5 chefs-d'œuvre de la science-fiction qui font voyager (très loin)

La Rédaction | 30 août 2023 - MAJ : 30/08/2023 16:37
La Rédaction | 30 août 2023 - MAJ : 30/08/2023 16:37

À l'occasion de la parution du roman La Nuit du faune chez Le Livre de Poche, retour sur 5 grandes œuvres de science-fiction qui nous emmènent aux tréfonds de l'univers.

Dans La Nuit du faune, Romain Lucazeau (auteur de l'ambitieux space opera Latium) raconte la rencontre entre un faune et un mystérieux être vivant sous cloche depuis des lustres. Ensemble, ils s'embarquent dans un voyage aux confins de la galaxie, à la recherche des civilisations qui ont fleuri ici et là. Une quête qui va explorer toutes les finalités possibles des peuples humains ou extraterrestres, quitte à s'aventurer dans des contrées métaphysiques.

Ni space opera, ni récit de hard-science, le roman part très loin, dans tous les sens du terme. Et s'il maitrise particulièrement bien l'exercice, il n'est pas le seul récit de science-fiction à avoir embarqué des personnages à des années-lumière de la Terre, pour mieux éprouver leur humilité et méditer sur leur place dans l'univers. Petite sélection de 5 grandes épopées cosmiques, parfois sociales, parfois philosophiques et toujours réflexives, de l'incontournable au futur classique.

On est partenaire de la sortie de La Nuit du Faune. Mais c'est quoi un partenariat Ecran Large ?

 

La Nuit du faune : CouvertureDésormais disponible chez Le Livre de poche

 

IKARIE XB-1

 

Ikarie XB 1 : photoPassion plans couloirs de vaisseaux

 

Premier arrêt sur un vaisseau tchécoslovaque, vedette d'un long-métrage essentiel dans l'histoire du genre au cinéma, bien que largement moins célèbre que ceux qu'il a influencés. Au début des années 1960, les Américains se repaissent d'histoires de science-fiction, qu'elles se déroulent sur terre (Le Jour où la Terre s'arrêta) ou sur une exotique planète (le chef-d'oeuvre Planète interdite). Contrairement à eux, ce représentant du bloc soviétique prête plus attention au voyage qu'à la destination, et surtout, il se sert de la distance parcourue pour malmener un peu les référents humains. D'ailleurs, le titre de la version anglaise est bien Voyage to the End of the Universe.

En réalité, il emmène les passagers de l'Ikarie XB-1 aux environs de Proxima du Centaure, à 4,244 années-lumière du soleil. Comme dans le roman dont elle est vaguement inspirée, Oblok Magellana, l'intrigue s'empare de concepts scientifiques rarement présents au sein des divertissements pulp américains. Ainsi, elle confronte l'équipage à des problématiques que seule une épopée de cette ampleur peut révéler. Par exemple, plus de 50 ans avant Interstellar, elle imagine un écoulement du temps différent.

 

Ikarie XB 1 : photoLe vol d'Icare

 

L'aventure met à l'épreuve les pauvres navigateurs, qui vont devoir faire face à des périls terriens et extraterrestres, ainsi qu'à leur propre santé mentale. Bien entendu, le film ne bénéficie pas des mêmes moyens que certains de ses semblables, mais parvient grâce à ses décors minimalistes à capter l'essentiel : le principal défi d'une expédition en dehors du système solaire n'est pas technique, mais bien psychologique, voire philosophique. Comment appréhender un univers qu'on ne peut même pas comprendre intellectuellement ? Ikarie XB 1 en devient presque une belle métaphore de la science-fiction ambitieuse et populaire, celle qui dépasse toutes les frontières.

Pas étonnant qu'il ait autant influencé le cinéma. Quelques années plus tard, Mario Bava reprenait l'idée d'un mal extraplanétaire plus psychique que physique dans le sublime La Planète des Vampires. Quelques mois à peine après naissait Star Trek, série devenue culte pour sa vision de la vie en communauté dans l'espace. Et enfin, beaucoup ont pointé du doigt les similitudes avec certains aspects de 2001 : l'odyssée de l'espace

 

2001, l'odyssée de l'espace

 

2001, l'Odyssée de l'espace : photo 2001Premier visionnage

 

Quand on parle de 2001, l'odyssée de l'espace, on en voit le bout de l'aura. Et bien que nos lecteurs nous auraient accueillis en bas de la rédac' avec des torches et des fourches si nous avions osé omettre le légendaire film de Stanley Kubrick, il faut rendre à César ce qui appartient à César : à l'origine, il y avait la nouvelle La Sentinelle, oeuvre d'un écrivain majeur, Arthur C. Clarke. Si lui avait déjà traité d'une puissance métaphysique terrée dans l'espace, échappant au savoir humain (symbolisée par la pyramide, puis le monolithe), c'est en co-écrivant le scénario avec le cinéaste qu'il apporta la dimension spatiale.

