Du gore, de la vengeance et des claques : les meilleurs films du dixième PIFFF

Mathieu Jaborska | 18 janvier 2022 - MAJ : 18/01/2022 16:21
Mathieu Jaborska | 18 janvier 2022 - MAJ : 18/01/2022 16:21

Pour son édition anniversaire et après une annulation, le PIFFF a mis les petits plats dans les grands et des tripes sur l'écran du Max Linder.

Rush de fin d'année oblige, c'est avec un peu (beaucoup) de retard que nous revenons sur notre expérience au Paris International Fantastic Film Festival 2021, qui s'est tenu du 1er au 7 décembre dernier à... Paris. Cela fait désormais dix ans que sa programmation riche et souvent audacieuse ravit les amateurs de genre, enfin 11 ans pour être précis. La pandémie a joué les trouble-fête l'année dernière, réduisant le festival à une édition rétro avant son annulation pure et simple. Heureusement, fin 2021, cette édition est passée entre les mailles du filet. Petite sélection de ses plus beaux (et sanglants) moments.

 

In the Earth : photoUne thématique revenait régulièrement...

 

Grosses frappes

Pour fêter ses dix ans, le festival a invité (symboliquement, étant donné la situation) en ouverture et en clôture deux cinéastes chers à son identité : Álex de la Iglesia et Ben Wheatley. Le premier est en train de dévoiler au monde le premier volume de la nouvelle anthologie horrifique dont il assure la coproduction, aux côtés de Carolina Bang, Amazon et Sony : The Fear Collection. Son Veneciafrenia, qu'il a réalisé seul, avait tout pour inaugurer cette saga en devenir en grande pompe et séduire les inconditionnels de son cinéma baroque et politique. Malheureusement, il a souvent du mal à transformer l'essai, comme nous l'expliquons dans notre article à son propos.

Le second, autrefois érigé en petit prodige du cinéma de genre avant de perdre de sa superbe au cours de sa carrière hollywoodienne, revient à ses premières amours avec In the Earth. Quoique précédé d'une réputation peu engageante, il a largement sur convaincre l'auteur de ces lignes, pourtant généralement assez hermétique au style de son réalisateur. Il débute comme un récit classique de folk-horror - genre qui a fait exploser le cinéaste avec Kill List - avant de prendre une direction bien plus expérimentale et le contre-pied des autres films "qui parlent de pandémie" en explorant les accointances entre folklore et science (difficile de faire plus actuel !). Le tout avec une radicalité qui fait penser au mal-aimé Annihilation.

 

In the Earth : photoLes puces 5G commencent à faire effet

 

Évidemment, le PIFFF ne pouvait pas résister aux deux grosses sensations de festival récentes : l'ultra attendu Mad God et la bonne surprise The Sadness. Une descente aux enfers littérale dans les affres de la guerre et une foire à la tripaille provocatrice et agressive, particulièrement à sa place dans la programmation, aux côtés de l'hilarant Catégorie III Ebola Syndrome. Nous en avions déjà causé dans un article dédié et dans notre compte-rendu de l'Étrange Festival.

Quelques suites se sont également invitées à la fête, comme Wyrmwood: Apocalypse, série B australienne mêlant film de zomblard et sous-Mad Max frénétique. Le tonitruant et très long dernier acte divertit autant qu'il fait mal à la tête. Accueilli avec méfiance après Viral, le 4e opus de la saga de films à sketchs en found-footage V/H/S a quant à lui contenté les amateurs des deux premiers volets. Sans surprise, le long-métrage reste inégal, mais certains sketchs, en particulier ceux de Steven Kostanski (un petit interlude méchant), Timo Tjahjanto (une partie de Doom super généreuse) et Chloe Okuno (la création flippante, puis drôle d'une légende urbaine), restent vraiment excellents. Hail Raatma. 

 

V/H/S/94 : photoAmbiance

 

Court toujours

Impossible de passer sous silence la sélection de courts-métrages, toujours aussi impressionnante et - on l'espère - révélatrice des grands artistes de demain. La section française, composée quasi exclusivement de films assez longs, à une brillante et hilarante exception près, reflétait une certaine tendance du cinéma dit "de genre" hexagonal, la vision d'un fantastique forcément métaphorique, minimaliste et très sérieux. Qu'on la partage ou pas, elle a eu son succès puisque ce sont ses représentants les plus directs qui ont gagné trois prix et une mention : La Verrue et Le varou.

