Ça : la version sombre et géniale du scénario que vous ne verrez jamais au cinéma

Simon Riaux | 15 juin 2021
Simon Riaux | 15 juin 2021

Alors que Ça débarque sur Netflix, on en apprend de plus en plus sur sa genèse avec la version originale de Cary Fukunaga.

En effet, la production du film est bien loin d’avoir été de tout repos. Le projet devait initialement être réalisé Cary Fukunaga, qui avait également rédigé un scénario adapté du roman de Stephen King avec Chase Palmer. Mais le réalisateur de la première saison de True Detective quitte la production en mai 2015, pour être remplacé trois mois après par Andrés Muschietti.

Depuis, Fukunaga a expliqué qu'il s'était heurté aux producteurs, qui refusaient de soutenir sa vision artistique. Sa version ayant donc été abandonnée, on désespérait un peu de la découvrir. Sauf que le texte vient justement d’arriver sur les Internets.

L’occasion était trop belle d’aller jeter un œil sur cette proposition. Nous vous recommandons de faire de même, pour peu que vous soyez à peu près à l’aise avec l’anglais (le scénario est juste ICI). Et pour les autres, vous trouverez ci-dessous une petite fiche de lecture, qui contient en premier lieu notre opinion sur le scénario, puis une liste des principales différences entre les deux visions de Ça.

Et bien sûr, si vous n'avez pas encore vu la version de 2017, on va beaucoup spoiler.

 

PhotoExplorons les archives

 

LES LARMES DU CLOWN

Un constat s’impose et cela quelque soit votre appréciation du film d’Andrés Muschietti : le script de Palmer et Fukunaga est éminemment supérieur. Beaucoup plus noir, construit avec une fluidité très supérieure (oubliez l’enchaînement stérile de sketch horrifique pendant 50 interminables minutes), le récit est d’une densité et d’une efficacité extrêmement impressionnantes.

On note également le soin avec lequel la narration tend à imbriquer les différents récits, afin d’éviter de les dérouler trop platement. L’ensemble recèle quantité de séquences très radicales et inventives et ose souvent aller beaucoup plus loin que le film actuellement en salles, notamment dans la fidélité à l’horreur conçue par King, mais aussi dans la représentation de la sexualité.

 

PhotoAll you need is love

 

Le choix de situer l’ensemble à la fin des années 80 tout comme la séparation entre les deux lignes temporelles du roman originale sont déjà présentes dans cette version, mais paraissent sur le papier moins abruptes.

Evidemment, il ne faut pas comparer un film bien réel et son ébauche de papier, qui ne verra pas le jour. Néanmoins, se pencher sur ces deux lectures des travaux de King est une excellente façon de s’interroger sur les problématiques d’une adaptation, à fortiori d’un matériau aussi célèbre et complexe que Ça.

 

Photo CaLa fameuse angoisse de la page blanche

 

LE JEU DES DIFFERENCES

Et quelles sont justement les divergences entre Muschietti et Fukanaga ? Nous avons listé pour vous les altérations majeures d’un projet à l’autre.

Dès l’introduction, Richie Tozier est présent, via un talkie-waklie qui lui permet de discuter avec Bill (qui est roux). Cette scène, construite sur un montage alterné entre Georgie dans la cave et la discussion entre son aîné et Richie, contient des références à la Tortue, élément primordial du roman de Stephen King. Comme dans le film de Muschietti, une entité est bien présente, mais on ne la voit pas, pas plus que Georgie, et nous comprenons sa présence par le biais de plans en vision subjective.

La mort de Georgie respectait également l’idée du roman, où l’enfant a le bras arraché par Ça alors que la créature, déjà en train de se repaître de sa victime, la tire de toutes ses forces pour l’attirer dans les égouts, le désarticulant et démembrant au passage. Dans cette version, Bill ne s’illusionne pas sur le sort de son frère, dont le cadavre a été retrouvé dans la rue.

 

Photo Jackson Robert ScottA la pêche aux moules... je n'irai plus maman...

