Donnie Darko : critique rabbitpocalypse

Geoffrey Crété | 3 décembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 3 décembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Il est sorti de nulle part pour créer l'un des films de genre les plus marquants de ces dernières décennies : Richard Kelly, né avec son premier film Donnie Darko, devenu au fil des années un film cultissime. Entouté de Jena MaloneDrew BarrymoreMary McDonnell ou encore Patrick SwayzeJake Gyllenhaal y incarne un adolescent perturbé, qui découvre grâce à un ami affublé d'un masque de lapin que la fin du monde approche. Ou le point de départ d'un teen movie crépusculaire.

ITINÉRAIRE D'UN ENFANT PAS GÂTÉ

Si Southland Tales et The Box ont depuis confirmé que la carrière de Richard Kelly n'allait vraisemblablement pas être aussi éclatante que prévu (du moins aux yeux des studios), Donnie Darko n'a pas non plus eu une naissance simple. Remarqué avec son scénario, le jeune réalisateur décroche un agent et attire l'attention d'acteurs (dont Jason Schwartzman, un temps intéressé par le premier rôle) et producteurs de premier plan, mais beaucoup affirment que son projet est trop complexe et décalé. L'arrivée de Drew Barrymore sera déterminante, sa présence débloquant un petit budget de même pas 5 millions de dollars. Richard Kelly décide de foncer.

La présence de son premier film à Sundance en 2001 aurait pu être le début d'un conte de fées, sauf que non. Personne ne veut acheter Donnie Darko, notamment parce que le traumatisme de la tuerie de Columbine plaque une inquiétude sur le décor du film. Sa sortie en salles sera discrète. Ce ne sera qu'au fil des années, grâce aux VHS et DVD puis dans des séances de minuit aux États-Unis qu'il gagnera son statut de petit film culte. Jusqu'à devenir un film incontournable du début du nouveau millénaire.

 

photo, Jake GyllenhaalJake Gyllenhaal, naissance d'un futur grand

 

DESSINE-MOI UN LAPIN

Dès les premières scènes, Richard Kelly impose son univers et nous y invite avec délicatesse. Un Jake Gyllenhaal qui se réveille sur une route déserte sur les notes envoûtantes de la musique de Michael Andrews, une atmosphère inquiétante, puis une plongée rétrocool dans les années 80, au rythme d'un classique (Never Tear Us Apart d'INXS en director's cut, Killing Moon d'Echo and the Bunnymen en version cinéma), entre bulle d'humour et clin d'œil au contexte politique : Donnie Darko se place d'emblée comme à la croisée des genres, entre thriller et teen movie.

Ce sera la ligne sur laquelle il avance, entre l'amourette avec Gretchen, et l'apparition de Frank le lapin. La première annonce une forme de renaissance pour l'adolescent schizophrène, en proie à ses démons intérieurs (et extérieurs), tandis que le second le prévient que la fin de son monde approche. Le compte à rebours est lancé, et la machine à suspense et frissons également.

 

photo, Jake Gyllenhaal, Jena Malone Donnie et Gretchen (Jena Malone)

 

De ce côté, Richard Kelly pose par petites touches un sentiment d'angoisse, comme lorsque Frank frappe l'écran qui s'ondule, ou que la musique de Michael Andrews s'emballe avec des sonorités dignes d'un cauchemar. Ce cauchemar, il se cache dans l'esprit de Donnie, hanté par ses peurs d'adolescent morbides, mais aussi dans le décor a priori idyllique de cette petite ville.

Que le grand gourou Jim Cunningham (l'un des derniers rôles marquants de Patrick Swayze) se révèle être un pédophile qui cache ses péchés derrière sa pelouse reluisante, illustre bien l'angoisse latente de cette existence typiquement américaine. Fournisseur officiel de bonheur, ce mode de vie est le terreau aux névroses les plus extrêmes et banales, parfaitement portées par Kitty Farmer (excellente Beth Grant que Kelly retrouvera pour Southland Tales).

 

photo, Jake Gyllenhaal, Drew BarrymoreDrew Barrymore, fantastique en quelques scènes

 

MELANCHOLIA

Ce qui frappe, c'est la capacité qu'a Richard Kelly a balayer les émotions adolescentes et se plier à leur évanescence. Donnie Darko est drôle, triste, absurde ou effrayant, passe d'un moment décalé à une parenthèse musicale irrésistible, et brise l'harmonie avec précision. D'une discussion sur la schtroumpfette nympho à une scène absolument déchirante où Donnie tente de communiquer avec Cherita Chen, en passant par un cri désarmant de Karen Pomeroy suivi d'un silence lourd de sens, le film percute l'esprit et le cœur du spectateur.

Le fameux montage sur Mad World illustre parfaitement cette douceur et cette tendresse, qui replace chaque personnage, du plus important aux plus simples seconds rôles, sur une seule ligne dramatique. Dans ces moments, le jeune cinéaste témoigne d'un talent certain pour ce qui est dessiner son univers, lui donner vie. Il confirmera par la suite, notamment dans Southland Tales, son talent magique à créer une ribambelle de personnages, et leur donner une vie et une couleur en quelques dialogues.

 

photo, Jake Gyllenhaal, Jena MaloneLa nuit de la fin du monde

 

Réflexion terrassante sur le destin, le déterminisme, la fatalité, articulée autour du spleen d'un adolescent marginal qui a le pressentiment de ne pas avoir sa place dans ce monde, Donnie Darko est certainement l'un des meilleurs premiers films de ces dernières décennies. Une œuvre d'une richesse folle, qui résonne longtemps, et laisse flotter un parfum d'apocalypse amère et étrange.

Ce dernier signe de main entre la mère de Donnie et Gretchen illustre à merveille toute la finesse et l'ambiguïté d'un film certes de genre, qui s'amuse avec le voyage dans le temps, mais surtout d'un teen movie magnifique et noir, au doux parfum de Twilight Zone. Et plus les années passent, plus il est puissant et solide.

 

Affiche française

Résumé

Teen movie mélancolique et film de science-fiction noir, aussi ténébreux que drôle, Donnie Darko est premier film fantastique, qui témoigne d'une sensibilité, d'une imagination et d'un talent formidables chez Richard Kelly.

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