Morse : ou comment moderniser et sublimer le mythe du vampire

Mathieu Jaborska | 12 septembre 2021
Mathieu Jaborska | 12 septembre 2021

Après s'être attardé sur la beauté plastique du western Aux frontières de l'aube et la sensualité du célèbre Entretien avec un Vampire, Ecran Large continue son voyage au pays des suceurs de sang avec une oeuvre plus récente, mais qui n'a rien à envier aux classiques du genre : le Morse réalisé par Tomas Alfredson et scénarisé par l'auteur John Ajvide Lindqvist.

Les vampires, c'est comme les zombies. Essentiels au développement du cinéma fantastique, ils ont souvent été surexploités par l'industrie. Tandis que les hordes de morts-vivants qui ont succédé au succès de 28 Jours plus tard envahissaient les bacs de DVD au début des années 2000, Hollywood se préparait à passer les rejetons de Dracula à la moulinette du teen movie racoleur.

Mais la même année que la sortie du premier Twilight, alors que le genre s'apprêtait à exaspérer les cinéphiles, une des plus belles romances fantastiques débarquait sur nos écrans, précédée d'une réputation forgée au festival de Gerardmer. Et son interprétation du mythe est vite devenue un véritable antidote au marasme à venir. Encore aujourd'hui, Morse frappe juste et fort.

 

photo, Lina LeanderssonAvec un duo de jeunes acteurs impressionnant

 

Laissez-le entrer

Certains aiment à penser que la beauté nait d'un mélange d'inexpérience et d'expertise. Le vampire de Morse ne leur donne pas tort. Car il doit son existence à trois personnes : l'auteur John Ajvide Lindqvist, qui a écrit son roman Laisse-moi entrer avec sa ville natale en tête, le producteur John Nordling, intéressé par cette histoire, car elle se déroule près de chez lui, et le réalisateur Thomas Alfredson, qui, après avoir rechigné à ouvrir l'ouvrage, s'est identifié au personnage principal, ayant lui-même subi la solitude lors de sa préadolescence.

Le premier est un mordu de fantastique, qui souhaite écrire une véritable histoire horrifique pour la placer dans un cadre réaliste et qui récidivera à plusieurs reprises après le succès de son premier essai, avec une autre adaptation à la clé (le superbe Border). Le deuxième est un producteur si lié au monde de la télévision qu'il a produit une édition de l'Eurovision local. Et le troisième est un metteur en scène déjà très impliqué dans l'industrie, mais, comme il l'a reconnu plusieurs fois, très peu coutumier du fantastique en général, du mythe vampirique en particulier. Au point, d'ailleurs, de se lancer dans l'aventure afin de se concentrer sur les problématiques de genre qu'impliquent un tel récit.

 

photo, Kåre HedebrantUn tournage glacial plus tard

 

Un trio aux antipodes des armées de connaisseurs souvent affiliées à ce type de production, et qui va en plus devoir collaborer organiquement, l'auteur, démarché par des hordes de prétendants à l'adaptation de son oeuvre, insistant pour s'occuper du scénario, envers et contre l'avis du cinéaste. Il faut dire qu'habituellement, les romanciers font de piètres adaptateurs, puisqu'ils refusent de modifier leur première mouture. Et pourtant, c'est grâce à cette alliance que la trouble Eli va s'exporter sur grand écran, et marquer à sa manière la petite communauté des amateurs de sang frais.

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commentaires
Faurefrc
12/09/2021 à 21:15

J’avais bien aimé ce film, mais étrangement il ne m’en reste que peu de souvenirs.
En revanche, le second film de Alfredson m’a bien plus marqué. La Taupe est vraiment un chef d’œuvre du film d’espionnage

Kyle Reese
12/09/2021 à 13:22

Découvert bien après sa sortie. Une claque, un chef-d’œuvre, ou comment dépoussiérer tout en finesse et poésie l'un des tous premiers mythes fantastique que le cinéma a connu. Ce film est une vraie pépite avec une ambiance unique. Jamais le mythe du vampirisme a été rendu aussi crédible dans une période contemporaine. Je n'ai jamais pu regarder plus de 5 mins son remake US qui pourtant est parait-il réussi et très fidèle.

Gugusse 0
12/09/2021 à 12:17

Une superbe poésie macabre se dégage de ce film. Et la neige va si bien avec le rouge sang
Chef d'oeuvre pour moi.

Ray Peterson
12/09/2021 à 11:12

L'une des pus belles variations sur le mythe du vampire. Un portrait tout en nuance sur la période de l'adolescence et la peur de devenir adulte. Je me demanderais toujours si "SPOILER" à la fin Oskar deviendra le serviteur de Eli comme l'a été précédemment Hakan, le père de substitution de cette dernière.

Sans transition, je pense fortement que Jacques Audiard s'est inspiré de ce film pour son "De rouille et d'os" notamment lors de la scène du lac gelé avec l'enfant tombant dans le trou.