Test jeu Suicide Squad : Kill the Justice League - est-ce l'abominable ratage que tout le monde redoutait ?

Léo Martin | 17 février 2024
Léo Martin | 17 février 2024

En développant son premier jeu service, Rocksteady semble s'être tiré une balle dans le pied dès le départ. L’histoire nous l’aura appris, les studios spécialisés dans les jeux solos de grande ampleur ne rencontrent que rarement le succès en copiant la formule des GAAS (Games as a service). Prenons pour exemple Redfall, de Anthem ou de Marvel’s Avengers, tous vite tombés dans l’oubli. Malgré tout, Suicide Squad : Kill the Justice League avait le potentiel, lui, de marquer les esprits. De façon positive comme très négative. Voyons ce qu’il en est.  

opération suicide

Oublions, pour cette fois, ce qui nous a hérissé le poil pendant des mois avant la sortie de Suicide Squad. Oui Rocksteady (et surtout son éditeur, Warner) a bien eu tort de faire de la suite tant attendue de la saga Arkham un GAAS. Eh oui, le contenu payant proposé dès le menu du jeu fait mal au cœur. Mais dans ce test, ce n’est pas cet aspect-là de Kill the Justice League qui nous importera le plus. Car heureusement, il y a bien dans ce jeu une vraie campagne solo (jouable en coop) suffisamment solide et entière pour qu’on puisse la juger en tant que telle.

Maintenant, que vaut l’histoire du nouveau titre de Rocksteady ? Le studio a longtemps été loué pour ses excellents scénarios dans les anciens jeux Batman et il était, ici, attendu au tournant. La promesse de Suicide Squad : Kill the Justice League a pu faire peur, mais avait aussi de quoi exciter. Cette idée régressive de dynamiter l’univers des Arkham et de nous faire incarner l’équipe B des super losers de DC pour massacrer nos idoles de comics, elle avait du charme. Avec une méchanceté pure ou un ton satirique et cynique, Rocksteady aurait pu conclure sa franchise sur un éclat de folie assez brillant et hyper audacieux.

 

Suicide Squad : Kill the Justice League : photoSa menace aurait dû être omniprésente dans le jeu 

 

Mais pour réussir son coup, il aurait fallu au studio une grande justesse d’écriture et pas mal d’ambition. Deux choses dont Suicide Squad manque cruellement. On pourrait d’ailleurs expliquer l’échec du jeu à être ce qu’il voulait être, en quelques mots. Kill the Justice League n’est jamais assez radical pour être jubilatoire ou choquant. Il n’est pas assez intelligent pour rendre hommage aux jeux Batman convenablement. Et enfin, il n’est pas assez innovant pour surprendre le joueur.

Dès les premières minutes, on devine que le ton choisi n’arrivera pas à nous convaincre. Sans même nous introduire correctement les enjeux apocalyptiques qui auraient dû nous donner le vertige, Kill the Justice League passe le clair de ses premières heures à essayer de rendre impertinents et attachants nos quatre protagonistes : Deadshot, King Shark, Captain Boomerang et, celle qu’on ne présente plus, Harley Quinn. 

 

Suicide Squad : Kill the Justice League : photoUne séquence aussi grotesque que drôle, qui aurait dû aller bien plus loin ! 

 

les gardiens de la justice league

Si vous espériez donc voir une épopée dystopique glaçante avec la Justice League devenue malfaisante face à quelques anti-héros, seuls remparts de l’humanité, vous serez déçu. Mieux vaut encore aller (re)découvrir les Injustice, bien plus réussies en la matière. Ici, c’est l’humour et l’échange de punchline qui dominent le récit et quelques séquences un peu trash ou grotesques pour se donner un air irrévérencieux. 

Ici, on est bien plus proche du jeu Marvel’s Guardians of the Galaxy (plutôt bon, au demeurant) au niveau de l’écriture des personnages. Alors oui, Captain Boomerang urine sur le corps d’un des membres de la Justice League ou jette une chaussure à la tête de Superman. Aussi subversif que cela puisse être, on imagine sans mal Rocket Raccoon faire la même chose. Harley Quinn est telle qu’on l’a vu partout ailleurs depuis des années. King Shark est littéralement Drax (mais vraiment). Et Deadshot nous fait regretter le Bloodsport du film de James Gunn tant il est transparent. 

 

Suicide Squad : Kill the Justice League : photoHooked on a feeling

 

Le choix de mettre en avant les quatre antihéros principaux au détriment de la Justice League se révèle un problème. La majorité des cinématiques se concentre sur leurs interactions, plaçant la mise en scène en retrait. Il y a beaucoup trop peu de séquences pertinentes, recentrant la narration sur la toute-puissance terrifiante de la Justice League. Et les quelques rares qu’on nous propose nous font juste regretter le type de jeu ou de gameplay que l’on aurait pu avoir – par exemple, l’introduction du Batman malfaisant nous ferait rêver d’un Alien Isolation avec l’homme chauve-souris dans le rôle du prédateur. On aurait eu là un jeu d’horreur assez dingue. 

