Psycho Goreman, Bull, Zola... 15 bons films de 2021 à découvrir d'urgence

La Rédaction | 6 février 2022
La Rédaction | 6 février 2022

Pour clôturer son cycle de dossiers de début d'année, Ecran Large revient sur 15 films de 2021 à rattraper d'urgence.

L'année 2022 est désormais bien entamée. Une année qu'on présume très riche cinématographiquement, autant du côté des blockbusters que des films moins médiatisés. Nous avions déjà listé nos longs-métrages préférés de l'année 2021. S'y glissaient quelques surprises, mais également beaucoup d'évidences.

Il nous tenait donc à coeur de revenir sur plusieurs films oubliés de l'année écoulée. Des productions plus confidentielles et/ou peu distribuées. Il a fallu établir des critères précis pour aboutir à cette liste : les films qui la composent n'ont connu qu'une très petite sortie en salles, une diffusion télévisée, en SVoD, en DVD, Blu-ray ou directement en VOD. De plus, nous ne leur avons pas consacré de critique ces 12 derniers mois. Pourtant, tous méritent une chance et un visionnage.

 

Superdeep : photoÀ rattraper chez soi, avec ou sans masque

 

L'EXORCISTE SELON WILLIAM FRIEDKIN

Durée : 1h44

 

L'Exorciste selon William Friedkin : photoLe clap avant la tempête

 

C'est quoi ? Un documentaire foisonnant et passionnant sur la création et les multiples lectures de L'Exorciste, racontées par son réalisateur William Friedkin.

Pourquoi c'est un petit bijou pour les cinéphiles ? En quelques années, le réalisateur Alexandre O. Philippe est devenu un incontournable pour les passionnés de cinéma. Ses divers documentaires ont tous des dispositifs exigeants et inventifs, en accord avec le sujet qu'ils investissent, que ce soit la relation complexe entre George Lucas et les fans de Star Wars (The People vs. George Lucas), ou le culte autour de la scène de la douche de Psychose (78/52).

Résultat, alors que l'opportunité de réaliser un film sur le prolifique William Friedkin aurait pu céder à la facilité d'une oeuvre élégiaque sur une carrière mythique, Philippe a eu la bonne idée de se focaliser sur L'Exorciste, dont l'aura si unique tient tout autant au phénomène qu'il est devenu qu'à sa conception.

En conservant sa caméra sur le visage de Friedkin, le réalisateur permet à celui-ci de lâcher un nombre hallucinant d'anecdotes passionnantes, tout en évoquant la nécessité d'un dévouement de l'artiste envers son oeuvre. Plus qu'un génial portrait sur un auteur de légende, L'Exorciste selon William Friedkin rappelle toute la valeur d'un cinéma fou, osant faire ce sur quoi le titre anglais du film a décidé de se focaliser : a leap of faith !

C'est sorti où ? En VOD.

NIGHT IN PARADISE

Durée : 2h12

 

Night in Paradise : photoScoot' toujours

 

C'est quoi ? Alors qu'il se cache sur l'île de Jeju après une violente tragédie, un truand dont la vie est mise à prix se lie d'amitié avec une femme en proie à ses propres démons.

Pourquoi c'est un thriller bien brutal ? On a connu le N rouge plus virulent en termes de promotion. Night in Paradise est sorti relativement discrètement sur la plateforme. Ce qui a de quoi étonner : on connait la passion générale actuelle pour tout ce qui touche de près ou de loin au cinéma coréen et le film a de sérieux arguments en sa faveur. Il est notamment réalisé et écrit par Park Hoon-jung, déjà responsable de quelques thrillers bien énervés, comme V.I.P et New World, mais surtout coscénariste du désormais culte J'ai rencontré le diable de Kim Jee-woon.

Il en prélève d'ailleurs beaucoup de qualités formelles et plusieurs thèmes, à commencer par la violence. Comme chez son homologue, la brutalité sèche du récit, qui se conclut dans un bain de sang, est exacerbée par une mise en scène toute en cadres classieux et une photographie léchée parfois très poétique. Un sens de la rupture poussé à l'extrême sur la fin, et incarné par une large palette de personnages.

De fait, la simplicité apparente du scénario met surtout en valeur la trajectoire de deux héros, coincés entre le calme et la tempête. Deux âmes en peine qui n'ont plus rien à perdre et embrassent donc le tourbillon de violence qui s'offre à elles. Leur histoire est certes moins radicale (et plus mineure) que le jusqu'au-boutisme délirant de Kim Jee-woon, mais elle fait indéniablement mouche, pour peu qu'on ait un coeur et qu'on supporte les jets de sang.

