The Medium : critique pas vraiment possédée

Mathieu Victor-Pujebet | 21 juin 2022 - MAJ : 07/09/2022 17:58
Mathieu Victor-Pujebet | 21 juin 2022 - MAJ : 07/09/2022 17:58

Dans le marquant The Strangers, le cinéaste Na Hong-Jin avait impressionné les amoureux du cinéma coréen avec une éprouvante séquence de cérémonie chamane. Huit ans plus tard, le réalisateur est de retour, mais cette fois en tant que producteur et scénariste, avec The Medium. Faux documentaire où une équipe de tournage suit une chamane confrontée à la possession de sa nièce, le long-métrage réalisé par Banjong Pisanthanakun est disponible en VOD depuis le 15 juin en France et sortira en DVD-Blu-ray dès le 22 juin prochain.

chamanes en toute intimité

The Medium épouse les codes du documentaire pour filmer des éléments fantastiques. Une belle idée qui permet d'ancrer le surnaturel dans le réel et le palpable, à coups de mouvements brusques et de zooms qui donnent l'impression que les images ont été prises sur le vif. Une version augmentée (et moins douteuse) des émissions américaines de chasseurs de fantômes, où cette fois l'horreur contamine la réalité au fil de plus de 2h10 de long-métrage.

 

The Medium : photoVoyage en terre inconnue

 

Malheureusement, ce joli concept est vite terni par d'étranges réactions de personnages, notamment lorsque des caméramans restent parfois étonnamment statiques pour bien cadrer une menace que n'importe qui aurait fuie. Un détail parmi d'autres qui vient gentiment titiller notre suspension d'incrédulité, mais surtout rendre compte d'un dispositif pas toujours bien digéré qui étouffe l'implication du spectateur au lieu de l'exalter.

Une complicité avec l'audience qui aurait éventuellement pu passer par une proximité accrue avec les protagonistes. Hélas, les moments d'émotions sont soit filmés de loin, soit parasités par l'idée même du voyeurisme de l'opérateur, réduisant ainsi la possibilité de coller aux émotions des personnages. Le faux documentaire étouffe alors l'empathie des spectateurs, accroche qui se veut pourtant essentielle dans le processus horrifique de The Medium.

 

The Medium : photoPas très normale activité

 

C'est arrivé près de chez vous

En effet, le film réalisé par Banjong Pisanthanakun ne se vend pas comme un jeu de massacre jouissif qui étalerait la tripaille de ses antihéros sur l'intégralité de son récit, bien au contraire. The Medium souhaite accompagner ses personnages et faire monter une émotion et une tension progressive au fil de la possession de la jeune Mink. Hélas, entre les regards caméra plus ou moins inquiétants, le vomi noir peu ragoûtant et le petit animal joyeusement dégusté par la possédée, les codes du film d'exorcisme sont appliqués de façon très sage et un peu systématique.

Ces codes déjà vus perdent alors de leur impact, en plus d'être laborieusement exécutés, comme en témoigne le long passage du côté obscur de Mink qui mène à une seconde partie de film où le personnage saccage toutes les nuits la maison de sa mère. La narration du film est étirée jusqu'à la répétition, épuisant ainsi la force horrifique de ces différents effets.

 

PhotoLa Tour de la "terreur"

 

Par ailleurs, en divaguant évasivement vers la piste du frère décédé, ou bien en n'étant pas clair sur pourquoi certains personnages sont possédés et pas d'autres, The Medium déploie une mythologie qui sonne parfois comme un peu aléatoire, voire incohérente. Non pas que la sur-explication soit une fin en soi, bien au contraire, néanmoins, l'opacité du fonctionnement du processus chamanique dans le film continue de restreindre l'immersion du spectateur.

Ceci étant dit, cette inégale installation de sa mythologie permet d'aboutir à un climax sacrément bordélique où le fait de ne pas connaître exactement les origines de la menace la rend d'autant plus inquiétante. Les antagonistes se multiplient et le découpage s'énerve en un montage alterné tendu et stimulant. Une cérémonie cauchemardesque qui vient redonner un peu de vie à la teneur horrifique de The Medium, fournissant le frisson tant attendu et si laborieusement suggéré jusque-là.

 

The Medium : photoQuand ton anniversaire part sérieusement en live...

