The Witcher : la série Netflix va t-elle dans le mur sans Henry Cavill ?

Après le désastre du spin-off The Witcher : L'héritage du sang et le départ de Henry Cavill, y'a-t-il encore un futur pour The Witcher sur Netflix ?

2022 aura été l'année de tous les dangers pour The Witcher. Sans même bouger le petit doigt, la série a pris deux énormes coups de massue. Dans un premier temps : le départ de Henry Cavill, officiellement parti pour renfiler la cape de Superman (avec le succès que l'on sait), sur fond de rumeurs (non confirmées, donc à prendre avec des pincettes) de mauvaise entente avec la showrunneuse Lauren S. Hissrich. Le choix de Liam Hemsworth pour reprendre le rôle de Geralt de Riv n'a pas spécialement apaisé ou excité les foules.

Et dans un second temps, l'explosion au démarrage de la série spin-off The Witcher : L'héritage du sang, magnifique et fulgurant nanar de quatre heures devenu en quelques heures le contenu original Netflix le moins bien noté sur Rotten Tomatoes (33% pour la presse, 12% pour le public).

Alors que la saison 3 est déjà dans la boîte et devrait sortir en 2023, se pose plus que jamais la question de l'avenir de la série. The Witcher sur Netflix : stop ou encore ?

"Fuck"

UNE PETITE PIèCE POUR LE WITCHER ?

Avant même de parler de tout ce qui l'entoure, arrêtons-nous un instant sur le sujet principal : la série elle-même, et sa réception. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est déjà le bordel. Sur Rotten Tomatoes, la saison 1 obtient un médiocre 68% de la part de la critique et un bon 90% de la part du public, tandis que la saison 2 fait exactement l'inverse avec un très beau 95% de la part de la presse et un vilain 59% de la part du public (avec un élément de review bombing de la part des fans des romans, d'après Forbes).

Personne ne semble d'accord, mais on y voit un peu plus clair sur Metacritic, agrégateur plus fin que Rotten Tomatoes, où la série dans son ensemble reçoit 62% de la part de la presse et 67% de la part du public.

Fan qui débarque sur Rotten Tomatoes

Bilan de tout ça : quoi qu'Ecran Large pense de la série (une saison 1 de The Witcher plutôt prometteuse et une saison 2 franchement ratée), la qualité de The Witcher est tièdement reconnue, voire polarise.

Derrière les beaux scores de visionnage dont se félicite Netflix se cache une réalité moins rose, avant même de commencer à entrer dans le débat d'opinion. Mais profitons-en pour y aller à pieds joints : malgré la puissance de l'univers inventé par Andrzej Sapkowski et l'aura d'Henry Cavill, The Witcher est une série bancale lancée pour devenir le Game of Thrones de Netflix. Sauf que l'écriture n'y est pas du tout et que la réalisation manque cruellement d'ambition créative ou d'ampleur épique.

Une série qui nous les Brouxe

I NEED A (SUPER)HERO

Nouveau clou dans ce qui ressemble de moins en moins à une toile de maître et de plus en plus à un cercueil : le départ d'Henry Cavill, casté en Geralt de Riv après avoir été propulsé par le rôle de Suprman et la moustache de Mission : Impossible - Fallout. Mais on ne saisit l'ampleur du problème que si l'on comprend la place qu'occupe l'acteur dans l'imaginaire collectif.

Connu du grand public, ex-Superman, beau gosse divin, mais aussi énorme nerd et gamer extrêmement populaire auprès de ses pairs, Henry Cavill amenait avec lui bien plus que du star power dans The Witcher : il était l'intermédiaire idéal entre la niche geek et le sacro-saint grand public. Et pour couronner le tout, son interprétation a été très largement bien accueillie. Même par nous, c'est dire.

Liam Hemsworth aura-t-il les épaules assez larges ?

Netflix a donc perdu sa tête d'affiche, mais également son atout maître. Bien sûr, l'impact d'un casting connu est largement à relativiser en 2023 (Dwayne Johnson et son Black Adam peuvent vous en parler). Mais dans le cas de The Witcher et pour un rôle aussi identifié que celui de Geralt de Riv, la perte est considérable.

La tâche s'annonce ainsi quasi impossible pour le remplaçant Liam Hemsworth, acteur à la carrure bien inférieure sur le papier et à l'écran (Hunger Games, Independence Day : Resurgence : qui dit pire ?). Même si son interprétation s'avère bonne (ce qui n'est pas du tout irréaliste, ne nous faites pas dire ce qu'on n'a pas dit), il aura toutes les peines du monde à magnétiser le public comme Henry Cavill. 

Bon courage

very heavy HUMBLE BUNDLE

L'époque n'échappe plus à l'extension des univers, et un monde aussi foisonnant que celui de The Witcher devait bien entendu connaître moult déclinaisons à la manière de la vache à lait sacrée du genre : le MCU. Sauf que pour le moment, ça se déroule plutôt comme le DCU (ex-DCEU), en tout cas, au moins sur le versant artistique, puisque les chiffres de visionnage sont inconnus – SVoD oblige.