C'est sorti où ? Sur Netflix.

ON-GAKU : NOTRE ROCK!

Durée : 1h11

 

On Gaku : Notre rock : photoRock the cabane

 

C'est quoi ? Un film d'animation racontant l'histoire d'une bande de lycéens qui se lance dans la musique... sans avoir touché un instrument.

Pourquoi c'est un OVNI ? Il fallait du courage pour distribuer en France ce drôle d'objet, au look et au format loin d'être calibrés sur l'imaginaire qui entoure l'animation japonaise grand public. Adapté d'un manga de Hiroyuki Ohashi, il assume un minimalisme savoureux, décelable à la fois dans le character design (les personnages sont de tendres ahuris aux yeux étranges et aux traits sommaires) et dans la mise en scène, composée essentiellement de plans fixes imperturbables.

Des choix esthétiques audacieux et cohérents, vu l'absurdité du récit. Une intrigue elle-même dépouillée, racontant avec une naïveté volontaire et plutôt irrésistible la naissance d'une vocation musicale. Délestée de toute lourdeur narrative, cette histoire prône, à travers son humour pince-sans-rire, un amour de la musique pur, qui ne s'encombre pas d'une prétendue expertise, ou même d'une quelconque technicité. Une véritable exaltation de la sincérité de l'amateurisme artistique, qui ne peut que toucher (et amuser) les cinéphiles de tous poils.

C'est sorti où ? En salles.

J'ESPÈRE QUE TU CRÈVERAS LA PROCHAINE FOIS

Durée : 1h38

 

J'espère que tu crèveras la prochaine fois ! : photo, Szilvia HerrPixar peut aller se rhabiller

 

C'est quoi ? Eszter, 16 ans, passionnée de culture japonaise, est amoureuse de son prof. Elle entame une relation à distance avec lui.

Pourquoi c'est à découvrir ? De tous les films de cette liste, le hongrois Remélem legközelebb sikerül meghalnod:) (la traduction était nécessaire) est peut-être le moins médiatisé. Pourtant, s'il avait connu les honneurs d'une sortie en salles, il aurait assurément fait couler beaucoup d'encre, à propos de sa forme et de son fond.

Usant avec parcimonie de la longue focale, il s'empare de son format serré sans avoir froid aux yeux. C'est le moins qu'on puisse dire, puisqu'il s'agrandit occasionnellement pour caser dans les "bandes noires" les messages échangés en ligne ! Un procédé adapté à son sujet, puisqu'il traite de cyberharcèlement, et plus généralement des effets pervers de l'anonymat permis par Internet sur l'adolescence et ses hormones en ébullition. Adolescence incarnée par Szilvia Herr, une jeune comédienne épatante.

Le cinéma s'intéresse logiquement de plus en plus aux dangers informatiques qui guettent les enfants. On se rappelle du long-métrage de David Schwimmer avec Clive Owen, TrustJ'espère que tu crèveras la prochaine fois ! se démarque largement de ses homologues grâce à une structure narrative atypique, brouillant volontairement les pistes quant à son propos, s'attaquant parfois au passage à des questions graves. Le film cultive régulièrement le malaise, si bien qu'on pourrait facilement lui reprocher ces détours. L'ensemble exige, provoque le débat avec insistance. Malheureusement, chez nous, faute d'une distribution conséquente, il n'en suscitera aucun.

C'est sorti où ? En VOD et DVD.

IL N'Y AURA PLUS DE NUIT

Durée : 1h16

 

Il n'y aura plus de nuit : photoCelui qui filme est aussi celui qui tue

 

C'est quoi ? Un documentaire réalisé par Éléonore Weber et composé presque uniquement d'images prises depuis des hélicoptères de combat sur le théâtre de plusieurs opérations militaires à travers le globe, qui ont été publiées sur Internet.

Pourquoi c'est indispensable et glaçant ? Avec ces extraits, commentés simplement par la voix off de la narratrice Nathalie Richard, sans aucune musique, le point de vue du spectateur se confond avec celui du pilote pour une expérience aussi angoissante que fascinante, au plus près du conflit, et pourtant si loin de son horreur concrète, réelle.

