Justice League : les 10 pires ajouts du Snyder Cut

Simon Riaux | 19 mai 2021
Simon Riaux | 19 mai 2021

Le Snyder Cut a dévoilé des pans entiers du Justice League originel. Beaucoup de trouvailles... mais aussi beaucoup de ratés.

Après nous être penchés sur les 10 plus grandes réussites de cette nouvelle version, avoir décortiqué ce qu'elle apportait et comment elle renouvelait, magnifiait, l'expérience plus qu'imparfaite du film de 2017, l'heure est venue de passer à l'autre versant du blockbuster. En effet, si le métrage contient d'évidentes réussites, tout est loin de fonctionner à la perfection, et en bien des endroits, ce montage radicalement différent s'avère radicalement embarrassant.

Zack Snyder's Justice League est disponible en achat digital et location depuis le 31 mars en France. Il est également sur OCS depuis le 19 mai 2021

ATTENTION SPOILERS !

Si vous n'avez pas encore vu le film, préférez notre critique sans spoilers du Snyder Cut, car évidemment on spoile sévère. Il y a aussi notre vidéo sans spoilers juste en dessous du coup !

 

  

LARD DU RALENTI

Le style Snyder est unique en son genre, et parmi les tics du réalisateur, il y a évidemment un amour fou du ralenti. Des combats spartiates de 300 au vol des chouettes de Le Royaume de Ga'Hoole - la légende des gardiens en passant par l’explosion nucléaire de Watchmen, les scènes d’action de Sucker Punch, les morts de papa Kent ou papa et maman Wayne dans Man of Steel et Batman v Superman : L’Aube de la justice, le slow motion ou ralenti, est une des marques de fabrique du cinéaste.

Alors évidemment, on se doutait bien qu’on ne pourrait y échapper dans ce Snyder Cut et à vraie dire, il n’y avait rien à en craindre s’il exploitait cet effet de mise en scène pour venir accentuer la force de son récit. Malheureusement, ce n’est pas vraiment le cas, Zack Snyder ne pouvant s’empêcher de tout le temps utiliser le ralenti.

Que ce soit pour évoquer un souvenir, se faire croiser des regards ou accentuer la beauté de certaines chorégraphiques d’action, le ralenti est partout. Non seulement sa surutilisation enlise le film dans une surenchère de stylisation, mais surtout elle gâche complètement le potentiel d’un tel dispositif à d’autres instants.

 

photo, Ezra MillerDu ralenti intelligent

 

En effet, avec sa vitesse lumière, les mouvements de Flash sont absolument indiscernables à l’œil humain. User du ralenti pour ses séquences d’hyper-vitesse est donc parfaitement ingénieux, donnant un cachet indéniable à la scène folle du climax et une vraie esthétique au pouvoir du super-héros.

Toutefois, comme il y a des ralentis partout pour n’importe quoi (même des placements de produits, on y reviendra), l’effet perd totalement sa valeur pour l’arc de Flash, l’extraordinaire ralenti n’étant finalement qu’une énième scène de slow motion comme on en a vu pendant les trois heures précédentes. Indiscutablement, l’utilisation du ralenti aurait été bien plus impressionnante si elle avait été (quasi-)exclusive à Flash permettant au long-métrage de mettre vraiment en exergue les grands moments épiques et non les mouvements de n’importe quel quidam.

 

photo, Henry Cavill, Ray Fisher, Jason Momoa, Ben Affleck, Gal GadotDu ralenti qui se regarde trop

 

T’AS (pas) LE RYTHME 

Paradoxalement, si elle en aura fait fantasmer plus d'un et laissé espérer que ce nouveau montage saurait réparer toutes les tares de la précédente version, la durée délirante du film est sans doute son problème le plus évident. Tout d'abord parce qu'elle rend le dispositif très indigeste, et ensuite parce qu'elle rend assez artificielle l'orientation thématique de Zack Snyder. En effet, plus un récit s'étire, plus il prend le risque de dévoiler ses possibles incohérences, les failles inhérentes à toute narration de fiction. Pour le dire simplement, plus une illusion s'éternise plus le public risque de s'y accommoder et finalement d'en repérer les trucs et astuces.

