Netflix va prendre de moins en moins de risques selon la réalisatrice Jane Campion

Mathieu Victor-Pujebet | 10 juillet 2022 - MAJ : 10/07/2022 16:55
Mathieu Victor-Pujebet | 10 juillet 2022 - MAJ : 10/07/2022 16:55

Suite à sa perte d'abonnés historique, Netflix va moins donner sa chance à de jeunes auteurs si on en croit la réalisatrice Jane Campion.

El Dorado des auteurs qui ont du mal à financer des projets d'ampleur à Hollywood, la plateforme Netflix a récemment subi une baisse d'abonnés historique. Un chamboulement pour le leader du streaming qui cherche aujourd'hui de nouvelles façons de diversifier ses sources de revenus et d'assurer sa croissance économique. C'est ainsi que le boss de Netflix, Ted Sarandos, a récemment confirmé l'arrivée des publicités sur sa plateforme pour donner la possibilité aux gens de "payer moins cher", mais en regardant des pubs... grand seigneur.

Outre ce nouvel abonnement moins couteux mais chargé en annonces publicitaires, Netflix semble également sur la route d'une nouvelle stratégie qui pousserait la plateforme à ralentir un peu sur les cartes blanches données généreusement à droite à gauche. Le Hollywood Reporter citait récemment des sources qui confirmaient que le géant du streaming allait produire moins, mais produire "mieux", c'est-à-dire plus rentable.

 

The Power of the Dog : Photo, Kirsten Dunst, Jesse PlemonsQuand tu dis adieu aux jeunes auteurs sur Netflix

 

L'un des grands noms du cinéma mondial qui a eu la chance de profiter du porte-monnaie de la plateforme, la cinéaste Jane Campion, a quant à elle réagit à ce changement de stratégie au micro de BBC News : "Je pense qu'ils vont être plus sélectif en ce qui concerne certains projets ou, peut-être, ce qui serait triste, qu'ils ne vont pas prendre de risque avec des personnes sans réputation."

Un El Dorado fatigué qui ne s'inquiéterait plus de donner sa chance à un jeune auteur pour mieux produire copieusement des Red NoticeAdam à travers le temps et des The Gray Man, voilà à quoi risque de tendre le géant de la SVoD. En réalité, c'est déjà plus ou moins le cas : si ce n'est un Scott Frank (GodlessLe Jeu de la dame) ou un Mike Flanagan (qui avait déjà une carrière avant The Haunting of Hill House et Sermons de minuit), la liste des jeunes auteurs qui ont émergé directement de Netflix n'est pas si longue.

 

The Power of the Dog : Photo, Benedict CumberbatchNetflix, en route pour réaliser Red Notice 34

 

Ce qui ne veut pas dire que la plateforme n'a pas pris de risque en laissant des moyens conséquents à des cinéastes comme Martin Scorsese ou Bong Joon-ho. La réalisatrice le dit elle-même dans l'entretien : "Je ne pense pas que ce sera dur pour moi si je voulais refaire quelque chose parce que j'ai créé une relation avec eux et ils sont incroyablement loyaux." Plus loin, Jane Campion rappelle même que c'est grâce à Netflix qu'elle a pu faire le film qu'elle voulait avec The Power of the Dog.

Néanmoins, on peut toujours s'inquiéter de ce à quoi la plateforme de SVoD va tendre dans les années à venir. Rappelons que parmi les gros films de cinéastes que nous attendons le plus dans les prochaines semaines et mois, Netflix nous réserve encore le fameux Blonde, mis en scène par Andrew Dominik, l'alléchant Pinocchio, co-réalisé par Guillermo del Toro, et un certain The Killer, signé David Fincher. Dire que la plateforme a encore de bons tours dans son sac sonne alors comme un doux euphémisme.

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commentaires
Morcar
11/07/2022 à 14:07

@GTB, on est d'accord à 100%. Une bonne partie de ces auteurs ont trop eu la folie des grandeurs concernant leurs projets. Et si jusque là Netflix était prêt à satisfaire ces besoins pantagruéliques, ça ne pouvait pas durer. Scorcese etc... vont devoir réapprendre à faire des films avec un budget raisonnable, et les acteurs vont devoir réapprendre à être payé de manière décente.

Pour ce qui est de la publicité, beaucoup d'entre nous avons pris l'habitude d'avoir quantité de services gratuits (YouTube, presse en ligne,...) avec de la pub en contrepartie. Mais comme Google se trouve toujours derrière tous ces systèmes de pub, et prend sa part au passage, ce n'est pas très rémunateur pour des sites comme EL qui doit toucher sans doute à peine quelques centimes à chaque affichage d'une pub.

En effet, la SVOD doit encore trouver son équilibre, si tant est qu'il y en ai eu un jour. Mais autant j'ai pu consommer pendant des années la télévision gratuite avec de la pub, et n'ai jamais voulu payer pour des chaines payantes (Canal+, Canal Sat et toutes ses chaines, ...), préférant m'acheter des VHS, puis DVD, puis BluRay, autant le fait de payer ET avoir de la pub me parait juste incompatible. C'est soit l'un, soit l'autre, pour moi.
Toujours est-il que tout ça me confirme encore que je fais très bien de continuer d'acheter des films en support physique. Car si ce système a connu un âge d'or où tout le monde semblait sortir gagnant, ça va très vite changer.

Momo
11/07/2022 à 12:52

A part ce qu'il y avait des risques avant ?

GTB
11/07/2022 à 12:26

@Morcar > En même temps, les 2 derniers films de Scorsese (chez Netflix et Apple) tapent dans des budgets d'énormes blockbusters...alors qu'ils sont très loin d'en avoir la portée commerciale. D'un point de vue industrielle, c'est une aberration. Une aubaine pour Scorsese; du prestige qui coûte très cher pour les plateformes. Inéluctablement, ça ne peut pas tenir sur la durée.