Aux équipes de Kubrick et notamment au génial Douglas Trumbull (qui organisa plus tard son propre voyage, Silent Running) de concrétiser la partie la plus littérale du fameux voyage, effectué à bord de grands vaisseaux circulaires, dont le design, lui-même inspiré de plusieurs années de concepts, reste une référence. Toutefois, l'expérience complète est bien, conformément au titre, une odyssée. Kubrick voyait l'horreur comme le récit d'un enfermement. Il voit la science-fiction, voire la science tout court, comme un formidable mouvement, qui part des origines de l'humanité pour atteindre sa transcendance, rien que ça.

 

2001, l'Odyssée de l'espace : photo 2001Vers les étoiles

 

D'où cette fameuse fin qui a fait couler tant d'encre et a grillé tant de neurones, introduite par un long couloir coloré se dérobant sur les côtés. Difficile de faire représentation plus équivoque, plus expérimentale, de la perpétuelle fuite en avant qui intéresse le metteur en scène, allant jusqu'à ignorer les principaux fondements du cinéma de fiction, voire de la perception terrienne. Cette étrange salle finale est-elle véritablement une destination ? Vous avez quatre heures. Kubrick en a eu deux et demie.

Mais pour philosophique que soit le conte mégalo du réalisateur de Eyes Wide Shut, il traite aussi, comme La Nuit du Faune, comme Ikarie XB-1 et comme tous les autres, d'un rapport à la technologie qui évolue au fur et à mesure du périple. Pour s'éloigner de la Terre, l'Homme ne peut plus compter sur sa propre mortalité. Un moment ou un autre, il doit s'en remettre à l'artificiel, de l'outil rudimentaire à l'IA (tiens, tiens) psychotique. Romain Lucazeau évoque un choix à effectuer pour les civilisations, Polák un mal nécessaire, Kubrick une malédiction électronique. Finalement, tout dépend de votre degré de pessimisme.

 

Solaris

 

Solaris : photoSeul et Solaris

 

A-t-on déjà écrit plus belle et fascinante histoire que celle de cette planète-océan nommée Solaris, capable de sonder l'esprit pour redonner vie aux souvenirs, avec des doubles immortels des personnes décédées ? À l'origine, il y a le livre Solaris de Stanisław Lem (encore lui), publié en 1961. Puis il y a eu le film d'Andreï Tarkovski en 1972, en opposition à 2001, l'Odyssée de l'espace justement (que le cinéaste russe détestait). Enfin, en 2002, il y a eu la version de Steven Soderbergh, produite par James Cameron (qui devait à l'origine réaliser lui-même).

Un roman vertigineux et d'une richesse affolante, deux films totalement différents, mais tout aussi passionnants : Solaris est une mine d'or pour l'imaginaire, et une source inépuisable de réflexions philosophiques.

"Nous ne recherchons que l'Homme. Nous n'avons pas besoin d'autres mondes. Nous avons besoin de miroirs". Ces quelques mots de Stanisław Lem résument merveilleusement la grande idée de Solaris : aller à l'autre bout de l'univers pour se trouver soi-même, trouver l'intimité en faisant face à l'immensité et affronter ses propres démons en allant à la rencontre de l'altérité absolue (une forme de vie alien). C'est l'aventurière intérieure puissance cosmique et psychique.

 

Solaris : photoFondu enchaîné et cœurs brisés

 

C'est d'autant plus beau que Solaris reste une énigme totale. Pourquoi cette planète crée-t-elle ces doubles ? Est-ce le fruit d'une conscience, ou un simple réflexe chimique ? Est-elle hostile ou amicale ? Ces revenants sont-ils un cadeau ou une torture ? Est-ce que la planète a joué avec les humains avant de s'en désintéresser, comme un enfant qui expérimente avec des fourmis ? L'humain est-il tout simplement capable de comprendre Solaris ?