Si les combats de boss ne sont pas mauvais en eux-mêmes, ils sont anticlimatiques. Il y a tant de choses qui auraient pu être orchestrées visuellement avec Flash ou Superman, ou au niveau des mécaniques de jeu. Et on ne peut s’empêcher d’être déçu par la triste et banale fin qui leur est accordée à la place. Ni tragique, ni démesurée, ni éprouvante. Une conclusion semi-comique qui désacralise les héros, mais sans panache. Le plus consternant étant que Batman, protagoniste légendaire des Arkham (et ultimement interprété par Kevin Conroy) n’est même pas le boss final. Il sera abattu sur une chaise, misérablement, bien avant la conclusion de l’histoire.

 

Suicide Squad : Kill the Justice League : photoWonder Woman est presque la seule héroïne à être bien traitée... avant la conclusion de son arc

 

fun et plaisant, en dépit du reste

Pour un blockbuster super-héroïque, on est très loin du standard des jeux Spider-Man d’Insomniac où la fidélité à l’œuvre originale (tout en réinventant sa mythologie) et l’ambition de la mise en scène sont à des années-lumière de Suicide Squad. Néanmoins, il y a bien certaines choses que le jeu de Rocksteady fait mieux que Spider-Man et il convient de le noter. D’abord, le gros point fort de Kill the Justice League réside indéniablement dans la diversité de son gameplay, qui offre quatre styles de jeu différents pour chacun des membres de la Suicide Squad.

Si nos protagonistes prennent toute la place, ils ont au moins le bon goût d’être agréables à jouer. Chacun dispose de ses propres mécaniques, proposera son propre tempo de jeu et chaque fois c’est nerveux et franchement grisant. De fait, on ressent une concrète complémentarité entre les personnages (ce qui nous permet de nous attacher à eux, au-delà du scénario) tout en démultipliant les approches possibles durant les affrontements. C’est aussi ce qui donne tout son intérêt au mode coopératif du jeu.

 

photoLe vrai tour de force du jeu est d’avoir rendu Captain Boomerang aussi chouette à jouer

 

Ainsi, si Suicide Squad est un essai manqué sur bien des points, il n’en est pas moins un jeu... fun ? Mécaniquement il est frénétique et bourrin. Le système de déplacement est efficace et marche très bien avec la verticalité du décor. Enfin, l’histoire demeure assez plaisante (une fois qu’on a accepté qu’elle ne sera pas à la hauteur de nos attentes) et largement suffisante pour une partie entre amis. Avec des popcorns, et pendant un dimanche après-midi pluvieux, c’est pas si mal !

Fort heureusement, le jeu est relativement court si on fonce en ligne droite. Car la répétitivité des missions et les quêtes qui poussent au grind inutile (inévitablement lié à l’aspect GAAS de Suicide Squad) rendent l’expérience vite lassante. Il faudra donc s’accrocher pendant les ventres mous du jeu et voir le récit comme un spin-off un peu bancal, mais amusant, du Arkhamverse, qui n’est finalement pas si canon que ça. Enfin, on l’espère.

Test réalisé sur PC. Suicide Squad : Kill the Justice League est disponible sur PlayStation 5, Xbox Series et PC.

 

Suicide Squad : Kill the Justice League : photo

Résumé

Si on l'avait acheté 10 euros dans une grande surface, on recommanderait volontiers Suicide Squad : Kill the Justice League comme un sympathique jeu d’action, imparfait mais fun, capable de combler l’ennui et de faire passer un bon moment entre amis. Malheureusement, pour son prix au lancement et son manque d'ambition, on ne peut qu'être déçu de ce que Rocksteady nous propose, surtout après les Arkham.

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commentaires
Morcar
19/02/2024 à 10:03

Très honnêtement, le nombre de jeux que j'ai achetés au prix de lancement ces dix ou quinze dernières années se compte sur les doigts d'une main. A mes yeux aucun jeu ne mérite de dépenser 70 ou 80 balles. La plupart de mes jeux m'ont coûté au maximum 20/30 euro.
Ca aide à davantage apprécier les jeux. Quand on les paye à un prix raisonnable, on a moins d'attente envers le jeu et on l'apprécie malgré ses défauts.

TofVW
17/02/2024 à 23:08

Sur la photo ce n'est pas Wonder Woman, c'est Boo qui a absorbé Wonder Woman, non ?

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