Cannes 2022 : on a vu Sans filtre, la Palme d'or complètement tarée

Alexandre Janowiak | 28 mai 2022 - MAJ : 30/05/2022 19:04
Alexandre Janowiak | 28 mai 2022 - MAJ : 30/05/2022 19:04

Après une année 2021 exceptionnelle en juillet, Cannes retrouve le mois de mai pour son édition 2022 et sa sélection riche d'une centaine de films plus ou moins attendus. Après son ouverture zombiesque avec Coupez !, le festival bat donc son plein et dévoile un peu plus ses joyaux (ou non) chaque jour. L'heure pour nous de vous livrer notre avis à chaud sur Sans filtre (Triangle of Sadness dans sa version originale), la comédie cynique complètement tarée de Ruben Östlund, de retour à Cannes cinq ans après sa Palme d'or pour The SquareLe cinéaste a d'ailleurs réalisé le doublé en gagnant la Palme d'or avec Sans filtre.

 

 

De quoi ça parle ? Carl et Yaya, un couple de mannequins aux succès différents, sont invités sur un yacht de luxe pour une croisière de rêve. Mais à bord, les vacances vont vite tourner au chaos.

C’était comment ? Ruben Östlund avait gagné la Palme d'or en 2017 à la surprise générale avec The Square, long-métrage loufoque qui avait largement divisé la Croisette (jury, presse et public compris). Et apparemment, le réalisateur suédois ne voulait surtout pas perdre son titre de sale gosse suprême vu la folle fureur de son Sans filtre.

Durant l'ouverture du film, on suit un influenceur/reporter (bien malin saura dire qui il est vraiment) dans les coulisses d'un casting de mannequinat pour une grande marque de luxe. En décortiquant leurs expressions faciales, leurs gestuelles, leurs tenus... il se moque complètement des prétendants dans un délire Balenciaga/H&M plutôt amusant. Puis, la caméra s'attarde sur Carl (Harris Dickinson), jeune homme à la plastique de rêve se présentant à ce casting de mode.

Le jury le fait marcher, le scrute, certains estiment qu'il a besoin d'un peu de botox (notamment dans son "Triangle of Sadness", ce triangle situé entre les sourcils), d'autres qu'il manque de charisme... bref, la foire au n'importe quoi débute et le spectateur n'est pas au bout de ses surprises.

 

Sans filtre : photo, Charlbi Dean KriekSourire ? Grimacer ? Les deux en même temps ?

 

Le film est découpé en trois chapitres très distincts. Le premier présente les deux personnages principaux : Carl et Yaya (la superbe Charlbi Dean Kriek). Les deux n'ont pas le même succès (elle est une star du mannequinat, lui tente de percer après quelques années de dèche), et de fait, une sorte de jeu de dominant-dominé s'est installé entre eux, notamment à propos de l'argent. Un sujet épineux qui engendre des engueulades complètement folles entre les deux notamment lors d'un dîner en ville après le défilé de mode prestigieux de Yaya.

En découle un dialogue complètement insensé sur les femmes, les hommes, le sexisme, le faux-féminisme, leurs différences de salaires, les inégalités... où les deux personnages pètent un plomb stratosphérique. Avec son talent de metteur en scène, Ruben Östlund livre alors un premier acte loufoque, capable de capter avec génie l'absurdité de leur certitude mutuelle (cette porte d'ascenseur hilarante) et leur égocentrisme. De quoi poser les jalons durables de la folie à venir, mais dont personne ne pourrait anticiper l'ampleur.

 

Triangle of Sadness : photoLe burlesque dans tous ses états

 

Car c'est sans doute ce qui fait la plus grande force du métrage de Ruben Östlund (et de son cinéma en général), cette capacité à mener son récit n'importe où, n'importe quand, n'importe comment, surprenant en permanence les spectateurs pour mieux les faire se délecter des rebondissements qu'ils n'avaient pas vu venir. Et évidemment, Sans filtre est un mètre étalon du genre. Difficile de trouver un film plus chaos que ce nouveau cru du Suédois.

Ainsi, le deuxième chapitre se déroule sur un yacht de luxe où les super-riches en prennent pour leur grade (cette livraison aberrante par hélicoptère, ces marchands "protecteurs de la démocratie"...) dans un déluge de débilité sociale, politique et économique. Le propos sur les ultra-riches est complètement balourd et grossier, mais Östlund n'en a rien à faire, convaincu que son impertinence doit passer par une anarchie absolue dénuée de subtilité. C'est là que le film vit un tournant mémorable.

