Doctor Who : 10 meilleurs épisodes de la série culte

Ange Beuque | 16 janvier 2022 - MAJ : 16/01/2022 22:50
Ange Beuque | 16 janvier 2022 - MAJ : 16/01/2022 22:50

Depuis son retour en 2005, la série Doctor Who a offert d'excellents épisodes de science-fiction. Montez dans le Tardis pour (re)découvrir les 10 plus marquants.

Je suis la plus longue série de science-fiction existante, je mets en scène un extraterrestre et ses compagnons voyageant dans une cabine, je suis quelque chose d'ancien, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté, quelque chose de bleu, je suis, je suis... Si vous n'avez pas répondu "Doctor Who", c'est d'une part que vous lisez très mal les titres d'articles sur lesquels vous cliquez, et d'autre part que vous êtes passé à côté d'un monument de la pop culture.

Depuis son apparition à l'antenne, la série dite « moderne » a brillamment pris le relais de son illustre devancière. Vous voulez une preuve ? En voici dix. Alors installez-vous confortablement dans le Tardis, laissez le bruit du décollage résonner sous votre crâne et préparez-vous pour un périple à travers l'espace et le temps.

ATTENTION, comme dirait River : Spoilers !

 

Doctor Who : TardisÀ quand un Docteur 3.0 qui voyage en smartphone ?

 

10. Adieu Rose (saison 2 épisode 13)

Il se passe quoi : Des espèces présumées disparues se donnent rendez-vous sur Terre, sauf qu'en lieu et place de dodos et rhinocéros blancs, on se retrouve avec des Daleks et des Cybermen en plein concours de quéquette cybernétique à base de « qui aura la plus grosse invasion ». Ce sont des frères jumeaux nés sous le signe de la destruction. À noter qu'ils tirent aussi mal (leur coup) les uns que les autres avec leurs gros lasers, mais comme la taille de l'armée compte, les Daleks obtiennent une rallonge de quelques millions. Oh, et comme l'indique le titre français de l'épisode, Rose fait ses adieux à la série. Presque.

 

Doctor Who : DaleksMillions Daleks baby

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Au début des années 2000, les deux cœurs ont cessé de battre : usé par les années, le Docteur s'est éteint en 1989 après avoir fait les beaux jours de la BBC pendant 26 ans. Suite à l'échec de sa tentative de réanimation en téléfilm en 1996, il semble condamné au passé, d'autant que la science-fiction a conquis de nouveaux territoires créatifs (Matrix est sorti en 1999) et que le paysage audiovisuel a entamé sa mue qualitative avec la diffusion des Sopranos à la bascule des siècles. Si bien que lorsqu'un projet de relance aboutit enfin, l'impatience se mêle d'appréhension : la série saura-t-elle passer le cap de la modernité ?

Russell T. Davies, alors connu pour avoir produit et scénarisé Queer as folk, parvient à renouveler le show sans trahir ses origines, imposant un format Widescreen et une durée moderne de 45 minutes, ainsi qu'un background de survivant de la guerre du temps qui confère au Docteur une mélancolie parfaitement endossée par Christopher Eccleston puis David Tennant. Mais le supplément d'âme de cette résurrection est dévoilé par le titre du tout premier épisode : Rose.

 

Doctor Who : Billie PiperI'm a bad, bad wolf In a bad, bad world

 

Ce personnage éponyme campé par Billie Piper s'impose dès le pilote comme un véhicule émotionnel idéal pour le spectateur, apportant un contrepoint au Docteur par son empathie, sa fraîcheur et son humanité. Sauf qu'à l'image du Seigneur du temps lui-même, les compagnons n'ont pas vocation à être éternels : après deux saisons, l'actrice s'apprête à quitter le show, laissant aux scénaristes la responsabilité de clore dignement son arc dans un final qui se doit d'être événementiel.

Après avoir revisité Big Brother et Le maillon faible façon Dalek en fin d'année précédente, Davies démultiplie les ennemis et les enjeux. Il joue la partition de l'invasion mondiale en bigger and louder en conviant simultanément deux adversaires parmi les plus emblématiques de la série. C'est une première : si une réunion entre Cybermen et Daleks avait été proposée dès 1967, le créateur de ces derniers s'y était opposé.

 

Doctor Who : DaleksTerminator : Arch of Genesis

 

C'est pourtant grâce à Rose que l'épisode reste dans les mémoires. Sauvée du Void par le clone de Bruce Willis qui lui tient lieu de père, elle se retrouve piégée dans une dimension parallèle, hors de portée du Tardis. Le Docteur exploite l'agonie d'une supernova pour lui parler une dernière fois par hologramme interposé. La scène finale dans la crique du Bad Wolf est un déchirement sublimé par les chœurs du Doomsday signé Murray Gold.

Son arc est donc bouclé de la meilleure des manières, dans l'émotion brute d'un dispositif inspiré du cycle littéraire À la croisée des mondes de Philip Pullman – même si le showrunner ne pourra s'empêcher d'en déconstruire ultérieurement la pureté tragique. Et puisque dans Docteur Who, chaque fin est un recommencement, l'épisode s'achève par un teasing en rupture de ton avec l'irruption au beau milieu du Tardis d'une Catherine Tate en pleine descente de pièce montée.

 

Doctor Who : David TennantEnter the Void

 

Dans la foulée, un spin off sera lancé autour de Torchwood, fameuse anagramme et cellule chargée de gérer les menaces extraterrestres. Quant au final, il sera nommé pour le prix Hugo, considéré comme l'une des récompenses les plus prestigieuses pour la SF et la fantasy, et battu par... un autre épisode de la saison, témoignant du retour en force créatif de la série.

