LAZZARO GUMP
Après Corpo Celeste présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2011 et Les merveilles auréloé du Grand Prix en 2014, la jeune réalisatrice italienne Alice Rohrwacher est revenue sur la Croisette pour la troisième fois consécutive avec son troisième film Heureux comme Lazzaro (Lazzaro Felice en version originale).
Le long-métrage raconte l’histoire d’un groupe de paysans vivant à l’Inviolata, un ménil à l’écart du monde dirigé par la marquise Alfonsina de Luna (Nicoletta Braschi). Parmi eux, Lazzaro (Adriano Tardiolo, superbe révélation), un jeune paysan dont l’exceptionnelle bonté est utilisée par les autres villageois pour le faire exécuter nombre de tâches ingrates.
Ainsi, le village, lui même exploité par la marquise, profite allégrement de sa générosité jusqu’au jour où Lazzaro se lie d’amitié avec Tancredi, fils de la marquise. Sa vie bascule alors à travers les âges et le temps.
CONTE CELESTE
Filmé en 16mm, Heureux comme Lazzaro, de par sa lumière naturelle sublime et sa texture granuleuse, a quelque chose de profondément intemporel. Si l’atmosphère agricole et les décors mobiliers du premier acte laissent à penser que le récit se déroule dans l’Italie de Fellini des années 50, impossible de savoir précisément à quelle époque se passe l’histoire dont la temporalité ne sera jamais précisée.
Alice Rohrwacher va user jusqu’à la moelle ce choix judicieux pour proposer une oeuvre aérienne où le temps s’arrête pour laisser place à la beauté et la cruauté du monde. Magnifique de bout en bout, l’aventure rurale de Lazzaro se transforme, après un événement aux airs christiques, en une sorte de Candide des temps modernes. La première partie néoréaliste d’Heureux comme Lazzaro laisse alors place au surréalisme, la réalité à une poésie du rêve, un lyrisme mystique et une pureté enivrante.
LA DOLCE INGIUSTIZIA
En transportant son personnage principal dans un monde inconnu où les règles ont changé, la réalisatrice s’attaque ainsi aux injustices quotidiennes de l’Italie, en priorité, et aussi du monde tant son oeuvre à une valeur universelle.
De cette manière, son conte philosophique se révèle aussi être une critique des anomalies sociales, des inégalités ou des extravagances économiques de son pays. Un propos politique fédérateur toutefois un peu trop simpliste dans sa dénonciation et qui manque cruellement de profondeur. La splendeur onirique d’Heureux comme Lazzaro en prend un petit coup et l’on se dit que la douce et sensible fable s’est vu plus ambitieuse qu’elle ne pouvait l’être.