Ubisoft encourage-t-il le piratage de ses jeux, avec sa dernière déclaration ?

Léo Martin | 18 janvier 2024 - MAJ : 30/01/2024 19:37
Léo Martin | 18 janvier 2024 - MAJ : 30/01/2024 19:37

Ubisoft a provoqué par un gros coup de gueule sur internet avec ses récentes déclarations, rouvrant du même coup le débat sur le piratage des jeux.

Décidément, la compagnie d’Yves Guillemot a le chic pour casser l’ambiance. Depuis peu, on parlait enfin en de très bons termes d’Ubisoft, à l’approche de leur nouveau titre, Prince of Persia: The Lost Crown (disponible ce 18 janvier). Un enthousiasme dont il a bien besoin vu sa côte en bourse en pleine dégringolade après l’accueil mitigé d'Avatar : Frontiers of Pandora (via Les Échos). Ainsi, l’objectif pour Ubisoft, en 2024, serait de regagner la confiance des joueurs, d’enchaîner les succès d’estime (Prince of Persia), les succès commerciaux (Star Wars : Outlaws, peut-être ?) et de limiter les mauvais pas. 

Pour se faire, il serait crucial que l’éditeur ne reperde pas la sympathie du public avec des décisions hasardeuses ou des discours qui sentent un peu trop l’avidité... Et évidemment, il n’a pas fallu trois semaines pour que ça arrive ! En quelques jours, Ubisoft a réussi à s’aliéner ses joueurs en remettant en question la propriété de leurs jeux. Une communication de génie qui a même rappelé les bien-fondés du piratage à bon nombre d’internautes. 

 

Prince of Persia: The Lost Crown : photoPour une fois que l’actualité était bonne pour Ubisoft

 

l’emprise du numérique

Dans une interview de Philippe Tremblay, directeur des abonnements d’Ubisoft, menée par GameIndustry.biz, celui-ci a en effet jeté le pavé dans la mare. En évoquant l’avenir numérique de sa compagnie. Tremblay expliqué que, selon lui, la majorité des gens ont désormais fini par accepter l’idée de ne plus posséder leurs collections de CD ou de DVD, et qu’un changement similaire d’attitude va se produire chez les joueurs :

"Il s’agit donc de se sentir à l’aise avec le fait de ne pas posséder son jeu. J’ai encore deux boîtes de DVD. Je comprends tout à fait le point de vue des joueurs à ce sujet. Mais si les gens adoptent ce modèle, ils verront que ces jeux existeront, que le service continuera et qu’ils pourront y accéder quand ils le voudront. C’est rassurant."

 

Watch Dogs : photoL’ère du Cloud, du numérique et des hackers ?

 

Si Philippe Tremblay possède encore deux boîtes de DVD, nul doute qu’il comprend les préoccupations des défenseurs du format physique. Néanmoins, dans l’interview, il explique encore que l’attitude des consommateurs va de toute façon de plus en plus vers le dématérialisé (ce qui est vrai : les ventes numériques ont représenté 90 % du chiffre d’affaires de l’industrie du jeu au Royaume-Uni l’année dernière) et que cette évolution est inexorable. 

On ne va pas se leurrer, tout comme pour les films et la musique, le support dématérialisé est l’avenir incontesté du jeu vidéo. Mais cette rapide bascule vers un monopole absolu des services à abonnement pose, elle, de réels problèmes. Et cette formule d’être "à l’aise avec le fait de ne pas posséder son jeu" est aussi maladroite qu’évocatrice. Car si l’on ne possède pas nos jeux, on devient inexorablement dépendant des services à abonnement qui peuvent, eux, les faire apparaître et disparaître de leur catalogue selon leur bon vouloir. 

 

Avatar : photoQuand Avatar a soudain disparu de Disney+, la dépendance à la plateforme s’est faite ressentir

 

les jeux fantômes  

Et cette dépendance est cause de bien d’autres soucis. Dans le futur, un service à abonnement (et sa concurrence) pourra en effet se permettre de resserrer ses prix tel un étau autour du cou du client, sans trop craindre de le perdre. Notamment si certains jeux très attendus deviennent exclusifs à ces plateformes, sans possibilité d’y avoir accès ailleurs. On peut craindre que ce genre de chose n’arrive, tout comme c’est le cas pour les films exclusifs à Netflix ou Amazon et dont la possession (comme l’existence) est aussi illusoire qu’éphémère.

C’est pire encore, si acheter un jeu exclusif à une plateforme numérique ne fait pas de nous son propriétaire non plus. Chose qui est également remise en question par Ubisoft et sa déclaration. Et c’est ce qui est le plus inquiétant. On a d’ailleurs déjà un exemple de ce qui pourrait arriver à l’avenir avec le The Crew de l’éditeur, sortie en 2014. Le jeu de voiture a soudainement été retiré des plateformes d’Ubisoft en 2023. Pour des contraintes de licence, The Crew sera même rendu injouable à ceux qui l’ont acheté d’ici mars 2024. En somme, la firme va complètement faire disparaître la version numérique du jeu, révoquant la légitime possession de celui-ci par ses joueurs. 