Quand on songe que la BBC avait initialement écarté le projet de Davies pour développer un film avec le réalisat-roce Paul W. S. Anderson, l'Uwe Boll américain, on prend conscience que l'apocalypse se joue effectivement à peu de choses. Qu'on ne s'y trompe pas : la plus spectaculaire régénération de la série, c'est bien par l'arc de Rose qu'elle se joue.

 

Doctor Who : David TennantQui de plus indiqué pour ouvrir un Top Ten ?

 

9. La famille de sang / Smith, la montre et le Docteur (saison 3 épisode 8 et 9)

Il se passe quoi : Les extraterrestres sont flippants. L'humanité est flippante. Les épouvantails sont flippants, surtout lorsqu'ils délaissent leur quête de cerveau pour traquer une montre. Les familles sont flippantes. La guerre qui approche est flippante. Le fait que la meilleure manière pour Martha de passer inaperçu soit de se déguiser en femme de ménage est flippant. Oh, et le Docteur est tenté de rendre son (s)ablier de Seigneur du Temps pour devenir humain et vivre une vie d'amour avec une veuve.

 

Doctor Who : David Tennant, Jessica HynesCombien de ces cœurs battent pour moi ?

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Le Docteur est rarement aussi touchant que lorsque son humanité transparaît. C'est bien pour cela qu'il est si particulièrement attaché aux terriens parmi toutes les espèces de la galaxie – et non pour de triviales questions de production, ne soyons pas mauvais esprit.

La présence d'un compagnon à ses côtés est vitale pour l'équilibrer. Lorsque son caractère de Time Lord prend le dessus (Waters of Mars témoigne des effets néfastes de la solitude sur sa psyché), il a besoin d'une piqûre d'humilité. Le schéma est ici inversé : le Docteur s'est laissé oublier sa véritable nature grâce à l'arc de caméléon, enfermant son essence de Seigneur du temps dans une montre à gousset pour s'épanouir dans la campagne anglaise de 1913 dans la peau d'un modeste enseignant. 

C'est donc à Martha, seule gardienne du secret, d'assurer l'intendance. Incarnée par Freema Agyeman, elle a la lourde tâche de prendre la suite de l'aimée Rose et compose un compagnon plus cérébral. Le double épisode lui confère un rôle triplement ingrat : non contente de devoir plus ou moins tout gérer, elle est contrainte de ravaler ses sentiments en voyant son grand benêt s'enticher de l'infirmière de l'école tout en subissant la discrimination raciale de certains élèves.

 

Doctor Who : Jessica Hynes, Freema AgyemanCharge mentale : s'occuper de tout - A journal of overpossible things

 

Dès la conception de son plan, le Seigneur du temps se révèle étonnamment faillible. Non seulement il n'avait, semble-t-il, pas prévu de prendre goût à sa nouvelle identité au point de ne plus vouloir y renoncer, mais il avait légèrement occulté la possibilité du sentiment amoureux – une forme de déni après le chagrin causé par la séparation de Rose.

Le spectateur est accoutumé à le voir endosser le rôle du héros qui débarque en un point quelconque du temps et de l'espace pour aider à résoudre une crise – c'est en cela que le nom de Docteur lui sied si bien. Pas cette fois : il passe la majorité de l'épisode à tenter de fuir ses responsabilités – comme il l'a fait autrefois en désertant Gallifrey – et le reste à tenter de limiter une casse qu'il a lui-même provoqué.

Ainsi que le confronte sa veuve préférée, il a le sort des victimes sur sa conscience. Il aurait pu défaire la famille lancée à ses trousses depuis le début, mais il a voulu leur laisser une chance sans réfléchir suffisamment aux conséquences : son acte de bonté se paie au prix du sang humain. L'épisode est sombre, baigné d'une photographie lugubre et traversé de visions horrifiques. L'horizon est obstrué par le tocsin, car l'imminence bien réelle de la boucherie de 14-18 pèse sur la destinée des protagonistes.

 

Doctor Who : Harry LloydDe toute façon vous serez tous morts d'ici cinq ans

 

En s'immergeant dans la peau de John Smith (aucun rapport), le Docteur se retrouve confronté à ses paradoxes – psychologiques, et non temporels. Il est travaillé par son passé, ainsi qu'en témoigne le Journal des choses impossibles que lui soufflent ses rêveries, mais viscéralement séduit par la perspective d'une destinée terrestre. Poussé dans ses retranchements, il finit acculé à un dilemme tétanisant : rester humain et vivre la vie de famille à laquelle il aspire ou assumer son fardeau de Seigneur du Temps pour sauver l'humanité tout en perdant sa tendre Joan.

Outre que la montre à gousset prépare sans en avoir l'air un paiement particulièrement excitant en vue du grand final, le Docteur s'y montre tour à tour – et parfois simultanément – égoïste et altruiste, maladroit et brillant, compatissant et revanchard, naïf et clairvoyant, courageux et lâche, injuste et bienveillant. Bref : indiscutablement humain.

 

Doctor Who : David Tennant, Jessica HynesL'humanité, tu l'aimes et tu la quittes

 

8. La planète du diable (saison 2 épisodes 8 et 9)

Il se passe quoi : Si ces six saucissons sous ces six-ci sont de six sous, ça va. Mais si le champ gravitationnel doit pomper six puissance six toutes les six secondes, cela signifie que le diable est à proximité. Et ça, en tout point du temps et de l'espace, c'est un problème. Oh, et le Docteur descend dans un gouffre à côté d'un trou noir pour échanger avec Satan en personne. Même pas peur.

 

Billie Piper, David TennantLe danger ? Quel danger ? On se rit du danger ! Hahaha !

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Tout en renouant avec de nombreuses aventures de la première série avec son ennemi aux dimensions d'un dieu, ce double épisode s'inscrit dans l'héritage des films de série B et rappelle Event Horizon, le vaisseau de l'au-delà. Le premier Alien sert de référence assez évidente entre la composition du groupe, les péripéties dans des conduits d'aération et le design inspiré du Nostromo.

