Retour vers le futur : quand la critique s'attaquait à la trilogie culte

La Rédaction | 3 octobre 2022
La Rédaction | 3 octobre 2022

Retour vers le futur est ce soir à 21h15 sur TMC.

Aujourd'hui saluée comme une œuvre importante, mais surtout un pilier de la pop culture, la trilogie Retour vers le futur n'a pas toujours fait l'unanimité.

Plus de 30 ans après la sortie du dernier opus, la trilogie Retour vers le futur a largement gagné ses jalons d'oeuvre culte indissociable de la pop culture contemporaine. Déjà dans les années 1980, le succès fut instantanément au rendez-vous, puisque le film original de Robert Zemeckis a rapporté 381 millions de dollars de recettes pour un budget de 19 millions. Les deux autres chapitres n'ont pas à rougir. Retour vers le futur II a amassé presque 332 millions de dollars contre 244 millions pour Retour vers le futur III, les deux ayant été produits pour 40 millions.

Un carton populaire tout sauf tardif, donc. Néanmoins, comme souvent avec Zemeckis, la presse n'a pas toujours suivi la tendance du public. Si les trois films n'ont jamais connu une destruction en règle, ils ont parfois fait face à quelques textes particulièrement salés, et par conséquent très amusants à découvrir aujourd'hui, avec tout le recul possible. Ecran Large grimpe dans sa Dolorean pour exhumer la critique de l'époque.

 

Photo Michael J. Fox, Retour vers le futur"Attends-toi à voir quelque chose qui décoiffe !"

 

Retour vers le futur : le gentil teen-movie

Premier long-métrage de Robert Zemeckis à entrer dans la légende, Retour vers le Futur n’a pas affolé la critique. En effet, c’est bien le public qui va faire du premier opus de la trilogie une œuvre culte, un classique générationnel, encore redécouvert aujourd’hui et perpétuellement revisité par les cinéphiles. Il serait facile d’accoler à la destinée du film le schéma d’une critique qui n’y aurait rien compris, voire l’aurait snobé, mais les choses sont plus compliquées. Par exemple, tandis que la critique américaine a été indiscutablement plus bienveillante envers le métrage, ce sont certains des textes français les plus durs qui lui reconnaissent le plus grand intérêt.

Il faut par exemple se pencher sur le cas de Libération, souvent moqué, mais presque jamais analysé. Initialement, le quotidien publie une critique très positive lors du Festival de Venise, signée Gérard Lefort, qui recommande vivement le film, avant que celui-ci n’ait droit à un second avis, signé Louis Skoreki, quelques mois plus tard. La pratique est rare, et on ne traite pas deux fois d’un même sujet (surtout en 1985, dans un format papier à la pagination limitée) si on ne l’estime pas digne d’intérêt. La seconde salve critique est extrêmement dure, et évoque « un des plus consternants navets qu’ait produit la bande à Spielberg ».

Mais il faut regarder au-delà, le texte de Skoreki est par exemple, un des seuls à s’interroger vraiment sur le geste de cinéma de Zemeckis et sur son sens dans la production de l’époque.

 

photo, Michael J. Fox"Mais du coup, il est bon mon navet ?"

 

« C'est sans doute le premier film à théoriser à travers un scénario le nouveau rapport du teenager à la chose filmée : ayant depuis sa naissance eu l'occasion (ou la possibilité) de voir des images de lui-même, il est le premier spectateur de ce siècle à pouvoir envisager que sa propre biographie, son histoire personnelle, puisse entièrement avoir été filmée. D'où bien sûr, le fantasme de Zemeckis et de Spielberg : si une vie entière peut avoir été filmée, pourquoi pas des événements qui remontent à avant la naissance. »

Une réflexion qu’on ne retrouve pas dans Les Cahiers du Cinéma, qui se désolent de ne rien trouver dans Retour vers le Futur de « fort, de personnel, d’obsessionnel », regrettant un film « terne ». Et à dire vrai, ce semi-dédain est tout aussi présent dans une majorité des critiques positives. Certes, elles accueillent le travail de Zemeckis avec bienveillance et peuvent le recommander, parfois chaleureusement (c’est le cas du Figaro), mais elles n’y voient qu’un divertissement industriel dénué de toute créativité.

 

Retour vers le futur : photo, Christopher Lloyd, Michael J. Fox"Je reviens du futur, le film est devenu culte !"