Un souci que le métrage ne peut esquiver, tant son ton solennel l'alourdit, son auteur ayant choisi d'en faire une fresque sur le deuil et de la solitude plus qu'un récit de super-héros aventureux. Par conséquent, les innombrables tunnels de dialogues meublants entre les rares scènes d'action apparaissent d'autant plus artificiels qu'ils sont souvent la seule solution trouvée par le scénario pour faire progresser la dramaturgie. Un comble pour un film mettant en scène des quasi-divinités, que de les contraindre à palabrer pour les mettre en mouvement.

 

photo, Henry CavillQuand c'est un peu long, quand même

 

En outre, cette longueur impressionnante génère des défauts inédits, absents du précédent montage. Par exemple, chez Joss Whedon, le rythme mené tambour battant du récit faisait qu'entre le départ de Superman après sa résurrection, et son intervention dans le climax, quelques minutes seulement s'écoulaient rendant acceptable, sinon vraisemblable que personne ne s'inquiète que le personnage s'absente alors même que jamais sa présence n'a été aussi vitale.

Dans le Snyder Cut, après avoir embarqué Loïs, il se passe plus de trente minutes avant que Clark ne daigne se préoccuper du sort du monde. Une trentaine de minutes pendant laquelle aucun de ses collègues ne s'inquiète de partir au combat sans lui... alors que son retour a été le principal enjeu du film dans son deuxième tiers. 

 

photo"Le film dure 4h, j'irais taper les méchants plus tard bébé"

 

FINISH THE SNYDER CUT

L’un des gros problèmes de Justice League version Whedon-Warner résidait dans l’esthétique absolument immonde des CGI. Qu’il s’agisse des designs de Steppenwolf et des paradémons ou tout simplement l’utilisation criante et gerbante des fonds verts (cette séquence illisible chez les Amazones en plus du climax tout rouge) tout était moche, soyons honnêtes.

Dans ce Snyder Cut, il y a évidemment des améliorations, notamment parce que de nombreuses séquences sont plus sombres (le climax est plus agréable même si encore brouillon visuellement) et dissimulent donc les effets spéciaux inaboutis (malgré le budget de 70 millions de dollars accordés à Snyder et son équipe) du métrage. Malheureusement, ça ne suffit pas du tout à combler la monstruosité qu’était la version cinéma.

Dès l’ouverture et le passage où Lex Luthor baigne dans la sorte de liquide amniotique, on comprend très rapidement que Snyder a remasterisé des séquences en moins bien (c’est presque la même que dans BvS), les effets spéciaux étant tout simplement bâclés en partie à cause de la deadline fixée par Warner.

 

Photo Jesse EisenbergC'est quoi cette incrustation dégueulasse ?


En tout, Deborah Snyder a confié que « 2650 plans d’effets spéciaux » ont été rajoutés en six mois de production. Mais comme elle le disait à demi-mot, c’est un quasi-exploit d’en avoir créé autant en si peu de temps. Et à l’écran, ça se ressent donc régulièrement.

L’une des séquences les plus traumatisées par ce rush est probablement celle des Amazones, où les perspectives sont inexistantes à cause de fonds verts mal gérés, où l’action est souvent floue, où les personnages sont mal incrustés, en faisant une bouillie numérique qui ne réussit pas à prendre vie. De quoi freiner l'émerveillement souhaité des spectateurs devant un tel endroit et une telle bataille. Ce n’est évidemment pas la seule séquence à subir un tel risque visuel entre le flashback du monde contre Darkseid, les scènes aquatiques, le climax avec la multitude de paradémons ou encore l’ignoble épilogue mode Knightmare.