C'est un épisode de pure science-fiction avec ses vaisseaux, son trou noir, ses effets spéciaux qui ont plus ou moins bien vieilli, son équipe de baroudeurs intergalactiques, ses combinaisons, ses personnages qui finissent expulsés dans le vide et ses bases spatiales interchangeables – même les dialogues s'en amusent.

L'épisode assume son côté pulp, respect approximatif des règles physiques et devil ex machina inclus, jusque dans sa représentation de la Bête assez standard – d'autres design avaient été discutés, mais son caractère presque évident sert aussi de leurre. La vision du trou noir en épée de Damoclès au-dessus des personnages et la descente dans la caverne offrent leur content de dépaysement en dépit d'un budget limité.

 

Doctor Who : David Tennant, Billie PiperRose, reste éloignée des trucs qui aspirent tous les autres trucs, tu veux ?

 

Les Oods font leur apparition et imposent d'emblée leur design original et leur ambiguïté, leur physionomie inquiétante contrastant avec leur servilité. Rose fait de nouveau preuve d'empathie en s'indignant de cette soumission si intériorisée que leur vie ne leur semble avoir de sens qu'à travers elle – un mécanisme oppressif auquel elle s'identifie. En parallèle, son rapprochement avec le Docteur commence à devenir tangible puisqu'ils évoquent sous couvert de plaisanterie la possibilité de s'installer ensemble. Un impossible espoir qui confère à son départ imminent une portée tragique.

La curiosité pure est le moteur de l'aventure : même lorsque le Tardis se cabre, le Seigneur du temps et son compagnon se rient ostensiblement du danger. Ce qui rend d'autant plus fort le choix de raison effectué devant le gouffre, lorsque le Docteur préfère renoncer à une exploration à laquelle le script le contraindra malgré tout.

 

Doctor Who : OodsCampagne de prévention pour la palpation testiculaire

 

Car ce qu'ils affrontent est moins le Diable que son concept, dont le caractère universel traduit l'inextinguible prévalence du Mal. Son action est d'autant plus redoutable qu'elle transcende la contrainte physique, alternant manipulation télépathique et torture psychologique de chacun des membres de la base. Est-il possible de détruire une idée ?

La recette est codifiée, mais ses ingrédients non moins savoureux lorsqu'ils sont associés avec savoir-faire et cohérence. L'épisode profite de ses deux parties pour assaisonner une montée en tension délicieuse. Les signaux d'alerte se multiplient à coup de tatouages, écriture intraduisible, voix rauque, hors-champ et image quasi subliminale. L'effet d'attente est d'autant plus réussi que le spectateur sait pertinemment que tout va dégénérer : reste à savoir comment et à quel point, puis à s'en délecter.

 

Doctor Who : Will ThorpDr Who vs The impossible tattoo 

 

7. La cheminée du temps (Saison 2 épisode 4)

Il se passe quoi : Un vaisseau spatial à la dérive pâtit d'un naming plus inconséquent que celui du Groupama Stadium. Ses réparateurs psychorigides stalkent une Française à la cour de Louis XV #balancetonbot. Des Turcs mécaniques rêvent de reinette électrique. Oh, et le Docteur vit une romance passionnée avec la future Pompadour avant de la voir quitter Versailles entre quatre planches. Fichue congestion pulmonaire. Fichu temps...

 

Doctor Who : Sophia MylesPom' de reinette et pom'padour

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Comme nombre d'œuvres imaginaires qui font du continuum leur pâte à modeler, la série n'est sans doute jamais aussi touchante que lorsqu'elle profite de son concept pour interroger notre rapport à la temporalité. Elle utilise régulièrement le voyage dans le temps comme outil narratif pour en démontrer, paradoxalement, les cruautés et les impossibilités.

Steven Moffat, auteur d'une histoire par saison sous l'ère de Russel T. Davies, avait envie de développer une intrigue sentimentale. À noter que ce dernier se déclarera moyennement satisfait de l'épisode, qui ne s'insère ni dans la continuité de son fil rouge (pas de mention de Torchwood) ni dans celle des personnages : Rose n'exprime aucun affect alors que son attirance pour le Docteur est censée se renforcer. La cheminée du temps n'en a pas moins obtenu le prix Hugo en 2007, devançant le final.

 

Doctor Who : Turc mécaniqueEvery tick of my clockwork orange

 

L'intrigue endosse les atours d'une fiction historique charmante, alternant promenade dans les jardins de Versailles et morceaux de bravoure lorsque le Docteur traverse à cheval l'un des miroirs de la galerie des Glaces. Moffat s'inspire du Time-Traveler's Wife d'Audrey Niffenegger pour composer une romance contrariée par une forme d'ironie tragique. À l'écran, l'alchimie entre la future Pompadour et le Docteur est d'autant plus palpable que Sophia Myles et David Tennant ont entretenu une relation à la suite du tournage.

L'intrigue se déploie à la fois dans un vaisseau spatial à la dérive et dans la France du XVIIIe siècle. Les deux dimensions sont connectées par une cheminée, sauf qu'une minute dans la première vaut plusieurs mois dans la seconde. Moffat réutilisera l'idée de ce temps qui ne s'écoule pas à la même vitesse de part et d'autre du passage, et cette Pompadour dont la vie est suspendue à l'attente du Docteur n'est pas sans préfigurer Amy Pond.

 

Doctor Who : VersaillesTu imagines le malaise si je tombais réellement amoureux d'une actrice censée incarner ma fille ?