 

Steep : photoDans le jeu Steep d’Ubisoft, on ne contrôle pas sa sauvegarde... même si on a acheté le jeu !

 

la propriété c’est du vol ? 

Donc non, on ne peut pas dire que tout ça soit rassurant, pour reprendre les termes de Philippe Tremblay. C’est même de si mauvais augure que le piratage des jeux Ubisoft a été évoqué, pour contrer leur démarche (bien joué la communication). On a pu lire à de nombreux endroits sur internet la phrase : "Si acheter un jeu ne fait pas de toi son propriétaire alors le pirater ne fait pas de toi un voleur", reprenant le titre de l’article de Pluralistic qui défend cette thèse. 

Le piratage intensif est ainsi également dans l’air du temps, revenu en contrepoids du monopole du streaming et de la dématérialisation. Car si Netflix ou le Xbox Game Pass sont apparus à la base comme des plateformes extrêmement intéressantes pour le public (beaucoup de choix pour un prix raisonnable), ils ont vite perdu de leur superbe. La multiplication des abonnements, la hausse des prix, l’appauvrissement des catalogues. Tout ça pour ne même plus avoir le contrôle sur ce que l’on possède ou non. Le piratage semble à nouveau la solution à ce fléau pour beaucoup... et aujourd’hui Ubisoft a réussi à lui donner encore raison. C’est fort. 

 

 

antimonopoly 

Enfin, il reste la question de la sélection des jeux développés et édités, une fois qu’ils seront tous contraints de passer par de grandes plateformes à abonnement. Une autre problématique (très sérieuse) qui concerne aussi bien le Game Pass, que le PS+ ou que Ubisoft+. Cette fois, c’est Swen Vincke (patron de Larian Studios) qui s’est exprimé à ce sujet. Et il semble avoir très bien bien résumé l’affaire (via Twitter/X) :

"Quel que soit l’avenir des jeux, le contenu sera toujours roi. Mais il sera beaucoup plus difficile d’obtenir un contenu de qualité si l’abonnement devient le modèle dominant et si un groupe restreint décide de ce qui sera mis sur le marché ou non. [...]  Dans un tel monde, la préférence du service d’abonnement déterminera les jeux qui seront créés. Croyez-moi, vous ne voulez vraiment pas ça."

Vicke avait par ailleurs refusé que Baldur’s Gate 3 soit sur le Game Pass et a réaffirmé qu’aucun de ses jeux ne sera jamais distribué sur une plateforme à abonnement. Ces jeux-là, au moins, on en sera donc bien les propriétaires.

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commentaires
Morcar
19/01/2024 à 10:43

@Cidjay, cette fois on est d'accord à 300% et je n'ai toujours pas fait BG3 pour la même raison que toi, alors que je suis un ENORME amateur des précédents, et pas que. J'ai des années durant géré un site internet sur les bouquins "Les Royaumes Oubliés", j'ai encore tous les Baldur's Gate, Icewind Dale, Neverwinter Nights Demon Stone, ...
Et à quelques exceptions près (Towerfall Ascension, et récemment A way out car a prix vraiment cassé sur le store et introuvable en physique), je n'ai jamais acheté que du support physique.

Cidjay
19/01/2024 à 09:02

@Nox : jai les 2, pc et consoles. Sur pc, je ne fais que ce qui exclusif au pc ou plus ergonomique que sur console (les jeux de gestion, les citybuilder, Beam NG Drive, Half life Alyx...) et tout ce qui est emulation aussi... sur console je fais tout le reste, car jai une belle collec de jeux en boîte et j'aime la simplicité d'accès (habituellement) et aussi une petite partie retro gaming sur les supports d'origine.
Donc je vais attendre Baldurs Gate 3 sur ps5 en physique. En plus mon pc relativement récent et axé gaming navait pas de lecteur/graveur... oui

Morgiana83
19/01/2024 à 00:27

Et en attendant, leur nouveaux jeu prince of persia qui était censé sortir aujourd'hui, il et dispo illégalement depuis une semaine sur la toile mdr, c'est réussi.

Oam
18/01/2024 à 20:19

@akiquoi désolé mais tu te trompes. A part pour certains 3A denuvo, tous les autres sont piratés day one, ou day two. Je suis sur le meilleur site selon moi de jeux PC et la démarche qu'ils ont fait est un formulaire pour les devs ( principalement les indés) qui leur permet de retirer le jeu du site. Mais a part les jeux sous protection denuvo n'importe quel jeu est jouable day one en pirate.

Nox
18/01/2024 à 18:06

@Cidjay

Si tu veux te passer de DRM ou de Denuvo, que tu veux des copies physiques, encore une fois, pourquoi ne pas passer par GOG et sauver l'install du jeu? Est-ce parce que les jeux auxquels tu jouent ne sont pas sur GOG (comme Diablo IV) ?