Visuellement, c'est probablement celle qui est la plus inregardable, et tristement c'est celle qui a été tournée pendant les reshoots de ce Snyder Cut. La séquence aurait pu être la meilleure idée du film, mais avec le manque de moyen et de temps, elle ne ressemble tout simplement qu’à un gros brouillon jeté en patûre au public pour donner envie et puis c'est tout. Plus que des CGI non terminées et des flous ignobles pour cacher la misère, la séquence est en plus mal mixée notamment concernant Batman (on entend à peine ce qu’il dit et le son n’est pas synchronisé avec ses lèvres). Bref, la cata quoi.

 

photoCe cheval est-il réel ? Pas plus que le reste à première vue

 

RIRES ET CRAMPONS 

L'humour indigeste du premier Justice League a été souvent, et à raison, pointé du doigt, considéré comme un greffon malvenu orchestré par Joss Whedon. Le fait est que l'essentiel des gags qu'on lui devait a disparu de cette nouvelle version. Le film est-il pour autant restauré dans l'esprit de sérieux que l'on connaît à Zack Snyder ? Non. Bien au contraire. Le film est non seulement serti de saillies humoristiques continues, mais elles s'avèrent en tout point plus ratées que les précédentes. 

On pense notamment à l'invraisemblable intermède saucisse de la séquence d'introduction de Flash, au cours de laquelle le sauveur speedster s'attarde nonchalamment sur une knacki volante entre deux tripatouillages de cheveux. Mais cette sortie de route pourrait n'être qu'une rupture de ton mal amenée, si ce genre de dérapages ne pullulait pas dans le film. Il semblait logique de faire reposer sur les épaules de Barry Allen (Ezra Miller) une bonne partie des ressorts comiques du film, sa jeunesse et son statut au sein du groupe appelant cette orientation, mais l'aspect forcé, mécanique et totalement creux de ses nombreuses vannes ou bredouillis ne fait jamais mouche.

 

photoLes fans de Sausage Party en sueur

 

Il est loin d'être le seul responsable du naufrage comique de l'entreprise. On trouve ainsi des séquences mystérieusement exhumées à l'occasion de ce nouveau montage, tel un échange lunaire entre Alfred (Jeremy Irons) et Diana (Gal Gadot) au sujet de la préparation du thé. Interminable. Malaisant. Une décontraction de façade qui contamine jusqu'aux rares tentatives de coolitude du film, à la manière du "not impressed" de Superman, qui rappelle la pression de Warner sur Snyder lors du tournage.

On se souvient en effet que dans un long entretien accordé à Vanity Fair à quelques semaines de la sortie du Snyder Cut, le cinéaste avait confirmé que le studio avait dépêché sur le plateau des exécutifs, dont le puissant Geoff Johns, pour superviser son travail, et notamment veiller à ce qu'il y injecte plus de légèreté. Impossible devant cette enfilade de vannes tombant systématiquement à plat, de ne pas voir là une énième mutilation d'un projet original dont le Snyder Cut confirme paradoxalement qu'il n'existe plus nulle trace.

 

photoTire mon doigt batou !

 

UN CYBORG ROBOTIQUE 

Depuis de longs mois, Zack Snyder, mais aussi le comédien Ray Fisher nous le promettaient : le grand sacrifié du blockbuster de 2017, Cyborg, serait réhabilité par la nouvelle mouture. En effet, Joss Whedon l'avait renvoyé à une posture de quasi-accessoire, vaguement caractérisé, jamais au centre de l'action, parfaitement dénué de toute consistance. Et pour le coup, le montage lui rend théoriquement justice, puisque plusieurs segments inédits sont consacrés à Victor, et sa tragique destinée. Sont-ils pour autant tous réussis, pertinents ou bien exécutés ? Tant s'en faut.

À vrai dire, leur réintégration témoigne des (rares) bonnes décisions prises par Whedon, tant la caractérisation de l'étudiant devenu hacker, du footballeur devenu micro-onde, est épaisse. On y apprend qu'il est possible de pirater le système de notation d'une université américaine, pour peu qu'on ait un coeur gros comme ça, ou qu'une absence paternelle à un match de football constitue un conflit familial acceptable en 2021. La mise en scène est au diapason, alternant plans dénués de toute forme de stylisation, et abondance numérico-ralentie d'effets amphigouriques. En témoigne cet interminable match de football, qui sature à lui seul le cerveau du spectateur d'iconisation prémâchée, indigne d'une réclame pour déodorant.

