The Fall Guy : critique qui fait ses cascades elle-même

Antoine Desrues | 30 avril 2024 - MAJ : 02/05/2024 14:24
Antoine Desrues | 30 avril 2024 - MAJ : 02/05/2024 14:24

Depuis Crazy, Stupid, Love, The Nice Guys et Barbie, le talent comique de Ryan Gosling n’est plus à prouver. L’évidence de The Fall Guy, c’est sa nature d’écrin rêvé pour l’acteur, qui a l’occasion de mixer cette dimension humoristique à ses meilleurs rôles de beau gosse mutique (Drive). Avec Emily Blunt, il forme un duo assez irrésistible, qui donne du cœur et une âme au cinéma méta ronflant de David Leitch (Atomic Blonde, Bullet Train). En salles le 1er mai.

Ken cascadeur

Depuis le succès du premier John Wick (qu’il a co-réalisé avec Chad Stahelski, toujours à la barre de la saga), David Leitch est devenu l’un des noms privilégiés du cinéma d’action américain. Jusqu’alors, on se demandait bien pourquoi. Si ce n’est pour quelques effets de style tape-à-l'œil (l'éternel plan-séquence qui n’a d’autre but que de montrer qui a la plus grosse), l’ancien cascadeur n’a jamais eu la flamboyance de son ancien binôme, et son savoir-faire ne fait que servir la soupe à des franchises (Deadpool 2, Fast & Furious : Hobbs & Shaw) ou à un post-modernisme des plus embarrassants.

Bullet Train était à ce titre la quintessence de la fausse bonne idée, du concept cool qui ne dépasse jamais sa note d’intention. Dans les divers wagons du train qui lui sert de décor unique, le film se complaisait dans ses circonvolutions narratives, son second degré permanent et autres coups de coude au spectateur. Derrière ou devant l’écran, tout le monde est censé se mettre d’accord sur la vacuité de la proposition, voire sa fainéantise, alors que le résultat se moque des codes éculés des années 80 et 90 tout en les recyclant.

 

The Fall Guy : Ryan Gosling, Emily BluntCoup de foudre sur le plateau

 

Pour être clair, The Fall Guy n’évite pas la plupart de ces écueils, comme l’affirme son pitch décalé où un ancien cascadeur à la retraite, Colt Seavers (Ryan Gosling), s’infiltre sur le tournage de Jody (Emily Blunt), la femme qu’il aime. Sa mission ? Retrouver Tom Ryder (Aaron Taylor-Johnson), la star disparue du long-métrage que Colt a longtemps doublée.

Pour maintenir ce niveau d’absurdité et le suspense de son scénario à tiroirs, le scénario enchaîne les apartés et les ruptures de ton pseudo-tarantinesques. C’est parfois amusant, mais les raccourcis narratifs faciles et les blagues qui dézinguent toute volonté de tension finissent par l’emporter, comme si le film se refusait d’avoir des sentiments. Ce qui est assez paradoxal, étant donné que The Fall Guy parle au fond de la difficulté des hommes à être sincères.

 

The Fall Guy : photo, Ryan GoslingAm I not hot when I'm in my feelings ?

 

The Nice Guy

En archétype de mec musculeux et impassible, Colt apprend petit à petit à s’ouvrir aux autres et au monde, après s’être replié sur lui-même des suites d’une blessure qui aurait pu lui coûter la vie. Sans surprise, ce charisme teinté de fragilité est parfait pour Ryan Gosling, qui continue de déconstruire avec tendresse l’image d’une masculinité envahissante, qui découvre qu'elle n'a pas tout à prouver par sa virilité.

À travers cette figure discrète, dont le pouce levé symbolise une façade fragile, The Fall Guy rend justement hommage à un métier de l’anonymat, dont la raison d’être n’est autre que l’effacement, l’invisibilisation. Pour la première fois de sa carrière, David Leitch trouve dans le personnage de Colt et dans son interprète un vrai sujet, inspiré par son passif dans la cascade (il a notamment été l’une des doublures de Brad Pitt) et la fondation de 87North, boîte de production spécialisée dans la mise en valeur des séquences d’action.

 

The Fall Guy : photo, Emily BluntNot Greta Gerwig

 

Dès lors, l’autosatisfaction métatextuelle du réalisateur trouve ici une justification. L’air de rien, The Fall Guy s’amuse à égratigner la machine hollywoodienne, ses plannings surchargés, ses équipes impossibles à gérer et ses egos surdimensionnés, qu’il s’agisse d’une productrice manipulatrice ou d’un acteur diva qui prétend faire ses cascades lui-même.

