Formula 1 : Pilotes de leur destin saison 5 - critique qui repart pour un tour sur Netflix

DRIVEN

Formula 1 : Pilotes de leur destin a changé la Formule 1. Depuis le début de la série en 2019, le nombre de téléspectateurs qui suivent les courses a augmenté de près de 50% à travers le monde et cet engouement a même gagné les États-Unis, un marché que la discipline a tenté de conquérir pendant des décennies. 

Le week-end de course d'octobre 2022 à Austin a réuni la plus grande foule de l'histoire pour un Grand Prix (400 000 fans, dont 140 000 pour la course du dimanche) et cet intérêt croissant du public américain pour la Formule 1 a encouragé la FIA à inscrire le Grand Prix de Miami au calendrier en 2022 (avant que le Grand Prix de Las Vegas le rejoigne en 2023 et que le pays de l'Oncle Sam devienne le seul à accueillir trois courses).

Selon les chiffres de la Formule 1, la saison 4 s'est hissée dans le Top 10 de Netflix dans 56 pays, dont les États-Unis. Face au phénomène, la plateforme a repris la formule pour l'adapter à d'autres sports, comme le tennis ou le golf, de la même façon qu'Amazon l'a déjà fait avec la Moto GP, l'autre catégorie-reine du sport mécanique. Avec l'incroyable Last Chance U, Formula 1 : Pilotes de leur destin reste cela dit la référence dans son genre.

Rentrée des classes

Cependant, malgré sa qualité et ce qu'elle a apporté à la Formule 1, les fans et les professionnels ont aussi reproché à la série d'être trop scénarisée ou de simuler des rivalités, ce qui avait poussé Max Verstappen à ne pas participer au tournage de la précédente saison (qui l'avait vu être couronné champion du monde dans un final plus que controversé). Le pilote néerlandais ayant dominé la saison 2021-2022 et remporté un nouveau titre mondial, Formula 1 : Pilotes de leur destin ne pouvait décemment pas se passer de lui (Verstappen a accepté de jouer le jeu après avoir reçu la garantie qu'il aurait son mot à dire sur la façon dont il est montré à l'écran).

L'année 2022 a marqué un renouveau pour la Formule 1, comme l'annonce le premier épisode. Après l'extraordinaire saison qui s'est déroulée, entre changements de réglementations, débuts de certains pilotes, départs d'autres et nombreux rebondissements sur la piste et dans les stands, la série était évidemment attendue au tournant pour son spectacle, mais aussi pour la façon dont elle traiterait tous ces événements.

L'indomptable

HOT WHEELS

Du montage à la photographie en passant par le mixage sonore ou la bande-son, Formule 1 : Pilotes de son destin n'a rien perdu de sa maîtrise. Même si elle se contente de reprendre la même structure chaque année (une intrigue à chaque épisode, avec des extraits de courses, des interviews et des scènes de vie), l'immersion dans les coulisses de la Formule 1 et la façon dont la réalisation parvient à créer du rythme et de la tension en quelques images saisissent toujours autant.

Mais le succès de la série tient aussi dans certaines personnalités du monde de la Formule 1 que les caméras ont propulsée au rang de star et cette cinquième saison démarre avec la plus populaire et la plus fascinante d'entre elles : Günther Steiner, directeur de l'écurie Haas, accompagné de son homologue et concurrent de Ferrari qui est aussi son ami, Mattia Binotto.

Après la découverte des nouvelles voitures et l'annonce des changements prévus au sein du règlement et des écuries, la série suit les deux hommes, bienheureux de prendre leur revanche en début de saison après des années de malchance.

L'espoir avant la déception

Avec honnêteté, sans enjoliver ou caricaturer les faits, les premiers épisodes retracent le retour triomphant de Kevin Magnussen et le doublé de Ferrari à Bahreïn avant de s'intéresser aux premiers pas de George Russell chez Mercedes et aux difficultés que rencontrent l'écurie allemande et Lewis Hamilton avec leur nouvelle monoplace.

Comme les précédentes saisons, plusieurs Grands Prix sont délaissés et la série (produite par des sociétés américaines) insiste particulièrement sur la première édition du Grand Prix de Miami, où l'expression de "grand cirque" utilisée parfois pour décrire la Formule 1 prend tout son sens.

Néanmoins, lors de certaines scènes, la série réussit à retrouver cette émotion et cette sincérité qui se dégageaient des premières saisons. Par exemple, lorsque Mick Schumacher et les mécaniciens de Haas célèbrent sa dixième place et ses premiers points comme s'il avait gagné la course, ou quand Fernando Alonso accepte d'endosser le rôle du "méchant" devant la caméra après l'annonce inattendue de son départ d'Alpine pour Aston Martin.

Sous pression

CRASH

Malheureusement, Formule 1 : Pilotes de leur destin retombe rapidement dans ses travers et joue la carte de la dramatisation à outrance lorsqu'il s'agit de traiter les affaires qui ont agité les paddocks. La plus retentissante d'entre elles, l'affaire Oscar Piastri, s'étale sur deux épisodes, mais la série élude plusieurs éléments qui auraient pourtant permis de comprendre le conflit autour du jeune pilote australien.

Sa signature chez McLaren ressemble à une trahison contre Alpine, qui décide "d'abandonner" sa bataille juridique pour se rabattre sur Pierre Gasly, alors que cette décision résultait d'une mauvaise gestion de l'écurie française, comme l'ont révélé plusieurs informations.

Certains épisodes n'ont pas d'autre vocation que de raconter une belle histoire, même si elle est inutile ou mensongère. La reconduction de contrat de Sergio Pérez chez Red Bull apparaît ainsi comme une sorte de récompense à la suite de sa surprenante victoire à Monaco alors qu'il avait déjà signé avant la course (le pilote mexicain avait fait une gaffe en parlant de sa signature devant les caméras en direction du podium).

Condamné à la solitude

Un épisode entier est consacré à Yuki Tsunoda et son amitié avec Gasly, qui prend fin après l'annonce du départ du Français chez Alpine, mais la pôle position inespérée de Magnussen ou la retraite de Sebastian Vettel, quadruple champion du monde, ne sont évoquées que quelques minutes dans toute la saison.

Lorsqu'il s'agit d'aborder les dépassements de budget de Red Bull et les accusations de tricherie, la série s'arrange encore une fois avec le montage et la narration pour écarter ce qui ne colle pas avec son scénario. La victoire de Perez à Singapour au moment où les premières rumeurs sortent est passée sous silence, pour laisser les projecteurs sur Max Verstappen.

Pris au piège

Christian Horner, directeur de Red Bull, raconte que les autres écuries sont jalouses et qu'elles feraient n'importe quoi pour gagner autrement que sur la piste, oubliant qu'il faisait constamment la même chose avec Toto Wolff quand Mercedes enchaînait les victoires. Finalement, une fois que Red Bull remporte son titre constructeur, l'affaire et les sanctions de la FIA sont purement et simplement oubliées pour laisser place aux célébrations (sans autres précisions majeures).

Après le dernier épisode bâclé à Abu Dhabi, qui ne sert qu'à donner une fin pour la forme et présenter le futur Grand Prix de Las Vegas de la prochaine saison, le constat est clair : Formula 1 : Pilotes de leur destin n'est plus une série-documentaire, mais une vitrine promotionnelle. Et si cet outil de quasi-propagande profite peut-être au monde de la Formule 1, il n'a plus grand-chose à voir avec la réalité.

La saison 5 de Formula 1 : Pilotes de leur destin est disponible depuis le 24 février 2023 sur Netflix.