AKA : critique qui tire à balles réelles sur Netflix

Antoine Desrues | 28 avril 2023 - MAJ : 28/04/2023 16:39
Antoine Desrues | 28 avril 2023 - MAJ : 28/04/2023 16:39

Le succès du diptyque Balle perdue a fait de Netflix un nouveau vivier stimulant pour le cinéma d’action à la française. Alors que le genre peine souvent à se concrétiser dans nos contrées (surtout depuis la faillite d’Europacorp), les films de Guillaume Pierret ont remis sur le devant de la scène un artisanat de la pyrotechnie et de la tôle froissée, avec Alban Lenoir comme tête d'affiche impliquée de cette démarche. Avec AKA, l’acteur prolonge ce mouvement, cette fois aux côtés du jeune réalisateur Morgan S. Dalibert... qui n’est autre que le chef opérateur de Balle perdue.

Sors les kalashs comme à Marseille

Adam Franco est un agent infiltré bourrin et taiseux, dont l’efficacité n’a d’égal que sa résilience face aux sales boulots qu’on lui demande. Dès les premières secondes d’AKA, Morgan S. Dalibert et Alban Lenoir veulent démontrer qu’à l’instar de ce personnage, ils ne sont pas là pour rigoler. En embarquant cet anti-héros au cœur d’une base terroriste dans le but de récupérer un otage, le cinéaste et son comédien se lancent dans un exercice de plan-séquence, afin de montrer la minutie de cet homme d’action, capable de défragmenter à lui seul un sacré paquet d’ennemis.

Si cet équivalent cinématographique du bombage de torse (ou du concours de quéquettes) est devenu un passage obligé particulièrement lassant dans le cinéma d’action récent, AKA a le mérite d’une humilité stratégique, qui s’attarde moins sur son morceau de bravoure que sur son hors-champ. En cours de route, la caméra change de point de vue, pour capter la peur des assaillants qui se font éliminer un par un. Adam est déterminé, et est surtout filmé comme une force inarrêtable par l’objectif, qui revient toujours sur lui tel un aimant.

 

AKA : Photo Alban LenoirDe la cuisine avec des produits frais

 

En bref, AKA a l’avantage de son savoir-faire et de son épure pour caractériser sommairement son protagoniste. L’implication d’Alban Lenoir n’est plus à démontrer depuis Balle perdue, et son regard dur joue grandement sur la réussite du film. Alors qu’il infiltre un groupe mafieux qui serait en lien avec une cellule terroriste, Adam est contraint de faire face à une situation loin d’être aussi binaire et manichéenne qu’espérée. La retenue du comédien et son air de cocotte-minute (toujours sur le point de te filer une patate) se révèlent idéaux dès lors que le récit déroule une dimension plus humaine, forçant ainsi son personnage principal vers une évolution convenue, mais efficace (le grand dur qui se découvre un cœur).

Cela étant dit, la proposition de Morgan S. Dalibert pèche par cette volonté de développer artificiellement une narration qui aurait eu le mérite de rester plus coup de poing et rentre-dedans. On peut comprendre que le cinéaste se soit fait plaisir à mettre en scène Eric Cantona en parrain tout droit sorti d’un film d’Olivier Marchal (option petit accent chantant et verre de whisky saupoudrés de regards menaçants), mais l’empire qui gravite autour de lui n’est pas bien palpitant. En réalité, tout ce stratagème est surtout là pour mettre en avant les enfants du mafieux, pour lesquels Adam va se prendre d’affection.

 

AKA : Photo Eric CantonaOn dirait le suuuud

 

Œil au beurre Lenoir

À partir de là, AKA se contente – un peu – d’être une relecture pas finaude de Man on Fire, couplée aux expérimentations esthétiques de Balle perdue. Heureusement, ce second point prend les devants, et confirme que Guillaume Pierret a engagé un mouvement excitant. Cette nouvelle production Netflix est consciente de ses limites budgétaires, mais elle sait en tirer le meilleur, comme lors de cette scène de fusillade au milieu d’un carrefour, qui se repose intégralement sur la précision de son découpage, à la fois nerveux et clair.

Au-delà du cachet qu’il sait obtenir de son cadre et de ses décors (notamment dès qu’il filme la banlieue parisienne et ses suites de tours HLM), Dalibert profite de son canevas archétypal de film de gangsters comme laboratoire à des scènes d’action inventives. C’est d’ailleurs pour cette raison que, malgré ses baisses de régime, son long-métrage tient en haleine. On attend avec délectation l’arrivée d’un nouveau set-piece et de son traitement, lancés dans un crescendo permanent qui vrille sans peine vers du John Wick dans la dernière partie.

 

AKA : Photo Alban LenoirDes kidnappeurs qui n'ont pas dû voir Taken

 

Mais à l’instar de son plan-séquence introductif, on retiendra surtout d’AKA ses partis-pris les plus élégants, moins dans la monstration de l’action que dans sa suggestion. On en veut pour preuve ce plan très malin, où la caméra suit Adam qui s’apprête à péter des bouches au sortir d’une boîte de nuit, avant de s’arrêter devant le retour vidéo d’une caméra de surveillance.

