Gone Girl : critique évaporée

Christophe Foltzer | 9 janvier 2022 - MAJ : 22/08/2023 16:51
Christophe Foltzer | 9 janvier 2022 - MAJ : 22/08/2023 16:51

Chaque nouveau film de David Fincher est attendu comme le messie. Après une clinique, mais admirable, The Social Network, et une explosion en règle des codes du remake bête et méchant avec Millenium - Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, on craignait que le choix d'un sujet comme celui de Gone Girl trahisse une petite forme. D'autant, qu'a priori, le casting se posait plus en interrogation qu'en évidence. Fincher a-t-il réussi son coup ?

GOOD FINCHER

Si le metteur en scène est connu pour son style bien particulier et ses effets impressionnants et novateurs, dès le départ, Gone Girl s'impose comme le film de la sobriété. Pas de surstylisation à outrance ou de mouvements de caméra impossibles, le film ne dérogera jamais à cette ligne artistique faussement timide. Car un sujet pareil (que nous ne dévoilerons pas) exigeait effectivement une économie d'effets de style et d'artifices.

En effet, comment embarquer son spectateur dans ce cauchemar éveillé, véritable analyse froide et tranchante d'un couple moderne perdu dans ses propres névroses et celles du monde, en satisfaisant le besoin de spectaculaire d'un public gavé d'images fortes et tape-à-l'oeil vides de sens ? Gone Girl se pose d'emblée comme un vrai film adulte, tel qu'on n'en a pas vu depuis très longtemps, et permet de prouver à qui en doutait encore que David Fincher est un exceptionnel réalisateur formel et subtil.

 

Photo Rosamund Pike, Ben AffleckBen Affleck et Rosamund Pike... dans le rôle de leurs vies ?


La trame du récit pourra sembler cousue de fil blanc et prévisible dans son dénouement, mais Gone Girl a cette incroyable capacité de surprendre même le plus malin de ses spectateurs et démontre avec une facilité déconcertante que connaître l'issue d'une histoire n'empêche pas de la vivre pleinement. Et, de ce point de vue, le film est une incroyable réussite. La dérive de ce couple n'étant qu'une excuse, David Fincher poursuit le dynamitage du monde actuel qui semble planer sur toute son oeuvre. Et il va encore plus loin cette fois en attaquant directement son public.

 

Photo Ben AffleckBen Affleck n'est pas au bout de ses problèmes

 

CAUCHEMAR EN PLEINE LUMIÈRE

Prolongement logique de The Social Network, le film détruit avec une violence inouïe l'empathie générale qui s'empare d'une société au moindre évènement un peu choquant pour oublier son propre vide et son repli sur soi. Mais, encore une fois, le film est protéiforme et ne s'attarde jamais sur cette thématique pour la surligner afin que tout le monde comprenne. Le message n'est pas là. Il n'est dévoilé qu'à la moitié du métrage, lorsque toutes les figures imposées par le genre ont été utilisées. Et là, le choc est total, l'empreinte dans l'esprit du spectateur durable, David Fincher bouscule nos psychés et nos coeurs comme il l'a rarement fait.

 

photo, Ben AffleckEst-ce que c'est toi Bruce Wayne ?


Bien sûr, un tel propos ne pouvait tenir la route sans un casting de premier ordre. Que dire si ce n'est que Rosamund Pike trouve ici son premier vrai grand rôle, qu'elle s'y abandonne totalement jusque dans les extrêmes et on parie sans problème que son interprétation restera dans les mémoires.

Pour ceux qui se posaient encore la question, Ben Affleck est exemplaire, excellent. Utilisé à bon escient (et par un vrai réalisateur/directeur d'acteurs), le comédien confirme l'orientation prise par sa carrière ces dernières années. Il arrive alors (avant de nouveaux ennuis...) à un stade de sa carrière où il se trouve en pleine possession de ses moyens et porte le film comme il l'a rarement fait. Le reste de la distribution est à l'avenant, les seconds rôles sont admirables et apportent chacun leur pierre à l'extraordinaire édifice que David Fincher construit avec minutie. 

