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Cannes 2024 : on a vu City of Darkness, le film d’arts martiaux dément du réalisateur de Limbo

Par Antoine Desrues
17 mai 2024
MAJ : 23 mai 2024
City of Darkness : on a vu City of Darkness, le film d’arts martiaux dément du réalisateur de Limbo

Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2024 du Festival de Cannes, en partenariat avec Métal Hurlant. Et c’est l’heure de revenir sur City of Darkness, film d’action et d’arts martiaux de Soi Cheang, le réalisateur de Limbo.

Métal Hurlant nous accompagne à Cannes cette année, dans notre exploration des sélections hétéroclites du festival. Au travers de récits de bande dessinée et d’articles sur l’actualité culturelle, Métal Hurlant développe avec éclectisme, dans quatre numéros par an, un imaginaire sans aucune limite. Une ligne éditoriale totalement en accord avec la soif d’expérimentations et de découvertes du Festival de Cannes.

Comme souvent, les séances de minuit et hors-compétition de Cannes se tournent vers le cinéma asiatique pour des tranches de fun du côté du thriller ou du film d’action. Pour cette session 2024, on attendait particulièrement City of Darkness (anciennement titré Twilight of the Warriors : Walled In) pour sa promesse d’un retour passionné vers les grandes heures du cinéma de Hong Kong.

 

 

City of Darkness, entre action et mélancolie

De quoi ça parle ? A Hong Kong, la Loi britannique ne s’applique pas dans la citadelle de Kowloon, bidonville et zone de non-droit. Un migrant clandestin, Chan Lok-kwun, s’y infiltre pour échapper à un boss des Triades, au moment où la cité est convoitée par ce même gang ennemi.

C’était comment ? En France, Soi Cheang a été particulièrement remarqué avec le coup d’éclat de Limbo, polar dont le nihilisme n’a d’égal que sa photographie en noir et blanc absolument étouffante. Pourtant, le cinéaste a eu l’occasion de s’imposer dans l’industrie mourante du cinéma hongkongais, en renouvelant à sa manière les codes de son âge d’or.

Du néo-noir gore proche du Catégorie III (Dog Bite Dog) au thriller paranoïaque (Accident) en passant par le film d’arts martiaux (SPL 2), le bonhomme est bien un touche-à-tout de talent, et peut-être bien l’un des derniers grands auteurs de Hong Kong face à l’uniformisation de l’industrie chinoise. 

 

Vlogs #cannes2024 avec @_MetalHurlant ⬇️
Aujourd’hui, Hong Kong, kung-fu et mélancolie… c’est le génial CITY OF DARKNESS de Soi Cheang pic.twitter.com/ZkbLKKz9Hv

— Ecran Large (@EcranLarge) May 18, 2024

 

Alors que même Tsui Hark et Johnnie To semblent avoir lâché l’affaire, City of Darkness arbore une dimension éminemment politique. Derrière le romanesque assumé de son approche, adaptée du manhua d’Andy Seto, dépeindre la véritable cité de Kowloon est déjà tout un symbole. Cette enclave anarchique, représentante d’un melting-pot sociétal, a toujours été un caillou dans la chaussure des autorités britanniques pendant la colonisation.

Si le long-métrage se déroule dans les années 80, c’est aussi pour capter une bascule : l’annonce de la Rétrocession, qui va amorcer le démantèlement de Kowloon en 1993. Entre panoramas en CGI et décors en studios remplis à ras bord de structures hétérogènes (la mise en scène se veut tout aussi chargée et complexe que celle de Limbo), le film fait du bidonville un fantasme de cinéma, et par extension le dernier bastion métaphorique de toute une époque. Les escaliers à l’air libre surcadrent les pièces, elles-mêmes composées de récup. Dans cette beauté du collage et du mélange (la photographie est une nouvelle fois superbe), il y a là toute la note d’intention du cinéaste.

 

City of Darkness : photo, Sammo Hung Sammo Hung, impérial (comme d’habitude)

 

la fin d’une époque ?

Comme à son habitude, Soi Cheang filme Hong Kong par sa diversité, par son chaos historique qui a connecté les cultures et les ethnies. Si SPL 2 et Dog Bite Dog opposent des protagonistes qui ne parlent pas la même langue, il choisit ici le point de vue d’un émigré vietnamien (Raymond Lam) en tant que regard neuf et innocent sur des décennies de guerre des gangs. L’occasion pour le cinéaste de se faire sacrément plaisir, en faisant incarner les chefs des Triades par des grands noms du cinéma HK (Sammo Hung, Louis Koo et Richie Jen).