Le livre se termine avec mille questions et presque autant d'images absolument folles (les structures qui apparaissent et disparaissent sur cet océan inimaginable). Les deux films, pourtant très différents, feront paradoxalement le même choix pour conclure l'histoire : entre la vraie solitude et la fausse plénitude, le héros choisit le simulacre. C'est l'une des plus grandes questions de la science-fiction (hein Matrix), et les trois Solaris (le livre et les deux films) offrent assez de pistes de réflexion pour occuper une vie.

 

THE EXPANSE

 

The Expanse : L'éveil du léviathanLà où tout a commencé

 

Que cherche la civilisation humaine ? Quel est son but ? Certains trouvent leurs réponses dans la foi, d'autres dans leurs proches. Les plus malheureux ne trouvent jamais de réponse. Toujours est-il qu'en attendant que le groupe humain se mette d'accord (et va falloir être patient), l'humanité s'accroît, s'étend, fait des pieds et des mains pour s'évader du caillou nommé Terre. Peut-être est-ce d'ailleurs son véritable but, sans fin : explorer, voir ce qu'il y a là-bas, au-dehors.

The Expanse est l'histoire mouvementée de cette humanité. Loin dans le futur, loin dans l'espace, elle n'a pas tellement changé. Tout le système solaire a été colonisé jusqu'à Jupiter et ses lunes. Même les gros astéroïdes y passent, comme Cérès. On pourrait croire que les disputes pour les ressources et les problèmes de répartition des richesses seraient terminées, mais non. L'utopie à la Gene Roddenberry est encore en formation, et en attendant, c'est pour les ressources qu'il faut toujours chercher ailleurs, plus loin. The Expanse raconte cela : pourquoi et comment repousser la frontière, atteindre les confins de l'univers, et peut-être y trouver la fin de la guerre.

 

The Expanse : photoFuir la destruction

 

The Expanse est aussi la combinaison de ce que tout un chacun exige à la fois d'une saga de hard SF désabusée et d'une grande aventure excitante de space opera : récit à points de vue (très) multiples, batailles spatiales homériques, foutoir politique passionnant, réalisme technologique et, bien sûr, un peu d'héroïsme romanesque. Tout cela au service des questions fondamentales qui travaillent cette série absolument immanquable, à savoir la coopération entre les peuples, la futilité de la guerre, les incarnations du pouvoir et la petitesse de l'humain au regard de l'immensité de l'univers.

Entre deux batailles rangées en gravité zéro à la surface d'un astéroïde et quelques slaloms sportifs dans les anneaux de Saturne, The Expanse a quelque chose d'à la fois ironique et de zen chaque fois qu'elle prend le temps. L'humanité a toujours cherché ses réponses dans les astres, mais elle se trompe si elle se figure qu'elles résident dans la conquête et la guerre des étoiles en lieu et place du voyage dans les étoiles, à la poursuite de la contemplation de ses dernières. Star Trek ou Star Wars : la beauté de The Expansec'est qu'elle est précisément l'histoire d'une humanité qui ne peut que se faire la guerre à elle-même, alors qu'elle n'aspire qu'à voyager en paix.

 

L'ESPACE D'UN AN

 

L'Espace d'un an : CouvertureUne aventure qui n'a pas de prix. Enfin, presque.

 

Le premier tome de la série Les Voyageurs, publié en 2016, n'a pas fait l'objet d'une adaptation cinématographique (pour l'instant !). Pourtant, il propose un voyage spatial mémorable, pas si éloigné de celui de La Nuit du Faune, dans l'idée. Ici aussi, la balade interstellaire est un prétexte à la rencontre de divers peuples et civilisations. Toutefois, là où Romain Lucazeau s'intéresse à leur fin, Becky Chambers s'intéresse à leur vie. Là où il traite de la globalité, elle traite des individus. Là où il privilégie une approche philosophique, elle privilégie une approche sociale.

C'est donc l'histoire de l'odyssée d'un vaisseau spatial chargé de creuser des tunnels dans l'espace-temps, engagé dans une mission au long cours. Mais il est surtout question de ses habitants, de races, cultures et planètes bien différentes, qui pendant cette année de navigation, donnent un sens à l'expression "vivre-ensemble".

