Seance : critique d'un spiritisme mal Barrett sur Amazon

Mathieu Jaborska | 26 octobre 2021 - MAJ : 26/10/2021 11:07
Mathieu Jaborska | 26 octobre 2021 - MAJ : 26/10/2021 11:07

Dark Castle Entertainment, le studio emblématique des tâtonnements horrifiques hollywoodiens des années 2000, n'est pas mort ! Plus de 10 ans après le virage action post-Sans identité et quatre ans après sa dernière production officielle, Bienvenue à Suburbicon, il a dévoilé il y a quelques mois aux États-Unis Seance, première réalisation de Simon Barrett, collaborateur de longue date d'Adam Wingard. Le long-métrage a débarqué en exclusivité sur Amazon Prime Video le 24 octobre 2021, en toute discrétion. Et on comprend pourquoi.

Dangereuse alliance

Il fut un temps, Seance était dans l'agenda de beaucoup de cinéphiles. Non pas grâce à la présence de Dark Castle à la production, qui a fait autant de mal que de bien au cinéma fantastique américain à son époque (revoir 13 Fantômes et vomir), mais parce qu'il s'agit de la première réalisation de Simon Barrett. Un artiste porté aux nues lorsqu'il travaillait avec Adam Wingard qui a secoué un peu l'horreur indépendante chez l'Oncle Sam. Avant que son compagnon ne se compromette à Hollywood, il avait scénarisé ses essais les plus appréciés, comme A Horrible Way to Die, l'excellent segment Tape 56 de V/H/SThe Guest, son remake de Blair Witch et bien sûr You're Next.

Le duo s'était fait une spécialité du mélange des genres plus ou moins habiles et des détournements un peu grinçants de leurs codes. Seance joue également cette carte. Non seulement son décor d'établissement scolaire huppé rappelle fortement la maison de famille pleine de pièges et de rancoeur de You're Next, mais il s'amuse à dévier un peu de son postulat, pour passer d'un modèle horrifique à un autre.

 

photo, Madisen Beaty, Inanna Sarkis, Stephanie Sy, Jade Michael LaFont, Suki Waterhouse"Là, c'est le moment où ça part en steak"

 

Le film débute in medias res sur une invocation devant un miroir qui tourne mal, puis enchaîne avec un bon vieux Ouija (enfin, sans la planche officielle) improvisé des familles, à la sauce 2.0, c'est-à-dire avec smartphone et rouge à lèvres. Objectif : contacter une ancienne élève morte défenestrée, afin de comprendre les circonstances de son décès. Jusqu'ici, les promesses du titre sont respectées. Une bande de jeunes femmes inconscientes, un drame plus sombre qu'il n'en a l'air, un jeu qui se transforme en malédiction... Tous les prérequis au spiritisme cinématographique sont au rendez-vous.

Sauf que les personnages vont se faire zigouiller dans des circonstances qui rappellent surtout les slashers étudiants tel qu'ils cartonnaient dans les années 1980, et plus particulièrement ceux qui mettaient en avant une dimension whodunit et une avalanche de twists finaux, comme Le Bal de l'horreur, The House on Sorority Row ou le succulent Happy Birthday to me. Le cinéaste va jusqu'à partager leurs influences et reproduire une fascination pour l'arme blanche et le gros plan directement héritée du giallo. Seulement, ce petit tour de passe se retourne très, très vite contre lui... et son spectateur.

 

photoEt bien sûr, des masques

 

Séance d'essai

Forcé d'entretenir l'ambiguïté à grands coups de longs plans dans le vide et de séquences de rêve en pilote automatique, le long-métrage n'embrasse pas pour autant ses ambitions de détournement. Jamais il n'est capable de fabriquer de véritables séquences de trouille ni d'orchestrer de grands moments de régression dignes de la période qu'il convoque, la plupart des meurtres se déroulant hors champ. Ne reste alors qu'un remplissage interminable constitué de faux coups de pression insupportables, de crêpage de chignon incessant et d'une histoire d'amour périphérique.

Privé de séquences de tension et de meurtres graphiques, Seance ne retient du slasher que ses défauts. Il faut louer les efforts de la photographie pour ternir le plus possible le huis clos, et participer aussi sciemment à l'illisibilité des quelques séquences un peu mouvementées. Pourtant capable de véritables prouesses puisqu'il s'est occupé de PossessorKarim Hussain aggrave le cas d'une mise en scène qui ne se préoccupe guère d'enfermer ses héroïnes dans des décors inquiétants, à moins que le scénario ne l'exige directement, et se ridiculise encore plus au passage lors, par exemple, d'une scène de danse complètement déconnectée du reste.

 

photo, Suki Waterhouse, Madisen Beaty, Inanna Sarkis, Stephanie Sy, Megan Best, Jade Michael LaFontDes performances... inégales

 

Mais la timidité de la chose empoisonne surtout ses personnages, archétypes ambulants moins caractérisés qu'un figurant coupé au montage, écrits avec paresse et joués sans conviction, dont le sort n'est même pas assez brutal pour justifier le vide qui les habite. Dès les premières minutes, la narration nous impose une confrontation stéréotypée entre nouvelle taiseuse, mais résiliente, et bande de pestes méprisantes. Et ça ne va pas s'arranger, principalement à cause de la direction d'acteurs, qui sabote à elle seule la maigre attractivité du scénario. L'air réservé risible arboré par Ella-Rae Smith se dispute au jeu catastrophique de Suki Waterhouse, perdue dans une sorte de redite hésitante de sa performance dans Assassination Nation.

L'artificialité des forces en présence annihile de fait l'importance d'un twist censé structurer un dernier acte presque plus laid, étrangement rythmé et mal joué que le reste. Et ce n'est pas un ultime éclat de violence qui compensera l'ennui inspiré par cette très longue heure et demie, dont le seul accomplissement, à force de forcer son hybridité, est de n'atteindre aucun de ses humbles desseins, à savoir faire peur, amuser et surprendre.

Seance est disponible sur Amazon Prime Video en France depuis le 24 octobre 2021

 

Afiche

Résumé

Faute d'inventivité et d'interprétations convaincantes, la Seance de spiritisme tourne rapidement au mauvais slasher.

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Lecteurs

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commentaires
Boddicker
26/10/2021 à 12:33

Ben, c'est dommage car des adolescentes qui font du spiritisme dans un pensionnat c'était une putain d'idée avant gardiste de ouf!!

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