 

Affiche française

Résumé

On pourrait disserter des heures sur ce film tant il est profond, complexe et d'une justesse qui fait froid dans le dos. Gone Girl ne se regarde pas, il se vit, pour le meilleur et pour le pire. David Fincher vient de signer un nouveau chef-d'oeuvre et probablement le film le plus important de son année. Il est de votre devoir de le voir maintenant.

Autre avis Geoffrey Crété
David Fincher en pleine maîtrise, avec un scénario passionnant et une Rosamund Pike impériable : Gone Girl est un diamant noir et un puits vertigineux.
Autre avis Alexandre Janowiak
Nouveau chef d'oeuvre pour David Fincher qui livre avec Gone Girl, peut-être son film le plus méticuleux et élégant, incontestablement un thriller passionnant et sophistiqué, d'une richesse sociale et cinématographique déconcertante.
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Lecteurs

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commentaires
Flo
18/09/2023 à 14:31

Trop c’est trop !
Le concept est clair : ce livre adapté en film se moque des apparences (c’est le titre VF), et de la façon dont celles-ci orientent l’opinion des petites gens, emballent la machine médiatique… « Plus c’est gros, plus ça passe », etc…
Et Ben Affleck est bien sûr utilisé pour son image publique… c’est un grand couillon, mâle alpha qui a périodiquement du talent (« Gone Baby Gone », tiens donc ?!), et qui finit toujours par le gâcher et apparaître médiatiquement comme un perdant (super-héros, jeu, alcool). On garde toujours de la tendresse pour lui, mais vraiment il faut qu’une femme forte (surtout si elle s’appelle Jennifer) le mate, pour son bien.
Ici c’est plutôt une Amy, mais pas une amie – là par contre, David Fincher utilise Rosamund Pike comme si elle sortait juste de « Meurs un autre jour », blonde glacée aux multiples visages.

Et alors, est-ce qu’on va avoir un thriller misanthrope Fincherien, bien léché et carré, mise en abîme du contrôle du storytelling… Et à tendance Hitchcockienne pendant qu’on y est (un peu comme son « Panic Room ») ?
Ouiiii… Seulement il y a une autre tête derrière ce projet, la propre autrice du roman, Gillian Flynn. Et on dirait que personne n’a osé lui demander de condenser cette histoire, parce-que le résultat c’est que le film finit par se coltiner 7 épilogues à rebondissements pendant une heure et demie !!
Mettre le premier retournement de situation (classique mais malin) vers le milieu, ok, c’est pas banal… Et on aurait ainsi pu enchaîner toute l’histoire uniquement sur un autre point de vue. Face A, Face B. Thèse, antithèse, puis éventuellement synthèse à la fin. Suffisant pour créer une structure cinématographique claire et nette, là où le bouquin alternait un chapitre chacun.
Mais non, il faut ici que les deux continuent d’évoluer côte à côte, le scénario devenant un jeu où ces protagonistes passent continuellement de victoires en défaites, programmées pour l’un, fortuites pour l’autre.

Et chaque nouveau retournement de constituer une parfaite fin, amenant une réflexion particulière.
Sauf que l’action se relance, encore et encore, ça n’en finit pas. Ou plutôt si, ça ne cesse de finir, puis de recommencer, de plus en plus vite. Et ainsi toute réflexion qu’on peut avoir s’en trouve annulée (est-ce féministe ? misandre ? misogyne ? parlant de folie ? tournant à la satire les liens parentaux et jumeaux ? louant l’intellectualisme arrogant de la Côte Est ou bien le critiquant ? tout ça à la fois ?)…
Forcément, puisque l’histoire est dans l’impossibilité de se conclure définitivement.
Ça pourrait servir le film, qui ambitionne sûrement d’être la métaphore d’un cauchemar conjugale infini. On y cite même « La Guerre des Rose », pas très subtilement – et à force de faire le zigzag, c’est vrai qu’on se croirait plus dans une comédie absurde et grinçante, verbalement crue mais à peine sexy (on est pas dans les années 80/90, vous aurez peu d’actrices nues), vue sous l’angle du thriller puisque c’est Fincher… qui n’a pas la même hargne burlesque que Dany DeVito.

