Ozark saison 4 partie 1 : critique le sang de la déveine sur Netflix

Simon Riaux | 21 janvier 2022 - MAJ : 22/01/2022 10:43
Simon Riaux | 21 janvier 2022 - MAJ : 22/01/2022 10:43

Après avoir passé trois éprouvantes saisons à se confronter aux exigences d'un cartel mexicain, tout en satisfaisant les appétits d'une horde de criminels plus ou moins consanguins, la famille Byrde se retrouve au coeur d'une mare de sang sur le point de se transformer en raz-de-marée. Mais la série Netflix a-t-elle encore suffisamment de cartouches en réserve pour faire un carton ? ATTENTION SPOILERS.

LA ROUE DE L'INFORTUNE

Nous avions quitté Marty et Wendy dans une situation un tantinet tendue, alors que la tête du cartel pour lequel ils travaillent venait de faire exploser celle de son avocate, leur principale adversaire, mais aussi l'ultime tampon les séparant d'une autorité tutélaire très portée sur le meurtre de masse. Un rebondissement nécessairement synonyme d'accélération dans la course tragique de ce couple (dés)uni pour la vie, faisant de son mieux pour acheter sa survie. Situation d'autant plus inextricable que dans son "bercail" balnéaire, la famille fait face à plusieurs fronts. Dissentions internes, culpabilités enfouies, mais aussi ambitions contraires pourraient bien vouer tous les membres de cette famille à une irrémédiable damnation.

A l'issue de la saison 3, l'intrigue semblait avoir abattu l'essentiel de ses cartes, et propulsé ses anti-héros si près de l'astre noir qui les menace depuis que nous les connaissons, qu'on se demandait si les scénaristes auraient de quoi entretenir les enjeux. A fortiori avec une saison 4 divisée en deux parties distinctes, un choix qui contraint le récit à se muscler suffisamment pour ne pas nous donner l'illusion de jouer les prolongations. Et au jeu dangereux de la ligne de crête, la quatrième saison d'Ozark s'en tire avec les honneurs.

 

Ozark : photoL'appel à un ami

 

Sa première bonne idée provient de l'inversion de son concept initial. Marty et Wendy ont bataillé sans relâche afin de monter de toutes pièces une filliale massive de blanchiment d'argent, pour se retrouver face à un boss de cartel conscient d'être un colosse aux pieds d'argiles, et par conséquent tenté de trouver une issue avant que son propre camp n'accorde le divorce entre sa tête et ses épaules. Ce renversement du paradigme de base a cela de ludique qu'il permet de mettre à jour des lignes de tension jusqu'à présent souterraines.

Tandis que le jeune Jonah se prend au jeu des projections financières et des calculs juteux, Wendy s'est découverte un talent indéniable pour manipuler les soubassements politiques de la région, et tandis que leurs concurrents locaux montrent les dents avec plus de voracité que jamais, la finalité de cette démente fuite en avant paraît plus trouble que jamais. Et si les Byrde souhaitent véritablement s'extraire enfin de la spirale criminelle qui leur permet d'exister, une issue par le haut est-elle encore possible ?

 

Ozark : photo, Laura Linney, Jason BatemanUne bien belle histoire d'amour et de comptabilité

 

A LA GUERRE COMME AU CARTEL

Afin de réussir ce programme pour le moins dense, Ozark tente une manoeuvre narrative périlleuse, mais particulièrement ludique, et donne un rôle accru au FBI dans cette première partie de saison. On pourra bien sûr lever un sourcil devant la perspective de voir une agence fédérale négocier gré à gré avec un couple d'arnaqueurs brillants mais à l'autorité discutable, ou accepter des interactions pour le moins risquées avec un narcotrafiquant d'envergure internationale. On pourra également regretter que Javi, ambitieux aspirant au titre de roi des trafiquants, manque à quelques occasions, cruellement de dicernement.

Mais ce serait s'empêcher d'apprécier les conséquences d'une idée, elle, particulièrement réjouissante, à savoir la représentation d'autorités fédérales directement investies dans la gestion des cartels mexicains, et qui autorise quantité de possibilités vicieuses, en matière de trahisons et de retournements de situations retors. Justement, ces sept épisodes n'en manquent pas, tant le chaos qui se distille désormais dans les affaires de nos comptables de l'enfer attirent les convoitises d'une galerie de seconds couteaux.

 

Ozark : photo, Jason BatemanD'employé de bureau à ponte des narcos

 

Tous sont désormais aiguisés, et peuvent abattre leur jeu au gré d'une narration extrêmement rythmée, dont on se surprend parfois à presque regretter qu'elle ne prenne pas un chouïa plus son temps, tant les soubresauts émotionnels s'enchaînent. C'est particulièrement vraie de la relation complexe qui unit parents et enfants, ou encore Charlotte et Jonah. Entre ressentiment, tentatives désespérées de protection ou d'autoritarisme, tout ce qui permettait encore au clan de se donner l'apparence d'un front uni est progressivement pulvérisé. On appréciera notamment que la série prenne intelligemment en compte le vieillissement du comédien Skylar Gaertner, qui n'a plus grand-chose à voir avec l'enfant de la saison initiale.

Mais sa transformation physique colle parfaitement à son évolution, son désir d'émancipation, et les ravages qu'il pourrait engendrer. Et quand Ozark se risque, si tard, à introduire un nouveau protagoniste, c'est avec une semblable réussite. En effet, figure presque allégorique, le détective privé qui va s'insinuer dans le quotidien des personnages a tout de la figure étrange, entêtante, qui pourrait prendre une ampleur délectable. Ozark enquille donc les petites pirouettes, mais réussit aussi, dans sa dernière ligne droite, à retrouver la veine desésespérée de ses premiers chapitres.

