Test Légendes Pokémon : Arceus - pourquoi c'est le meilleur Pokemon depuis au moins 10 ans

Je suis une légende

Quand le studio Game Freak lance son tout premier Pokémon en 1996, personne ne s'attendait au tsunami que le jeu allait déclencher. Conçu autour d'un concept simple comme bonjour : capturer des bestioles pour les faire se battre entre elles, auquel s'ajoutaient des éléments de RPG, la franchise est devenue rapidement un incontournable de la scène vidéoludique mondiale, pour ne pas dire un monument. 

Et c'est bien là tout le problème de la saga. Cette aura monumentale et sa formule addictive quasi parfaite en ont une sorte d'intouchable du jeu vidéo. Nintendo et Game Freak ont eu énormément de mal à faire évoluer la série, qui n'a progressé que par touches mineures tout au long de ses 25 années d'existence. 

La formule magique open world ?

Coincé entre un héritage lourd à porter, une fanbase pas toujours très commode (art de l'euphémisme) et le besoin de nouveauté pour que la saga ne finisse pas en cul-de-sac créatif, Big N a choisi d'aller chercher sa solution du côté de l'open-world. Si l'évocation de monde ouvert Nintendo amène immédiatement l'argument Breath of the Wild sur le tapis, Légendes Pokémon : Arceus est bien loin d'un Pokémon of the Wild. 

Avec Arceus, Nintendo joue en réalité sur deux tableaux. Tout d'abord celui d'un retour aux sources narratif, en adoptant comme cadre la région d'Hisui, qui est l'ancien nom de la région de Sinnoh, bien connue de celles et ceux qui ont joué aux très apppréciés Pokémon Diamant, Perle et leurs médiocres remakes, ainsi que Platine. Une décision clairement prise afin de caresser les fans dans le sens du poil.

Mais par la même occasion, Légendes Pokémon : Arceus joue aussi la carte du reboot, bien que Nintendo se soit bien gardé d'en faire mention. En effet, les événements relatés par le titre le placent bien avant les autres jeux dans la chronologie Pokémon. Game Freak revient donc aux origines de la cohabitation avec les Pokémon, avant la généralisation des Pokédex, des arènes ou la création de la ligue Pokémon. Un petit twist nécessaire qui permet aux développeurs de modifier subtilement le concept de Pokémon, pour replacer la chasse et l'observation au coeur du jeu.  

Adieu les combats aléatoires (tant mieux)

Monster Hunter of the Wild

Alors que, pendant de longs mois, la communication autour de Légendes Pokémon : Arceus a laissé entrevoir une parenté entre le titre de Game Freak et Breath of The Wild, le résultat final une fois la bête entre les mains, est tout autre. Dans la forme comme dans le fond, l'inspiration d'Arceus est à aller trouver du côté d'un autre jeu de monstres signé Capcom : Monster Hunter. 

À l'instar de la saga de Capcom, ici, il n'y a pas vraiment de monde ouvert au sens littéral. Le monde d'Hisui est en fait construit comme un ensemble de zones plus ou moins vastes qui s'étendent autour du village hub central de Rusti-Cité. Le lien familial entre Arceus et BOTW est plutôt à aller chercher du côté de la direction artistique de l'environnement sauvage, avec des zones est définie autour des thèmes classiques des jeux d'aventures et de la saga historique Pokémon : plaines, marais, zones côtières ou montagneuses...

Rusti-Cité, ville hub central aux accents japonais traditionnels

Y'a-t-il pour autant tromperie sur la marchandise ? Absolument pas. Nintendo a fait le choix de l'épure autant pour la création de son monde semi-ouvert que pour la boucle de gameplay du titre, et ce pour le meilleur. On ne peut que saluer l'intelligence de game design de Game Freak, qui a su éviter les écueils de "l'Ubisoftisation" de sa formule.

À aucun moment, le joueur ne se retrouve noyé dans une carte surpeuplée de symboles de quêtes en tout genre. Les missions secondaires, bien que nombreuses, sont purement optionnelles, et activables ou désactivables à la volée. Il s'agit pour la plupart de quêtes de collectes de matériau ou de Pokémon, ou encore compléter des pages du nouveau Pokédex. Jamais elles ne viendront cannibaliser la progression principale. 

En préservant ainsi sa quête principale, Arceus peut se centraliser sur son coeur même : sa nouvelle boucle de gameplay. Une fois encore, celle-ci doit beaucoup à Monster Hunter, mais aussi à Pokémon Snap. Le sempiternel cycle exploration/capture/arène qui a été la clé de voûte de la série pendant un quart de siècle évolue en devenant un nouveau système basé sur l'observation-capture, la collection de données, puis l'affrontement de boss. Ce faisant, le joueur n'est plus un dresseur/éleveur mais devient un chasseur-zoologue.

