Pluto : critique d'Astro Boy en version thriller sur Netflix

Elise Moreau | 12 novembre 2023
Elise Moreau | 12 novembre 2023

Avant d'être un anime, Pluto est un manga en huit volumes de Naoki Urasawa, publié de 2003 à 2009. Mais avant d'être un manga, Pluto est l'adaptation sous forme de thriller de l'arc Le robot le plus fort du monde d'Astro, le petit robot, manga culte du grand Osamu Tezuka. Alors forcément, cet anime partait avec quelques complexités, en devant plaire aux fans d'Astro, tout en s'adressant à de purs néophytes. Y est-il parvenu sur Netflix ? C'est ce que nous allons voir (tintintin, suspense...). Attention spoilers !

Un univers riche... trop riche

Pluto nous plonge dans un contexte futuriste, à une époque où les robots sont complètement intégrés à la population, au point d'être devenus presque indissociables des humains. La série n'expose que très brièvement le fonctionnement de cet univers. Le spectateur doit comprendre par lui-même, au fur et à mesure des épisodes, comment les robots sont considérés dans cette société et quels sont leurs droits. Les informations parviennent au compte-gouttes, dans un ordre parfois assez déroutant.

Les personnages, pour la plupart, ne sont que sommairement présentés, comme si la série partait du principe que le public les connaît déjà. On peut noter le cas d'Astro, qui est présenté comme une petite célébrité, sans que la série ne l'explique. Elle semble compter sur un attachement déjà fort pour certains personnages, que ce soit le Pr Ochanomizu, ou encore Uran, la soeur d'Astro. Quant au glacial Pr Tenma, le drame de sa situation n'est qu'effleuré. Plusieurs éléments, notamment une grande guerre plusieurs fois évoquée au cours du récit, donnent au néophyte l'impression un peu désagréable de rattraper une histoire en cours de route.

 

 

Néanmoins, cet univers est très bien illustré, grâce à une animation de toute beauté. Pluto a eu droit à un travail visuel presque digne d'un long-métrage, aidé d'une animation fluide et particulièrement dynamique lors des quelques scènes de baston. Plusieurs modélisations 3D agrémentent l'oeuvre, faisant ainsi cohabiter certaines nouvelles technologies avec les techniques plus traditionnelles (ce qui est pertinent avec le sujet). La plupart d'entre elles sont très réussies et se fondent parfaitement dans le décor en 2D, même si quelques-unes se remarquent toutefois un peu trop. 

 

Pluto : photoUn vrai sens de la mise en scène

Inspecteur Gadget

En dépit d'un univers très peu accessible pour les petits nouveaux, l'intrigue parvient malgré tout très bien à agripper le spectateur. En effet, Pluto est un thriller qui nous fait suivre toute une enquête sur une série de meurtres. Alors que tous les robots les plus sophistiqués meurent tous les uns à la suite des autres, le robot-inspecteur Gesicht va se retrouver au coeur d'une des enquêtes les plus mouvementées qui soient. 

À chaque noeud qui se délie, un nouveau mystère se met en place. Plusieurs personnages et noms importants viennent ponctuer l'affaire, faisant de toute cette intrigue un immense puzzle à assembler. Encore une fois, l'anime en demande beaucoup à ses spectateurs, tant les informations à retenir sont nombreuses. La série a malgré tout le mérite de ne pas aller trop vite, de poser son rythme pour permettre au spectateur de digérer les informations petit à petit. Les épisodes durent chacun une bonne petite heure, ce qui est assez inhabituel pour une série animée japonaise.

 

Pluto : photoGesicht, un Inspecteur Gadget en plus brutal

 

De plus, si l'enquête peut se révéler dure à suivre, les révélations finales sont logiques et amènent de superbes retournements de situation. Et là où la série parvient également à surprendre, c'est en se la jouant Game of Thrones avec des prises de risques narratives culottées. En effet, plusieurs personnages importants, dont certains réellement attachants, se font tuer (enfin... se font "éteindre", plutôt) au cours du récit, toujours de façon très inattendue. Et ces morts ne se contentent pas d'être choquantes, certaines remettent énormément le récit en cause et font repartir l'enquête dans des directions impossibles à prévoir.

 

Pluto : photoLes calculs du spectateur pour bien comprendre l'histoire

 

Astro rêve-t-il de moutons électriques ?

Là où Pluto se révèle particulièrement marquant, c'est dans l'approche de ses personnages principaux. La série se centre particulièrement sur l'inspecteur Gesicht. Ce dernier, par sa nature de robot, amène plusieurs questionnements sur la place de l'intelligence artificielle dans notre monde, des interrogations dans la droite lignée des oeuvres d'Isaac Asimov ou Philip K. Dick (sans compter la référence à Pinocchio, assumée dans la série).