Au-delà des réflexions politiques amenées par ces images qui n'étaient pas destinées à être vues, Il n'y aura plus de nuit dévoile une guerre dans laquelle il est impossible de discerner le jour de la nuit ou le vrai du faux. Et pourtant, malgré cette technologie de pointe qui permet de faire disparaître l'obscurité ou de suivre un homme au milieu des montagnes, il n'y a aucune clarté, aucune certitude. Seulement des silhouettes blanchâtres sur des écrans, des hommes fantomatiques qui ne savent presque jamais qu'ils sont dans le viseur. Les éclaboussures des corps laissent des traces au sol qui se confondent avec les pierres, mais même la mort semble surréaliste.

C'est sorti où ? Dans quelques salles.

SUPERDEEP

Durée : 1h53

Superdeep : photoVoilà, ça, c'est du geste barrière

 

C'est quoi ? La chronique d'une inspection sanitaire dans la mine la plus profonde d'URSS. Mine qui abrite un laboratoire, dont les occupants semblent avoir fait la rencontre d'une forme de vie... déplaisante.

Pourquoi c'est si profond ? En dépit de son titre, nous n'avons pas affaire ici à un porno soviétique, pas plus qu'à un tutoriel de proctologie, mais bien à une série B surgonflée, qui entend régler son pas dans celui de The Thing, le chef-d'oeuvre nihiliste de John Carpenter. Sans doute conscient qu'il ne risque pas de faire jeu égal avec le maître, Arseny Syukhin cherche plutôt à nous offrir une proposition solide, référencée, mais capable ici et là de surprendre.

Et c'est une mission accomplie, grâce à un bestiaire pas foncièrement original, mais répugnant juste ce qu'il faut, porté par des effets spéciaux pratiques d'une rare maîtrise, dont les développements risquent fort d'évoquer quelques ingrédients de la saga vidéoludique The Last of Us. Et comme ces monstruosités passent à l'attaque dans un décor intelligent, simple, tirant idéalement parti d'un budget plus modeste que les ambitions de Superdeep.

Au final, le spectateur amateur de ténèbres aura droit à une exploration horrifique plus étonnante que ce à quoi il pouvait s'attendre, trempée dans une mélancolie glacée, écartelée entre la nostalgie et la crainte engendrées par l'ancien régime soviétique. C'est cette atmosphère singulière, mais aussi la personnalité attachante de son héroïne, qui permettent à cette littérale descente aux enfers de prendre tout à fait son envol dans son dernier acte, forcément très noir.

C'est sorti où ? Sur Canal+, OCS et Canal VOD.

NO SUDDEN MOVE

Durée : 1h50

 

 

C'est quoi ? À Détroit, dans les années 50, Curt Goynes, un homme de main de la pègre, est recruté pour une petite affaire, a priori sans difficulté. Sauf que tout dérape.

Pourquoi c'est un petit film noir amusant ? Steven Soderbergh n'a cessé d'expérimenter ces dernières années, passant du petit écran (avec la série expérimentale Mosaic entre autres), le grand écran (Logan Lucky), les formats (Paranoïa et High Flying Bird, tournés à l'iPhone) et les plateformes (The Laundromat pour Netflix, La Grande Traversée pour HBO Max).

Le cinéaste prolifique (sept films en cinq ans) semble avoir trouvé son bonheur chez HBO Max justement où il sortira prochainement son thriller paranoïaque KIMI et où son No Sudden Move a aussi été dévoilé à l'été 2021. Et le long-métrage mené par Benicio Del Toro et Don Cheadle signe peut-être le retour du Soderbergh que l'on chérit tant. En s'amusant à revisiter le film noir à travers une enquête sinueuse aux couches multiples, jouant sur les quiproquos, les retournements de situations... le réalisateur continue (comme il le faisait dans ses trois derniers films) à confronter le système capitaliste, économique, et à le critiquer.

Derrière son ambiance régulièrement jubilatoire (la prise d'otages évidemment) et son intrigue de polar, No Sudden Move finit ainsi par raconter la lutte vaine des petites mains contre les leaders d'un système qui en ressortiront toujours gagnants (et même encore plus forts). C’est drôle, désenchanté, remarquablement mis en scène et, encore une fois, bien plus pertinent que son petit écrin le laisse imaginer.

C'est sorti où ? En France, uniquement sur Canal+ le 9 août 2021 et toujours disponible sur MyCanal.

