CECI EST MON SANG
Tu ne tueras point se penche sur le destin de Desmond Ross, premier objecteur de conscience de l’armée américaine à avoir reçu les plus hautes distinctions militaires à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Refusant de tuer et donc de porter une arme, le soldat Ross s’illustra en sauvant des dizaines de ses camarades blessés au front, s’imposant comme un modèle de courage.
Hantée par les figures du sacrifice, de l’Eden perdu et du sacrement rédempteur, l’œuvre de Gibson est depuis L’Homme sans visage, sa première réalisation, une odyssée en forme d’exégèse christique. Son nouveau film ne déroge pas à la règle, puisqu’il fait de son héros, parfaitement incarné par Andrew Garfield, un pénitent, souillé d’un péché originel qui cherchera l’absolution dans un don de soi total. Enfant, Desmond manque de tuer son frère aîné à l’occasion d’une banale dispute. Marqué, il n’aura de cesse de se purifier et de racheter ses frères humains.
Cette faute primitive est pour Gibson l’occasion de démontrer sa maîtrise de la symbolique, non seulement chrétienne, mais également du fonctionnement du Septième Art en tant que réseau d’images, résonnant les unes avec les autres. De la brique qui faillit tuer son aîné, Desmond fera l’instrument du sauvetage d’un garçon, du sang versé, une armure et une eau baptismale dont il tentera jusqu’à la fin du film de renaître.
Ainsi, Tu ne tueras Point se veut, à la manière d’Apocalypto, ou de Braveheart, une quête effrénée d’un cœur pur et primaire pour non pas échapper à la barbarie, mais la transcender. Ceux que la mystique catholique rebute, ou qui se refusent à l’appréhender pour le motif esthétique ou mythologique qu’elle offre, risquent donc de passer un mauvais moment, d’autant plus que le cinéaste en use avec une maestria souvent bouleversante.
De la foi, certes, mais aussi beaucoup beaucoup de cinéma
ŒIL POUR ŒIL
Metteur en scène et homme de foi, Gibson est aussi et avant tout un homme de cinéma. Et c’est ce qui fait de ce come-back, au-delà de son catéchisme assumé, un éminent morceau de bravoure. Loin de l’image de bourrin assoiffé de sang qui lui a été injustement collée, le réalisateur réussit à tenir la ligne de crête entre fascination et répulsion pour l’acte de guerre.
Un peu vite comparé au funèbre Clint Eastwood ou déchirant Steven Spielberg, ce Tu ne tueras point est peut-être plus proche d’un Sam Peckinpah et de ses Croix de Fer, où cohabitent l’horreur du meurtre de masse, la détestation du massacre, et la sincère fascination pour les hommes amenés à les perpétrer, leur folie, leurs élans, leur courage.
Un positionnement difficile, mais passionnant, dont le funambulisme se retrouve jusque dans le découpage du récit. Mad Mel rappelle ici qu’il est un des rares orfèvres de l’image en capacité de faire coexister à l’image le classicisme des vieux films de guerre de la Warner (par endroit à la limite de l’académisme) et des envolées lyriques d’une modernité stupéfiante.
LE GROS ROUGE QUI TACHE
Car si la première heure de Hacksaw Ridge, impeccable de tenue et de construction dramatique, fait sentir par sa relative absence de débordement que le cinéaste orchestre stratégiquement son retour hollywoodien, l’artiste se déchaine dans la seconde partie du récit.
La falaise qui tient lieu de champ de bataille se mue alors en un Golgotha revisité par Dante, où s’invite comme toujours chez l’auteur une culture picturale évidente. Fort d’une photographie impeccable et d’une mise en image qui en appelle régulière au Caravage, ou de Otto Dix à Goya, il slalome entre les corps suppliciés, magnifie les chairs putrescentes et nous plonge avec une ivresse morbide dans les tréfonds de l’humanité.
Ne vous y trompez pas, ça va saigner
Oubliant toute notion de réalisme, il débride sa caméra pour composer une fresque de pure colère et fureur mêlées, jusque dans ses ultimes images en forme d’élégie désespérée, hommage à la fois désenchanté, sardonique et déférent à l’attention des soldats dont la haine, le courage, la noblesse et la rage ont accompagné cette fresque cataclysmique.
La construction très simple de Tu ne tueras point, son message limpide (que certains ne manqueront pas de caricaturer en horrible tract catho belligérant) en font une œuvre carénée pour assurer le retour de son auteur en grâce. Une orientation légitime, mais qui limite par endroit l’impact du film. Mad Mel se rappelle néanmoins à nous de fort brillante manière, sans céder un pouce de terrain à ses contempteurs, avec ce geste de cinéma surpuissant, et c’est déjà une formidable nouvelle.
C’est quand même marrant de voir que tout le monde tape sur Gibson depuis des années et que lorsque il sort un film, le mec arrive quand même à mettre tout le monde d’accord. Vivement son prochain film: L’Arme fatale 5 ou La Résurrection ? J’ai hâte.
Dommage lorsque l’on fait l’apologie d’un film de se foirer sur le ,om du perso principale Desmond T DOSS et non ross. Visiblement il vous faut un nouveau visionnage. mdr
De l’hémoglobine à revendre.
Inutile. Jubilation perverse.
Une jolie claque sitôt arrivé au camp d’entrainement, un vrai chef d’oeuvre une fois arrivé sur le champ de bataille !
Juste la fin trop christique à mon goût.
Un peu guimauve mais le film est vraiment bon.
Decouvert sur le tard la vache quel film! Merci mel!
Un grand film. Un message puissant, une musique bouleversante.
Le meilleur film de guerre du siècle. Seul bémol, il aurait mérité un Oscar de meilleur film ou real
Quelqu’un a rappelé que Mel Gibson est un très grand réalisateur ?
Magnifique article, Simon.
Film beau et éprouvant a la fois.
Un Andrew Garfield bouleversant.
Rarement déçu par mel Gibson, Andrew Garfield d’une justesse incroyable, j’ai adoré ce film