Tout au long de l'enquête, Gesicht illustre diverses problématiques sur la capacité des robots à aimer, à haïr, à évoluer sans avoir de contrôle sur leur propre passé. Gesicht semble continuellement marqué par un passé qui lui a été retiré de sa mémoire, tel un humain ayant subi une amnésie traumatique. Le personnage apparaît comme étant assez froid, très peu expressif, mais cette même froideur témoigne de la réussite du personnage, continuellement limité dans ses capacités émotionnelles, et dans sa compréhension des sentiments humains.

 

Pluto : photoDans cette réalité, ChatGPT a intérêt à faire gaffe

 

Son enquête ne le conduira pas simplement à découvrir l'origine de la tuerie de masse des robots. Elle lui permettra également de mieux se connaître lui-même et de mettre enfin des mots sur sa souffrance. Il est dur de rester indifférent lorsque le protagoniste découvre enfin la vérité sur son passé.

Bien qu'il n'apparaisse pour la première fois qu'à la toute fin du premier épisode, Astro devient progressivement un protagoniste essentiel de l'intrigue. Ce Pinocchio des temps modernes dégage rapidement une vraie sympathie, à travers un juste équilibre entre sa naïveté enfantine et son caractère volontairement très lisse qui trahit sa vraie nature. Mais encore une fois, il est regrettable que la série ne prenne jamais réellement la peine de le présenter, le drame derrière sa création n'étant que sous-entendu. 

Si l'on n'est pas du tout familier avec le personnage, la fin de la série peut même se révéler très frustrante. En effet, c'est l'enfant-robot qui combat l'antagoniste dans le dernier épisode, et s'impose donc comme le véritable héros de cette histoire. Quand on a suivi Gesicht pendant toute une saison, il est un peu étrange de voir Astro lui voler complètement la vedette à la toute fin. Cela étant, le destin offert à Gesicht est très touchant et justifie (un peu) le rôle d'Astro à la toute fin.

Pluto est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 26 octobre 2023

 

Pluto : Affiche officielle

Résumé

Pluto s'impose comme une oeuvre très intéressante, très méritante dans ce qu'elle essaie de transmettre. L'intrigue est prenante, l'animation est au top et les problématiques sont profondes. Cependant, la série ne parvient pas vraiment à s'imposer comme une oeuvre indépendante et risque de n'être parfaitement comprise que par les fans de cet univers.

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Lecteurs

(3.4)

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commentaires
Jalias
14/11/2023 à 19:51

Je rejoins les avis de Pseudo2 et Nono pseudo3 sur l'implication d'Astro. Il y a en effet un aspect culturel important mais surtout je pense vraiment que l'intrigue se suit très bien même sans être fan d'Astro ou connaître son univers. Je suis un peu surpris par cette critique car même sans avoir lu Astro (ce qui ok peut réduire l'impact du cliffhanger de l'épisode 1), le manga et la série prennent suffisamment de temps pour introduire leurs personnages pour les rendre immédiatement attachants (Astro, Uran, Ochanomizu) ou intrigants (Gesicht, Tenma, Epsilon). Les codes de cet univers me semblent au contraire bien construits et amenés, les personnages parlant de façon organique et non pour artificiellement expliquer l'univers au spectateur. Le spectateur comprend bien en voyant, pas avec des explications rébarbatives. Par exemple, la mort du robot Robbie dans l'épisode 1 et le don de sa carte mémoire à sa femme permet au spectateur de comprendre que les robots sont traités comme des individus (avec leur individualité, ils peuvent se marier...) et que leur gestion du deuil est différente des humains (tout en étant largement compréhensible pour un spectateur ayant une empathie plus élevée qu'un mollusque).
De même, même sans être fan d'Astro, on passe 6-7 épisodes à faire comprendre aux spectateurs son importance dans l'univers et pour les personnages, et le plot twist de l'épisode 6-7 est tellement bien fait que le changement de protagoniste ne m'a aucunement choqué (surtout que le "retour" d'Astro est teasé depuis quelques épisodes déjà). Bref je trouve dommage d'avoir spoilé cette partie de l'intrigue qui pourtant fonctionne si bien.
Pour la tragédie de Tenma/Astro, j'ai également au contraire adoré la pudeur autour de cette intrigue qui correspond si bien au personnage de Tenma.