Concernant la pub, j'évoquais justement la quantité hallucinante de pub que nécessite le gratuit (sur EL parfois sur la page, il y a plus de pub que de contenu rédactionnel, youtube gratuit bombarde de pub). Même sur des sites dont les frais de fonctionnement sont incomparables à une plateforme. Avec la rentabilité pub qui s'est cassé la gueule, c'est ainsi. Faut faire avec (ou faire le choix du payant uniquement, mais c'est risqué). Une version gratuite de Netflix nécessiterait probablement une telle quantité de pub que l'expérience utilisateur serait inacceptable. Tenter un intermédiaire n'est pas idiot.

De toutes façons, après l'explosion du marché, on voit bien que le jeune modèle SVOD doit encore chercher son équilibre. Plafond de verre, concurrence, quantité et qualité des contenus à gérer, pub/pas pub, microtransactions, situation économique mondiale...les mutations sont loin d'être achevées.

rientintinchti2
11/07/2022 à 10:51

Netflix est une grande entreprise d'abrutissement et de programmation mentale.
Les quelques films estampillés "films d'auteur" ne sont là que pour dissimuler leur objectif premier.
Ceci dit pour parler cinéma,quand on a des idées et un vrai scénario on n'a pas besoin de 200 millions de dollars/euros de budget.
Faut par exemple renoncer à rester dans un système qui prend des acteurs connus à 20 millions de dollars la prestation. Faut sortir de ça.

bof
11/07/2022 à 10:17

Les films de prestige resteront certainement une denrée recherchée par les plateformes de streaming, mais pas à n'importe quel prix. Ce cher Scorsese, dont les deux dernières productions dépassent les 200 millions de dollars de budget (hors promotion), va devoir remettre les pieds sur terre... A titre de comparaison, le dernier Campion a coûté moins de 40 millions. La liberté artistique dont jouissent ces grands noms est bien plus précieuse qu'un budget quasi illimité.

Au-delà de ces quelques exceptions par année, qui font certes beaucoup parler, le problème réside plutôt dans la qualité moyenne du tout-venant produit par les plateformes et dans le manque de soutien aux jeunes talents. Comme le signalent tant Jane Campion que le rédacteur de l'article, on peut se faire un peu plus de souci à ce niveau-là...

la Bulle qui fait pchit
11/07/2022 à 10:06

ba ils vont comme Hollywood:
des histoires, calculées par l'IA en analysant le web, pas de prise de risque ou minimaliste
du metrage industrielpre moulé, pre calibre, pre mâché et pre digere,
bienvenue au royaume du recyclage infini, des reboots, des remake, du marveleux, du dcu, des comedies bourrines, de l'aktionner calibre etc...

Morcar
11/07/2022 à 09:45

Les articles expliquant que les grands noms de réalisateurs n'assurent plus le succès en salles, et que ceux-ci doivent se tourner vers les plateformes, ne sont pas très vieux, et déjà les choses changent. Scorcese n'arrive plus à financer ses projets au cinéma, et ne va plus trouver le financement sur les plateformes non plus. Les gens n'accordent tellement plus d'importance à la qualité de la réalisation, à force de consommer des films à la chaine, que producteurs comme plateforme ne voient plus l'intérêt d'investir dans un grand nom.

@GTB, concernant la pub, il y a quand même une différence entre un site qui propose de base une solution gratuite avec pub, et une plateforme qui est encore à ce jour la plus chère du marché, et va proposer une formule avec pub certes moins chère, mais toujours payante malgré tout.

Gnole nire
10/07/2022 à 20:24

HBO max gardera donc sont monopole qualitatif durant de nombreuses décennies encore...

Eddie Felson
10/07/2022 à 19:22

Netflix, je regarde beaucoup plus souvent le menu que je ne consomme!
Quantité, oui, qualité, un poco!
Je regarde au final très peu au point où je pense résilier. Ça ne me manquera pas.

GTB
10/07/2022 à 18:20

Le ton de l'article me semble très piquant, alors qu'en réalité pour l'heure on devrait plutôt être dans l'expectative. Tout dépend effectivement de comment se traduira cette stratégie.
Bon déjà, le "grand seigneur" balancé comme ça à propos de la pub sur un site qui fonctionne sur le même principe (et ça n'est absolument pas un reproche), je ne suis pas sûr :p. Quand on voit la quantité hallucinante de pub que nécessite le gratuit sur le net, une option intermédiaire me semble pas si idiote....si ça évite de la pub trop intrusive.

Pour ce qui est de faire plus attention à ce qu'ils financent/achètent...on leur a suffisamment reprocher de ne pas être assez regardant, pour maintenant regretter qu'ils le fassent. Personnellement je vois cela plutôt comme une bonne direction. Mais là aussi, à voir comment ils vont procéder et sur quoi ça débouche. Si c'est pour balancer à la chaîne du blockbuster Hollywoodien bien fade mais qui trust le top 10, ça ne m'intéresse pas et il sera alors de bon ton de rappeler à Sarandos le pilier de Netflix : la diversité. Si c'est pour diminuer la dose de films à la con afin de balancer plus régulièrement du Apollo 10 1/2, Blonde, The hand of God, Klaus, Hold The Dark, Nos Mots Comme des Bulles etc...c'est une excellente nouvelle.

PS: dans les prochaines œuvres très prometteuses à venir sur la plateforme, j'attends également beaucoup Wendell & Wild qui signera le retour d'Henry Selick; My Father's Dragon de Nora Twomey (et Tomm Moore à la prod), Bardo d'Inarritu.