Mais on peut trouver que non, ça dessert le film, parce-que ça se prend trop pour… une mini-série – le pire défaut qui soit pour un long-métrage, qu’on trouve plutôt dans les films produits par des plateformes, infichus de couper.
Le principe du coup de théâtre diabolique régulier, c’est tout à fait adapté à ce type de format sériel, puisqu’on a le temps de le digérer après la fin d’un épisode, et avant de lancer le suivant… C’est moins pertinent pour le cinéma, qui doit éviter tout morcellement, se reposer sur la mise en image pour mieux condenser son propos (Fincher est quand-même un formaliste) et offrir une satisfaction finale, qu’elle soit moralisatrice ou non.
En particulier quand c’est une histoire criminelle – dans le même style, on peut revoir « Le Chantage », thriller manipulateur du même genre, mais moins alambiqué.
Et que l’on peut facilement extrapoler ce qui peut arriver après, juste quand commence le générique de fin – mais tout le monde est déjà fatigué à ce moment là.

Peut-être que Fincher avait déjà trop la tête prise dans les séries qu’il commençait à produire. En tout cas, il a trop péché par gourmandise et aurait du faire un choix tranché… plutôt que tranchant.

Salopardisent-ils…
Saloperit-elle.

Dododu92
07/05/2022 à 06:13

Un chef-d'œuvre, une écriture jubilatoire.
Un des meilleurs films que j'ai vu.

sylvinception
11/01/2022 à 12:49

Alors pour ceux qui se demande (encore ?) pourquoi les films du génial David Fincher ne sortiront plus que sur Netflix, merci de regarder (pour changer) les derniers résultats en date du box office.
Et vive le cinéma!! (lol)

Oldskool
09/01/2022 à 20:13

Merci aux commentires qui trouve cela bof, parce que devant tant d'enthousiasme des critques je me disais t'es peut-être passé à côté.

Jay
09/01/2022 à 14:49

@rientintinchti en quoi le film n'a pas de fin ?

rientintinchti
01/09/2021 à 17:31

Film nul et incomplet. Faut arrêter de trouver des excuses à ce film juste parce qu'il est de fincher. C'est nul, vain et ça n'a pas de fin.

Fab1
01/09/2021 à 16:29

Bon film bon thriller.

[)@r|{
27/11/2020 à 18:07

[L'ho visto al cinema.]...
Le film est excellent mais le gros problème de "Gone Girl", c'est qu'à la fin du film, on n'est qu'à mi-parcours du récit. Donc on reste sur sa faim, c'est le cas de le dire !
Il faut une suite pour finir l'histoire.

Ciao a tutti !

real
27/11/2020 à 12:06

2 semaines après sa sortie, découverte de "Gone Girl "en salles. Envie d'un bon Whodunit du samedi soir. Avec Fincher, je m'attends à du cousu main. Sauf que...en fin de séance, le nihilisme de la scène de fin plonge la salle dans la stupeur. Le public se lève trèèèès lentement au retour de l'éclairage, et se dirige trèèèèèèès lentement vers la sortie: KO. On se regarde avec mon voisin de rangée (un parfait inconnu !), aussi stupéfait que moi, avant d'échanger: "...hé bé ! ".
En regagnant la sortie, je demande au caissier si le film sera toujours à l'affiche la semaine prochaine, et lui fait part de ma surprise - et de mon abattement - devant la cynisme global du métrage. Il me répond: "Vous êtes pas le 1er à m'en faire la réflexion à la sortie". ^^

zetagundam
26/11/2020 à 22:15

@Gregdevil
Je ne les regarde uniquement quand le film ne m'intéresse pas

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