Riders of Justice

Durée : 1h56

 

Riders of Justice : photoDîner entre marginaux

 

C'est quoi ? Après avoir perdu sa femme, un militaire rentre au pays pour s'occuper de sa fille. Lorsqu'un groupe d'hommes vient le voir pour lui expliquer que l'accident de métro qui a tué sa femme était un attentat, tous vont essayer de trouver la vérité.

Pourquoi c'est plus qu'un thriller ? Cinquième long-métrage pour Anders Thomas Jensen, et toujours avec le fidèle Mads Mikkelsen à ses côtés. Et si l'acteur est encore une fois impressionnant en militaire mutique et meurtri, incapable d'exprimer la moindre émotion ou de simplement parler avec sa fille, Riders of Justice captive d'abord pour son humour absurde, qui vient contraster avec des scènes d'actions violentes et américanisées.

Et puis, progressivement, ce qui apparaît comme d'étranges coïncidences commence alors à dévoiler une conspiration palpitante et dangereuse tandis que cette bande hétéroclite s'acoquine tant bien mal. Au fur et à mesure que ces hommes se rapprochent de leur but et les uns des autres, leurs réunions se transforment alors en thérapie de groupe, où chacun dévoile ses traumatismes et ses blessures avec une humanité et une sincérité forcément touchantes.

C'est sorti où ? Sur Canal+.

Psycho Goreman

Durée : 1h35

 

Psycho Goreman : photoDark Maul a encore repris du sandwich aux nouilles

 

C'est quoi ? Quelques jours dans la vie d'une petite fille qui découvre un artefact extraterrestre, l'autorisant à contrôler une créature ultra-violente et ravagée du bulbe : Pycho Goreman !

Pourquoi le plastique, c'est fantastique ? Parce que ce tout petit film conçu par une bande d'amoureux du cinéma de genre, et plus particulièrement des effets spéciaux qui firent la gloire des années 80, déborde d'un amour communicatif pour un certain cinéma, et les manifestations de son artisanat. À tel point qu'on pardonnera bien volontiers le rythme un peu inégal, ou une intrigue tantôt cousue de fil blanc, tantôt très mécanique. L'intérêt de Psycho Goreman réside ailleurs, dans la tendresse avec laquelle il développe sa jolie boucherie.

On y croise pêle-mêle une ribambelle de sales gosses, un conseil de guerre extraterrestre aux membres tous plus ahurissants les uns que les autres, des costumes issus des plus glorieux fantasmes de fans des Power Rangers, des hectolitres de sang, des saillies gorasses merveilleuses, mais aussi quantité de cages thoraciques escamotables. Impossible de bouder son plaisir devant tant de générosité. Les orgies massacrantes se succèdent avec bonheur, jusqu'à une échauffourée en forêt, où l'écran se retrouve fréquemment recouvert de tripes et autres intériorités. Les amateurs de bisseries spatiales y trouveront de quoi jubiler.

Et, cerise sur le cadavre, il n'est pas interdit d'être ému par ce récit mené par une paire de mômes attachants, qui nous renvoient directement à l'âge d'or des vidéoclubs, désormais nimbés dans une aura de mythe. Celle où des jeunots découvraient sans se douter des conséquences, des brochettes de films étranges et de créations uniques, dont le présent film est une émanation directe et plutôt touchante.

C'est sorti où ? En streaming, sur Canal+ et OCS.

THE MORTUARY

Durée : 1h51

 

The Mortuary : photoAccueillant

 

C'est quoi ? Un film à sketches révélant le passé de plusieurs cadavres entreposés dans une morgue.

Pourquoi c'est con, mais bon ? Le sous-genre du film à sketches a tendance à cristalliser à la fois les qualités et les défauts du cinéma d'horreur. Un écueil auquel n'échappe pas The Mortuarycomposé de pastilles oubliables et de grands moments de déconnade. Toutefois, l'ensemble est réalisé par un habitué du court-métrage crétin, mais fort en gore caoutchouteux (il a d'ailleurs inséré le meilleur d'entre eux dans son long-métrage). Par conséquent, il propose quelques délires horrifiques amusants.

On retient notamment un spot de prévention en faveur de la contraception pas piqué des hannetons, qui a des chances de traumatiser tous les détenteurs de pénis. La fable est féroce, inoffensive et riche en effets trashs improbables. Se distingue également l'épisode de la baby-sitter, parodie inspirée, gratinée (littéralement) et irrésistible esthétiquement du slasher des années 1980. Deux petites histoires craspec assorties de twists généreux, quoique téléphonés.

