Terminator Dark Fate, Halloween, Alien 5... quel avenir pour les suites révisionnistes à Hollywood ?

Simon Riaux | 14 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 14 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Suites, remakes, reboots, on ne compte plus les tactiques hollywoodiennes pour prolonger les franchises. La suite révisionniste à la Terminator : Dark Fate en est le dernier avatar, mais a-t-il vraiment de l’avenir ?

 

DU PAS TROP NEUF AVEC DU PAS TROP VIEUX

Fut un temps où, après quelques années de jachère et de suites réduisant comme peau de chagrin l’ampleur et l’intérêt des marques concernées, se profilait l’étape du reboot. On se souvient qu’à ce petit jeu, les franchises horrifiques et tout particulièrement les slashers, ont payé un lourd tribut à l’imaginaire collectif. Ainsi, pour chaque saga se recroquevillant et s’auto-caricaturant, de Vendredi 13 en Halloween, repartir à zéro devenait progressivement une nécessité.

Mais faire table rase représente un risque énorme, à fortiori à l’heure des réseaux sociaux. Jeter tout un héritage à la poubelle pour le repenser, c’est se mettre potentiellement à dos une communauté de fans. Communautés qui ont bien compris qu’elle n’avait pas la force du nombre avec elle, mais pouvaient générer un bruit médiatique à même de donner le la d’une campagne promotionnelle, ou plutôt d’en sonner le glas. Faire un reboot pour les fans ne suffit pas, mais faire un reboot contre eux est devenu quasi-impensable (que l’on cause franchise ou relecture d’un film séminal).

 

photoAnnonciateur d'une nouvelle mode, ou exception qui confirme la règle ?

 

Le cinéma de genre et les slashers demeurant d’excellents thermomètres des mœurs hollywoodiennes, c’est par Halloween que vint le renouveau. Quand Blumhouse officialisa son projet de générer une suite directe au premier Halloween de Carpenter, la surprise et le scepticisme furent de mise. Mais à force de bons choix stratégiques, et notamment grâce à l’investissement de John Carpenter, le réalisateur David Gordon Green a tapé fort au box-office, et si son film a déçu certains aficionados de la franchise, il n’a globalement pas été reçu comme une trahison.

Dès lors, les projets de suites révisionnistes, jetant à la poubelle des pans entiers de franchise, se sont multipliés. Pourquoi et comment le phénomène est-il viable ?

 

LIBÉRATION OU ENFERMEMENT

Sur le papier, donner une suite directe à un volet originel (comme le fit Halloween) ou au dernier bon chapitre en date (comme le fit Terminator : Dark Fate en continuant après T2) peut sembler libérateur. L’idée serait bien de se préserver des développements scénaristiques ratés ou inutiles, de suites désavouées par le public, ou optant pour des choix narratifs absurdes.

C’est sans doute cette réflexion qui présida à la mise en chantier de RoboCop Returns, dont l’avenir est désormais incertain. Après un RoboCop 3 haï, qui provoqua la mort cérébrale de la marque, puis un remake qui sentait fort des pieds, la série n’était pas tant abandonnée du public que paralysée par ses errements. D’où le choix du studio de repêcher le script de la première suite envisagée au chef-d’œuvre de Paul Verhoeven, écrite par Edward Neumeier et Michael Miner à la fin des années 80.

 

photo, Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton"Ah bah oui, là, on est vraiment super libres avec notre suite/reboot hein"

 

Mais ce choix a-t-il pour autant libéré les énergies, sauvé la saga ? La communication du réalisateur initialement embauché pour diriger le projet est particulièrement éloquente. Sitôt officialisé au poste de metteur en scène, Neill Blomkamp a affirmé vouloir faire « du pur Verhoeven », comme s’il eut été impensable de ne pas chercher à dupliquer le film originel. C’est tout le paradoxe d’un concept qui, s’il prétend effacer et libérer une série de ses ratages, la place sur des rails si rectilignes qu’ils étouffent presque instantanément toute créativité. Qu'en eût il été, on ne le saura jamais, Neill Blomkamp ayant quitté le navire récemment. La même remarque vaut pour Alien 5, qui eut à coeur de s'affirmer comme une reproduction d'un style et d'une direction artistique établis.