 

L’humour des enfants est toujours très présent, mais paraît plus « maladroit ». Henry Bowers s’appelle ici Travis. Les parents des héros sont plus caractérisés et on voit plus nettement leurs traumas respectifs, notamment ceux de Bill, qui interagissent dans plusieurs séquences, et permettent de bien comprendre comment la ville « hypnotise » les adultes au détriment des plus jeunes. La mère de Beverly est là, ancienne reine de beauté déprimée, obsédée par la puberté de sa fille. On le découvre lors d’une scène particulièrement crue, où elle laisse comprendre à sa fille que sa vie sera une suite de déceptions et d’horreurs, avant de lui lancer un tampon usagé au visage.

Le rabbin n’est pas le père de Stan, mais il l’identifie au fils qu’il a perdu. Stan cherche les toilettes, va dans celles des femmes à la synagogue, où il voit Grippe-Sou pour la première fois sous la forme d’une femme nue, magnifique, lubrique et en putréfaction. Un hommage à Shining ? Possible. 

 

Photo Ca, Sophia LillisSummer nightmare

 

La confrontation entre Ben et Bowers arrive beaucoup plus tôt mais est quasi similaire, jusqu’à ce que Ben s’enfuie et frappe Bowers avec un enjoliveur. Comme dans le roman, le club des loseurs construit un barrage dans les friches.

Il y a initialement une défiance entre Mike et les loseurs. C’est lui qui tombe sur les restes de l’usine où sont morts 88 enfants en 1906 lors des célébrations de Pâques, alors qu’il cherche à échapper à Bowers. Hockstettler rencontre Ça dans les ruines du bâtiment, fasciné par les indices marquant sa présence. Beverly a une première expérience avec les voix du lavabo alors qu’elle urine, seule dans la salle de bain familiale. La scène a une symbolique plus ouvertement sexuelle que celle sanglante de Muschietti.

 

PhotoDe l'importance de bien entretenir la plomberie

 

Il est établi très tôt dans le récit que les adultes ne voient pas les manifestations de Ça. La question du racisme est abordée frontalement alors que Mike est soupçonné des meurtres d’enfants. Les enfants essaient de prévenir la police.

Le père de Mike, brutalisé par la police, dévoile à son fils comment il a compris l’essence de Derry. Il a assisté et survécu à l’incendie du Black Spot, perpétré par le KKK. Mais Leroy a vu le véritable auteur du massacre : Grippe-Sou qui manipulait les pyromanes et se repaissaient des malheureux survivant aux flammes. Après quoi Mike est confronté à Ça, dans la morgue de l’hôpital, lors d’une longue séquence hallucinatoire particulièrement éprouvante.

 

Photo Ca, Chosen JacobsUne chouette petite ville

 

Les loseurs ne fraternisent plus avec lui en le sauvant de Bowers et en jetant des pierres, mais en le menaçant avec des feux d’artifices, juste après avoir mis en commun leur connaissances sur Ça. C’est pour échapper à la bande de Henry qu’ils vont se réfugier dans la maison de Neibolt Street. La séquence qui suit est alors très similaire à la confrontation du film de Muschietti, à la différence que le sang y joue un fort rôle symbolique et que les enfants prennent le dessus grâce à leur feux d’artifices.

Un flashback extrêmement violent montre comment en 1979, Ça manipule un bûcheron, lequel fait un carnage dans un saloon de Derry. Il s’agit en réalité d’une anecdote déterrée par Ben.

 

Photo CaEt c'est parti pour une petite séance d'urbex !

 

Ce sont les camarades de Bowers qui découvrent le meurtre de son père. Travis l’a poignardé et flingué à bout portant. Lorsqu’ils découvrent le corps, leur ami est devant la télé, fasciné par une émission animée par Pennywise. C’est lui qui le poussera à les tuer un peu plus tard.