Clairement pensé pour remplir la wish-list des festivaliers à travers le monde, le film est parfait pour l'exploitation vidéo. Couplé à un fut de bière ou à trois litres de Cola goût cerise (oui, c'est délicieux), il améliorera et éclaboussera vos dimanches soir.

C'est sorti où ? En VOD.

VIOLATION

Durée : 1h47

 

Violation : photo, Madeleine Sims-FewerUn grand film et une performance mémorable

 

C'est quoi ? Miriam est de passage chez sa soeur et son mari. Mais leur comportement aboutit à quelques tensions, puis à bien pire encore.

Pourquoi c'est éprouvant ? Autrefois symbole absolu de l'opportunisme racoleur et misogyne du cinéma d'exploitation, le rape and revenge (sous-genre dans lequel le personnage principal se fait violer et se venge) et ses archétypes sont désormais récupérés par des cinéastes avides de les retourner complètement. Un exercice de réappropriation assez fascinant, démontrant la grande malléabilité du genre horrifique, dans lequel Coralie Fargeat a excellé, elle qui extrayait le "rape" de son Revenge.

À son approche délicieusement démonstrative, parfois jouissive, Dusty Mancinelli et Madeleine Sims-Fewer (créditée à la réalisation, au scénario et dans le rôle principal !) opposent une étude psychologique viscérale. Jamais gore, mais extrêmement brutal, Violation ambitionne ni plus ni moins que de décrire un trauma, quitte à malmener violemment son infortunée héroïne et son spectateur.

Les pièges étaient nombreux, mais force est de constater que le film tient le cap tout du long, oblitérant au passage les préjugés. Il fait preuve d'une qualité souvent revendiquée, rarement vraiment assumée : l'empathie, ou la capacité de se mettre dans les bottes d'autrui. Ainsi, il rend compte d'une noirceur indicible, inaudible, un véritable poison, une source de terreur authentique. Nous en sommes convaincus : c'est un long-métrage important pour l'histoire du genre, si bien qu'il en revient finalement presque à la violence rêche, sociale et nihiliste du classique de Wes Craven.

C'est sorti où ? Sur Shadowz.

Butchers

Durée : 1h32

 

Butchers : photoUn film qui respecte les gestes barrière

 

C'est quoi ? L'histoire d'une famille de bouchers sadiques et de leurs pauvres victimes.

Pourquoi c'est très fun ? Présenté au Festival de Gérardmer, puis instantanément au mieux oublié au pire conspué, ce Butchers nous amuse pourtant beaucoup, surtout depuis qu'on sait qu'il est réalisé par un habitué des téléfilms de Noël mièvres. Entre Mes amours de Noël et Noël avec l'ambassadeurAdrian Langley s'est laissé tenter par une thématique plus estivale : le massacre d'ados au hachoir rouillé. Les valeurs familiales restent cependant au programme, puisque les bouchers du titre forment une belle fratrie digne des meilleurs Détour Mortel (les deux premiers, quoi).

Tout le monde s'amuse dans ce délire trash volontairement incorrect, réminiscence simple, mais sincère de la série B crado d'antan, du redneck movie déstructuré, partagé entre son envie de nous faire subir les tortures physiques et psychologiques des ados décérébrés à disposition et celle de nous partager le quotidien de son clan de psychopathes consanguin. Avec ou sans esprit de Noël, la générosité est reine chez Langley et on espère qu'il ne se formalisera pas des critiques hautaines pour continuer sur cette voie.

C'est sorti où ? En VOD et sur OCS.

The Stylist

Durée : 1h45

 

The Stylist : photo, Najarra TownsendC'est un peu tiré par les cheveux

 

C'est quoi ? Claire est une coiffeuse attentionnée, qui écoute les tracas de ses clientes avant de les égorger. Une passion simple, mais peu compatible avec une vie sociale.

Pourquoi c'est méchant ? The Stylist a fait son petit effet dans les pays anglophones, principalement grâce à la très belle édition signée Arrow Video. En France, il s'est contenté d'une sortie discrète. Il faut dire qu'il se réapproprie un mouvement horrifique peu en vogue, souvent appréhendé avec méfiance, le "serial killer movie" craspec malade, né avec Maniac et conclu avec son remake. Mouvement qui a pondu quelques sommets de noirceur comme Schizophrenia ou Henry, portrait d'un serial killer (récemment édité chez Carlotta), et que Jill Gevargizian et Eric Havens entendent bien adapter... à l'univers de la coiffure.