 

Le Washington Post, par exemple, n’y voit qu’une « comédie de science-fiction tout à fait appréciable ». Une opinion partagée par le Guardian, qui voit dans la plupart des dispositifs narratifs du récit des diversions pas bien folichonnes, pour un résultat qui aboutit à quelque chose « de très divertissant, mais gère plus ». On peut même y voir, une fois n’est pas coutume, une rare alliance franco-américaine pour ce qui est de la sympathie dédaigneuse.

Elle est au cœur de la critique de La Voix du Nord, qui a mollement apprécié ce « conte de fées sans toutefois ce brin de folie qui fait passer l’artificialité de ce genre de fables ». Quant à Variety, la publication de référence ne s’aventure guère au-delà d’un timide résumé de l’intrigue. Et ainsi, se dessine une situation rare, ou quand la seule critique à prendre conscience de l’importance de la révolution en cours au sein du cinéma américain… est la plus hostile.

 

Retour vers le futur : photo, Christopher Lloyd, Michael J. FoxRick et Morty

 

Retour vers le futur II : l'indigeste suite

Après l'enthousiasme modéré généré par le premier Retour vers le futur (qui n’a pas empêché son succès en salles), on aurait pu se dire que la presse avait retenu la leçon. Mais c’est bien mal connaître la méfiance qui a souvent accompagné les suites. En réalité, Retour vers le futur 2 a provoqué des réactions encore plus polarisées. Non seulement les sceptiques l’ont été encore plus, mais certains défenseurs du premier film ont été déçus par ce deuxième volet. C’est d’ailleurs sur cet élément de comparaison que s’est construit l’argumentaire de L’Express à l’époque :

“Si la première livraison de Zemeckis (…) était exquise, la deuxième fait figure d'invraisemblable fatras.”

Beaucoup se sont attardés sur l’aspect confus de la narration, et plus généralement sur sa gestion du voyage dans le temps. Il est vrai que les personnages sont souvent contraints de passer par de longues séquences d‘exposition pour expliquer le concept du film et ses implications. C'est pourquoi Le Parisien s'est plu à dire "[qu'à] force d'agiter son sablier dans tous les sens, Robert Zemeckis en [est arrivé] lui-même à perdre la boussole."

 

Retour vers le futur II : photo, Christopher Lloyd, Michael J. Fox"Les critiques ne prennent pas leur pied, Doc !"

 

Même les critiques plus positives, comme celle du célèbre Roger Ebert aux États-Unis, n’ont pas manqué de souligner cette structure éparpillée : “J’aurais dû amener un bon gros carnet jaune à la projection, afin de prendre des notes détaillées pour remettre en place les timelines. Et pourtant le film est amusant, surtout parce qu’il est si tordu.”

Pour autant, d’autres ont vu dans cette narration une certaine froideur. Le Chicago Tribune, au même titre que d’autres médias, a sur ce point insisté sur l’absence de Crispin Glover dans le rôle du père de Marty. Si sa performance (hilarante) dans le premier film a visiblement manqué à certains, d’autres y ont vu un symptôme du manque de cœur de cette suite.

Néanmoins, une partie de la presse s’est montrée plus enthousiaste, d’autant plus qu’entre Retour vers le futur 1 et 2, Robert Zemeckis a exploré une autre facette de son talent avec l’incroyable Qui veut la peau de Roger Rabbit ?. Pour Time, son inventivité l’a “[établi] comme l’un des jeunes réalisateurs les plus excitants du moment”. On s’étonnera même de voir Positif saluer “la fluidité de la mise en scène, le rythme époustouflant du montage et l'abattage des comédiens [qui] emportent sans problème l'adhésion du spectateur.”

 

Photo Michael J. FoxQui aurait pu prédire le culte autour de l'Hoverboard ?

 

Certes, Robert Zemeckis a toujours été un brillant technicien, mais Retour vers le futur 2 a gagné dans sa filmographie un statut à part, notamment grâce à ses nombreux éléments de narration prémonitoires de notre avenir (l’almanach, Biff en tant que précurseur de Trump, etc.). Grâce à cela, beaucoup ont pu redécouvrir ce deuxième volet, et reconnaître le culte qui l’entoure, quitte à désavouer les critiques d’époque. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est difficile de passer à côté du texte véhément de Jay Scott pour le Globe and Mail :

"Étant donné la qualité de cette Partie II, la séquence finale, une série d'extraits pour la Partie III de l'été prochain, pourrait être une sérieuse erreur de calcul. 'To be concluded...' est écrit sur le carton final. Cela sonne plus comme une menace qu'une promesse." Aïe ! Que ça a mal vieilli...

 

Retour vers le futur II : photo, Christopher Lloyd (II), Christopher Lloyd (II), Christopher Lloyd, Michael J. Fox"Non Donald, arrête, tu as perdu l'élection !"