Pour autant, la mise en abyme ne se limite pas à ces cibles faciles, et s’attarde sur les petites mains déconsidérées par le système des studios. On peut trouver ironique de faire jouer un tel rôle à l’une des plus grandes célébrités actuelles d’Hollywood, mais Gosling en a lui-même conscience, et transforme sa performance en remix de ses meilleurs rôles, quelque part entre le cascadeur mutique de Drive et l’exubérance burlesque de Ken.

Derrière le clin d’œil, c’est bien lui qui fait battre le petit cœur du long-métrage, et qui donne de la substance à son regard enfantin et émerveillé sur les coulisses du cinéma. David Leitch en vient même à épurer au maximum ses scènes d’action, comme si son découpage demandait à être remarqué et mis à nu pour s’ancrer dans la réalité bizarroïde de sa narration. L’ensemble manque parfois de folie, mais a le mérite de son humilité façon poupées gigogne, à voir Gosling incarner une doublure elle-même doublée dès qu’un raccord le permet.

 

The Fall Guy : photo, Ryan GoslingNe pas tenter de reproduire à la maison

 

Atomic Blond

Là réside la bonne surprise de The Fall Guy : sa capacité à donner un sens – et donc une valeur – aux pires travers de son réalisateur. Pour une fois, le plan-séquence frimeur et normé ne cherche pas le tour de force logistique. Avec stratégie, Leitch l’emploie lors de son introduction, pour retracer toute la hiérarchie d’un plateau de tournage. On pourrait également évoquer une discussion en split-screen qui a pour sujet... le split-screen, exercice ludique qui montre que le film a de l’énergie à revendre.

D’ailleurs, le cinéaste n’a jamais été aussi inventif en dehors de ses scènes d’action. Par son mélange des genres plus harmonieux qu’à l’accoutumée, il s’intéresse avant tout à ses deux personnages principaux et à leur façon de se tourner autour comme deux aimants. The Fall Guy est à son meilleur lorsqu’il s’assume en comédie romantique, et rappelle non sans une certaine nostalgie l’importance délaissée du glamour au cœur du spectacle hollywoodien.

Ryan Gosling et Emily Blunt sont évidemment parfaits pour donner corps à cette dynamique, et leur duo se démarque par le contrepoint que le film se plaît à mettre en exergue : celui des visages interchangeables d’une industrie où les IP et leurs icônes comptent plus que ceux qui les interprètent. C’est sans doute malhonnête au vu du pedigree de David Leitch, à moins qu’on y perçoive une forme de rédemption. Pour cette fois, on préfère voir le verre à moitié plein.

 

The Fall Guy : affiche française

Résumé

Dans son rythme comme dans sa bonhommie, The Fall Guy doit tout à l’énergie de Ryan Gosling, qui impose un tempo à cette mise en abyme plutôt habile de la fabrique hollywoodienne. David Leitch se complaît encore trop dans une certaine vacuité méta, mais parvient ici à la compenser par son regard tendre et sincère sur le métier de cascadeur.

Autre avis Judith Beauvallet
Une fois accepté le concept du Tom Cruise movie revu à la sauce Gosling (en d'autres termes : le film n'existe que par et pour l'image de Ryan Gosling), The Fall Guy surprend par l'efficacité de son humour, de ses scènes d'action et même de sa romance, si téléphonée soit-elle.
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Lecteurs

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commentaires
Oh my God !!!
09/05/2024 à 20:31

Mais quelle tambouille, ce film qui prend le public pour des demeurés ! Tout simplement, consternant...

Berlingo
09/05/2024 à 00:58

@ Flo1

Critique très intéressante et instructive, ça m'a donné envie de revoir le film !

Kirilfromparis
08/05/2024 à 16:45

Sinon on est d’accord que le réalisateur n’est pas prêt de faire un film avec Tom Cruise ou c’est moi qui déconne ? L’acteur principal qui prétend faire ses cascades lui même, l’allusion au deep fake pour couvrir le visage du cascadeur et le fait que Colt demande à avoir le visage de Tom Cruise. Ça fait un petit peu règlement de compte selon moi et c’est puéril.