 

Une affaire de famille

Un bien pour un mal en somme, d'autant plus que cette inégale peinture du processus chamanique ne semble pas uniquement s'expliquer par la maladresse des auteurs de The Medium. Outre un dialogue introductif qui rappelle d'emblée le caractère insaisissable des esprits, la perte progressive de contrôle de la chamane Min semble témoigner d'une certaine difficulté à réellement saisir et appréhender ce type de spiritualité. Les protagonistes du long-métrage ont eux-mêmes du mal à cerner le fonctionnement de leur propre univers.

Cette perte de repère abouti à une très belle dernière séquence où la protagoniste confie à l'équipe de tournage sa crainte d'avoir offert son existence à quelque chose qu'elle ne comprenait pas réellement. Une chamane qui doute, et face à elle un autre qui n'hésite pas à accueillir n'importe quelle cérémonie simplement parce qu'il "faut bien gagner sa vie", sans oublier le frère à deux doigts de quitter le domicile familial à la moindre menace : les personnages de The Medium sont complexes et caractérisés de façon assez crue.

 

The Medium : photoUn sombre héritage

 

Cette galerie de personnages donne un peu de chair et de densité à l'écriture du film. En témoigne le parcours de Noi, la sœur de la protagoniste, qui a sacrifié le destin de cette dernière pour ne pas devenir chamane. Ce n'est qu'une fois sa propre fille en danger qu'elle demandera de l'aide de sa soeur, malgré leurs différents. Noi en devient le personnage le plus touchant du film, figure ambigüe, mais terriblement humaine qui a fui le chamanisme et ses conséquences comme une malédiction.

La spiritualité n'est pas un don dans The Medium, c'est un lourd et instable patrimoine qui consume les personnages et les retourne les uns contre les autres. Lutter contre son héritage ou l'épouser à contrecœur, le long-métrage réalisé par Banjong Pisanthanakun pose ainsi une problématique existentielle noire et tragique, témoignage de son véritable potentiel sensible.

The Medium est disponible en VOD depuis le 15 juin 2022 et depuis le 22 juin en DVD et Blu-ray

 

The Medium : Affiche officielle

Résumé

Si l'idée du faux documentaire dans le monde du chamanisme est plutôt séduisante sur le papier, les limites et inégalités de The Medium rendent son visionnage un peu laborieux. Malgré tout, lorsqu'il s'énerve un peu ou qu'il écoute sincèrement ses personnages, le long-métrage se révèle plus stimulant et sensible qu'au premier abord.

Autre avis Mathieu Jaborska
Une descente aux enfers progressive et non dépourvue de défauts, surtout en ce qui concerne les modalités du documenteur, mais qui comporte quelques visions d'horreur glaçantes et même en filigrane une méditation nihiliste sur la foi.
Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(4.0)

Votre note ?

commentaires
Tonton
23/06/2022 à 09:41

Un must absolu, terrifiant et enfin un found footage vraiment réussi.
Les commentaires ci-dessous n'ont rien compris

John Warsen
22/06/2022 à 08:35

The Medium est l'exemple parfait de film déceptif, dont l'attente vaut mieux que le souvenir. C'est un peu "Mon curé chez les thaïlandaises" + "L'exorciste". Le film démarre pourtant assez plaisamment, comme un reportage en found footage sur la cohabitation de croyances multiples en Thaïlande, mais bascule progressivement dans l'outrance et le grand-guignol, au final c'est du nihilisme pour âmes simples. (Camus a dit quelque part que le nihiliste n'était pas celui qui ne croyait en rien, mais celui qui ne croit pas à ce qui est.)
D'un autre côté, il est possible que ce film soit tout d'abord destiné à une exploitation sur le marché asiatique, et on ne peut pas leur demander de sauter des étapes dans l'Histoire du Cinéma de Trouille, il faut qu'ils fassent leurs propres expériences. Et les gens qui ont déjà été percutés par le cinéma de Na Hong-jin iront quand même le voir, et rien que pour le côté involontairement ethno-psychiatrique, ça vaut le coup d'oeil.

Ray Peterson
21/06/2022 à 22:46

Un peu foutraque comme film. Mais certaines séquences notamment au début quand la jeune fille commence à être persécutée par l'esprit foutent bien les jetons (le bus, les WC....).
C'est surtout le nom de Na-Hong-jin à la production qui m' adonné envie de voir ce film parce que The Strangers c'était quand même un sacré bout de péniche!

McCoy
21/06/2022 à 17:46

Totalement surestimé. Comme d'habitude chez l'éditeur "The Jokers" qui survend son catalogue.

votre commentaire