 

photo, Ray FisherQuand tu réalises que dans version longue, il y a"longue"

 

Vient ensuite la cartographie des pouvoirs de l'intéressé, ramenée à une séquence illustrative d'une platitude et d'une bêtise confondante, où sont assimilés pêle-mêle pleine puissance digitale, contrôle des flux monétaires internationaux et... super aumône, comme si faire la charité et s'ériger en juge des mérites était un accomplissement super-héroïque digne de ce nom. Après ce piteux et interminable départ, il ne reste plus à Cyborg qu'à faire son possible pour s'inventer une personnalité, si tant est que tirer la tronche et ânonner des répliques d'ado en descente de carambars soit éligible en la matière.

Ne soyons pas trop ingrat avec cet Iron Man de supérette, car il lui revient l'impossible mission de nous faire oublier la scène la plus radicalement stupide du film, celle où nos héros égare l'ultime mother box, clef de la survie de l'humanité, sur un parking. La scène est toujours présente, comme si 4h n'avaient pu suffire à contourner une si idiote articulation scénaristique, mais s'y ajoute une confrontation entre Victor, son paternel et Steppenwolf, qui redoublera de clichés, de larmes qui coulent et de ralentis pour essayer de faire passer la pilule. Cette dernière est si amère que si elle y parvient c'est en soulignant combien Cyborg n'est ici qu'un androïde bon marché singeant mal l'humanité.

 

photo, Ray FisherQuand il y a du rab à la cantine. Du rab de brocolis.

 

CONFLIT DE CANARDS 

Ce n'est pas exactement un scoop, mais qui dit constitution d'un groupe dit conflits internes. Confrontations, hésitations, élans, sympathies, antipathies, tous ces mouvements du coeur et de l'âme qui font aussi bien le sel de l'existence véritable que celui de sa retranscription à l'écran. C'est d'ailleurs ce qui fit la réussite d'Avengers en 2012 et ce qui motiva un temps l'embauche de Whedon.

Si ce dernier est loin d'avoir accompli sa mission en 2017, l'échec de Snyder est d'autant plus spectaculaire qu'il échoue quatre heures durant, poussant le bouchon de l'indigence dramaturgique jusqu'à renoncer purement et simplement à donner un semblant d'enjeu à ces personnages.

 

photo, Gal Gadot"Donc, on va vraiment se réunir uniquement dans des entrepôts ?"

 

Ou plutôt, à gérer leurs enjeux et conflits par le biais du cinéma. Aquaman refuse initialement de se joindre à ses petits copains. Il suffira d'un dialogue avec Mera centré sur sa môman pour le faire changer d'opinion, soit la facilité la plus anti-cinématographique qui soit. Et tout est à l'avenant, dès lors qu'il est question des motifs d'action de chacun. La caméra devient alors incapable de raconter ses héros par leurs actes (un comble pour des divinités qu'on voudrait magnifier) reléguant cet aspect fondamental du récit à des dialogues lourdauds. 

Quant au groupe lui-même, son fonctionnement est d'une grande facticité. Une fois rassemblé, absolument rien ne vient jamais le remettre en cause. Les affects, ou les caractères des uns n'ont aucun impact sur son fonctionnement, personne ne réagit dans un sens ou dans un autre, aucun caractère ne s'affirme ou ne provoque aucune forme de dissension ou d'alliance. À peine Jason Momoa tente-t-il un froncement de sourcil stéréotypé quand il demande à Cyborg s'il ne serait pas un agent double ("Are you with them ?"), pour ne plus jamais y revenir. Une absence d'incarnation qui fait de ces héros des pastilles, des postures, mais certainement pas des êtres vivants, et encore moins des personnes capables de charrier des émotions jusqu'au spectateur.