 

Ozark : photoCooking bad

 

SUR SA FIN ?

C'est ce qui achève de convaincre à l'issue de la première partie de cette ultime saison. Sans jamais que l'intrigue la traite avec une cruauté déplacée ou une complaisance artificielle, Ruth se mue tout à fait en figure tragique, dont chaque convulsion visant à s'extraire de l'horreur qui l'encercle l'y plonge plus profondément encore. C'est autour d'elle, de son frère, mais également de la figure de Darlene que la narration réserve ses plus terribles trouvailles. Seule protagoniste authentiquement innocente de brochette de salauds, elle s'avance vers une issue désolante, qui rebat inexorablement les cartes.

 

Ozark : photoDarlene, un des personnages les plus aimables du monde

 

Tous ces ingrédients permettent à l'ensemble de demeurer, à quelques mois de ses épisodes finaux, particulièrement accrocheuse, divertissante, nous promettant une conclusion possiblement de haute volée. Certes, Ozark n'aura jamais transcendé une forme pas déplaisante mais clairement en pilote automatique. Tout comme sa photo, indiscutablement soignée finit par lasser à force de systématisme. De même, le découpage a beau prendre soin de toujours offrir une action lisible, une dramaturgie claire, difficile d'y trouver de véritable signature visuelle, ou les traces d'une quelconque ambition plastique.

Autant de scories, ou plutôt de limites, qui n'empêcheront en rien ceux qui nagent dans les eaux sombres d'Ozark d'y effectuer quelques brasses supplémentaires avec délice. Quant aux autres, ils auraient tort de ne pas se plonger quelques temps dans ce récit méchant, construit avec soin et cruauté, dont Jason Bateman s'avère une fois encore, l'atout imprévisible, tour à tour charmeur et glacial.

Résumé

Cette première partie de quatrième saison ne réinvente rien, et surtout pas sa recette initiale, mais continue de la travailler avec soin, et parvient à nous abandonner face à une situation qui promet un épilogue particulièrement énervé.

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Lecteurs

(4.0)

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commentaires
Ghob_
10/03/2022 à 13:43

Et juste une petite précision au sujet de Ruth : il ne s'agit pas de son "frère" mais de son "cousin" Wyatt.
Hormis ça, pas grand-chose à ajouter, si ce n'est que je suis bien régalé avec la S3 et cette partie de la 4e, en espérant que la dernière ligne droite soit du même niveau !

targuet16
30/01/2022 à 02:17

Pas vraiment d'accord la critique et encore moins sur la technique. Dire que le travail de la photographie de la série finit par lasser, c'est tellement grossier. Toute cette noirceur, ce mélange de vert et de bleu, la précision du cadrage, le soucis du détails, c'est ce qui fait l'esthétisme d'Ozark, c'est sa pâte cinématographique. Alors certes, elle ne réinvente rien au cinéma, mais elle est novatrice a la télévision.
Ozark est un récit en 4 saisons, court et intense. De mon point de vue, a aucun moment j'aurai souhaité qu'elle change de direction artistique. Le but c'est de raconter une histoire, a partir de la saison 4, ça me parait tout a fait que l'esthétisme soit en second plan. Pis c'est pas non plus un exercice de style, personne ne s'adresse au spectateur, rien ne brise le cadre ... On n'est pas dans Mr Robot

Charlie Yuks
29/01/2022 à 23:56

Honnêtement je suis en total désaccord. Meilleure série Netflix pour le moment. Proche du niveau de breaking bad. Le jeu d’acteur est juste parfait. Il faut regarder la série en VO. Si une série comme Dexter à 8.6 sur IMDb Je ne comprend même pas une seconde qu’on ne mette pas un 9/10 à cette série.

Ded
24/01/2022 à 14:30

Un bémol : Ruth "Seule protagoniste authentiquement innocente de (cette) brochette de salauds...".
Euh, reprenez-moi si je me trompe, elle a quand même occis froidement ses oncles...

MoiLeVrai
23/01/2022 à 14:57

C’est pas non seulement une des meilleures séries Netflix,mais une des meilleures séries tout court. Elle démarre lentement, les 6 premiers episodes de la saison1 demandent vraiment à faire l’effort de s’accrocher mais apres c’est un roller coaster fantastique. Et Julia Garner est fantastique du début à la fin.

Pi
22/01/2022 à 12:08

Moi, je suis entre vos deux avis.

C'est bien écrit mais les péripéties et autres rebondissements sont complètement tirées par les cheveux. Et au bout des deux premières saisons, j'ai lâché l'affaire.

Le casting est bon mais les personnages n'évoluent pas.

C'est à la fois stimulant et en même temps frustrant.

Stimulant parce que les scénaristes se creusent vraiment la cervelle pour sortir les personnages des situations rocambolesques dans lesquelles ils les ont mis.

Frustrant, parce qu'au bout d'un moment, quand on a compris le ressort de cette série, on ne se sent plus concerné par des situations irréalistes et qu'on sait que la solution le sera tout autant.

Le truc qui m'énerve aussi, c'est Jason Bateman qui ne sait rien jouer d'autre que ce type mono expressif et froid. On pourrait croire que c'est le personnage qui est écrit comme ça, mais en fait non, Bateman joue de cette façon également au cinéma.

chacun son avis
22/01/2022 à 11:05

Moi par exemple, je pense tout l'inverse de toi, une des meilleures séries Netflix, bien écrite et palpitante, des acteurs excellents.

Docteur Benway
22/01/2022 à 07:02

Je crois que Ozark doit être la série la plus surestimée de Netflix, je ne comprends pas comment un truc aussi abracadabrant, aussi mal écrit, mal rythmé et vide, ait une aussi bonne réputation. J'ai l'habitude des buzz en carton de Netflix mais celui-ci est l'un des plus injustifié.

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