 

Retour vers le futur III : l'épisode de trop

Il est beaucoup plus périlleux de récolter les critiques d'époque du troisième opus. Une difficulté qui s'explique en partie par le contexte de production et de distribution du film. Après le succès de Retour vers le futur, Bob Gale et Robert Zemeckis écrivent un long scénario intitulé Paradox, lequel va finalement être décliné en deux longs-métrages se répondant parfaitement : Retour vers le futur 2 et 3, tournés l'un après l'autre et sortis l'un après l'autre aussi (plus de détails dans notre dossier).

Ainsi, plus de quatre ans séparent les deux premiers chapitres, d'où l'excitation générale entourant leur sortie. Mais les ultimes aventures de Doc et Marty débarquent à peine six mois après Retour vers le futur 2, et séduisent un public un peu moins large. L'attente reste cependant présente et ce troisième opus va finalement écoper de la même réception que son prédécesseur.

Les avis sont mitigés, et deux camps se forment. D'un côté, certains louent son aspect satisfaisant et divertissant, opposant même parfois sa simplicité narrative et son tissu de référence confortable à la complexité très critiquée de l'épisode 2. C'est par exemple le cas du San Francisco Chronicle, qui clame tranquillement son intérêt pour sa chaleur réconfortante :

"La saga revient soudainement à la vie. C'est délicieux et passionnant, avec de bonnes blagues et des personnages amusants. Bien qu'il pourrait manquer la fraîcheur du premier opus, la formule n'est pas périmée, juste familière. Et familière d'une façon confortable et plaisante."

 

photoLa saga sort de l'ombre

 

Le Washington Post va encore plus loin, adoubant la comparaison avec Jules Verne initiée par le film lui-même et ne lésinant pas sur les superlatifs : "C'est divinement frivole, presque parfaitement amusant." Entertainment Weekly en rajoute encore une couche, saluant la liberté dont a joui le metteur en scène sur le tournage, qu'il oppose encore une fois à Retour vers le futur 2, "un projet que [Zemeckis]devait faire".

Un point de vue largement partagé par beaucoup de journalistes américains à l'époque, et aux antipodes de la perception du grand public actuel, considérant vraiment la trilogie comme une oeuvre à part entière, quand elle ne méprise pas légèrement la sobriété du troisième opus au profit de la générosité de son prédécesseur. Les prises de recul sur la saga étaient finalement assez rares. Empire fait partie des irréductibles, lui qui, dès les premières lignes, explique que l'intérêt réside justement peut-être dans l'enchainement des trois films, que chacun a sa place dans le récit, et que par conséquent, Retour vers le futur 3 conclut parfaitement la franchise.

D'autres reprennent cet argument pour le retourner contre la licence, se muant dès lors en de bien piètres prophètes. Le New-York Times, par exemple, se trompe d'almanach quand il titre : "Une trilogie dont le futur est dépassé". Rien que la dernière phrase de l'article illustre parfaitement à quel point cette tentative de rétrospective cynique tombe à plat 30 ans plus tard : "À part pour Mr. Lloyd, le film est si doux et fade qu'il est presque instantanément oubliable." Raté.

 

photo, Michael J. FoxDes critiques qui ne visent pas toujours bien

 

Et enfin, il y a les vrais mécontents, ceux qui voient d'un très mauvais oeil le traitement que font Zemeckis et Gale du genre américain par excellence. Le célèbre Roger Ebert, par exemple, parle d'un western réduit à la "sitcom", et d'une avalanche de clichés. Même s'il relève des pistes intéressantes, il déplore une intrigue trop linéaire et peu inspirée. Plus violent encore, le Wall Street Journal sort les armes :

"Doc dit : 'Je ne peux pas croire que ça arrive'. Cette phrase pourrait être la seule prononcée dans l'entièreté du film à contenir une once de vrais sentiments. C'était l'idée qui me restait en tête pendant que je regardais cette copie déprimante d'un matériau qui semblait original à peine cinq ans auparavant, quand il l'était. Et 'Je ne peux pas croire que ça arrive' semble être ce que la plupart des acteurs se disaient alors qu'ils évoluaient laborieusement, une fois de plus."

Comme quoi, les critiques négatives à l'encontre des deux derniers opus concernaient souvent leur statut de suite. On plaint ceux que ça a tant dérangés aujourd'hui.

