Tu ne tueras point : critique de la résurrection de Mel Gibson
Devenu à force de scandales un infréquentable de la coterie Hollywoodienne à la fin des années 2000, Mel Gibson a patiemment préparé son retour derrière la caméra jusqu'en 2016. Pour Tu ne tueras point (Hacksaw Ridge), il renoue avec les thématiques, voire les obsessions, qui forment le corpus de son cinéma violent et inspiré.
CECI EST MON SANG
Tu ne tueras point se penche sur le destin de Desmond Ross, premier objecteur de conscience de l’armée américaine à avoir reçu les plus hautes distinctions militaires à l’issue de la seconde guerre mondiale. Refusant de tuer et donc de porter une arme, le soldat Ross s’illustra en sauvant des dizaines de ses camarades blessés au front, s’imposant comme un modèle de courage.
Hanté par les figures du sacrifice et de l’Eden perdu et du sacrement rédempteur, l’œuvre de Gibson est depuis L’Homme sans visage, sa première réalisation, une odyssée en forme d’exégèse christique. Son nouveau film ne déroge pas à la règle, puisqu’il fait de son héros, parfaitement incarné par Andrew Garfield, un pénitent, souillé d’un péché originel qui cherchera l’absolution dans un don de soi total. Enfant, Desmond manque de tuer son frère aîné à l’occasion d’une banale dispute. Marqué, il n’aura de cesse de se purifier et de racheter ses frères humains.
Cette faute primitive est pour Gibson l’occasion de démontrer sa maîtrise de la symbolique, non seulement chrétienne, mais également du fonctionnement du Septième Art en tant que réseau d’images, résonnant les unes avec les autres. De la brique qui faillit tuer son aîné, Desmond fera l’instrument du sauvetage d’un garçon, du sang versé, une armure et une eau baptismale dont il tentera jusqu’à la fin du film de renaître.
Ainsi, Tu ne tueras Point se veut, à la manière d’Apocalypto, ou de Braveheart, la quête effrénée d’un cœur pur et primaire non pas d’échapper à la barbarie, mais de la transcender. Ceux que la mystique catholique rebute, ou qui se refuse à l’appréhender pour le motif esthétique ou mythologique qu’elle offre risquent donc de passer un mauvais moment, d’autant plus que le cinéaste en use avec une maestria souvent bouleversante.
De la foi, certes, mais aussi beaucoup beaucoup de cinéma
ŒIL POUR ŒIL
Metteur en scène et homme de foi, Gibson est aussi et avant tout un homme de cinéma. Et c’est ce qui fait de ce come-back, au-delà de son catéchisme assumé, un éminent morceau de bravoure. Loin de l’image de bourrin assoiffé de sang qui lui a été injustement collé, le réalisateur réussit à tenir la ligne de crête entre fascination et répulsion pour l’acte de guerre.
Un peu vite comparé au funèbre Clint Eastwood ou déchirant Steven Spielberg, ce Tu ne tueras point est peut-être plus proche d’un Sam Peckinpah et de ses Croix de Fer, où cohabitent l’horreur du meurtre de masse, la détestation du massacre, et la sincère fascination pour les hommes amenés à les perpétrer, leur folie, leurs élans, leur courage.
Un positionnement difficile mais passionnant, dont le funambulisme se retrouve jusque dans le découpage du récit. Mad Mel rappelle ici qu’il est un des rares orfèvres de l’image en capacité de faire coexister à l’image le classicisme des vieux films de guerre de la Warner (par endroit à la limite de l’académisme) et des envolées lyriques d’une modernité stupéfiante.
LE GROS ROUGE QUI TACHE
Car si la première heure de Hacksaw Ridge, impeccable de tenue et de construction dramatique, fait sentir par sa relative absence de débordement que le cinéaste orchestre stratégiquement son retour hollywoodien, l’artiste se déchaine dans la seconde partie du récit.