Flo1
07/05/2024 à 13:02

Da F#ck Guy ?

Évidemment, adapter une série télé sur grand écran, ça n'est plus très excitant aujourd'hui. Encore plus si c'est une série un peu ringarde et assez bouseuse, du genre à alimenter les dimanches après-midis de TF1 par exemple (pour ceux qui rentrent tôt de la chasse ?). Pensons un peu à "L'Agence tous risques" (Hannibal qui a un autre emploi d'acteur de série Z) ou "Le Rebelle" (la reconversion en chasseur de prime clinquant), et on voit qu'il y avait quelques récurrences dans ces trucs rigolos...
Et surtout que le pitch originel était assez prometteur, mine de rien : un cascadeur de formation qui exerce aussi l'activité de chasseur de primes quand il n'a pas de boulot. Ces gens sont bien sûr des prolos, précaires. Ce métier est à la fois très exposé, mais il garde le visage de ces artisans dans l'ombre... ce qui en fait des espèces d'incarnations de super-héros, et en quelque sorte des cowboys modernes - la chanson du générique de la série lorgnait beaucoup là dessus.

Avec toute sa légitimité d'ancien cascadeur, est-ce que le réalisateur David Leitch va en faire quelque chose ? Non.
Toujours le même défaut de 87North Productions, leurs films ont des idées qui partent dans tous les sens, juste pour le plaisir des séquences de combats/cascades. Un peu comme dans certaines productions asiatiques, mais sans le côté exotique.
Ici on a une mise en abîme, un film (Kitsch et Snyderien) dans le film, deux acteurs (Ryan Gosling et Emily Blunt) facilement associés aux risques-tout masos et mélancoliques, blessés à la chair et au cœur. Ainsi qu'aux buddy movies amoureux...

Méta oblige, on a aussi un tas de références qui vont de Tom Cruise (respecté) à de faux Tom Cruise et Gale Anne Hurd (à ce qu'on dirait, en tout cas de sacré c0ns), de Julia Roberts (pour le romantisme, pas parce que elle a épousé un caméraman) à des séquences cartoonesques, du fan service souvent poussif (le bruitage de "L'Homme qui valait trois milliards" à un moment, gratos, et les cameos un peu gênants)... Et des répliques et accessoires de films, des clins d'œil corporate au studio Universal.
Mais vous pouvez extrapoler là dessus comme vous voulez, y chercher des liens et associations d'idées... Au final, vous n'y trouverez pas grand chose de constructif.

Bref c'est un gros bordel, c'est pas toujours cohérent ("Miami Vice" incompatible avec l'âge de Gosling, Blunt qui sait tout d'un coup se battre). Et comme d'habitude chez 87North, ça a beau taper de partout dans de virtuoses scènes d'action, et laisser les acteurs improviser leurs répliques en roue libre (jusqu'au trop plein)... Hollywood reste quand-même suffisamment épargné par la critique, il ne faut fâcher absolument personne. Le scénario est sans surprise (un ou deux cadavres au menu, c'est tout), au point que même les protagonistes y vont de leurs commentaires là dessus.
La radicalité totale, encore absente chez Leitch et cie. On n'est ni au niveau du kamikaze "Tonnerre sous les tropiques", ni de la chronique rétro de Tarantino, ni même aussi cool qu'un Shane Black ni aussi morbide que "Deadpool 2"- il y manque un auteur pur ça dur, qui n'hésiterait pas à pousser le bouchon plus loin.
Pas même d'apartés un peu plus sociales, comme si le réalisateur avait peur d'ennuyer les spectateurs avec la présence d'instants réalistes. Juste quelques réflexions sur le milieu, le business, les codes, l'angoisse à l'idée de devenir obsolète...

Mais heureusement il y a dedans un petit fil rouge, une sorte de construction narrative qui fait que le film arrive encore à tenir debout. Même si difficilement, et des fois maladroitement :
Précisons donc qu'il s'agit avant tout d'un film Romantique. Et ensuite d'un film d'Action. Si vous vous attendez à un rythme soutenu, vous serez forcément déçu, parce que le but (involontaire ?) sera de voir l'Actionner parasiter la Comédie de remariage, s'opposer à elle (montage alterné, split screen).
Puisque l'héroïne, voulant devenir une grande metteuse en scène, cherche forcément le contrôle. Tandis que lui, cascadeur, sa vie repose quand-même beaucoup sur le chaos, le risque de mourir à tout moment.
Une façon de symboliser les relations amoureuses, voire même les relations homme/femme.

