocaïne dans le nez aurait jeté à la poubelle si le nom de Besson n’y était pas apposé. Entre sa reprise ubuesque d’Édith Piaf, sa structure en flashbacks dégueulasse, ses chiens qui volent par effraction des bijoux, et son final à la Maman, j’ai raté l’avion version canidé, Dogman atteint un niveau tellement abyssal de bêtise qu’il pourrait tomber sur un gisement de pétrole (peut-être le seul moyen de renflouer EuropaCorp...).

Difficile donc de ne pas y voir un passe-droit, quand tant d’œuvres prometteuses ne peuvent profiter du soutien financier de TF1 ou de Canal+, et de l’investissement d’un distributeur comme Apollo (déjà derrière le fabuleux Arthur, malédiction pour rappel). La moquerie facile que suscitera cette aberration de cinéma ne suffit pas à pallier le goût amer que son existence laisse en bouche. Définitivement, on prônera le non-lieu. Circulez, il n’y a rien à voir.

Tout savoir sur DogMan

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
xav
26/12/2023 à 09:39

Hmmmm.... Je suis d'accord avec ce que vous dites, et vous apportez des précisions historiques très pertinentes.

Cependant on ne parle pas de la même chose. Comme je l'ai dit, je parlais d'une échelle de temps plus humaine. À l'échelle d'une génération, voire de deux, on est passé d'une culture mainstream plutôt apolitique à une ultrapolitisée depuis ces dernières années. Si on compare la culture d'aujourd'hui avec l'époque du maccarthysme ou à d'autres époques historiques, je ne saurais pas dire, j'ai sûrement parlé trop vite et avec des idées un peu trop approximatives (merci de m'en avoir fait prendre conscience), du coup je veux bien souscrire à votre analyse, vous semblez mieux connaître le sujet que moi. Mais si on compare aujourd'hui avec les années 2000 ou même la première moitié de la décennie 2010, on constate que sur cette échelle de temps, on est passé d'un extrême à l'autre. En bien ou en mal, ça c'est à chacun de juger. Mais dans notre environnement médiatique et social extrêmement politisé, à l'époque de OscarSoWhite, des boycotts de Polanski, Woody Allen et d'autres, de l'injonction à avoir des réalisateurs de la bonne couleur de peau selon le sujet du film, du recasting dans des films mainstream de Johnny Depp et de Jonathan Meyers pour prendre des exemples au pif (sans parler d'Amber Heard et d'Ezra Miller pour qui c'est pas passé loin), et du nombre croissant de polémiques, je veux pas dire que c'est pas bien, mais on ne peut objectivement pas dire qu'aujourd'hui on a "un rapport à la culture de plus en plus dépolitisé", comme dit dans l'article, ce à quoi je réagissais au départ.

Abou
25/12/2023 à 20:18

"Et surtout, la grande nouveauté d'aujourd'hui, c'est que la politisation ne se limite pas à l'œuvre elle-même. Si autrefois la censure venait décortiquer le degré de sensualité et d'érotisme d'un thriller d'Hitchcock par exemple, elle se basait uniquement sur ce qui apparaissait à l'écran. "

....... Le Maccarthysme allait enquêter sur la vie des artistes pour savoir qui était un potentiel ennemi.
On peut aussi évoquer tous ces artistes qui ont caché leur vie privée (notamment leur homosexualité), précisément pour éviter d'être blacklistés. Parce que la "rubrique people" aurait pris le dessus sur le reste, et qu'ils devaient incarner quelque chose et quelqu'un à côté de leurs films, pour être une "star". Les parcours chaotiques voire tragiques de beaucoup d'acteurs et actrices en attestent. Leur personne devenait politique, et ça reflétait les problématiques sociales, raciales etc de l'époque. Et ces artistes utilisaient le cinéma comme moyen d'expression ou revendication politique (le fameux Oscar de Marlon Brando en 1973 avec Sacheen Littlefeather, par exemple, et les réactions très vives).

J'ai surtout l'impression que l'art a été toujours été politique, pour les gens qui voulaient que ça le soit (et il y a toujours eu des gens qui le voulaient, car ils trouvaient ça naturel, indispensable et salutaire). Et l'art avant le cinéma d'ailleurs.

Je comprends que certaines personnes n'aient pas envie de voir les choses avec un regard politique, et personne ne les y oblige. J'ai juste beaucoup de mal avec ce "reproche". C'est très bien de politiser les choses, surtout dans le sens "la chose publique", vue et consommée par le grand public. Les images, histoires sont chargées de sens, et c'est pas pour rien qu'elles sont vite contrôlées dans les régimes totalitaires... Par ailleurs, la critique de cinéma a très vite été politisée, ça fait partie de leur rôle. Enfin, pour le cas de Besson, quand on voit qu'EuropaCorp a envoyé des messages aux médias pour essayer de faire peur, que Besson a fait la tournée des plateaux et magazines pour parler de son film ET du reste, c'est totalement normal que la réponse ne soit pas uniquement focalisée sur le film. Besson a fait la promo de DogMan ET de son non-lieu côté justice. On peut tout à fait lier les deux et évoquer les deux, puisqu'il a lui-même mélangé tout ça dans Paris Match ou je ne sais quoi.