La falaise qui tient lieu de champ de bataille se mue alors en un Golgotha revisité par Dante, où s’invitent comme toujours chez l’auteur une culture picturale évidente. Fort d’une photographie impeccable et d’une mise en image qui en appelle régulière au Caravage, ou Otto Dix à Goya, il slalome entre les corps suppliciés, magnifie les chairs putrescentes et nous plonge avec une ivresse morbide dans les tréfonds de l’humanité.
Ne vous y trompez pas, ça va saigner
Oubliant toute notion de réalisme, il débride sa caméra pour composer une fresque de pure colère et fureur mêlées, jusque dans ses ultimes images en forme d'élégie désespérée, hommage à la fois désenchanté, sardonique et déférent à l’attention des soldats dont la haine, le courage, la noblesse et la rage ont accompagné cette fresque cataclysmique.
La construction très simple de Tu ne tueras point, son message limpide (que certains ne manqueront pas de caricaturer en horrible tract catho belligérant) en font une œuvre carénée pour assurer le retour de son auteur en grâce. Une orientation légitime, mais qui limite par endroit l’impact du film. Mad Mel se rappelle néanmoins à nous de fort brillante manière, sans céder un pouce de terrain à ses contempteurs, avec ce geste de cinéma surpuissant, et c’est déjà une formidable nouvelle.
Lecteurs
(4.7)28/03/2020 à 15:19
Revu dernièrement à la télé. Si j'ai toujours un peu de mal avec la première partie que je trouve un peu trop niaiseuse, Mel Gibson signe par la suite des scènes de combat d'une brutalité inouïe qui confirme sa réputation de très grand metteur en scène. Il nous transporte VRAIMENT au champs de combat et on en ressort sidéré, choqué, abasourdi par tant de violence. On ne peut que regretter qu'il n'ait jamais pu réaliser le film de viking qui était un temps prévu avant sa déchéance.
27/03/2020 à 22:40
Mel Gibson a fait son chemin on peut le considérer pour ma part comme un très grand réalisateur et metteur en scène.
Quel super jeux d acteur Andrew garfield.
superbe film
27/03/2020 à 12:17
MEL GIBSON est un boss, on le voit que trop peu :(
27/03/2020 à 09:23
excellent film ; GRANDIOSE ... MEL GIBSON est un grand réalisateur... merci d avoir rendu Hommage à ce merveilleux Soldat DESMOND DOSS...RESPECT ...
06/09/2018 à 17:04
En 2h10, le film raconte la même chose que Forrest Gump en 10 mn.
Tirez pas, je caricature.
20/11/2016 à 13:09
Vu ce matin, et bien le voilà le grand film de cette pauvre année cinématographique.
14/11/2016 à 17:21
Je suis allé le voir hier, et ma déception est gigantesque.
J'adore Mel, j'adore l'acteur, j'adore encore plus le réal. J'adore Apocalypto, La passion et Braveheart. Bref, ça partais bien.
Et pourtant j'ai détesté celui-ci. D'abord c'est terriblement niais, la musique est affreusement cliché ( on en parle de LA scène de séduction, avec ralenti, violon etc ? ). Le message est loin d'être limpide, je n'ai rien contre un message religieux, quand il n'est pas aveugle, et quand il ne devient pas le symbole de ce qu'il est censé combattre. Ici c'est la patrie et Dieu, dans un mélange vomitif, lissé à hollywoodienne, jusqu'à la scène qui finit en apothéose, où cet homme singulier, devenu l'image de la paix, devient également le symbole de cet attaque finale meurtrière, où les japonais périssent par le feu et sous les balles, sur fond de musique guerrière et joyeuse.
Ce film est une parodie, et s'il n'était pas aussi gore et aussi bien joué, je crois que je me serais marré du début à la fin..
08/11/2016 à 18:25
J'espérais trouver là un plaidoyer humaniste et confraternel... Las ! J'en ai soupé toute mon enfance des bondieuseries, pendant ma scolarité chez les curés... Je passerai donc mon chemin...
"Athée Ô grâce à Dieu (Mouloudji)
28/10/2016 à 18:02
ça fait du bien de revoir Mel dans le paysage cinématographique!
10/10/2016 à 14:24
Mel pour toujours!