 

Symboliquement, les ennemis infiltrés cassent les horloges pour passer inaperçus. Presque une note d'intention : le vrai sujet, le plus impitoyable des opposants, c'est le temps et cette désynchronisation qui génère attentes et rendez-vous manqués. « Hurry though, my love. My days grow shorter now, and I am so very weak. God speed, my lonely angel » écrit la Pompadour dans un dernier espoir de revoir celui qui, pour elle, a tant compté.

C'est dans ces moments que la série peut parler à tous, car, contre cet adversaire fuyant et insaisissable, contre ce grand drame humain du temps qui se dérobe, même le Tardis est impuissant 

 

Doctor Who : David Tennant, Billie PiperOn s'était dit rendez-vous dans dix min... dix ans

 

6. La Pandorica s'ouvre (SAISON 5 épisodes 12 et 13)

Il se passe quoi : Un happening à Stonehenge attire autant d'attention qu'un meeting d'Eric Zemmour, d'ailleurs les non-terriens de souche n'y sont pas les bienvenus. Finalement, c'est une forme d'anniversaire surprise : seul le principal invité ignore le réel enjeu du rassemblement, sauf qu'au lieu de jaillir d'un cadeau surprise, il y rentre. Rory humilie ceux qui trouvent que devoir attendre sa promise dix minutes devant la Poste un samedi matin de novembre, c'est abusé.

Cela dit, il tente de se faire pardonner de l'avoir presque tuée. Fuis, Amy : les conjoints abusifs ne changent jamais. Oh, et tout ce que le Docteur compte d'ennemi se ligue contre lui pour éviter l'apocalypse. Pas de bol : l'apocalypse se produit malgré tout.

 

Doctor Who : TardisMerci d'étiqueter vos bagages. En cas de colis suspect...

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Alors que Matt Smith endosse les guêtres du Time Lord, la première saison de Steven Moffat en tant que showrunner trouve rapidement son identité : outre une facture visuelle très cinématographique et quelques épisodes indépendants particulièrement drôles (Le colocataire), conceptuels (Le seigneur des rêves) ou émouvants (Vincent et le Docteur), elle se place du côté du conte et ausculte la ligne de crête entre légende, rêve et réalité.

Le double épisode final marque une bascule scénaristique importante : alors que le Docteur a été attiré sur les traces de la Pandorica, dont l'existence même lui paraît douteuse, il constate à ses dépens que celle-ci est a été construite pour l'emprisonner. Le Seigneur du temps n'est plus seulement celui qui apporte son aide : il devient le sujet et le centre de gravité des intrigues et des conspirations. Si ce glissement a ses détracteurs, il n'apparaît pas illogique que sa tendance pathologique à fourrer son fez dans tous les plans diaboliques de l'univers finisse par en faire une cible.

 

Doctor Who : Karen GillanPOISSON FRAIS !

 

Alors que la saison a disséminé nombre de mystères ( la fissure, la date du mariage, le shrapnel du Tardis...), les enjeux de ce final rivalisent par leur caractère monumental entre Apocalypse et Big bang sans se couper d'enjeux plus intimes. La dynamique d'Eleven, Amy (Karen Gillan) et Rory (Arthur Darvill) est remarquablement construite, chaque membre du triptyque ayant sa place propre – bien que l'infirmier serve souvent de souffre-douleur, son indéfectible loyauté ne peut qu'attirer la sympathie. Leurs liens sont d'autant plus forts que la vie d'Amy tout entière a été marquée par l'attente du Docteur, qu'elle a rencontré enfant pour la première fois.

Bien décidé à profiter de toutes les opportunités que lui offre le Tardis, Moffat démultiplie les lieux et les époques tel un enfant plongé dans son coffre à jouets qui invente l'intrigue à la volée. L'épisode se distingue par son rythme échevelé, ses péripéties trépidantes et ses rebondissements décomplexés.

Twists, diversions, illusions, paradoxes et pièges capillotractés enchâssés dans d'autres pièges capillotractés se succèdent, convergeant vers un cliffhanger à tiroir particulièrement généreux : le Docteur est emprisonné dans une boîte inviolable, River captive d'une explosion rejouée en boucle, Rory tue une Amy piégée dans un univers factice et l'apocalypse survient en guise de bouquet final.

 

Doctor Who : Arthur Darvill, Karen GillanLes sanglots longs des violons de l'Auton

 

Auréolé d'un nouveau prix Hugo, ce final couronne la saison en offrant au spectateur attentif de jolies gratifications : la scène d'ouverture de la saison est revisitée, plusieurs protagonistes de la saison font une apparition (Van Gogh, Churchill, la reine Elisabeth X) et le discours du Docteur à Amy dans le Byzantium s'éclaire d'un jour nouveau.

La Pandorica s'ouvre aussi sur l'avenir avec des promesses excitantes : les ramifications du complot visant le Seigneur du temps sont à peine esquissées et River Song gagne en ampleur, annonçant que la saison suivante sera la sienne et s'engagera franchement sur la voie du feuilleton.

 

Doctor Who : Tony CurranDans la postérité, peut-être, mais pas dans ce top

 

5. Un passager de trop (saison 4 épisode 10)

Il se passe quoi : Vous avez déjà subi ce jeu super-énervant d'une personne qui répète tout ce que vous dites ? Mais l'avez-vous déjà subi sur une planète de diamant inhospitalière, dans un vaisseau en panne, entouré d'inconnus paranoïaques, alors que le cockpit a été arraché et les pilotes tués ? Imaginez maintenant que le jeu dure... dure... jusqu'à ce que la personne parvienne à devancer vos paroles. Oh, et le Docteur est tout seul pour gérer la situation parce que Donna avait spa.

 

Doctor Who : David TennantReste dans ton bain moussant Do-Do. Qu'est-ce qui pourrait mal tourner ?