Avec seulement deux produits dérivés, Netflix a en effet déjà réussi l'exploit de (peut-être) flinguer sa poule aux œufs d'or. On passera vite sur The Witcher : le Cauchemar du Loup, film d'animation techniquement défaillant et fabriqué à la va-comme-je-te-pousse, mais plus oubliable que détestable. Le vrai poissard porte un autre nom : The Witcher : L'héritage du sang.

Là encore, avant même de jeter (encore) nos crottes de nez sur cette nouvelle définition de la nullité en armure jock-strap en mithril, on s'en tiendra à la réception de cette mini-série spin-off. Et c'est un massacre dont on se relève à grand-peine même en tenant compte du review bombing : 35% côté presse et 12% côté public sur Rotten Tomatoes. C'est tout simplement le pire score pour une série originale Netflix. Sur Metacritic, c'est à la fois pire et mieux : 45% côté presse et 10% de la part du public, dont une avalanche de 0. En 2023, la frégate The Witcher ressemble moins à la Méduse qu'à son radeau.

Entre Provins et le Puy du Fou

C'est d'la bombe

Tout semble donc jouer contre The Witcher, mais on nous répondra qu'il existe une loi immuable à Hollywood : il n'y a aucune raison de s'arrêter si les audiences suivent. Et c'est vrai, au point d'être un argument d'autorité quasi inattaquable ; et bien évidemment, tout est dans le quasi.

Il y a en effet un élément pondérateur extrêmement important : la réputation. Et celle de The Witcher pourrait finir par déteindre sur Netflix. Avec The Witcher: L'héritage du sang, c'est la deuxième fois que la série et son univers étendu subissent de toute évidence du review bombing, et quand bien même cette pratique relève du troll plus pénible qu'autre chose, elle est aussi le signe que quelque chose ne va pas avec la fanbase.

Je vois... je vois... une nuée de commentaires négatifs

Le problème, c'est que cette fois, ça n'a rien à voir avec les paniques morales à deux ronds sur le wokisme comme pour Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir. C'est surtout lié aux multiples infidélités de la série avec l'esprit des livres, et à la qualité générale de The Witcher. Bien sûr, il s'agit d'une adaptation et des sacrifices sont nécessaires, mais de nombreux choix ne sont pas passés auprès de la communauté.

On ne va pas tous les citer, mais on peut s'arrêter un instant sur le cas Eskel, qui a traumatisé beaucoup de monde et laisse profondément dubitatif quant à la compréhension du matériau d'origine (ou même des jeux) par l'équipe de la showrunneuse Lauren S. Hissrich.

Personnage récurrent de la plus haute importance, pratiquement un grand frère pour Geralt, Eskel est calme, mesuré et affable (pour un sorceleur). Dans la série, il est dépeint comme un coureur de jupons particulièrement casse-couilles désagréable et cynique, avant d'être trucidé comme un débutant en 15 minutes de temps cumulé à l'écran. Un exemple impossible à rattraper, et spécialement emblématique parmi de nombreux autres tout aussi incorrigibles, et dont l'accumulation commence à sérieusement aliéner une partie du public. Pas sûr que Netflix ait intérêt à continuer de creuser le fossé avec ses abonnés en s'entêtant.

Heureusement qu'on avait dit serein et sympa, on aurait eu The Crow sinon

THE WITCHRÖDINGER : DEAD OR ALIVE ?

En parlant de la politique générale de Netflix, eu égard aux signaux récents envoyés par la plate-forme, il n'est d'ailleurs pas impossible que The Witcher soit déjà morte-vivante, et bien confortablement ligotée sur un siège éjectable. Depuis des mois, le grand N multiplie les annulations sans aucun état d'âme et coupe des programmes à la machette. Cette semaine encore a vu l'arrêt brutal de 1899 un mois après sa diffusion, et ce malgré la critique positive et une fin de saison 1 en cliffhanger.

 Mamaaaaaaaaa ! Just killed a shooooooooow !

C'est sur un terrain miné et avec des bottes en plomb que s'avance donc la saison 3 de The Witcher, sachant que Lauren S. Hissrich n'a pas caché que le départ de Henry Cavill avait été une surprise, et que son grand final n'avait pas du tout été pensé comme tel.

La prochaine saison n'a probablement pas d'autre choix que de faire un remarquable carton d'audience. Et encore, c'est seulement si les producteurs de Netflix envisagent toujours un avenir pour Geralt version Liam Hemsworth et ses copains. En toute honnêteté, si notre vie en dépendait, et à moins d'une obligation contractuelle dont le monde n'a pas connaissance, on parierait plutôt sur l'inverse.