Côté section internationale, la diversité et l'originalité de la programmation forçaient le respect. Les différents courts allaient du divertissement humble au tour de force esthétique. Si le prix du public (l'oeil d'or) a récompensé le plus drôle d'entre eux, l'incroyablement inventif Cuckoo!, ils étaient nombreux à mériter des honneurs du même acabit.

 

Cuckoo! : photo, Frank LammersCuckoo! ou l'efficacité comique

 

Le film d'animation Tío, par exemple, s'attaque à la question du travail des enfants avec une puissance d'évocation et une maîtrise visuelle qui le tiennent éloigné de toute démonstration de pathos. Au rayon comédie, l'amusant Shiny New World s'essaie à l'exercice suranné de la parodie horrifique (avec ici Evil Dead dans le collimateur), mais ajoute une idée supplémentaire pour se démarquer. De même que The Relic se lance dans l'exercice ô combien difficile de la terreur lovecraftienne, avec succès, puisqu'il se réapproprie plus une forme de dévoilement que des figures précises. Le résultat, plein d'effervescence et de gloumoute bien visqueuse, comblera quiconque adule John Carpenter et Stuart Gordon.

Néanmoins, les courts les plus marquants étaient aussi les plus originaux. Le post-apo The Archivists débute comme une énième dystopie vaguement dénonciatrice avant de bifurquer et nous prendre à revers, le temps d'une audacieuse et franchement émouvante célébration de l'art populaire qui touchera particulièrement les mélomanes. Enfin, nous avons été soufflés par le génial A Tale Best Forgotten, conte techniquement sidérant (on s'interroge encore sur le procédé), capable d'inspirer une terrible inquiétude en à peine trois ou quatre mouvements de caméra. Il a beau être mieux oublié, on s'en souviendra longtemps.

 

A Tale Best Forgotten : photoLa beauté mouvante de A Tale Best Forgotten

 

Coups de Bull inattendus

Bien sûr, on vient généralement au PIFFF pour prendre quelques baffes inattendues, souvent en embuscade dans la compétition. Quand bien même les différentes rétrospectives ont permis de redécouvrir de grands films (Ebola SyndromeLa Cité des enfants perdus, Le ConvoyeurEvil Dead TrapInnocence, le toujours aussi rigolo Dobermann et bien d'autres) sur l'un des meilleurs écrans de Paris, c'est cette sélection qui se distingue le plus, tant elle prend régulièrement à revers.

La preuve avec The Feast, slow-burner écolo tourné en gallois, qui aurait pu tomber dans les travers des productions horrifiques "d'auteur" du moment, s'il n'évitait pas soigneusement les pièges tendus pour nuancer grâce à une écriture millimétrée et à une mise en scène s'amusant à salir progressivement le format large l'insouciance dévastatrice de l'être humain.

 

The Feast : photo, Annes Elwy"Dans quelle poubelle dois-je le recycler ?"

 

Deux films se sont démarqués si l'on en croit le public, ses votes et ses réactions. Déjà, il y a le grand gagnant de cette édition, l'Oeil d'or, le Bull réalisé par Paul Andrew Williams. Le cinéaste, coscénariste du sympathique The Children et metteur en scène de l'attachante comédie d'horreur Bienvenue au cottage, s'essaie au thriller de vengeance rêche, voire impitoyable, dont la particularité (qu'il ne faut surtout pas révéler) lui donne des implications bien plus ambitieuses. Une véritable curiosité, très audacieuse, qui depuis a trouvé refuge sur la plateforme Shadowz. Plus d'excuses, donc.

Toutefois, la plus grosse surprise du festival restera la projection de Stéphane, à peine quelques semaines après la fin de sa postproduction, en avant-première mondiale donc. Un found-footage humoristique produit par Monsieur Poulpe et Vanessa Brias et réalisé par le duo Timothée Hochet (Calls) / Lucas Pastor.

Un projet qui a tout du sketch filmé... jusqu'à ce que l'écriture l'enveloppe d'une bonne dose de malaise acidifiant considérablement les éclats de rire, jusqu'à flirter avec un fantastique presque flippant ! Cet OVNI kamikaze devrait tourner en festival encore une année avant de se chercher un distributeur. D'ici là, il aura acquis une certaine réputation, et le PIFFF 2022 aura annoncé sa programmation. On a hâte.

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