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Le propre de l'art audiovisuel par rapport à la littérature, c'est d'être soumis à des considérations bassement matérielles qui influent sur ce qu'il est possible de représenter. Ces limitations pèsent tout particulièrement sur les genres de l'imaginaire, où l'enveloppe allouée et les exigences technologiques entrent parfois en conflit avec les ambitions créatives.

La contrainte budgétaire charpente Un passager de trop dès sa genèse. La restriction est même double puisque la production exige à la fois de composer avec des moyens limités et d'intégrer l'absence de Donna, Catherine Tate étant affairée de son côté à mettre en boîte un épisode sans David Tennant – deux tournages simultanés, et sans Tardis s'il vous plaît. La solution s'impose : puisqu'il faut limiter les décors, ce sera un huis clos dont le caractère déstabilisant sera renforcé par la séparation du Docteur et de son compagnon.

 

Doctor Who : Lesley Sharp, David TennantMidnight expel

 

La peur n'a nul besoin d'une débauche de moyens pour être viscérale, tant le hors-champ et la suggestion lui siéent à merveille pour peu qu'un metteur en scène compétent s'en empare – demandez à Steven Spielberg, qu'un robot-requin défectueux a incité à étirer la menace jusqu'à terroriser des générations entières. C'est le propre des excellents créateurs de retourner une contrainte en atout.

L'épisode ménage ainsi ses effets et orchestre une montée en tension exemplaire, si bien qu'au moment de bascule, une simple femme qui prend son temps pour se retourner à la lueur des lampes-torches devient un pur moment de flippe. Ici, pas de monstre en latex ni d'effet outrancier, l'étrangeté ne tient qu'à la qualité du jeu : une diction légèrement altérée, un regard fixe et des gestes saccadés suffisent à installer un malaise qui ne quittera plus le spectateur.

 

Doctor Who : Colin MorganLe monstre le plus effroyable de l'univers : l'ado blasé

 

L'adhésion du spectateur est d'autant plus forte que la terreur prend ici racine sur des mécanismes psychologiques douloureusement réalistes. L'adversité vient autant de l'hôte extraterrestre que des autres voyageurs, dont les réactions menacent de devenir à proprement parler inhumaines. Plongés dans un contexte de terreur extrême, combien d'entre nous ferions le choix de nous protéger à tout prix, fusse au détriment d'un de nos semblables ?

Point ici de deus ex machina technologique, la résolution repose exclusivement sur la psychologie, les choix moraux et les liens que choisissent ou non de nouer les personnages entre eux. C'est d'ailleurs à une parfaite anonyme que revient le rôle de se sacrifier pour sauver la mise, parce qu'elle était la seule à prêter suffisamment attention aux autres pour identifier un tic de langage. Personne ne connaissait son nom. En situation de crise, l'héroïsme ne vient pas forcément d'où on l'attend.

 

Doctor Who : Lesley SharpSkyfall

 

La vulnérabilité du Docteur sans son compagnon a déjà été mainte fois illustrée, mais jamais peut-être de manière aussi tragique. Sa défaite est d'autant plus totale que l'ennemi le bat avec ses propres armes en le dépossédant de son principal atout : la parole. D'abord en la ridiculisant, par la répétition ; puis en la rendant inaudible, par le redoublement ; enfin en la dévitalisant, en la devançant de manière à la reléguer au second plan.

C'est parce qu'il a fait preuve d'empathie et voulu aider une inconnue que le Docteur s'est exposé. C'est aussi lui qui s'est opposé à ce qu'elle soit sacrifiée – un acte de bonté qui aurait pu se retourner contre lui. L'adversaire exploite si finement sa faille que ses points forts sont irrémédiablement transformés en vulnérabilités.

Il va de soi que les restrictions de production n'accouchent pas systématiquement de chefs-d’œuvre. Mais grâce à son dispositif épuré, sa mise en scène précise et ses acteurs investis, Un passager de trop figure indéniablement parmi ceux qui ont su sublimer la contrainte en petit joyau d'angoisse.

 

Doctor Who : Catherine TateJ'ai rien raté j'espère

  

4. Descente au paradis (saison 9 épisode 11)

Il se passe quoi : Le Docteur rumine la mort de Clara et sa colère contre Arya Stark, tourne en rond dans sa forteresse de solitude, se prend un mur de diamant, est rattrapé par son passé et se consume en contant l'histoire du petit pâtre. Combien de secondes, dans l'éternité ?

Le Docteur rumine la mort de Clara et sa colère contre Arya Stark, tourne en rond dans sa forteresse de solitude, se prend un mur de diamant, est rattrapé par son passé et se consume en contant l'histoire du petit pâtre. Combien de secondes, dans l'éternité ?

Le Docteur rumine la mort de Clara et sa colère contre Arya Stark, tourne en rond dans sa forteresse de solitude, se prend un mur de diamant... Oh, et Peter Capaldi livre un one doctor show époustouflant

 

Doctor Who : Peter CapaldiCe tonton gênant qui raconte la même histoire mille milliards de fois

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Chaque fan se fait sa propre opinion sur le moment où elle a débuté, mais tous s'accordent pour pointer la baisse qualitative du show au fil des années. Les intrigues à tiroir ont lassé, d'autres ont échoué à offrir une résolution pleinement satisfaisante, l'investissement technique semble moindre et les audiences sombrent lentement. 

Reste qu'au milieu d'une nébuleuse d'épisodes allant du très divertissant au médiocre en passant par le simplement oubliable, la série est encore traversée par de purs instants de grâce et ménage de sublimes moments.

Matt Smith a cédé le rôle éponyme à Peter Capaldi au début de la saison 8 et celui-ci, comme tous ses prédécesseurs, a eu besoin de temps pour trouver sa place, à plus forte raison après de si populaires devanciers. Le choix d'un acteur d'un certain âge permet de changer la dynamique avec Clara et rend son questionnement sur son identité particulièrement touchante.

