Captain America 4 : pourquoi un Marvel noir dans l'Amérique post-Trump peut tout changer

Le racisme dont est victime Captain America 4 avait été anticipé dans les comics Marvel, et le film a tout intérêt à s'en servir.

Thor : Love and Thunder est encore tout frais au cinéma, mais ça ne nous empêche pas de parler des autres innombrables projets en cours des studios Marvel. Récemment, Julius Onah (le réalisateur derrière le mauvais The Cloverfield Paradox) a été annoncé comme metteur en scène de Captain America 4. Ce nouveau film n'aura pas Steve Rogers (Chris Evans) comme héros principal, mais un Sam Wilson/Falcon (Anthony Mackie) devenu le nouveau Captain America après Avengers : Endgame et Falcon et le Soldat de l'Hiver. Cette direction prise par le MCU a créé une polémique qui ne se calme pas, chose que Marvel avait justement imaginée dans l'une de ses séries de comics.

Entre les mains du scénariste Nick Spencer et du dessinateur Daniel Acuna, Sam Wilson reçoit le bouclier d’un Steve Rogers vieillissant dans Captain America : Sam Wilson. Falcon devient ainsi le nouveau Cap' dans une série de vingt-quatre numéros entre 2015 et 2017. Mais ce remplaçant du légendaire soldat de la Seconde Guerre mondiale n’est pas au goût de tout le monde, beaucoup choisissant de rejeter le héros pour sa couleur de peau. Assez tristement, la réalité a imité la fiction, pourtant le film a plutôt intérêt à exploiter ce climat de tensions dans une Amérique encore marquée par la présidence de Donald Trump.

L'engoncé Captain America

Not My Cap

À la fin d'Avengers : Endgame, un Steve Rogers sur le chemin de l’EHPAD transmettait le symbole en vibranium de Captain America, ainsi que son rôle de défenseur de la liberté, à son partenaire Sam Wilson. Ce passage de flambeau s’est prolongé dans la très passable série Falcon and the Winter Soldier à la fin de laquelle le nouveau Captain America ailé prenait son envol. Et pour trop de gens, mettre un Afro-Américain comme héritier du premier Avengers justifie une vague de haine contre le personnage. Les sections commentaires des articles relayant des informations sur le film Captain America 4 sont garnies d’exemples de cette violence.

Ce racisme, le comics de Spencer et Acuna en avait conscience et l'avait intégré à leur intrigue, ajoutant un propos politique d’actualité et puissant à leur récit super-héroïque. Ainsi, dans plusieurs pages, des manifestants brandissent des panneaux avec inscrit "Not My Captain America", insultant Sam Wilson et lui ordonnant de rendre le bouclier. Chaque numéro a d'ailleurs en première page un résumé du précédent sous la forme d'un fil d'actualité Twitter où des anonymes y vont de leurs avis sur l'aventure du héros volant. Une triste anticipation de ce qu’il se passe actuellement sur les réseaux sociaux.

Beaucoup trop réel

captain de gauche

L’intrigue de Captain America : Sam Wilson ne repose heureusement pas que sur ça et traite en profondeur ce problème de société. Car Captain America s’affirme comme le défenseur des opprimés, des habitants des quartiers populaires et des immigrés. Dans un geste fort, Wilson refusera même de porter le costume pendant quelques numéros, arguant qu’il ne reconnaît plus son pays et ne veut donc plus en porter les couleurs. Un mouvement de contestation inspiré par Steve Rogers, qui avait fait la même chose pour des raisons similaires durant les années 60, en découvrant que le groupe criminel Secret Empire gangrenait le gouvernement américain.

Et Spencer a plus d’une fois été très juste dans sa version totalitaire des USA puisque Captain America affrontera une police extrémiste et sans visage, les Americops, s’en prenant aux populations afro-américaines. La ligne jaune sera franchie lorsque les forces de l’ordre passeront à tabac jusqu’à rendre inconscient un justicier de couleur avant de l'arrêter, le tout sous l’objectif d’une caméra de surveillance. Un événement dramatique que le comics raconte en plein mouvement Black Lives Matters alors que Trump est sur le point d'entrer à la Maison-Blanche.

Une image bien trop réaliste

L’ex-Falcon ne pourra même plus compter sur son ami Rogers. En effet, deux visions du super-héroïsme vont s'opposer, Wilson choisissant de faire de son statut une figure politique pour prendre une position claire dans les débats de société. L'ancien Captain sera de plus en plus réticent au combat mené par son ami, jusqu'à carrément virer nazi – en réalité c'est une version Hydra de Steve Rogers venu d'une autre Terre avec l'event Secret Empire de 2017 écrit par Nick Spencer également.

Vieux Rogers est pas content

serious sam

En mettant Sam Wilson dans le costume de Captain America, Marvel Studios se doit donc d’assumer un personnage qui n'hésite pas à affirmer ses convictions politiques, quitte à ne pas faire l'unanimité. Car c’est tout l’intérêt de cette nouvelle figure brandissant le bouclier étoilé : lui faire porter un message que le précédent Captain America n’avait pas. Dans le comics, Sam Wilson se réapproprie le symbole pour une lutte qui lui semble essentielle, lui permettant de se détacher de l'aura de légende de Rogers. Le film a donc de quoi être plus qu’un divertissement pop-corn (on est optimiste).

Sans ça, ce serait passer à côté du potentiel de ce Captain America 4 qui a tout pour être le miroir des problématiques racistes de notre société, et surtout des États-Unis en pleine ère post-Trump. Une production Marvel que l'on imaginerait bien plus mature et grave que les précédents films, si le studio assume ce ton. Le seul risque étant d'embraser internet. Ce discours n’est d'ailleurs pas étranger au genre super-héroïque, The Boys l’ayant fait dans sa dernière saison avec son Homelander devenu SuperTrump. Marvel s’y est également peureusement essayé avec les motivations de révolution de Killmonger dans Black Panther, et plus récemment avec l'islamophobie dans Miss Marvel.

Un symbole qui pèse lourd

Malheureusement, Disney+ avait déjà manqué le coche de cette adaptation du comics, le run de Spencer et Acuna était déjà une grosse source d'inspiration de la série Falcon et le Soldat de l'Hiver, pour un résultat plus que très décevant.

Pour le moment, en plus de faire suite à la pire série du MCU, Captain America 4 ne brille pas pour son réalisateur à la carrière peu reluisante ni par son acteur principal qui n'a pas encore eu suffisamment d'occasions de montrer un talent autre que faire la grogne sur fond vert – avec quelques rares exceptions comme Démineurs et Detroit de Kathryn Bigelow. Marvel devrait donc tout miser sur le discours politique du métrage, en laissant les blagues à Thor et aux Gardiens de la Galaxie, pour nous proposer une qualité au moins au niveau des précédents films Captain America.