Le Projet Blair Witch : derrière la pierre angulaire du found footage, un grand film sur le regard ?

Antoine Desrues | 18 juillet 2021
Antoine Desrues | 18 juillet 2021

S'il est encore aujourd'hui l'un des films les plus rentables de l'histoire, Le Projet Blair Witch mérite une considération dépassant sa success-story.

Depuis sa sortie en 1999, Le Projet Blair Witch est trop souvent réduit à sa nature de film de "petit malin". Il faut dire qu'avec l'idée toute bête de filmer un faux documentaire autour d'étudiants en cinéma perdus dans une forêt, son succès n'en a paru que plus insolent. Si la démarche de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez a rendu jalouse l'entièreté de la planète, entre son simple scénario de 35 pages (les dialogues ont globalement été improvisés), son tournage estimé au coût ridicule de 60 000 dollars, et son marketing aussi simple qu'efficace, rien de tout cela n'aurait pu fonctionner sans le jusqu'au-boutisme de ses deux réalisateurs.

Car derrière le carton absolu du film, il y a un retour aux sources vers un langage du septième art épuré, à l'opposé des standards d'une décennie perdue dans la régurgitation méta et parodique des codes de l'horreur. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Myrick et Sánchez ont, avec leurs producteurs, monté Le Projet Blair Witch sous la bannière de la société Häxan, en hommage au film du même nom de Benjamin Christensen, chef-d’œuvre du cinéma muet et documentaire teinté de fantastique autour de la figure de la sorcière. Une ombre qui plane littéralement sur le long-métrage, tout en créant un parallèle entre ce cinéma des premiers temps et l'essor technologique du médium, pour mieux revenir aux fondamentaux de son rapport au point de vue.

 

photo, Heather DonahueLa chair, le sang, les larmes et la morve

 

Ma sorcière mal-aimée

Si Le Projet Blair Witch a influencé toute une salve de films d'horreur plus ou moins opportunistes dans leur utilisation du found footage, il est important de rappeler que ce terme, traduisant littéralement la récupération d'images, n'est pas tant un sous-genre qu'une forme filmique, pouvant autant s'appliquer au fantastique qu'au drame familial. Cependant, au même titre que le pionnier Cannibal Holocaust, le long-métrage de Myrick et Sánchez a popularisé son utilisation dans des œuvres centrées autour de la disparition ou de la mort des détenteurs de la caméra. Le found footage devient alors une sorte de bouteille à la mer, symbolisant la répétition inéluctable d'une tragédie, réinterprétée par une tierce personne.

Sur ce point, Le Projet Blair Witch est particulièrement brillant dans sa manière de rappeler au spectateur la place prépondérante de la mise en scène et du montage, et ce dès son panneau introductif glaçant, qui recontextualise la disparition d'Heather DonahueJoshua Leonard et Mike Williams pour ne laisser aucune place au doute. Partis dans la forêt de Blair pour enquêter sur la sorcière qui hanterait les lieux, les trois jeunes n'ont jamais été retrouvés. Seuls les rushes laissés derrière eux leur ont servi de testament, assemblés et remaniés pour leur conférer un nouveau sens, celui d'un requiem filmique.

 

photoMike, qui mériterait presque de mourir plus tôt

 

Avec le recul actuel, le film peut être perçu comme une de ces histoires stéréotypées que l'on se raconte au coin du feu pour se faire peur. Mais à l'époque de sa sortie, entre le mystère dont a joué sa promotion et les balbutiements d'Internet, permettant au duo de réalisateurs de monter un site autour du projet avec de fausses archives, une partie du public a cru à la véracité des documents. Il faut dire qu'après les phases de casting, Myrick et Sánchez ont tenu à ce que leurs acteurs conservent à l'écran leur véritable nom, afin de plus facilement faire croire à leur disparition dans des outils promotionnels.

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commentaires
Xbad
18/07/2021 à 23:26

@tofVW
Pas au courant du deux, je regarderai quand même merci !

TofVW
18/07/2021 à 22:57

@Xbad: "Unfriended". ;) Le 2 est plutôt raté, mais j'ai trouvé le 1 excellent!

Xbad
18/07/2021 à 21:08

@ Marvelleux
Le premier paranormal activity a eu le même genre de promo il me semble, ça n'est plus possible ce genre de choses à notre époque, dommage ! Il y a eu un petiyfilm d'horreur pas mal ces derniers mois, j'ai plus le nom, ça se déroulait pendant une visio entre amis. Franchement bien et ça m'a rappelé Blair witch dans le sens où ça apporte un peu de nouveauté pour le cinéma d'épouvante

Marvelleux
18/07/2021 à 20:39

@Xbad
Je confirme tes propos. Vu à l'époque, les acteurs, pour la promotion du film, était tenus d'être discret, afin d'alimenter la promotion du film. Cela à fonctionner. Puisque que beaucoup ont crû que le film était basé sur une histoire vrai. Et la vhs du coup, (à ce procurer), sert d'élément de preuve (en vrai comme dans l'histoire du film (mdr). Bref, un classique si n'est que pour son génie dû à sa promotion.

Xbad
18/07/2021 à 20:04

+1 avec vous deux, énorme référence pour moi le rec1, un des plus gros flip au cinoche avec la tristana dans la scène finale

Flash
18/07/2021 à 19:57

Salut Kyle, je n’ai vu que le premier REC et en effet , c’est vraiment autre chose que « Blair Witch »

Kyle Reese
18/07/2021 à 19:37

@Flash

J’ai découvert le film il y a un an seulement, et comme toi j’ai pas compris l’engouement.
Mais comme l’a écrit Xbad, le contexte de l’époque de sortie et le doute sur la véracité du tournage a joué énormément. Moi j’ai été frustré total, j’ai tenu jusqu bout et … bah rien. Alors ok ce film a lancé la mode des found footage et c’est déjà ça car grâce lui on a pu avoir les 2 premiers Rec qui sont autrement plus marquant et maîtrisé. De la pure grosse flip.

Flash
18/07/2021 à 14:49

Xbad@ c'est probable, j'ai vu ce film (j'ai pas tenu jusqu'à la fin) une dizaine d'années après sa sortie..
J'ai trouvé ça juste chiant, après comme tu dis, il faut rentrer dans le contexte, moi je suis resté en surface.

Xbad
18/07/2021 à 14:10

@flash
Je pense que c'est le genre de film à regarder "dans le contexte" si je peux m'exprimer ainsi. Je m'explique, à l'époque j'avais acheté la vhs et il y avait encore ces mythes qui entouraient certains films, comme Blair with, à savoir est ce que c'est réel ou pas? On parlait d'une cassette retrouvée et quand on est ado, à cette époque, on pouvait encore se permettre d'en douter. C'est en ça que le film à eu un impact chez moi. C'est sûr que maintenant, le caméra à l'épaule on connaît et ce film n'aurait plus du tout le même succès. Il a au moins le mérite d'avoir créé un style et d'avoir sa propre légende

Flash
18/07/2021 à 10:09

Il n’y a que moi, qui ait trouvé ce film nul?