La bagarre est perçue par ce filtre, sur lequel on zoome pour accentuer la dangerosité du protagoniste, encapsulé dans cet écran fixe. Le corps d’Alban Lenoir se démène dans ce monde à la dérive insensible, et pour le coup, on est bien contents que Netflix soit là pour en faire le nouvel étendard d’un cinéma d’action humble et savamment fabriqué.

AKA est disponible sur Netflix depuis le 28 avril 2023

 

AKA : Affiche

Résumé

Malgré sa narration qui pioche maladroitement dans Man on Fire, AKA se rattrape en étant un film d’action malin et efficace. L’héritage de Balle perdue est bien palpable, et ça fait plaisir !

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Lecteurs

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commentaires
souleater34
03/06/2023 à 01:07

Ce n'est pas un blockbuster, ni un film bobo-intello français, et pourtant, ça se regarde! Les deux meilleurs moments sont la baston de la boîte de nuit et l'attaque du fourgon. Si Alban avait un peu plus d('expression faciale, ce serait encore mieux! J'aimerais un peu plus de films dans cette veine, plutôt que des navets sans saveur dont nous abreuve "l"exception culturelle"!

Val Killer
18/05/2023 à 19:22

J'ai moi aussi bien apprécié ce petit film sans prétention ni gros budget, les acteurs sont sympas, et l'histoire se déroule sous un angle intéressant. Une agréable surprise.

Miami81
08/05/2023 à 01:09

Niveau réalisation et chorégraphie des combats, rien à redire. Scenaristiquement, le dernier quart d'heure du film part dans les travers Bessoniens, dommage.

Dick Laurent
07/05/2023 à 00:01

Vu. Pendant 1h30 c'est presque parfait. Brutal, malin, assumé. Le film d'action français ultime dont on a tous rêvé. Alban Lenoir au top. Et puis arrive une espèce de twist qu'on croirait issu de l'époque des films d'Yves Boisset , complétement couillon et desuet. Le film ne s'en remet pas du coup et c'est bien dommage...

Maided
02/05/2023 à 15:15

AKA tout comme Balle Perdue (1& 2) a une chose énorme pour lui : son honnêteté.
ça n'essaie jamais de péter plus haut que son cul, ça se prend pas pour un M. Bay ou John Wick mais c'est efficace, réalisé et joué avec le cœur et c'est pour ça que ça fonctionne.
Je pense que Alban y est pour énormément.

RoroLy
02/05/2023 à 09:48

Bof bof

Encore un film qui se prend trop au sérieux.
Où sont passés les bons films d'action un peu légers des 80's et 90's ?
Perso j'en ai un peu marre de cette ultraviolence très premier degré qu'on nous inflige ces dernières années (idem John Wick)

Et Alban Lenoir franchement... Physiquement au top mais en terme de non acting, il se pose là...

En revanche Canto plutôt sobre (en mafieux je m'attendais à beaucoup plus de cabotinage).

Lyntek
02/05/2023 à 00:01

Moi qui n'aime pas base les film Français, celui ci ma carrément conquis.
Jeux d'acteurs d’exception, scenario qui je trouve "à l’Américaine" ! Et je parle même pas des effets spéciaux bluffant, vraiment !
Alban Lenoir, que je ne connais pas du tout m'a bluffé j'ai hâte de le revoir en tête d'affiche.

A ne pas manquer, max d'étoiles !!

Doug83
01/05/2023 à 19:45

Je suis atterré par la nullité de ce film.
C'est 0 etoiles, scénario enfantin, le gars est plus fort que Rambo,
et en plus, il est chirurgien et s'opère tout seul.
Malgré tout, il ne va pas hesiter à sacrifier 2 collegues policiers pour sauver l'enfant du mafieux.
C'est tellement iiréaliste, c'est nul, nul, nul.
On fait passer le gouvernement pour des pourris sans explications ( sauf le petrole bien sûr ).
Bourré de clichés et de sensiblerie à l'americaine.
Vraiment aucun intérêt !

Andarioch1
01/05/2023 à 19:07

Scénario simple mais pas stupide, cohérent. Combats de bonne facture. Bonnes petites idées de réalisation.
C'est sobre, efficace, ça passe tout seul.
Pas de monde étendu, de fan service des mes c..., de passages obligés
Un film écrit dans la sueur et l'envie, nerveux et sec
Que du bonheur

sitl3
01/05/2023 à 12:24

Ce film n'est pas parfait et alors ? Moi je l'ai adoré et pour une fois, pas de métaphysique à la bobo pour faire genre ! Au lieu d'afficher son soutien et mettre en avant ce qui est bien dans une production française, on préférera mettre en surbrillance tout ce qui ne fait pas de ce film un truc nul des années 80 et tout ça pour faire "genre". Merci l'éducation nationale !!!

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