Qui dit monde ouvert, dit monture

Un choix éminemment brillant, car il donne le souffle de fraicheur tant attendu à la saga. On éprouve un immense plaisir à explorer les zones du jeu, à guetter en temps réel les Pokémon, qui vivent leur vie sous les yeux des joueurs. Jamais ces monstres de poche n'auront été aussi vivants, et on se surprend même à rester caché dans les hautes herbes pour les observer, avant de saisir le bon moment pour les capturer. 

Les combats entre Pokémon ont presque été relégués au second rang, et cela permet une toute nouvelle approche, presque plus humaniste, du jeu. Si certains affrontements sont inévitables, dont les combats contre les ""Pokémon Monarques", les boss de chaque zone, ils ne sont plus le nerf de la guerre. Le but premier ici est de profiter de l'environnement, de collecter des informations sur les Pokémon pour mieux les comprendre et apprendre à vivre avec eux, chaque capture et complétion du Pokédex étant grassement récompensée par des tonnes de points d'expérience. Mais que les dresseurs furieux se rassurent, il est toujours possible de courir après la meilleure équipe, et réduire à néant ses adversaires. 

Pourquoi est-il aussi méchant ? Le scénario le révèlera

Évolution plus que révolution

Bien que bénéficiant de grande qualité au niveau de son game design, Légendes Pokémon : Arceus a tout de même du plomb dans l'aile de Brindibou. Les équipes de Game Freak n'ont jamais été des foudres de guerre en ce qui concerne l'aspect technique de leurs jeux, et cela saute aux yeux pour Arceus. Le jeu souffre de gros problèmes techniques, à commencer par des graphismes indignes d'un jeu Switch sorti des studios de Nintendo après Breath of the Wild. 

Clipping, textures baveuses, caméra capricieuse, animations pauvres... il est difficile de réaliser qu'il s'agisse d'un titre sorti en 2022. Pour couronner le tout, des temps de chargements intempestifs viennent casser le rythme du titre : entre chaque zone, chaque fois qu'il faut entrer ou sortir d'une bâtisse, le jeu se fige sur son écran noir quelques secondes avant de redonner la main au joueur. Incompréhensible quand un Monster Hunter Rise datant de 2021 est bien plus beau, et n'affiche que très peu de phases de chargement. 

Que serait Pokémon sans ses ennemis fêlés ?

Outre ces désagréments techniques, le titre pâtit de gros problème de rythme, avec des débuts pesants, un tutoriel interminable, une narration lourde et beaucoup trop typé début 2000 pour être acceptable aujourd'hui. Le simple fait de ne pas avoir inclus de voix doublée pour le peu de personnages que compte le jeu démontre que le titre reste encore empêtré dans le passé, comme s'il avait encore une génération de retard...

Et pourtant, malgré tout cela, le plaisir de jeu est là. Arceus prouve que ce qui fait l'intérêt d'un jeu, ce sont principalement ses mécaniques. Grâce à une boucle de gameplay maitrisée et savamment pensée, qui invite sans cesse à l'exploration et à la découverte, à son ambiance très "chill" et à un contenu copieux (une vingtaine d'heures pour la quête principale, une trentaine pour tout boucler, et pas moins de 242 Pokémon à capturer), le titre de Game Freak s'installe aisément sur le podium des meilleurs jeux Pokémon. 

Médusé face la technique du jeu

Avec Légendes Pokémon : Arceus, la licence n'a pas encore accompli de réelle révolution, mais il s'agit bien là d'une très belle évolution. À l'image des Pokémon de ses jeux, dont la plupart ont trois stades d'évolution, Arceus est en fait le deuxième stade de progression de la franchise, après qu'elle soit restée coincée 25 ans au premier stade. Il ne reste plus qu'à espérer qu'elle ne se retrouve pas bloquée pendant un quart de siècle à cette deuxième phase, et que Game Freak sache donner l'ultime impulsion nécessaire au véritable envol de sa saga bien plus rapidement.

Avec un écrin esthétique à la hauteur de ses qualités de gameplay, plus d'ambition et enfin libérée d'une narration linéaire et d'une mise en scène éculée, la saga pourra pleinement achever sa métamorphose. Ce qui n'empêche pas Légendes Pokémon : Arceus d'être l'un des épisodes les plus brillants de la série, le plus risqué et le plus épique de toute la saga.