 

photo, Jason MomoaDe la difficulté de jouer l'intelligence

 

DÉPLACEMENTS DE PRODUITS 

Les placements de produits ne sont ni une nouveauté au cinéma ni une spécificité de ce Snyder Cut, et il serait très hypocrite d'y voir une forme de rupture ou de reprocher le principe visant à inclure des produits de luxe ou de consommation courante au sein de la diégèse d'un film contre monnaie sonnante et trébuchante. Non seulement le procédé, finement utilisé, peut aider à inscrire l'action ou ses protagonistes dans un monde tangible, mais la pratique est suffisamment répandue désormais pour que la pointer du doigt en tant que tel soit hypocrite.

En revanche, leur usage au sein du long-métrage interroge et parfois sidère. On oscille ainsi entre mauvais sketch des Nuls et emphase mal placée, comme avec deux cas d'écoles que resteront la voiture de Bruce Wayne et son rasoir. Il n'est pas illogique qu'échoie au personnage milliardaire le plus de produits de consommation dans le film, mais la concentration est telle qu'on a parfois le sentiment que Ben Affleck est un coureur du Tour de France plutôt qu'un super-héros. Ne lui manque qu'un sidekick aux airs de mascotte pour enseigne de saucisson industriel, et la panoplie est complète.

 

photo, Gal Gadot"Vous êtes si bien rasé Brousse"

 

Comment expliquer par exemple que le dialogue qui prend place dans le véhicule de Batou, avec Flash, mette tant l'accent, si péniblement, sur le sigle du constructeur ? Le résultat tient presque de la parodie. Et quand dans le couchant toxique d'une centrale nucléaire abandonnée, s'éloignent les paradémons, on ne s'attend pas à enchaîner sur Wayne, se rasant au ralenti... et rinçant, toujours au ralenti, son beau rasoir jetable, le nappant de la pureté d'une eau cristalline.

Le ralenti est classieux, la composition de l'image soignée. L'ensemble use de l'exacte même grammaire que l'intégralité des scènes d'action du film. Par quelle mystérieuse dégénération en est arrivée la mise en scène du Snyder Cut, pour traiter sur un pied d'égalité publicité déguisée, et geste épique ?

 

photoCe placement de produit pour Zoom est quand même lourd

 

LA MÉLODIE DU MALHEUR 

Il faut bien reconnaître une chose à Junkie XL, qu'on l'apprécie ou non. L'artiste a mis un superbe coup de pied dans la fourmilière des bandes-originales et dans les codes, souvent inamovibles, des blockbusters américains.

De Mad Max : Fury Road aux riffs de guitares fiévreux accompagnant la découverte de Wonder Woman dans Batman v Superman : L’Aube de la justice, ses compositions sont dynamiques, atypiques, souvent audacieuses et stimulantes. Et quand on a appris que Junkie XL retrouvait les manettes musicales de Justice League, après que Danny Elfman se soit chargé de la précédente version, on s'était réjoui.

 

photo, Henry CavillParfois, mieux vaut baisser le son

 

Plutôt que de prolonger les travaux préparatoires remontant à 2017, l'artiste, en pleine crise sanitaire américaine, s'est enfermé chez lui et a tout repris à zéro. A-t-il manqué de temps ? De moyens ? La situation matérielle a-t-elle rendu périlleux l'assemblage des différents éléments fournis par le compositeur, ou menacé leur finition ? Impossible de le dire, mais le résultat, dans le film, tient de la catastrophe. À de très rares exceptions près (notamment le climax) on a le sentiment d'écouter une bande-originale temporaire, ou "temp track". L'expression désigne le fait de coller sur un montage préliminaire des morceaux basiques, ou issus d'autres productions, pour donner des indications d'ambiance, d'atmosphère, à qui devra composer la véritable bande-originale.