La première adapte son propre court-métrage pour défricher plus profondément les idées noires de son héroïne-coiffeuse-tueuse. Bien consciente de l'absurdité de son postulat, elle l'exploite pourtant très bien. Claire incarne grâce à son métier la vie par procuration et ses effets pervers, destructeurs, voire meurtriers. À force d'écouter les déclamations narcissiques de ses clientes, elle supprime cette vie à laquelle elle aspire tant.

Une idée qui pourrait très bien faire de l'essai un exercice d'étirement inutile de court-métrage, un grand classique dans les festivals où le film a été remarqué (Gerardmer, une fois de plus). Mais en ajoutant au tout une romance, afin de mieux contrarier les quelques problèmes psychologiques de la pro du shampoing à l'hémoglobine, la cinéaste et son co-scénariste assument leur démarche jusqu'à un twist final amusant, le tout en citant allégrement et parfois maladroitement les couleurs de Dario Argento et de ses héritiers.

C'est sorti où ? Sur OCS et en DVD.

Bull

Durée : 1h28

 

Bull : photo, Neil MaskellIl vaut mieux lui tenir la porte

 

C'est quoi ? L'histoire de la vengeance de Bull, qui revient étaler la viande de ses ennemis sur les murs, plusieurs années après sa disparition.

Pourquoi c'est un thriller particulièrement audacieux ? Déjà derrière plusieurs productions plus qu'honnêtes, remarqué avec la sympathique comédie d'horreur Bienvenue au CottagePaul Andrew Williams est repassé par la case festival l'année dernière avec un récit bien plus sombre. Au dernier PIFFF, il a fait un carton, remportant plusieurs prix, dont le convoité oeil d'or. Dans la foulée, il a directement été acheté par Shadowz, où il est bien à sa place.

Car derrière ses airs de thriller très classique, Bull renferme un coeur noir qui palpite bruyamment. Épurée, presque minimaliste si le superbe scope (d'autant plus impressionnant que le film a été tourné à l'économie) ne dévoilait pas son ampleur, la vengeance du personnage éponyme est l'émanation d'un sentiment de colère pure, dont l'ultra-violence parait inéluctable. Le long-métrage, ramassé (moins d'une heure et demie au compteur) étudie donc cette fureur non sensique, exacerbée à l'extrême, jusqu'à un dénouement inattendu sur le papier, évident narrativement.

Un final franchement mémorable, qui vaut à lui seul le visionnage de l'oeuvre et qui nous convainc de garder un oeil sur la carrière du cinéaste, le plus aimable des réalisateurs anglais, et sur les zones d'ombre de la filmographie de Neil Maskell, immense comédien livré à lui-même.

C'est sorti où ? Sur Shadowz.

ZOLA

Durée : 1h26

 

Zola : photo, Riley Keough, Taylour PaigeSouriez, vous êtes liké

 

C'est quoi ? Deux jeunes femmes qui viennent de se rencontrer embarquent pour la Floride afin d’amasser quantité de billets verts à la faveur d’un week-end de strip-tease. Un plan simple, qui va partir en vrille et marquer les annales d’Internet. 

Pourquoi ça n'a rien à voir avec Émile ? Pourquoi c’est un thread pas fantôme du tout : en 2015, une jeune femme arpentant Twitter sous le pseudo de Zola raconte une histoire qui va enflammer le réseau pendant plusieurs jours. Un “thread” ou groupe de posts formant un long message, composé de 148 parties, qui décrit par le menu un week-end aux airs de remontée du Styx, en compagnie d’une strip-teaseuse complètement azimutée, et d’une collection de types plus dangereux les uns que les autres. 

Six ans plus tard, la réalisatrice Janicza Bravo s’est emparée de l’anecdote numérique pour la transformer en film. Et il y avait toutes les raisons de craindre ce qui allait advenir de l’entreprise, Hollywood étant le plus souvent incapable d’appréhender ce genre de sujets. Point de vue bêtement moralisateur sur les usages de ce début de XXIe siècle, opportunisme superficiel et incompréhension de l’ADN même des réseaux sociaux ont déjà engendré leur lot de purges autosatisfaites. Rien de tel ici, puisque Zola est tout simplement un des meilleurs films de l’année. 