Le climax sous-terrain est très différent. Tout d’abord, les loseurs vont tomber nez à nez avec une énorme membrane remplie d’araignées, la probable descendance de Ça, totalement absente du film actuellement salles mais présente dans le roman. Ils seront ensuite attaqués par un tentacule appartenant à une créature aquatique qui possède un œil immense et lumineux. Ce sera leur premier contact avec les Lumières Mortes, que Grippe-Sous mentionnera nommément un peu plus tard.

Le groupe l’immole par le feu. Enfin, le changement peut-être le plus important : la fameuse communion sexuelle vécue par les enfants après l’affrontement est ici clairement sous-entendue, en dépit d’une ellipse. On peut raisonnablement supposer que la question était vouée à être abordée ultérieurement.

De quoi permettre d'imaginer un peu plus précisément ce que Ça aurait donné entre les mains de Cary Fukunaga.

 

 

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commentaires
Clown sad
29/09/2017 à 23:15

Content qu'il n'est pas adapter sa version. Désoler, mais malgré quelque truc couillu (oui), ca n'a plus grand chose a voir avec le livre de King. Trop de chose "choc" pour quoi...pour paraître sans limite. Ok celle qu'a fait Andy est plus mainstream...mais au moins réussi a placer des choses glauque avec élégance et sous enttendu (ce qu'il faut pour moi).

La, j'y vois surtout un film qui se veut aller loin....pour aller loin dans le trash. Et j'aime pas ca. C'est malsain, mais dans le mauvais sens (comme les Saw d’ailleurs, sponsoriser par Charal..).

Moué non franchement je respecte, mais je suis content qu'il fera SONT film a lui. La je trouve quasiment plus rien du livre que j'aime. Le réa Muschittie a lui aussi changer quelque truc, mais ca se tiens, et respecte surtout l'esprit et l’aisance même des livres !

Kouak
29/09/2017 à 14:27

Je suis entièrement d'accord avec Birdy qui, sans complaisance aucune, fait une parfaite analyse.
Pour moi, n'en déplaise à certains, il y a deux "maîtres" de l'épouvante dans le domaine de la littérature :Stephen King et Howard Philips Lovecraft...(Et Edgar Allan Poe...Ça fait 3...)
King est plus "basé" sur le coté "psycho" (Poe) , car la logique est souvent réduite au minimum...
Je prendrai en exemple cette nouvelle, dont je ne sais plus le nom, qui relate l'histoire d'un gamin qui "panique" chaque fois qu'il se trouve devant la porte de la cave de sa maison...
ses parents ne comprennent pas...(Normal ce sont des parents) et le jour où ce "gamin" prend la décision d'y descendre....Il meurt ! (Point barre, pas d'autre explication)
Il n'y a rien d'horrifique dans cette nouvelle, mais le fait est, qu'elle est terriblement efficace !
Par contre, ce que je "regrette" chez King est le fait, que lorsqu'il y a des "monstres", il les décrive...
Chez Lovecraft l'approche est complétement subjective...
Il va décrire les mouvements, les bruits, une vague apparence, des créatures monstrueuses de ses récits, mais tout en laissant l'imaginaire du lecteur faire son office...
En bref, il tourne autour du pot, mais très efficacement...
Et c'est pour cela que je "crains", la moindre adaptation d'une nouvelle ou d'un roman de Lovecraft...
Mais il n'empêche que ces "3" là (Poe ,Lovecraft et King) à mes yeux, sont des cadors...

Birdy
29/09/2017 à 11:20

Stephen KING est vraiment dur à adapter car l'intrigue ne se suffit souvent pas à elle même. Ses livres passent leur temps dans les pensées des personnages, ce qui justifient et débanalise leurs actions, autant qu'on apprend à les connaitre "intimement". On a accès à cette petite porte dans leur inconscient, dans leur folie, et petit à petit, on sombre avec eux.
Dans "ça", les 3 gros points positifs sont justement les personnages et leurs interprètes, souligné unanimement par tous. La reconstitution de l'univers de Derry, des friches, du clown, tout sent l'amour et le travail bien fait à partir d'une oeuvre riche et puissante (on se souvient généralement de ce bouquin toute sa vie).
L'autre point fort : l'inventivité du scénario pour condenser le passif de certains héros, et leur rencontre avec le monstre. C'est visuel, flippant et gore. Ils n'ont pas eu peur de nous servir l'horreur qu'on s'imaginait dans notre lit, après avoir fini un chapitre terrifiant.
et 3 : le monstre est top et bien interprété. Un gosse de 12 ans s'en souviendra loooongtemps.