Il y a dans City of Darkness une mélancolie évidente, la sensation d’assister à l’un des derniers tours de piste d’une culture qui nous a tant fait vibrer. C’est peut-être aussi pour cette raison que le film ne cesse de muter, démarrant comme un polar rêche à la Johnnie To, avant d’évoluer avec délice dans le drame familial aux accents tragiques, et dans le pur film de kung-fu extravagant.

 

City of Darkness : photoMettez Louis Koo dans tous les films, ça les améliorera

 

Il convient d’ailleurs de souligner la galvanisation de ses scènes d’action, portées par la vivacité de leur découpage (on pense au Wilson Yip de Ip Man et Flashpoint, par ailleurs producteur exécutif du film). Même dans cette mouvance, Cheang raccorde le passé et le présent, entre ses cascades improbables et ses extensions numériques bien pensées (mention spéciale à ce plan où Chan Lok-kwun soulève un corps pour encastrer sa tête dans un mur).

Si la fin est inévitable, autant partir avec panache dans un baroud d’honneur total, où tout le monde se jette à corps perdu dans la mêlée. Dans cette poésie mortifère sans lendemain, City of Darkness (dont on préfère le titre original lourd de sens, Twilight of the Warriors) sacrifie une bonne partie de ses idoles, avec cette pointe d’espoir de voir la nouvelle génération prendre la relève. On y croit moyennement, mais Soi Cheang retrouve aussi de cette insouciance, oserait-on dire cette naïveté des années 80 hongkongaises, où tout était encore possible.

Et ça sort quand ? En France, le film sortira le 4 septembre au cinéma.

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Sess

Limbo, juste raté et ennuyeux.

Zapan

Et il n’y a rien de dément dans ce film. Les chorégraphies commencent tres bien mais peu a peu tournent à la surenchère interminable qui te font soit soupirer soit rigoler tellement c’est abruti.

Il y a un saut dans le disque, le film vire tout d’un coup au nanar poussif, je ne peux pas l’expliquer. Pourquoi, comment, dans quel but?
Au moins j’ai bien ri…

Zapan

Le film démarre bien , la photo est effectivement superbe….

… et c’est le drame, ca devient un nanar dans sa dernière heure. Mais a rigoler tellement ca devient NEUNEU!

C’est officiel, EL a envoyé des meilleurs fumeurs de ganja au festival.
J’attends toujours de pouvoir répondre a votre blague sur MEGALOPOLIS.

Morcar

Ouah !!! J’avais échappé à toutes les infos sur ce film !
J’avais beaucoup aimé « Limbo » en salles, et la bande-annonce de ce nouveau film donne vraiment envie ! Je note ce film pour la rentrée. Merci EL, car c’est grâce à vous que j’ai été voir « Limbo » à l’époque, et je découvre l’existence de ce nouveau film encore une fois grâce à vous.

Geoffrey Crété

@Saiyuk

C’est notre habitude pour Cannes depuis maintenant des années : des articles plus courts, sous forme de mini-critique. Ca permet de mieux traiter un tel événement où le temps est précieux, et ça laisse ensuite l’opportunité d’écrire des critiques en bonne et due forme pour la sortie cinéma (où parfois le montage est différent).

Nasserjones

« La sensation d’assister à l’un des derniers tour de piste d’une culture ». J’ai lu la même chose il y a 20 ans quand le premier SPL est sorti et depuis il y a eu SPL 2 et 3, Donnie Yen a fait environ 20 films dont certains des succès mondiaux, Herman Yau une bonne dizaine de films d’actions décomplexé, Daniel Lee en a réalisé 5 ou 6, Benny Chan jusqu’à sa mort 5 ou 6 également, plus quelques autres moins connus. En gros ça fait presque 30 ans que le cinéma de Hong Kong vit ses dernières heures…

saiyuk

@antoine
Peut-être la rédaction l’a t’elle déjà expliqué mais pourquoi alors que votre article est une critique il n’y a pas de notation et de petite conclusion l’accompagnant ?
Et autre question Sammo a t’il un petit rôle « calme » ou le voit-on en mode kung-fu ? Je suis fan de ce artiste et de mémoire il n’a plus que des petits rôles car il a été gravement malade (ou l’est encore, j’avoues que je ne sais plus).
Mais la bande-annonce et votre critique donne clairement envie

ibaloo

Effectivement rien que dans la bande annonce on comprend que l’on va avoir droit à une belle photographie.
C’est malheureusement devenu beaucoup trop rare au cinéma. Mes références dans ce domaine sont The Grandmaster, Fury Road, Blade Runner 2049 et the Revenant.

Il ne manque plus que le 60hz et on se croirait au 21ème siècle.