Oui, on peut tout à fait ne pas vouloir mélanger les deux et voir simplement un film, et c'est tout. Mais je ne vois rien de curieux, anormal ou incompréhensible à aborder les deux. Et surtout, ça n'est pas nouveau dans l'histoire du cinéma (et de l'art...).

xav
25/12/2023 à 16:14

PS. Je précise quand même un truc évident mais important, c'est que les scandales de violence se*uelle sont extrêmement graves, et c'est très important d'en parler. C'est un énorme progrès de notre époque de crever enfin ces tabous. C'est pas d'en parler qui peut paraître hors-sujet, c'est d'en parler dans le cadre d'une critique ciné. Tout comme, à l'inverse, lorsqu'on parle socio-politique, il me semble hors-sujet de venir dire que "oui ce mec est un criminel, mais bon, ses films sont bien".

xav
25/12/2023 à 15:52

@Abou c'est vrai, merci de cette précision. La culture a trop souvent été politisée et instrumentalisée, surtout avant les années 70. Si on réfléchit à l'échelle de l'Histoire du cinéma ou même de l'Histoire de l'art, vous avez tout à fait raison. En revanche (et mon commentaire était pas clair, sorry) c'est que je réfléchissais surtout à l'échelle de ces cinquante dernières années. À cette échelle, la politisation de la culture semble atteindre des niveaux de jamais-vu.

(Après je sais pas si c'est très flatteur de dire "ouais on est très politisé aujourd'hui, mais c'est pas un problème, on a un précédent historique, il y a eu le code Hays avant nous").

Et surtout, la grande nouveauté d'aujourd'hui, c'est que la politisation ne se limite pas à l'œuvre elle-même. Si autrefois la censure venait décortiquer le degré de sensualité et d'érotisme d'un thriller d'Hitchcock par exemple, elle se basait uniquement sur ce qui apparaissait à l'écran. Sans y intégrer une lecture comprenant aussi la presse people et les sujets IRL autour d'Alfred lui-même. Le fait de refuser de décorréler l'artistique et le people ou le judiciaire, c'est nouveau. Auparavant on avait une lecture politique pour les films politiques ou à portée sociétale, ou simplement les films qui voulait se montrer plus "osés" par rapport aux tabous de l'époque, en mettant en scène des thématiques d'adulte par exemple. Aujourd'hui on politise la sortie d'un film sur un mec qui élève des chiens mafieux. Et pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le film. Je pense que c'est cette forme de politisation, que certains trouvent hors-sujet. Et qui est toute nouvelle et n'a jamais été aussi présente qu'aujourd'hui.

Abou
25/12/2023 à 14:13

"Le rapport à la culture n'a JAMAIS été autant politisé qu'aujourd'hui"

... le Code Hays, le McCarthysme, la propagande audiovisuelle sous certains régimes avec des cinéastes officiellement engagés....
Non, historiquement on ne peut décemment pas dire ceci

xav
25/12/2023 à 13:22

Je m'étonnais de ne pas trouver de critique de Dogman, en fait elle existait, elle était juste cachée dans un article qui expliquait pourquoi elle n'existait pas ^^

Je ne vais pas remettre une pièce dans la machine du débat "faut-il séparer l'artiste de l'œuvre et gnagnagna", je pense qu'on a déjà entendu tous les arguments pour et tous les arguments contre. Ensuite je ne partage pas le même point de vue, mais je respecte votre opinion, ainsi que votre honnêteté à l'annoncer avec transparence. Soutien à ceux de la rédac qui se sont fait attaquer en mp voire menacer de mort. Et respect au fait que vous soyez cohérent avec vos opinions, et que vous agissiez selon votre conscience.

J'ai juste un peu de mal avec la phrase "C'est pourquoi les pas de côtés, ou les interrogations politiques qui composent un film, sont aujourd'hui perçus par certains comme hors-sujet, dans un rapport à la culture de plus en plus dépolitisé.". Je pense que c'est complètement faux, les interrogations politiques autour de la moralité de la vie privée des artistes sont un phénomène nouveau (ou en tout cas qui était assez marginal autrefois) autrement il y aurait eu des débats enflammés et des shitstorms pendant tout le XXème siècle à chaque présentation d'une œuvre de Picasso ou d'un nouveau film d'Hitchcock. Le rapport à la culture n'a JAMAIS été autant politisé qu'aujourd'hui. Ce n'est pas que tout d'un coup aujourd'hui on s'est mis à trouver que c'est hors-sujet, c'est que tout d'un coup on s'est mis à parler que de ça, à tout politiser, or certains trouvent ça hors-sujet. Bon, ça ne répond pas à la question de si c'est bien ou pas bien que la culture soit systématiquement politisée, ni de si c'est une obligation (si tout film est forcément politique). Mais je voulais juste apporter cette nuance.