Et pourtant il y a également 4 défauts selon moi, qui empêche ce film de s'élever au dessus de l'adaptation fidèle ( très ) réussie, et atteindre le statut de grand film toutes catégories.
1/ Les nombreux "loosers" sont justement trop nombreux, et en laissent certains sur le carreau. C'est dommage pour le fan, c'est pire pour le simple spectateur qui ne les connaissait pas, et n'apprendra quasi rien de Ben par ex ( son amourette pour Jen ). ils étaient obligés de les laisser tous, bien sur, mais ça rend la bande moins dense.
2/ Scénaristiquement, du coup, on passe trop de temps sur les rencontres avec Pennywise sans que l'histoire n'avance vraiment. Si on résume le film, il tient finalement sur peu de scènes clés. Les méchants sont juste méchants ( Henry et ses potes, le papa de jen, etc ), les actions sont convenues snas que jamais on ne soit surpris de la tournure des évènements. On retrouve d'ailleurs quasi tous les rebondissements dans Stranger Things.
3/ La mise en scène est relativement bien foutue, mais manque de génie. Un monstre aussi flippant qui joue avec nos peurs, le réa devait en faire de même. Se renouveler à chaque scène. Les Dents de la Mer et Alien sont bien plus flippants sans montrer le 1/4 de Ça, et c'est la limite de ce film d'horreur.
4/ La fin. J'ai du mal avec la facilité à vaincre le monstre. Les mots de Stephen King manquent cruellement en s'approchant du dénouement. Dommage, car le climax d'un film d'épouvante est sensé nous scotcher définitivement.

Bref, je suis du coup ennuyé par ce film, qui est tout ce que j'attendais, mais pas plus, et surtout pas d'un point de vue mise en scène.

J'aurais aimé un mix des deux versions : l'univers de celle ci, son casting, certaines idées, et la structure de l'autre...

shion
29/09/2017 à 07:37

en un mot DOMMAGE

ts
29/09/2017 à 06:38

meilleur film de ces 10 dernieres années

Zeerax
29/09/2017 à 06:38

Franchement, ils ont respecter le roman et l'humour ainsi que la magie de l'enfance. Bravo à eux et comme certains cinéastres disent, c'est le film du siècle

drale55
29/09/2017 à 06:37

t'es con ou quoi avec ton fukunanga? tu as lu le script de Fukunanga? il était bidon...il avait été jusqu'à changer le nom des personnages et le film ne ressemblait en rien à IT

ce film a totalement l'esprit du livre, et d'un point de vue objectif, c'est un modern classic

choco
28/09/2017 à 22:32

@Maxibestof
Tu veux sûrement parler de Ben Mendelson ;-)
Poulter était plutôt le second choix de Fukunaga ^^

Gage
28/09/2017 à 22:03

Encore un post sur ce film ? Et ça brode et ça brode... Ça va maintenant, c'est pas non plus le film du siècle.

Maxibestof
28/09/2017 à 21:34

@Rorov94 :
Les 2,5 millions d'entrées vont être assez difficiles à atteindre je pense...

@choco:
Will Poulter n'était pas le choix de Fukunaga. Cet acteur avait été imposé par les producteurs. Fukunaga voulait un autre acteur (je ne sais plus lequel) mais Will Poulter était moins cher...

En tout cas c'est dommage, on a loupé un chef d'oeuvre horrifique... Au lieu de cela on a un film pas mal mais beaucoup trop "hollywoodien" et sans vrai prise de risque... :(

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