Et toutefois, à d'autres moments, on verra les deux genres filmiques réussir à s'amalgamer, comme dans la séquence d'ouverture en plan-séquence, qui a un vice caché...
Ou le dernier climax, qui passe d'un truc à la Mad Max, à de la chasse à la malette précieuse.
Et surtout une géniale course-poursuite en voiture, dont le découpage est frustrant au début... puis qui ensuite marie harmonieusement deux points de vue, sur fond de Phil Collins - beaucoup de chansons parlant d'amour dans ce film, cadencé régulièrement par un tube de Kiss.
C'est quand les scènes d'action reposent uniquement sur Gosling, sans Blunt, que le film est plus faible, qu'il lui manque ce contrepoint original.

Un long-métrage où on regrette le bon vieux temps, mais qui arrive à ne jamais être bêtement passéiste...
Assumant de raconter les doutes énormes d'une génération Y qui ne sait pas si elle en fait trop, ou pas assez...
Rendant hommage à toute une profession, en décidant d'être le plus attachant et optimiste possible.
Et en plus d'être spectaculaire, c'est même vraiment très drôle à divers moments.
Mais pour le scénario, il aurait fallu effectivement en faire plus.

Pas Fou, le Gars.

Berlingo
07/05/2024 à 01:15

J'ai passé un assez bon moment au ciné, grâce surtout à Gosling et Blunt qui donnent une âme sympa et glamour au film. Ensuite les scènes d'action à l'ancienne (avec un minimum de CGI), des cascades incroyables (on en oublie les Mission Impossible) et une véritable déclaration d'amour nostalgique à un cinéma d'action des années 70/80, quand les cascadeurs créaient l'action. On repense souvent aux cascades géniales des films d'action comme l'Arme Fatale, avec un Martin Riggs accroché à un pick-up fou sur une autoroute bondée!

Après... le film fait une grosse demi-heure de trop, il y a trop de scènes étirées lourdingues qui finissent par ne plus être drôles, les tubes du grenier pénibles à force, le scénario a l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette, les seconds rôles sont tous plus lourds et mal écrits les uns que les autres, à part Jean-Claude le chien... et les réfs méta finissent aussi par être lourdes.

Tout ça fait que The Fall Guy est presque en-dessous de Bullet Train, qui était tout aussi lourd mais peut-être encore plus jouissif avec son action non-stop. Mais malgré tous ses défauts, The Fall Guy fait passer un très bon moment, il change les idées, et il nous emporte avec ce plaisir nostalgique du cinéma et de la télé décomplexés et sans prise de tête de jadis. Et ça fait du bien en ce moment... bravo !

conan le barbare
02/05/2024 à 17:49

le film est long et un peu ennuyeux car on connait tous la fin.l acteur principal est beau et musclé, sa partenaire le tabasse,on sait pas pourquoi.les Cascades sont bien.ET c est tout.c est pas midnight express

Mister M
02/05/2024 à 17:47

J'en sors et j'ai trouvé ça vraiment mauvais. Digne d'un film de plateforme.
Ok, ça se veut superficiel et y'a des réfs méta mais au bout d'un moment, j'aime pas perdre mon temps devant une mauvaise blague mal pensé.
C'est pas drôle (pour une comédie, c'est plutôt bof), c'est beaucoup TROP long. Chaque scène est tellement étirée que c'est super lourd. Beaucoup de fric dépensé pour cette daube.

Les acteurs essaient mais les horreurs de la chirurgie esthétique sur leur visage est gênante. Svp que quelqu'un retire cette espèce de moumoute à Gosling. La déchéance totale.

Glowy
01/05/2024 à 20:43

@flash +1

Hank Hulé
01/05/2024 à 20:06

Grosse déception ! Mis à part l’hommage sincère au métier de cascadeur, on se retrouve face à un film Netflix en moins spectaculaire et très long. C’est mou, voire chiant (le bal amoureux est répétitif et interminable alors que l’issue est courue d’avance). Et l’intrigue fait un peu pitié. Bref, bof

Pseudo2
01/05/2024 à 16:00

@pseudo1
Il y a très peu de vfx et cgi . Car ce film rend hommage aux cascadeurs . Tu verras peu de vfx dans ce film .

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