L’Odyssée de l’espace
« Se réveiller ». Pas d’écran titre, mais deux mots qui s’affichent sur fond noir en début d’aventure. Lorsque l’on ouvre les yeux, le regard rivé vers les étoiles et une immense planète verte, l’espace nous appelle. Nous incarnons un Âtrien, qui vit parmi les siens dans un petit village rustique : technologie peu avancée, maisons en bois, amour de la musique… la plupart des habitants se complaisent dans cette vie simple, mais certains ont de plus grandes ambitions. Les astronautes de l’expédition Outer Wilds sont obsédés par une civilisation ultra avancée disparue depuis bien longtemps, les Nomaï.
Et nous avons une mission de taille : notre personnage est le tout premier astronaute à emporter avec lui un traducteur portable, qui sera la clé de 90 % des découvertes réalisées au cours de notre périple. Après un tutoriel brillamment ludique, nous voilà aux commandes d’une fusée pas très accueillante. Le joueur doit choisir sur quelle planète se poser. Parce que dans Outer Wilds, chaque astre que l’on aperçoit se visite. Et c’est un premier obstacle : la maitrise de notre fusée et de notre vaisseau demandent une attention toute particulière. La vue en première personne accentue le réalisme de l’espace, environnement hostile qui nous écrase à la moindre erreur.
Si chaque planète détient des informations cruciales pour finir le jeu, aucune n’est prioritaire. Le joueur peut aller où il veut, quand il veut. La manière dont les indices sont disséminés est inspirée de Zelda : Windwaker, référence en matière d’exploration régulièrement mentionnée par Alex Beachum. Mais notre premier périple ne sera pas bien long. Après 22 minutes, une musique à la fois mélancolique et écrasante se déclenche. Surprise : le soleil implose et engloutit le système solaire. Écran blanc. Notre excursion défile en accéléré sous nos yeux.
Et puis… « Se réveiller ». Retour à la case départ, avec une différence majeure : notre personnage est conscient qu’il vient de mourir, mais ceux qui l’entourent ne le sont pas. Le jeu insiste sur ce point et tient à nous faire comprendre que cette étape était inévitable. 22 minutes après notre deuxième réveil, même constat. L’univers est coincé dans une boucle temporelle, et ces pauvres Âtriens sont condamnés à mourir à répétition. La peur s’empare de nous, et une question folle nous traverse l’esprit : doit-on sérieusement empêcher un soleil d’exploser en 22 minutes ?
Redéfinir les codes
Il est très probable, voire normal, de ne pas accrocher au début déstabilisant d’Outer Wilds. Les codes habituels du jeu vidéo sont cassés. Il n’y a (presque) pas d’ennemis, pas de boss, pas de marqueurs sur la carte, pas de quêtes annexes, pas d’armes, pas d’objets à crafter ou ramasser. Notre personnage est déjà complet. Encore plus déroutant : il n’y a aucune indication de notre avancée dans le jeu. Notre journal de bord permet de rassembler toutes les informations récoltées, mais il ne nous dit pas si nous sommes à 10 ou 90 % de l’aventure.
Alors il faut faire attention à chaque détail et s’affranchir des codes vidéoludiques. La moindre fresque que l’on croise doit être étudiée, les conversations affichées sur les murs doivent toutes être lues. Chaque bribe d’information nous servira à rassembler les pièces du puzzle géant que les Nomaï ont laissé à travers le système solaire. Et contrairement à la quasi-totalité des mondes ouverts modernes, si une porte est fermée, ce n’est pas forcément qu’il nous manque un objet ou que l’entrée est ailleurs.
C’est peut-être ce qu’il y a de plus fascinant dans Outer Wilds. Nous coincer dans une boucle de 22 minutes a permis aux développeurs de créer des événements et des environnements qui changent avec le temps. Le game design déborde d’idées géniales qui fonctionnent grâce à cet univers en perpétuel mouvement. Certaines planètes ne peuvent pas nous accueillir en début de boucle, tandis que d’autres se désagrègent au fil des minutes et nous forcent à les visiter le plus vite possible. Outer Wilds est une invitation à réinitialiser notre manière de penser le jeu vidéo.
Les équipes de Morbius Games se sont inspirées de jeux cultes qui ont marqué le genre pour en dégager une modernité redoutable. Entre autres, le système de boucle temporelle de Majora’s Mask est repris et remis au goût du jour. Il fait ici partie intégrante du gameplay, puisque le joueur subit la boucle temporelle sans aucune possibilité de l’arrêter. Là, pas d’ocarina pour voyager dans le temps et revenir en arrière. Seule l’exploration à tâtons nous permettra de comprendre l’univers qui nous entoure… et peut-être de le sauver.