 

Doctor Who : Peter CapaldiUn grand pouvoir de temps implique d'en subir les impossibilités

 

C'est sans doute au cours de cet épisode qu'il gagne définitivement ses galons de Time Lord. La neuvième saison est entièrement composée de diptyques inégaux convergeant vers un avant-dernier épisode high-concept : Capaldi y est (presque) absolument seul, captif d'un cadran de confession et sommé de donner des réponses qu'il n'a pas du tout envie de céder.

Et pour cause : à la surprise générale, son compagnon Clara (Jenna Coleman) a trouvé la mort à la fin de l'épisode précédent, le plongeant dans la colère, l'affliction et la culpabilité. Revanchard, traqué par une silhouette allégorique de la mort qui se nourrit de ses vérités et le renvoie à un traumatisme d'enfance, le Docteur est contraint de se livrer – la subtilité étant qu'il en révèle également par ce qu'il tait.

Pourquoi a-t-il réellement fui Gallifrey? Qu'est-ce qui le pousse à se battre ? Le portrait qui en est dressé est d'autant plus intéressant qu'il n'est pas dénué de nuances : son obstination à soustraire certaines réponses relève-t-elle de nobles principes ou d'une fierté mal placée ? À quel moment la détermination tourne-t-elle à l'obstination déraisonnable ? Loin d'un simple exercice de style un peu vain, la mécanique de l'épisode sert organiquement l'évolution du Docteur et livre, in fine, une nouvelle réflexion sur le temps.

 

Doctor Who : Peter CapaldiLe fantôme des Noël passés

 

Le concept est puissant et son exécution exemplaire, rythmée par des incursions dans un palais mental qui, pour échappé qu'il soit de l'expérience acquise par Moffat sur Sherlock, prend fort logiquement l'apparence d'un Tardis. Le château qui fait office de prison épouse le cheminement de son captif par son apparente inflexibilité – les pièces se réinitialisent – et sa désorientation spatiale et temporelle. De tous les photogrammes, Capaldi porte l'épisode sur ses épaules et s'empare de ce formidable script pour donner la pleine mesure de son talent.

Apothéose créative en forme de chant du cygne pour Steven Moffat, cette Descente au paradis prouve en tout cas que la série a encore beaucoup à offrir pour peu que l'investissement créatif soit à la hauteur de son formidable potentiel.

 

Doctor Who : GallifreyGallifrom desire Mind and senses purified Nanananananana nanana nana

 

3. La bibliothèque des ombres (saison 4 épisodes 8 et 9)

Il se passe quoi : Il faut se méfier du noir, et ce n'est pas un policier américain qui vous le dit. Mourir, c'est radoter un peu. River menotte le Docteur et ce n'est manifestement pas la première fois. Trop de lecture tue les lecteurs. CAL, elle n'est pas Superwoman. Donna passe à un bégaiement de l'amour de sa vie. Oh, et le Seigneur de temps et son archéologue préférée se voient simultanément pour la première et dernière fois, selon le point de vue adopté.

 

Doctor Who : LibraryQuand tu termines de lire une description balzacienne commencée au lycée

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Dès sa première contribution à la série avec le diptyque Drôle de mort/Le docteur danse (saison 1 épisodes 9 et 10), Steven Moffat avait réalisé un coup de maître dont il produit, en quatrième saison, une forme d'écho non moins saisissant.

Trouvailles visuelles glaçantes (masque à gaz / combinaison habitée par un squelette) ; gimmicks horrifiques basés sur une répétition macabre (« Are you my mummy ? » / « Hey, who turned out the light ? ») ; introduction d'un personnage hors-norme appelé à devenir récurrent et à nouer avec le Docteur un lien privilégié (Jack Harckness / River Song) ; menace insondable (les nanogènes / l'obscurité) ; contexte apocalyptique (une ville sous le Blitz / une planète vidée de ses habitants) ; optimisme final (tout le monde est sauvé ; tout le monde est dé-sauvegardé).

 

Doctor Who : MoffatAre you my Covid ?

 

L'épisode parvient à frapper l'imaginaire en élaborant une mythologie solide charpentée par des concepts passionnants : une bibliothèque aux dimensions planétaires, un anti-virus psychanalyste répondant au doux nom de Dr Moon, un univers factice rongé par la lucidité et ces Vashtas Neradas qui viennent commodément légitimer notre peur instinctive du noir. Le sentiment d'oppression est parfaitement rendu, tirant parti d'un ennemi à la fois imperceptible, impitoyable, expéditif, omniprésent et incontournable.

Le script se joue des apparences et du double sens du mot « sauvé ». Le réconfort de la réalité alternative se révèle illusoire, la technologie se met au service de l'imaginaire d'une enfant et le trope du commanditaire intéressé de l'opération est contourné. Bibliothèque et multivers fonctionnent de concert puisque le script fait dialoguer la littérature et le numérique sans hiérarchie artificielle. À la fin, l'ennemi n'est pas défait : ce sont les « gentils » qui se résignent à fuir.

 

Doctor Who : Talulah RileyMais oui mon chéri, ton dessin de fête des Mères est magnifique

 

La fin constitue également un modèle d'équilibre doux-amer, avec de purs déchirements – la mort de River, la tristesse du Docteur, la perte de Donna – contrastant avec le happy end global. Les dispositifs de communication des personnages, qui conservent leurs pensées même après leur trépas, sont d'abord utilisés comme ressort d'effroi avant d'ouvrir sur l'espoir : s'il reste quelque chose de l'âme, c'est qu'elle peut être « sauv(egard)ée ». Une issue inespérée qui préfigure des difficultés de Steven Moffat à traiter frontalement la mort de ses héros.