 

Sans filtre : photo, Woody Harrelson, Arvin KananianVous aimez les blagues de communistes et capitalistes ? Vous allez être servi

 

On ne va pas trop en dévoiler pour laisser un maximum de surprise, mais dans la continuité de ses deux précédents films où un repas marquait la bascule des personnages et des situations, Sans filtre chavire (littéralement) lors d'un dîner incontrôlable. Avec un jeu habile de cadres et plans débullés, une surenchère d'obscénité crescendo et un timing comique magnifique, Sans filtre s'envole alors dans les cieux de l'hilarité lors d'une scène jubilatoire rappelant autant La Grande bouffe que Le sens de la vie.

Dès lors, Sans filtre explose tout dans un déluge d'extravagance, de malaise et d'excès où des personnages absolument infects vivent un cauchemar dont on ne peut que s'amuser. Ruben Östlund ne cherche plus à simplement moquer toute sa galerie, il les humilie volontairement pour mieux foutre leur nez dans la répugnante indécence de leur vie mondaine. Alors on rit, on jouit même par la suite de cette destruction des hiérarchies et du renversement des rapports de force, tout en désespérant de voir que rien ne semble évoluer dans le bon sens pour autant (l'égalité n'étant qu'un idéal prôné dans le vent).

Et même si la durée du long-métrage (2h30) vient souvent ralentir cette fantaisie démesurée (le troisième acte est vraiment trop long), il n'en reste pas moins un énorme défouloir réjouissant, une satire vulgaire et provocatrice revendiquée et un Ruben Östlund bien décidé à ne pas plaire à tout le monde.

Et ça sort quand ? Le film n'a pas encore de date de sortie en France, mais on a déjà hâte de le revoir.

Tout savoir sur Sans filtre

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commentaires
Cat24
01/06/2022 à 09:21

Un film "choque le bourgeois" mais le bourgeois n'est plus choqué, il est sur Netflix

Eddie Felson
30/05/2022 à 13:13

@Palmespoudrées
Heureusement car sinon c’est un Marvel qui l’emporterait chaque année de nos jours!:)

Papillon cramoisi
29/05/2022 à 23:59

Film pour dormir un conseil programmer l'extinction de la TV automatique sur 30 minutes et encore même Morphée elle va s'en dormir avant vous lol !

Scène avec du caca et du vomi pour les adeptes de ses pratiques moi j'aime bien mais sinon pas vraiment d'intérêt. (J'ai vu des meilleurs film dans le genre même ça c'est raté ici)

3/4 des palme d'or c'est soporifique les gens tombe une fois dans le puis mais pas deux fois MDR ! C'est ronflement+ ronflement+ beurk tout ça pour ça....

Ar Brezeler
29/05/2022 à 18:18

Perso la Palme d'or a tapé juste avec Parasite et Une affaire de famille, et avant ça avec Amour. En revanche Titane c'était une purge, et The Square m'a laissé totalement indifférent.
Le propos de ce film m'a l'air très nombrilique, mais par principe je lui donnerais sa chance dans mon cinéma d'art et d'essai.

Deny
29/05/2022 à 13:46

Le cinéma "nombril", beurk...

Pourquoi
29/05/2022 à 11:33

Mais pourquoi, comment la traduction du titre peut-elle être "Sans filtre"?? Qui décide ? Ça me rend fou.

The insider38
29/05/2022 à 10:41

@ l’indien zarbi3 tu l’a vue rodéo? Pardon le cinéma a raison, c est absolument poignant.
Comparer à cette merde qui a la palme, c est un chef d’œuvre

Palmes poudrées decocainées
29/05/2022 à 10:41

aussi aberrant qu'un Titane, le probleme c'est que les gens vont pas voir ces prix au cinoche, quand et si çà sort,il ya un "ptit" ecart entre les perceptions du jury , des jurés et le public reel

fuck
29/05/2022 à 09:11

Encore une Palme naze qui fera à peine 10 000 entrées à Paris. Je devine aussi un film "politique" en retard de 30 ans. La critique du libéralisme il fallait la faire dans les années 80 et 90. A part Parasite et les palmes françaises qui se souvient des Palmes d'or de ces 20 dernières années ? On les a déjà oubliées. Alors que celles des années 50, 60, 70, 80... on s'en souvient encore; dans le désordre on avait Le Salaire de la peur, Le Guépard, La Dolce Vita, Taxi Driver, Pulp Fiction, Barton Fink, Mission, Les Parapluies de Cherbourg, Un Homme et une femme, Mash, Apocalypse Now, Le Tambour, Kagemusha, La Leçon de Piano etc des films mythiques. Depuis la Palme de Michael Moore en 2004 on récompense surtout des films politiques d'une certaine gauche, des films imbuvables mais aussi des films plus académiques mais avec un "bon fond' comme ceux des Dardenne et de Ken Loach, mais aucun de ces films à part Parasite et Tree of Life ne rivalisent avec les anciennes Palmes. Les films hors compétition sont aujourd'hui plus intéressants que les films en compétition.

Tom31
29/05/2022 à 08:26

En général 9 fois sur 10 les films palme d'or sont complètement barés et mauvais...

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