L'autrice imagine les tenants et aboutissants de la cohabitation d'êtres venant littéralement d'autres mondes – où l'Homme est à peine la nouveauté du moment –, raconte l'amour, l'amitié ou la haine qui peut saisir les êtres dits intelligents et décrit les terrains d'entente ou autres compromis sur lesquels ils doivent s'accorder pour faire, difficilement, mais surement, super-société, à l'échelle intime ou galactique. Ainsi, elle pousse l'intérêt du space opera (la diversité) à son paroxysme, sans abandonner, qu'on se rassure, l'accessibilité de son récit. 

 

Star Trek : photo Nichelle Nichols, William Shatner, Leonard NimoyUn vrai fantasme de Trekkie

 

Le titre est explicite : dans un univers où les distances se calculent en années-lumière, la mesure d'une expédition n'est pas spatiale, mais temporelle. Néanmoins, le boulot de sa troupe de héros dysfonctionnels, quoiqu’extrêmement attachants, n'est pas choisi au hasard. C'est justement parce qu'ils sont ceux qui façonnent les grandes voies en forme de trou de ver qu'ils doivent, du moins dans ce cas précis, parcourir l'univers par eux-mêmes, naviguant entre microcosmes et macrocosmes, personnalités et perceptions locales. Comme dans un jeu vidéo, où il faut parcourir par soi-même un monde ouvert avant de pouvoir se téléporter à sa guise.

Pour qui veut être dépaysé, L'Espace d'un an est un véritable plaisir de lecture. Et ce justement parce qu'il cherche moins à atteindre de nouveaux horizons qu'à rencontrer leurs habitants. N'est-ce pas là, finalement, la meilleure manière de voyager ? 

Ceci est un article publié dans le cadre d'un partenariat. Mais c'est quoi un partenariat Ecran Large ?

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commentaires
Kroldemrs
02/11/2023 à 12:14

Merci pour The Expanse ! Cette saga interstellaire sur l'humanité en expansion qui ne trouve comme mode de fonctionnement que le vieux système de domination de classe, de races et d'exploitation des ressources... Magistral ! Et aussi pour Becky Chambers pour ses romans à hauteur d'humanité quelle que soit sa forme ou son genre.
Mais vous auriez aussi pu ajouter, dans le genre exploration de l'espace lointain depuis notre petit caillou la Terre, "le Problème à trois corps". Une des réflexions les plus puissantes sur les liens que l'humanité entretien avec le cosmos.

Hé ho !
01/09/2023 à 18:43

La soupe aux choux alors?

Dex
30/08/2023 à 21:56

Rien que pour avoir cité Becky Chambers et son Espace d'un an, un immense merci ^^

Mathieu Jaborska - Rédaction
30/08/2023 à 18:12

@[)@r|{

On a beaucoup hésité à inclure Rendez-vous avec Rama !

[)@r|{
30/08/2023 à 17:39

Je vais ajouter deux livres à votre sélection : "Rendez-vous avec Rama" d'Arthur C. Clarke et "Ubik" de Philip K. Dick [Ce roman doit être qualifié d'ovni.]

Ciao a tutti !

ZakmacK
30/08/2023 à 16:32

Bon évidemment, c'est un partenariat, alors ça m'a un peu énervé au début. Mais l'article est plutôt cool, et puis donner envie de lire de la SF, c'est quand même sympa ! Du coup je vais me laisser tenter par l'espace d'un an, que je n'ai pas lu.

Rheya
30/08/2023 à 15:31

@Docteur Benway

C'était aussi/surtout une situation très simple : Lem ne voulait aucun changement dans l'adaptation, il voulait qu'on mette en image son livre. Les conflits à ce niveau sont très courants (au hasard, Shining), et ce n'est pas forcément la preuve que le résultat est incomplet et inabouti car empêché.
Cela dit, Tarkovski lui-même n'était pas entièrement satisfait de Solaris. Mais bon, des cinéastes mécontents de grands films, c'est pas unique non plus... Après tout, Solaris était un des films préférés de Kurosawa

Docteur Benway
30/08/2023 à 15:24

J'aime beaucoup Tarkovski mais Solaris m'a toujours fait royalement chier. On sent bien que le film a le cul entre deux chaises, que Tarkovski n'est pas un grand fan de SF, ce que Lem lui reprochait d'ailleurs et que les deux visions (celle de l'auteur et celle du réalisateur) se sont affrontées pour aboutir à ce résultat tiède, plein de belles promesses mais qui laisse une impression d'inabouti.