La bibliothèque des ombres introduit surtout le personnage de River Song. Incarnée par Alex Kingston, elle marque instantanément les esprits par sa facétie, son charisme et l'assurance avec laquelle elle traite du Docteur comme d'un égal. Elle semble en savoir plus que lui et laisse transparaître à son égard d'une proximité qu'il tarde au spectateur d'explorer. Une bonne manière pour Steven Moffat de placer ses pions en vue de son accession au poste de showrunner quelques mois après.

 

Doctor Who : Alex KingstonC'est pour une (actrice d')Urgence(s)

 

2. L'impossible astronaute (saison 6 épisodes 01 et 02)

Il se passe quoi : Le Docteur organise un pique-nique pour convier ses amis au spectacle de son exécution. Les complotistes avaient raison : les Américains ne sont pas allés sur la Lune, mais dans le lac Powell, Utah. Et il y a bien un extraterrestre en zone 51, d'ailleurs il a deux cœurs. Amy abat un enfant, ce qui est passablement affreux et le devient encore davantage avec le recul de certains twists ultérieurs. Puis elle se prend de passion pour les tatouages faciaux dans un orphelinat à côté duquel celui du film horrifique éponyme passerait pour un charmant centre Montessori. Oh, et le silence va tombeeeeeeeeeeeer.

 

Doctor Who : Matt Smith, Karen Gillan, Arthur DarvillStetson of anarchy

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Après avoir pris ses marques de showrunner en saison 5, Moffat voulait une ouverture-choc pour cette sixième livrée. Il tue le Docteur au bout de quelques minutes et installe le grand mystère qui irriguera toute la saison – et au-delà.

Si Russel T. Davies orchestrait ses saisons autour d'un fil rouge convergeant vers le grand final, ce tournant plus sérialisé repose sur la promesse de résolutions ultérieures. Dès ce double épisode initial, les mystères abondent : qui est ce mystérieux astronaute ? Qui est la femme au cache-œil ? Comment Amy peut-elle être enceinte sans l'être ? Que craignent les Silents ? Pourquoi le silence doit-il tomber ? Certains seront résolus après quelques épisodes quand d'autres s'étireront jusqu'à la fin de l'ère Matt Smith.

 

Doctor Who : AstronautEnlève ta combi de plongée, j'te jure, t'as pied

 

Toute la difficulté consiste à anticiper suffisamment pour éviter le syndrome Lost, qui se perdait dans ses propres mystères, et de prévenir le décrochage du public en trouvant le juste équilibre entre réponses à apporter et nouvelles énigmes. Un jonglage perpétuel qui engendre une perte de rigueur sur certains arcs narratifs et des résolutions pas toujours à la hauteur de l'excitation générée.

Reste que pour un spectateur réceptif au procédé, ces mystères génèrent un effet d'attente incroyablement stimulant. L'impossible astronaute se montre particulièrement généreux, servi par un rythme qui ne retombe jamais et des concepts saisissants. Les trouvailles horrifiques sont particulièrement glaçantes, entre ces Silents qu'on oublie dès qu'on ne les voit plus, l'appel à l'aide de la petite fille ou les ellipses dans l'orphelinat. Celles-ci sont d'autant plus astucieuses qu'elles forcent les spectateurs à épouser le point de vue d'Amy : il n'a que les marques qui se multiplient sur sa peau pour se représenter ses rencontres avec les Silents. Le pouvoir d'évocation fonctionne à plein.

 

Doctor Who : SilenceÀ trois, le roi du Silence commence

 

Amy et Rory ont pris leurs aises dans le Tardis, mais c'est bien River Song qui se place comme attendu au centre du jeu, s'offrant une entrée en scène iconique en soufflant la fumée de son revolver à contre-jour. Son histoire avec le Docteur se déploie à la fois à l'écran, avec une alchimie perceptible, mais également hors-champ au gré de dialogues pétillants regorgeant d'allusions à leurs escapades parallèles.

Les ambitions visuelles du show sont également confirmées : L'impossible astronaute a été partiellement mis en boîte dans l'Utah pour ce qui constitue la première délocalisation américaine du tournage. En résulte une photographie absolument sublime, des décors grandioses et un travail de la lumière magnifique, à l'image de la scène de bûcher à la lueur vacillante du soleil couchant.

Du divertissement dans le sens noble du terme, une écriture inspirée, un dépaysement assuré, des ennemis charismatiques, des personnages attachants, dont les interactions se nourrissent de dialogues enlevés, d'aventure, de rebondissements, d'humour... Peut-être les whovians sont-ils victimes de suggestion post-hypnotique, toujours est-il qu'alors que leur série adorée se préparait à souffler sa cinquantième bougie, le silence à son sujet ne semblait pas prêt de tomber.

 

Doctor Who : Matt SmithDoctor who ? Doctor Lecter, nice to meet you

  

1. Les Anges pleureurs (saison 3 épisode 10)

Il se passe quoiCarey Mulligan reçoit des messages insistants et non sollicités : il ne s'agit heureusement pas de dick pick gallifreyen (en ont-ils deux?), mais d'une moitié d'appel à l'aide temporel. L'inspecteur Shipton se retrouve ghosté par son date jusqu'au jour de son trépas. La contrée de Hull (Écosse) devient officiellement synonyme de mort. Oh, et il y a des Anges pleureurs. Ils sont rapides, plus rapides que vous ne l'imaginez. Alors ne leur tournez pas le dos, ne regardez pas ailleurs, ne clignez pas des yeux et savourez comme il se doit ce joyau d'épisode.

 

Doctor Who : Carey MulliganDab minéral

 

Pourquoi c'est du niveau Time Lord Victorious : Si l'on doit à Russel T. Davies d'avoir brillamment relancé la série, le showrunner joue paradoxalement [sic] assez peu avec le temps d'un point de vue narratif. Bien sûr, le Docteur voyage dans chaque épisode, mais ses périples s'inscrivent dans une certaine linéarité. Les scripts livrés par Steven Moffat s'amusent beaucoup plus volontiers des voyages temporels et de ses inévitables paradoxes.