 

Zola : Photo Riley Keough, Taylour PaigeLes lumières de la ville

 

Porté par un casting stupéfiant, le film ne cherche jamais à faire de Twitter son sujet, ou du rapport que les personnages entretiennent avec la plateforme un vecteur de sens, préférant utiliser les réseaux comme une toile de fond, un arrière-plan mental et esthétique, où peut se déployer une étude de mœurs acide en diable, à deux croisements de jambes du film noir. La réussite de l’ensemble est telle que le spectateur est rapidement emporté par le tourbillon visuel et sonore que propose Zola

Chaque séquence s’avère d’une précision redoutable, agençant parfois avec frénésie des plans idéalement composés, dont le montage énervé ne se substitue jamais à l’intensité des comédiens, Riley Keough et Taylour Paige en tête. Le duo parvient à décortiquer, avec l’aide de Bravo, la psyché tourmentée de deux jeunes femmes que leurs ambitions et scrupules (ou leur absence) vont amener dans un puits de ténèbres illuminé par le soleil trompeur de Tampa. 

Réflexion ambiguë sur la manipulation, l’appât du gain ou encore la domination, joue perpétuellement avec les codes de son temps, et étonne au fur et à mesure que se déploie une narration toujours plus ample, fine et évocatrice. N’oublions pas non plus le mixage son de l’ensemble, impressionnant de créativité, tout comme l’intégration à même l’image de l’activité en ligne des protagonistes, qui concourt à transformer chaque photogramme en une mâchoire de piège halluciné. 

C'est sorti où ? En VOD.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
domi75
08/02/2022 à 20:05

Merci pour ces conseils, effectivement Zola est très bon.

Mathieu Jaborska - Rédaction
07/02/2022 à 14:40

@Punish62

Bonjour,

Nous utilisons les dates de sortie françaises comme référence.

Punish62
07/02/2022 à 14:18

Bon il y en a pas mal de 2020 dans la liste :-P

Dans le genre horrifique, je rajouterais Becky (Avec un Kevin James dans un rôle à contre-emploi de neo-nazi) et Bloody Hell, film complétement barré et schyzophrene

Zarbiland
07/02/2022 à 11:59

Bull est excellent, Riders of the republic également.

Marthe Villalonga
07/02/2022 à 09:54

Grand fan, comme toute personne sensée, du The Thing de Carpenter, amateur d’horreur en milieu inhospitalier, je viens de voir Superdeep, parce qu’il faut bien reconnaître que sur le papier tout est là pour titiller l’imagination. Eh ben sur le papier oui, mais dans les faits c’est une purge nonsensique chiante à mourir !

Geoffrey Crété - Rédaction
07/02/2022 à 09:40

@Pseudonaze

On lui a déjà consacré un article, donc il n'avait pas sa place dans la liste. Surtout vu ce qu'on en a pensé...
https://www.ecranlarge.com/films/critique/1405903-meurtrie-critique-halle-of-fame-sur-netflix

Pseudonaze
07/02/2022 à 08:42

A votre liste j'ajoute "Meurtrie" (Bruised en v.o) première réalisation de Halle Berry.
Un film qui déborde de rage, de cœur et d'intelligence...
Mérite vraiment d'être vu, dispo sur Netflix.

Ankytos
06/02/2022 à 22:27

Plein de films que je n'ai pas vu mais je recommande aux amateurs de bizarreries Psycho Goreman qui m'a vraiment amusé.

Niko
06/02/2022 à 17:57

Un gros Merci, pas mal de films que j'ai loupé:)

blame
06/02/2022 à 15:26

Merci pas mal de film à découvrir gràce à vous et qui donne vraiment envie. Bull et Violation que j'ai découvert sur Shadowz. Belle claque ce Bull. L'acteur Neil Maskell quel acteur et charisme de dingue que j'avais déjà découvert sur Kill List du même réal. Violation très bon, mais je lui ai découvert quelque longueur mais très bien filmé.

Superdeep découvert très récemment je m'essaye de plus en plus au ciné horreur, sf Russe. J'ai passé un bon moment me rappelant un vieux film américain "Leviathan"
Toujours pas vus Psycho Goreman malgré les très bonne critiques. Butcher et Mortuary me tente bien surtout ce dernier j'ai crus comprendre qu'il y avait un fil conducteur à travers ses histoires.
merci encore