Cette planète : une certaine vision de l’enfer
Qu’une fois dans sa vie
Si l’on sait comment faire, il est mécaniquement possible de terminer le jeu en une seule boucle. Il suffit d’aller à un endroit, puis à un autre. À l’heure où de nombreux jeux sont construits sur la rejouabilité, Outer Wilds fait tout l’inverse. Une fois que le jeu nous a révélé ses secrets et que l’on a compris ses mécaniques cruciales, tout s’illumine. Chaque découverte provoque un sentiment d’ivresse, de fierté et stupéfaction. Derrière ce système solaire assez grand pour dégager une profonde impression de solitude et assez petit pour être traversé en quelques minutes se cache une immense histoire de science-fiction.
Toutes les révélations sont accompagnées de l’extraordinaire composition d’Andrew Prahlow, qui rend nos innombrables « eurêka » encore plus vertigineux. Chaque découverte est grisante, et la ludicité du jeu ne s’évanouit jamais. Il faut de nombreuses heures pour maîtriser chaque mécanique et comprendre le monde qui nous entoure. Tant que les crédits ne défilent pas, il nous reste quelque chose à apprendre ou assimiler. L’apprentissage permanent de nouvelles mécaniques, jusqu’au bout de notre aventure, participe à la grandeur d’Outer Wilds.
Refaire le monde à la belle étoile
Alors quand on a tout compris et que notre personnage n’est plus ce petit être gauche incapable de courir mais un archéologue hors pair, la nostalgie nous frappe. On quitte cet univers avec satisfaction et mélancolie. En une quinzaine d’heures de jeu, alors qu’on ne savait rien de ce système solaire, celui-ci n’a plus de secret pour nous. On a appris à connaître les Nomaï : on sait pourquoi ils étaient là, pourquoi ils ont disparu, quels étaient leurs rêves et leurs déceptions. D’un jeu opaque et anti-dirigiste est né un grand récit sur la mort, l’amour et la solitude.
Outer Wilds est un jeu qu’on ne fait qu’une fois dans sa vie. Une épopée spatio-temporelle qui laisse un profond vide une fois terminée. C’est une expérience qui rend d’autres jeux fades, une aventure qu’on ne voudrait jamais quitter. Lorsque « Outer Wilds » s’affiche avant les crédits de la « bonne » fin du jeu, on comprend tout. Il est normal qu’il n’y ait pas eu d’écran titre en début de périple : il faut attendre l’intime conclusion de notre voyage pour avoir un aperçu de la grandeur de ce chef-d’œuvre.
Outer Wilds est disponible sur Steam, Xbox One, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox Series X/S et enfin sur Nintendo Switch depuis le 7 décembre.
oui , incroyable ce jeu. Un voyage magnifique.
Merci de parler de ce chef d’œuvre !
Un jeu révolutionnaire par son concept et passionnant par son histoire !
D’ailleurs, le DLC est également excellent. Un ton en dessous du jeu original, mais il rajoute une aventure très interessante avec de nouvelles mécaniques.
@Adrien Roche
Merci pour ces précisions! Je tenterai ma chance sur Youtube ce soir, il doit bien déjà y avoir des extraits in-game sur Switch.
Si je vois quelque chose d’intéressant (ou que je craque aveuglément) en je tâcherai de venir faire un petit feed-back.
Bonne journée!
@chesswick
Le test n’a pas été effectué sur Nintendo Switch mais sur PS5, d’où l’absence de mention sur la performance de la console. Nous avons simplement profité de sa ressortie pour rattraper ce manque sur le site. Si je vois passer des avis, je vous en ferai part !
Bonjour,
Je n’ai pas encore vu de tests ou d’articles parlant des performances du jeu sur la console de Nintendo. Est-ce que l’auteur de l’article (ou qui que ce soit en commentaire ^^) aurait un petit retour à faire?
Je ne suis pas ultra-regardant en matière de graphisme et compagnie, mais certains portages de jeux sur Switch (ou de jeux « originaux », n’est pas Pokémon Jesaisplusletitre) sont quand-même un peu trop bâclés et pas du tout optimisés.
Du coup…un avis sur cette version? 🙂
@Mika-art
Bonjour !
Mon article ne va pas plus loin que le synopsis du jeu et l’annonce vidéo de sa sortie sur Switch. J’ai personnellement commencé le jeu avec les (quelques) informations citées dans l’article, et cela ne m’a rien gâché ! J’ai tout de même passé un merveilleux moment.
Peut-être préciser qu’il y a du spoil dans le titre de l’article notamment pour ceux qui voudrait découvrir ce chef d’œuvre
Pour une fois les 5 étoiles étaient méritées
Et si vous avez la flemme de jouer, regarder la vidéo de « The great review » sur le sujet, j’en aurais presque chialé tellement c’est bon.
Rien qu’a en parler j’ai la musique du jeu en tête.