À l'image des épisodes L.I.N.D.A et Le choix de Donna, Les Anges pleureurs doit de surcroît se passer autant que possible du  Docteur afin de pouvoir tourner plusieurs épisodes en parallèle et rogner sur le temps de tournage et les frais de production. Et de la même manière que Un passager de trop, le script transforme sa principale contrainte en formidable combustible créatif.

 

Doctor Who : David TennantLe fléau des Sans-Tardis-Fixe

 

Le scénario est tout entier construit sur l'empêchement. Le Docteur ne peut pas être présent ? Tout l'enjeu sera précisément de l'aider à quitter l'époque où il est coincé. Le budget ne permet pas forcément de créer de nouveaux monstres spectaculaires ? Ceux-là auront une apparence conventionnelle et seront presque entièrement statiques. Et que dire de la pauvre Sally Sparrow interprétée par Carey Mulligan ? Les indices sont dissimulés en easter egg, le dialogue qu'elle découvre est incomplet, son amie disparaît, son rendez-vous galant aura lieu sur un lit de mort, et elle n'a même pas la possibilité de cligner des yeux quand bon lui semble.

Ce qui rend cet épisode inoubliable tient évidemment à la création des Anges pleureurs, qui intègrent instantanément le panthéon des monstres cultes de la série. Théoriquement indestructibles, ils tuent « proprement » en renvoyant leur proie dans le passé et en se repaissant de la vie qu'elle n'a pu vivre.

Leur apparence, pour terriblement familière qu'elle soit, instille le malaise par leur manière de se cacher le visage. Si en d'autres mains, leur immobilité théorique eût pu faire sombrer la série dans le Z rigolard, elle permet ici de susciter l'effroi par la seule grâce du montage et de maquillages d'autant plus réussis qu'ils sont utilisés avec parcimonie.

 

Doctor Who : AngelSquid game : si je te touche, t'es mort

 

Les effets et apparitions purement horrifiques se comptent sur les doigts d'une main, aucune goutte de sang n'est versée et les seuls trépas le sont... de vieillesse. Pourtant, l'épisode fait incontestablement partie des plus terrifiants de la série. Le scénario joue parfaitement la carte du mystère et déroule une mécanique de précision riche en rebondissements, entremêlant brillamment scènes de tension, puzzle stimulant et éléments de pure comédie. Cette virtuosité scénaristique sera récompensée d'un nouveau prix Hugo tandis que Moffat remportera un BAFTA Craft et un BAFTA Cymru du meilleur scénariste.

Cerise sur le gâteau, l'épisode s'achève par un clin d’œil qui brise le quatrième mur pour nous faire douter. Après l'avoir terminé, vous ne regarderez jamais plus les statues comme avant – à moins que ce ne soit elles qui vous regardent désormais...

Nous espérons que la traversée de cette nébuleuse d'excellents épisodes de la meilleure série de l'univers vous aura plu. Et puisque vous avez forcément des divergences plus ou moins prononcées, n’hésitez pas à détourner un Tardis qui passerait à proximité spatio-temporelle pour venir réécrire le top à sa source. Geronimo !

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commentaires
Numberz
17/01/2022 à 14:58

@ ange

Oui bien lu les ref dans l'article, pas de souci. Parcontre les anneaux m'a profondément ennuyé. Même le chant, alors que d'habitude je suis fan des musiques de la série, j'ai trouvé cela plat.

Ange Beuque - Rédaction
17/01/2022 à 12:18

@Clé More grosse affection également pour les anneaux d’Akhaten que j’avais également couché dans la première liste mais même problème,il aurait fallu un chausse-pied sonique pour le faire entrer…

Ange Beuque - Rédaction
17/01/2022 à 12:15

@Abibak j’apprécie énormément John Simm également mais au final je trouve qu’il aurait pu être plus gâté au niveau des scripts. Ses épisodes sont plein de moments cool mais j’aurais eu du mal à en sortir un vraiment au-dessus du lot.

Ange Beuque - Rédaction
17/01/2022 à 12:13

@madouille @numberz l’épisode de Van Gogh était dans la liste élargie, il est effectivement formidable. Hélas ce top 10 n’était pas plus grand à l’intérieur, il a fallu faire des choix difficiles… même si j’ai tenu à le mentionner malgré tout.

Clé More
17/01/2022 à 02:32

Je suis assez d'accord avec ce listing mais selon moi les anneaux d'akhaten ont leur place dans ce top 10 au lieu de certains

Numberz
16/01/2022 à 22:20

Excellent listing. Bon humour. J'aime.

Sinon pareil, j'aurais mis celui de van Gogh et le choix de Donna. Mais le reste nickel. L'air Smith, bien que préférant tennant, est franchement top.

Madouille
16/01/2022 à 16:29

Au moins on est d'accord pour dire que les saisons 2, 3 et 4 sont les meilleures et les plus travaillées, rien qu'à voir ce classement qui leur donne la part belle.
En revanche je regrette l'absence de l'épisode sur van Gogh qui pour le coup fait partie des plus beaux et des plus riches en émotions, je trouve.

Abibak
16/01/2022 à 14:18

Excellente liste, j'aurais également mis un épisode avec le maître (jhon simm, super acteur notamment dans life on mars) pourquoi pas que tape les tambours. Sans parler des épisodes spéciaux avec plusieurs docteurs. J'adore cette serie.

brucetheshark
16/01/2022 à 14:17

Difficile chose que de compter les audiences de DW... Les chiffres télé sont historiquement bas... Mais si on compte avec BBC Iplayer, ils n'ont jamais été aussi haut...