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commentaires
Il y a Lugsemic et les autres
09/10/2022 à 01:24

Retour vers le passé premier film vu sur magnétoscope en famille , que ce soit avec mes yeux de gamin ou maintenant de boomer , le charme opère toujours , pour la suite vu sur la toile à l époque pas grand monde pour un samedi soir d après mes souvenirs, pas autant qu un rocky 4 ou retour du jedi dont la salle était pleine .

Je ne me rappel pas que les retours 2-3 ont marqué autant les esprits que le premier , j avais un magasine tous mois qui venait du vidéo club et il y avait des critiques du milieu du cinéma et le 3 avait était mal accueilli

Et pour les films superproductions terminator 2 et l ile au pirates deux blockbusters de chez carolco l un à cartonné et l autre à fait coulé la compagnie .......

Madolic
05/10/2022 à 11:57

@L'ancien et bonjour
Le com est joliment écrit, donc je vais laisser couler la remarque sur l'arrogance.
Révisé ou pas, la définition a évolué, et est d'ailleurs plus pertinente.
Il est plus logique de qualifier de blockbuster un produit coûteux, que d'un produit rentable.
Par contre, je ne vois pas bien l'intérêt de savoir si j'ai vu la trilogie au ciné (ce qui est non)

alulu
04/10/2022 à 18:02

Un sommet de la pop culture, du culte à l'état pure....point barre.

L'ancien et bonjour
04/10/2022 à 09:29

@ Madolic

Retour vers le futur 1, 2 et 3 : je les ai vus au cinéma, en direct, dès leurs sorties. Au fait, est-ce que tu étais né en 1985, 89 ou 90 ?

J'ai pas attendu la définition révisée (pour révisionnisme) de Google pour me conformer bêtement au canon industriel en cours...

Reprends la presse de l'époque 80-90 (Première, Starfix, Studio, Positif, etc.) et lis au lieu de cliquer, petit digital native vainement arrogant...

Madolic
04/10/2022 à 09:18

@L'ancien et bonne nuit
Définition du blockbuster : Film à gros budget, dont la sortie s'accompagne d'une importante campagne publicitaire.
Suffit de faire une recherche Google. Donc non, pulp fiction n'est pas un blockbuster. Et oui, ça se prépare à l'avance.
Merci bon soir le donneur de leçon mal renseigné.

Madolic
04/10/2022 à 09:16

@Snow
Non MDRRRR

Snow
03/10/2022 à 23:52

C'est drôle, la saga Hunger Games, de nos jours, a reçu presque mot pour mot les mêmes critiques ... Dont a participé Écran Large, qui n'a jamais manqué une occasion de rabaisser Hunger Games à du banal teen movie (faisant l'impasse sur tout son contenu politique).
Et dans 20-30 ans les mêmes critiques retourneront leurs vestes comme à chaque fois et comme si de rien n'était.
Je prends les paris.

Eddie Felson
03/10/2022 à 22:56

@Constantine
Les Goonies vu et revu et je le reverrai encore bien souvent! Mes enfants l’ont adoré aussi et ont continué à le voir et le revoir au fil des années avec le même plaisir. Un film qui doit néanmoins être vu jeune pour s’apprécier. Après, quand on « tombe dedans » dès le plus jeune âge dur de ne pas l’aimer et de ne pas continuer à l’apprécier. En tout cas chez moi, c’est une madeleine de Proust.

L'ancien et bonne nuit
03/10/2022 à 22:16

Exemple : Pulp Fiction n'a coûté que 8 petits million de dollars et il en a ramassé plus de 100 au box-office. Donc Pulp Fiction est un blockbuster... Vous saisissez la nuance avec le tout pré-fabriqué marvelo-dc de maintenant ?

Un blockbuster ça ne se fabrique pas à l'avance mais ça s'accouche à l'arrivée.

Bonne nuit.

L'ancien bis
03/10/2022 à 22:09

Arrêter avec Un Jour sans fin, ce n'est pas la presse française mais le distributeur (en l'occurence, Columbia) qui a saboté la sortie de son propre film en choisissant une fenêtre - fin juillet - qui, à l'époque, n'était absolument pas raccord avec la fréquentation en salles d'alors (en effet, les films sortaient jusqu'à huit mois de décalage, et, en France, c'est à l'automne que nous avions les succès de l'hiver précédent ou les gros films (on ne disait pas blockbuster ; initialement, un bockbuster c'était un film qui franchissait la barre des 100M de dollars au B.O. - ce qui n'arrivait même pas dix fois sur une année).

Faut re-contextualiser correctement, hein les drôles... En 1993, fin juillet/début août : il n'y a personne dans les salles ! Du reste, la critique française était globalement positive et le film s'est avéré être un carton en vidéo-club dès l'année suivante.

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