xav
25/12/2023 à 13:04

Sur le film en lui-même, j'ai lu votre "critique/pas-une-critique", je vous remercie pour ces éléments, mais j'avoue que je reste sur ma faim. Je me rends compte que la forme classique de beaucoup de critiques est de dire "ça ça marche" et "ça ça marche pas", sans pousser l'analyse plus loin. Il en résulte une critique plus "guide de consommateur" qu'une vraie réflexion sur l'objet en lui-même.
Par exemple la structure en flash-backs qui ne fonctionne pas, qu'est-ce qui fait qu'elle ne fonctionne pas selon vous? Est-ce qu'il y a des arcs narratifs qui du coup ne fonctionnent mal avec cette structure? Est-ce que l'histoire fait trop brouillon pour vous? Est-ce que vous avez eu du mal à suivre? Qu'est-ce qu'on aurait gagné à remonter le film chronologiquement? Est-ce que ça empêche les émotions de transparaître?
A propos du côté "home-alone avec des chiens", qu'est-ce qui vous déplaît dedans? Est-ce que c'est juste le concept que vous trouvez trop farfelu, ou est-ce que c'est l'exécution ou la mise-en-scène qui pèche?
Et (je pose la question très très très naïvement) est-ce que vous pensez que si vous aviez vu le même film sans savoir que c'était Besson, ou du moins sans avoir décidé à l'avance de détester le film à cause de son auteur, vous n'auriez pas adhéré davantage?

Perso je n'ai pas de honte à dire que j'ai bien aimé le film, et que je n'ai rien contre la filmo de Luc Besson, même post-Jeanne d'Arc. Dogman est à l'image de tous ses films depuis les années 2000 (sauf Adèle Blanc-Sec qui sort du lot): une proposition de cinéma populaire. Ni le "vrai" cinéma de Martin Scorcese, oscarisable et prestigieux, à la hauteur du Grand Bleu et de Leon, ni la soupe commerciale de studios. C'est un entre-deux, c'est un cinéma de divertissement d'auteur. Dogman propose beaucoup plus que n'importe quel Marvel ou autre film industriel. Tout au long du film, on sent que le réalisateur croit en son histoire, qu'il aime son film, et fait tout ce qu'il peut pour le raconter comme il le veut. Pas un film de commande, pas un Ant-Man 3 ou un Black Adams. Ce n'est évidemment que mon avis, mais pour moi le film fonctionne, les émotions fonctionnent très bien, j'ai complètement adhéré au personnage et à son parcours, et ça fait du bien de ressentir à ce point des émotions dans un film de divertissement. Contrairement à beaucoup de gens (du moins d'après ce que je vois dans les critiques), j'ai accepté le postulat d'avoir des superchiens. Et à partir du moment où on l'accepte, on apprécie le concept, qui donne lieu à des moments mignons, des moments loufoques, ça finit par s'intégrer au paysage et aux codes du film sans nuire au drame et au sérieux.

Ralebol
04/11/2023 à 00:49

Il y a le film dans le film. Et voilà l'article dans l'article. Ou comment le nombrilisme devient navrance et naufrage.
J'ai vu le film. J'ai lu l'article. Et il n'y a pas photo. Deux heures de plaisir. Et dix minutes de déplaisir.
Une de ces lectures qui me rappellent pourquoi la gauche prétendument progressiste est devenue si détestable.

Dr.ik
24/10/2023 à 00:43

Ah sur tous ces commentaires, très peu parlent du film. Bon il est vrai que même EL ne le fait pas... Mais pour l avoir vu, je trouve qu il est pas mal du tout. Ça fait très Jocker c est vrais, dans son ambiance, mais l histoire est bien différente. J aime bien l idée du marginal qui préfère les chiens aux hommes et qui en fait sa famille. Le film aurait gagné je trouve d être un peu plus réaliste. Le côté fantastique ( la scène du gateau) ou les chiens comprennent tout ce qu il dit, dénote avec le reste du film. Sinon l acteur est top, il m a complètement fait rentrer dans le film. Embigue, touchant, belle palette d émotions (edithe piaf). Pour moi c est lui l atout du film. Et pour parler de Besson, enfin un film ou il n y a pas de petite jeunette philiforme, ça fait plaisir.


19/10/2023 à 23:58

@motordu : Tu te rends comptes de la dangerosité de ta logique? Oui nombre de personnes ne portent pas plainte parce que ça n'aboutira pas, donc on doit considérer que tous les gens (hommes) sont coupables pas défauts?

Nan je veux dire, t'as forcément violer quelqu'un, c'est juste que la personne n'a pas porté plainte en fait...

Plus