Entre les trémolos recyclés d'une copie tiédasse de Gladiator collés à Wonder Woman, et les trois pauvres morceaux génériques, curieusement sous-mixés, qui habillent à la va-vite le film, il est difficile de croire que quelqu'un a sérieusement envisagé d'encadrer musicalement le film. Et Zack Snyder a beau jeu d'expliquer qu'il est allé piocher dans l'iPod de sa fille suicidée pour émailler le métrage de morceaux divers et variés, ce choix touchant n'en devient pas pour autant pertinent, heureux, ou efficient.

 

photoUn spectateur bienveillant, après deux visionnages successifs

 

C’EST QUOI CE MONTAGE ?

Il n'existe aucun manuel stipulant qu'un récit doit être déroulé dans l'ordre chronologique, ou ne pas s'autoriser à déconstruire les schémas classiques de la narration. D'ailleurs, BvS se prêtait à l'exercice du scénario morcelé avec un certain génie, oscillant entre allers-retours temporels, flashbacks, visions, cauchemars, le plus souvent en démultipliant ses effets de surprise, ou ses ruptures de ton. Que Snyder tente d'émuler ces morceaux de bravoure semblait naturel.

Sauf qu'en l'état, la construction du Snyder Cut est difficilement compréhensible. Le background mythologique n'est installé qu'au bout d'une heure, sur fond de voix off sentencieuse, à un moment où le récit patine tant, où le spectateur crie si avidement famine, que la violence du flashback représentant la défaite de Darkseid, avec ses effets approximatifs, ses plans statiques et ses fonds verts atroces, déchire la rétine. Trop peu, trop tard. Et il en va ainsi de tous les soubresauts chronologiques. Que dire des à-coups narratifs concernant Cyborg, trop mécaniques, ou de la vision qui l'assaille, balancée à la va-comme-je-te-pousse, et dont le personnage ne prend absolument jamais acte.

 

photoCet homme essaie de vous convaincre qu'il a une idée de ce qu'il est en train de jouer

 

Quand un héros voit la fin du monde provoquée par ses propres actes, on est en droit de se demander pourquoi il s'en moque. Mais après tout, on ne peut pas dire que cela inquiète particulièrement Batman, qui aura droit à un ultime flashforward hallucinogène. Étirée à l'extrême, cette nouvelle scène située dans le Knightmare, filmée à l'arrache (littéralement dans le jardin de Zack Snyder) arrive non pas pour ouvrir le récit, mais pour le conclure, nous expliquant en substance "voilà ce que j'aurais fait, et pourquoi". Ce genre de scorie est monnaie courante dans le montage du film, qui semble être effectué quasiment au hasard, tant les embranchements se font en dépit du bon sens.

 

photoDrame du flashback Photoshop balancé au milieu du récit

 

UN JOKER DANS LA MANCHE

Il fut un des arguments les plus mis en avant lors de la promotion du film, aussi bien en photo qu’au sein des bandes-annonces. Le Joker de Jared Leto devait faire son grand retour à l’occasion du Snyder Cut. La promotion n’ayant pas hésité à dévoiler aux spectateurs ce qui se voulait un des moments les plus forts du métrage, mais aussi sa quasi-conclusion, on regrette un peu d’avoir été si industriellement spoilés. Un reproche néanmoins très conjoncturel, les prochains spectateurs de Justice League, dans les années qui viendront n’ayant par définition pas à en souffrir. 

Au-delà de l’agacement provoqué par la situation, l’usage du Joker dans le film interroge. Tout d’abord parce que l’interprétation de Leto n’a pas fondamentalement changé depuis Suicide Squad, et que si elle a ses fans, ses victimes demeurent nombreuses. Que le look du personnage est passablement absurde, tant il est hypocrite de rappeler le comédien, mais de dégager ses tatouages, conspués il y a quelques années. L’excuse de l’hallucination, du statut dans la fiction du Knightmare, est là aussi un peu grosse et un peu facile pour faire passer la pilule d’un univers dont la première faiblesse demeure l’absolue incohérence. 