Mais BG3 est dispo sur GOG. Tu peux DL l'install, la graver, l'installer sur 3 PCs à la fois... je vois pas ce qui t'empêches d'avoir ta copie physique et de te passer de DRMs. Ou alors, tu as juste une console? Si tu as juste une console, ben... wé quoi. Considère le PC.

Cidjay
18/01/2024 à 16:56

Ces histoires de full démat, jeux services, connection obligatoire et compagnies...
Moi, ça me plaît pas beaucoup !!!
En ce moment, Je suis sur Diablo 4 (que je fais en Canap avec mon frangin), il faut quand même une connection obligatoire pour y jouer à 2 en local, + chacun son compte PSN + chacun son compte Battle.net (et chacun une manette PS5, impossible de jouer avec une manette PS4, sauf avec le remote play)... tout est ridicule !
et c'est pas comme si il avait déjà été prouvé que le démat était soumis au bon vouloir (pouvoir) du distributeur :
Quelques exemples : Google Stadia, fin des services par manque de rentabilité, heureusement, les joueurs ont pu être remboursés (mais ils n'ont plus accès à leurs jeux)
-Des versions qui sont supprimées des Stores pour une vulgaire histoire de droits sur certains morceaux musicaux utilisées dans le jeu (GTA)
-Des versions supprimées des stores parce-qu'un remaster est en approche, bah oui, ton jeux à 10 euros n'est plus dispo, mais tu vas pouvoir prendre le remaster àla pace à 60 boules !
Perso, pour moi, le jeu vidéo, à part de rares exceptions ça restera en physique (et c'est pour ça que je n'ai pas encore fait Baldur's Gate 3)
Il est loin le temps ou tu mettait ton jeu dans ta console et hope ! tout est là ! pas de DLC, de DRM, ou de Denuvo... juste le jeu !

Nox
18/01/2024 à 15:28

@Punish62

Je viens de vérifier, et tu as raison. De vieilles licenses et des licenses qu'ils ont rachetées (comme les HoM&M de New World Computing). Je réalise également que c'est le même genre de démarche que EA, en fait. Merci de pointer mon erreur et de me corriger.

Cependant, je ne pense pas que ça change le fond du problème. Ubisoft est européen, et je ne connais pas beaucoup de studios/éditeurs européens qui ne passent pas par GOG, tout aussi européen. Il y a quelque studios indé qui font les mêmes erreurs que Ubi et ne sortent leur truc que sur Steam. Mais c'est pas la majorité.

Le fait qu'un éditeur de la taille de Ubisoft, français, tente à ce point de suivre un modèle américain assez limite en dit long sur leur déconnexion avec leur clientèle. Larian a encore prouvé ce fait je pense. Les lois ne sont pas les mêmes en France et aux USA aussi, puisqu'aux USA, les lois protègent les détenteurs de capitaux quand en France, elles protègent le droit du travail, notamment. Une corporation américaine peut faire du pognon en escroquant les gens et en payant des employés 40% de notre SMIC. C'est pas le cas en France. Larian réussit parce qu'ils ont une mentalité européenne et fonctionnent de façon cohérente en mettant en avant ce qu'ils sont culturellement les plus aptes à délivrer.

Ubisoft n'a pas la sympathie des anglo-saxons, parce qu'ils sont français. Et ils n'ont pas la sympathie des français et des européens, parce qu'ils appliquent des abus anglo-saxons sans même avoir la verve pour les faire passer, comme Activision (verve pour dire... hypocrisie et manipulation nauséabonde. Je fais tjs référence au scandale Activision/Blizzard lors des crises de Hong Kong).

Le fait est simple: je n'ai, de ma vie, jamais piraté un jeu qui était en vente sur GOG. En revanche, je ne suis pas gêné par le passé quand c'était seulement sur Steam. De fait, vendre seulement sur Steam est ce qui motive au moins une part des gens à pirater. Parce que nous savons très bien pourquoi ils ne vendent que sur Steam. Et ça me rend malade. Je ne sens pas le besoin de respecter ces gens. Puissent d'autres entreprises prendre leurs parts de marché et fournir un emploi stable à leurs employés.

Morcar
18/01/2024 à 14:21

@Pseudo1, aucune connexion n'était obligatoire sur la génération 360/PS3, sauf pour quelques exceptions (GTA, je crois). La plupart des jeux aujourd'hui ne demandent pas de connexion non plus, je pense. Mais comme aujourd'hui même le jour de la sortie il faut une mise à jour du jeu, jouer sans être connecté revient à jouer à un jeu mal fini, malheureusement.

Punish62
18/01/2024 à 14:21

@Nox sauf qu'il y a des jeux Ubisoft sur GOG, voilà voilà.

Certes, pas les derniers jeux, mais des jeux beaucoup beaucoup plus récent que Skateball

Bref...

UniLeVisionnaire
18/01/2024 à 14:02

Incroyable, le mage de chez Ubi nous parle du futur : l'abonnement.
Il nous parle anous pauvres néophytes de services qui existe depuis ... 2002.
Avec Pas de tels visionnaires issus des mêmes ecoles de commerce, pas étonnant que Ubi se crash lamentablement.

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