Si bien que la fabrication de ses films devient terriblement complexe. On a reproché à Ridley Scott d’avoir tué dans l’œuf le projet de ce même Blomkamp suite à Aliens, le retour. Un hypothétique Alien 5, flinguant la continuité de la saga à partir d’Alien 3, puisque les personnages de Hicks et Newt y auraient été bien vivants, et auraient emmené le récit dans une tout autre direction que celle empruntée par David Fincher. Quant à savoir si cet épisode aurait pu donner lieu à un développement annulant les chapitres suivants, le flou demeure, le réalisateur ayant affirmé ne pas annihiler la continuité dans son ensemble, mais le tropisme Hollywoodien pour s'ajuster en fonction d'un instant T et des résultats du box-office n'étant plus à établir. Vraisemblablement peu désireux de donner les clefs d’une mythologie qu’il mit des décennies à reprendre en main, et malgré la déception générée par Prometheus, Ridley Scott a fait le choix de prolonger et continuer cet univers, plutôt que d’en balancer la continuité aux toilettes.

 

AlienAlien 5, symbole d'une impasse créative ?

 

Chacun jugera de la réussite de Prometheus et Covenant (spoiler : c’est très bien, et un jour vous verrez la lumière), mais voir en Scott le fossoyeur d’Alien quand il a permis un temps à la franchise de demeurer un espace de proposition cinématographique plus que de déclinaison commerciale à base de câlins accordés à des fans humides, c’est un peu fort de café.

 

STOP OU ENCORE ?

On le voit, effacer un pan de franchise, c’est probablement se condamner à suivre un plan de travail encore plus artificiel que celui de la stricte continuité, ou plus révoltant encore que le concept de remake « traditionnel ». Mais pourquoi alors Halloween version 2018 a-t-il fonctionné au box-office (contrairement à Terminator : Dark Fate) et pourquoi a-t-il satisfait de nombreux spectateurs ?

Peut-être justement parce que les slashers, et Halloween demeurent un cas particulier. La franchise initiée par John Carpenter a, dès son 3e opus, connu des transformations, incohérences et sorties de route majeures, allant de l’hilarant au pathétique. Par conséquent, peu importait le statut véritable du chapitre sorti il y a quelques mois, la série était par nature capable d’absorber moult transformations ou réinventions (en témoigne le 2e chapitre réalisé par Rob Zombie).

 

photo, Linda Hamilton, Mackenzie Davis"Bon bah c'est un dark fail"

 

Par conséquent, le véritable test adviendra avec Halloween Kills, puis Halloween Ends : nous saurons si la greffe prend. Si elle draine de nouveaux spectateurs, et si les anciens acceptent d’accompagner cette sanglante bouture. Pour autant, il y a fort à parier que la tendance aura du mal à se généraliser. Reposant sur un système un chouia complexe, à savoir un retour en arrière qui réclame au minimum un peu de connaissance du public, à l’heure où Hollywood tente justement de produire les marques les plus génériques et accessibles, l’équation a tout d’un exercice de funambule, pratiqué sans filet, pendant une tempête, par un unijambiste parkinsonien.

À l’évidence, seul le box-office fera office de juge de paix. Mais l’échec de Terminator Dark Fate, qui pourrait perdre jusqu’à 100 millions de dollars, et la gadoue dans laquelle se sont empêtrés Alien 5 et RoboCop Returns indique que le concept souffre à minima d’une faiblesse créative et d’un retard à l’allumage indéniable.