 

photo, Jared LetoMystère et boule de gnome

 

Quant à la scène elle-même, tout traduit la précipitation dans laquelle elle a été exécutée. De l’aveu même du réalisateur, elle fut tournée dans son jardin, et entre les gros plans mollassons sur les visages, les fonds vert parfois voyant, et la froideur de la mise en scène, on sent bien que le dispositif est trop léger pour l’ambition de ce moment. 

Restent les dialogues, invraisemblable festival de sous-entendus revenant interminablement sur des arcs de la mythologie déjà abordés, et avec autrement plus de dramaturgie et de finesse, dans BvS. Le syndrome du “mystère mystérieux” n’est pas loin, et on finit par se demander pourquoi la scène s’étire tant en longueur, puisqu’elle est dénuée de tout enjeu. Elle n’apporte aucun élément nouveau ou fondamentalement en rupture de ceux que nous connaissons déjà. Et le moment le plus attendu du Snyder Cut finit de se transformer en embarrassant fan film. 

Tout savoir sur Zack Snyder's Justice League

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commentaires
Fridrich
05/06/2021 à 23:25

Ah écran large écran large écran large
we live in a society

Geoffrey Crété - Rédaction
22/05/2021 à 12:25

@Victor

L'article a été publié une première fois pour la sortie française, en achat digital, quand on l'a vu, héhéhé :)

Victor
22/05/2021 à 10:33

@Simon Riaux
Mais alors pourquoi l'avoir posté une première fois lors de la sortie américaine? héhéhé

Dalfi
21/05/2021 à 21:00

Monsieur Riaux .

Ce n’est vraiment pas dans mes habitudes de commenter une critique de film ( Qui selon moi reste un exercice subjectif) .
Mais là, je trouve vraiment que celui ci est à charge, et complètement dénué d’objectivité. Que vous n’aimiez pas le film , le réalisateur et son univers est une chose que je peux comprendre aisément. Mais rentrer dans une pseudo analyse de scène incohérente, qui prouve que vous avez soit : regardé ce film en même temps que votre corvée de linge sale.
Soit que votre haine pour snyder vous ronge de l’intérieur.
Ex : « absence paternelle à un match de football constitue un conflit familial acceptable en 2021 ».
Doit on vraiment vous expliquer que ce n’est pas ceci , mais ce qui en découle qui crée cette supposé haine ( conflit mère/fils en voiture entraînant accident, entraînant mort de celle ci ) ...
Et on pourrait reprendre 50 arguments de votre critique Qui prouve que votre rôle sur EL ne sert qu’à étaler comme de la confiture votre vision de ce qui est selon vous et vous seul de cinéma digne a vos yeux.

delta
21/05/2021 à 00:58

nulllle ce simon

Simon Riaux
20/05/2021 à 15:03

@Arnaud (Le vrai)

Ce n'est pas une question de "vieillesse". Le film vient d'arriver en VOD sur OCS en exclu, on s'est juste calés sur la date.

Arnaud (Le vrai)
20/05/2021 à 15:01

Vous etes serieux EL ? Vous ressortez des dossiers qui ont a peine 2 mois d'existence ????? C'est une blague ou quoi ?
Vous devez vraiment vous emmerder en ce moment ...

Et demain vous pouvez sortir un dossier sur les jeux Tomb Raider ? Le dernier date d'avant-hier j'ai peur que ce soit trop vieux ...

Sean Bateman
20/05/2021 à 13:52

Si seulement il n'y avait que ça comme problèmes dans le film.

TofVW
20/05/2021 à 12:28

Tiens, pourquoi mon commentaire a-t-il disparu ?

Jeanne
20/05/2021 à 11:35

Je n'ai pas vu la version Whedon, donc je ne sais pas si c'était dans les deux, mais le truc que j'ai le plus détesté dans ce film, c'est la putain de musique des amazones... Dès que Wonder Woman ou une amazone fait le moindre truc, il y a une chanteuse qui se met à beugler et faire des trémolos, parce que euh, c'est ethnique ? Mystique ?
A la fin du film, j'en étais à engueuler le film dès qu'on entendait la musique, tellement ça me soulait xD

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