Nono Pseudo 3
13/11/2023 à 19:15

Chouette anime, fin un peu foirée mais c'est pas méchant. J'adore le manga. L'histoire est magnifique et sacrément émouvante. Gros faible pour le Hannibal Lecter robot, même si ici sa dernière scène n'a pas le même impact que ds le manga - du levelling des Watchmen sur son ambition, franchement.

Idem pseudo 2. Je dirais même que Astro, au Japon, c'est l'équivalent de Mickey. Un autre animé un peu méta comme ça que je conseille vraiment : Goshogun The Time Étranger. Ses ramifications sur tout un pan culturel qui ne nous est pas parvenu sont assez vertigineuses. Pluto, c'est puissant.

TheRod92400
13/11/2023 à 17:17

@Birdy l'inquisiteur: Personne n'est prêt pour Monster.

Vege
13/11/2023 à 13:55

Pour le coup il s'agit d'une adaptation du manga sans écart (ou des détails minimes). 1 épisode = 1 tome.
Le manga est excellent.
C'est sur qu'il ne creuse pas beaucoup le passé, mais chacun a tout de même son historique. Et ça se concentré sur l'intrigue principale, on ne perd pas de temps.
Donc ce n'est pas plus mal plutôt que d'avoir quelques longueurs.
L'animation est une grande réussite.
Un beau respect au manga (juste dommage l'affiche qui spoile quand même un peu, car un des gros suspense se base sur qui est Pluto, donc le mettre sur l'affiche c'est moyen je trouve). Et Gesish est le perso principal, c'est astro (marketing c'est normal) qui est plus mis en avant. Ça fait plus tout public alors que c'est une œuvre très mâture, pas forcément pour enfant ou tout le monde.

Altaïr Demantia
13/11/2023 à 10:05

Je n'ai pas lu le manga.
J'ai bien aimé la modernisation du charadesign des personnages de Tezuka et notamment d'Astro. Par contre garder le design des robots, rond et non réaliste, j'ai trouvé le contraste avec le reste dur dur.
Quant au discours qui traverse le récit, il est intéressant mais j'ai trouvé que ça plombait quand même l'histoire dans d'interminables explications et scène de contemplation pas forcément bienvenues.
Sinon, dans l'ensemble, ça reste un bel animé philosophiquement intéressant.

NTL
13/11/2023 à 08:13

Bonjour,
J'ai grandi avec la série anim AstroBoy des années 60-70 (pas en France).
C'est la seule série anim de l'époque que j'ai encore gardé dans ma mémoire.
Dès que j'ai commencé à regarder la série Pluto, j'ai tout de suite compris que c'était une version moderne d'Astroboy de mon époque.

Birdy l'inquisiteur
13/11/2023 à 07:55

La vraie question : êtes vous prêt pour Monster ?
(Réponse : Pluto.)

RetroBob
13/11/2023 à 07:47

Il y a quand même pas mal de spoiles dans votre critique...
Ce n'est très pro.

Sinon, l'anime est en effet une parfaite transposition du manga, avec une qualité d'animation irréprochable.

Saul
13/11/2023 à 05:30

@Pseudo2 : très intéressant commentaire !
Oui adaptation ultra fidèle.. comme Monster, et avec le matériel de base des 2 c'est signe de qualité.

Au passage j'ai pas grandi avec Astro, connaissait juste le personnage, et pourtant j'ai adoré l'histoire et sa relecture sans être perdu ;)

Pseudo2
12/11/2023 à 21:30

Pour le coup, la principale critique ici est purement culturelle : on n'imaginerait pas critiquer une histoire Marvel parcequ'elle introduit peu Spider-man et son origine story, surtout s'il s'agit de réadapter l'histoire la plus connue du personnage.

C'est le cas ici : Astroboy et son passé n'ont pas besoin d'être évoqué au Japon, et "le robot le plus fort du monde" est de loin son histoire la plus connue. Ce qui nous paraît étrange (prendre Gesischt pour le personnages principal avant de voir qu'il s'agit d'une histoire d'Astro Boy) n'est pas une surprise pour quelqu'un qui a grandit avec ce personnage.

Si demain on a une serie dans la gaule antique et qu'un petit gars blond à casque ailé accompagné de son pote bedonnant à tresses rousses se ramène au bout de 5 épisodes on ne se posera pas la question de savoir ce qu'il y a dans sa gourde.

Pluto a été écrit et pensé pour les gens aillant grandi avec Astro. Il n'a jamais été pensé comme une œuvre internationale.

C'est l'équivalent de "l'homme qui a tué Lucky Luke" de Matthieu Bonhomme : une BD un poil obscure pour un lecteur qui n'a pas baigné dans les aventures d'origine de son héros.

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