 

photoMichael va nous aider à y voir plus clair

Tout savoir sur Terminator : Dark Fate

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
kirby
07/12/2019 à 10:27

Le cinema meurt parce que personne ne tente a faire un Robocop vs Terminator, un Bond vs Bourne, un Avengers vs justice league, un freddy vs chucky ou un wolverine vs hulk, si ces films etait produit le cinema reverrait le jour

Endor
15/11/2019 à 23:14

excellent article, le mot révisionnisme est vraiment bien trouvé et définit bien ce qui se passe.Après la création et le baroque, arrive le rococo et la décadence, et on est en plein dedans. heureusement chaque période finit par passer

Simon Riaux
15/11/2019 à 20:06

@Musaishi1970
Il semblerait que vous n'ayez pas seulement survolé l'article, mais également la définition du révisionnisme.

@Martin Riggs
Mais du coup, en quoi ce papier s'en prend-il à Terminator ?

Arnaud (Le vrai)
15/11/2019 à 15:51

@Geoffrey

Ouf, tout n'est pas perdu pour EL, il reste des gens éclairés :D

Geoffrey Crété - Rédaction
15/11/2019 à 14:44

@Arnaud (le vrai)

Ne nous mettez pas tous dans le même sac, l'équipe est TRÈS divisée sur Prometheus :)

https://www.ecranlarge.com/films/dossier/985179-prometheus-est-il-un-ratage-infame-ou-un-film-incompris

Arnaud (Le vrai)
15/11/2019 à 14:32

"Chacun jugera de la réussite de Prometheus et Covenant (spoiler : c’est très bien, et un jour vous verrez la lumière)"

Ou comment perdre toute la credibilité que vous auriez pu avoir, en ne seule phrase :D

Dirty Harry
15/11/2019 à 11:01

Blonkamp qui dit vouloir faire « du pur Verhoeven » montre bien la limite du truc : déjà soit toi-même Neil ! Cameron a bien fait une suite qui lui ressemble tout en suivant le tracé précédent, il n’a pas essayé de faire « du pur Ridley Scott »...en tout cas qu’ils essorent et épuisent chacun de leurs concepts jusqu’au bout et comme cela il reviendront à ce à quoi a marché le cinéma depuis ses débuts : une proposition nouvelle et originale. Ce n’est pas compliqué, il suffit de tabler sur tous les scénarios qu’ils refusent de produire jusqu’ici (et le premier studio qui a les cojones de le faire va devenir le plus riche, car dans tout business on s’enrichit qu’en se distinguant des autres, pas en se conformant)

Salomon
15/11/2019 à 10:54

@Musashi
C'est rigolo comme tu as pris uniquement le paragraphe de ka définition qui t'arrangeait. T'aurais dû virer le "par abus" par contre, parce que du coup ça dessert ton argumentaire d'ignard. Donc retourne sur la page wikidico, lis l'article en entier, couche toi moins con ce soir et demain t'essaieras de ne pas passer pour plus malin que tu l'es.

@les autres : le terme est justement employé ici, ne pas confondre définition et déformation dans le langage courant. Donc on se calme les pucelles et on arrête de gerber sa bien pensance sur le net en se disant qu'on a fait une bonne action. Si vous voulez aider les juifs, allez voir le prequel révisionniste de la vérité si je mens.

Bisous.

ocani
15/11/2019 à 09:00

@Musashi1970 je suis bien d'accord avec vous.

Musashi1970
15/11/2019 à 07:18

J'ai survolé l'article qui comme d'habitude ne vole pas bien haut et balance juste fiel et banalités habituelles.
Par contre, juste le titre avec l'emploi du terme "révisionniste" actuellement à la mode démontre soit le manque total de respect soit une ignorance crade de certaines définitions. Je ne sais pas ce qui est le pire ici.
Juste pour mémoire, la définition du terme révisionniste: "La notion de révisionnisme peut également désigner, par abus, la remise en cause de certains aspects de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale par la négation, la minimisation ou la contestation de certains éléments du génocide commis par les nazis."

Ecran Large, vous devriez mourir de honte d'utiliser des termes n'importe comment sans juger de l'histoire, de la mémoire ou la décence.

Plus