Marvel et Fast & Furious 9 ont évidemment sauvé le box-office été 2021

Raphaël Iggui | 18 septembre 2021
Raphaël Iggui | 18 septembre 2021

Marvel (Black Widow, Shang-Chi) et Fast & Furious 9 ont redonné des couleurs vitales au box-office de 2021, et sauvé l'été.

En 2020, c'était la débandade, et Hollywood était quasi gelé, comme le reste du monde. Sorti comme un gros coup de poker, Tenet de Christopher Nolan culminait péniblement à 58 millions de dollars côté américain. Le film était alors au sommet d'un box-office estival particulièrement morne, avec environ 176 millions de dollars engrangés, toutes oeuvres confondues.

Preuve que le cinéma a repris du poil de la bête : c'est moins que les 182 millions de dollars accumulés par un seul film, Black Widow au box-office domestique en 2021.

En un an, le monde a retrouvé quelques couleurs. La pandémie est encore là, mais la machine hollywoodienne a redémarré. Ainsi, le box-office estival (de fin mai à début septembre) 2021 a amassé environ 1,75 milliard, soit près de 10 fois le score de 2020. Sans surprise, cette bouffée d'oxygène et dollars verts repose sur une poignée de films, et de studios. En d'autres termes : Disney-Marvel et Universal ont sauvé l'été.

 

 

le retour de la petite force

Bien sûr, le box-office de l'été américain 2021 (1,75 milliard) est bien maigrelet face à celui de 2019 (4,35 milliards). Mais la pandémie a changé les repères et points de comparaison, après une année 2020 noire.

En 2021, le business sur le sol nord-américain a en partie repris grâce à de gros films : Black Widow (183 millions), Fast & Furious 9 (173 millions de dollars), Sans un bruit 2 (160 millions de dollars), Jungle Cruise (106 millions), Free Guy (92 millions) et Shang-Chi et la légende des Dix Anneaux. Dernier arrivé, le Marvel a encaissé 94 millions pour un démarrage record au box-office domestique.

 

photo, Vin Diesel, Michelle RodriguezFast & Fructueux

 

Si l'inflation est évidemment une donnée inévitable dans tout jeu de comparaison de gros sous, un autre facteur est devenu important en 2021 : l'avènement de la SVoD en concurrence directe des salles de cinéma. Comme l'a souligné Deadline dans un article consacré au bilan du box-office américain en cet été marqué par le spectre du Covid-19, les salles font face à une double concurrence avec les plateformes de streaming et donc, le risque du téléchargement illégal.

La perspective de pouvoir diffuser leurs films sur des plateformes de streaming et de récupérer leurs mises a fortement séduit les studios qui se sont engouffrés dans la brèche comme des politiciens en campagne dans un service de cancérologie. Disney avec Disney+, Paramount avec Paramount+, Warner Bros avec HBO Max, Universal avec Peacock... chacun son cheval de course et les dollars seront bien gardés. Seulement, cette diffusion sur plateforme se fait au détriment des exploitants de salles, mais également des oeuvres elles-mêmes.

 

photo, Jesse PlemonsExploitants de salles devant les locaux de Disney+

 

piratage inÉvitable

En effet, les sorties simultanées en salles et sur ces plateformes signifient un manque à gagner pour ces films au box-office. Si Warner a su gérer ce choix avec ses artistes pour compenser les possibles pertes salariales, Disney est actuellement en difficulté après le procès de Scarlett Johansson. Mais au-delà des problèmes contractuels, on peut aussi imaginer que les films sortis simultanément en streaming et au cinéma ont fait de moins bons scores au box-office que s'ils avaient joui d'une sortie en salles exclusives (avant une possible arrivée en streaming quelques semaines plus tard).

Ainsi, comment ne peut pas penser que The Suicide Squad (26 millions) et In the Heights (11.5 millions) auraient largement mieux démarrer s'ils avaient suivi une stratégie d'exclusivité salles comme Sans un bruit 2, qui avait débuté à plus de 57 millions à une période moins propice au retour des spectateurs au cinéma ?

 

photo, Cillian Murphy"Faites pas attention à moi, je vous emprunte juste ce blockbuster à 150 millions de dollars"

 

D'autant plus que la sortie en simultané ouvre la voie à un troisième moyen de visionnage : le téléchargement illégal. Les copies proposées par les services de streaming sont loin des versions screen filmées en salle au Nokia 3310 sous un épais manteau. Les films diffusés sur les plateformes de streaming se retrouvent donc accessibles sur les sites de téléchargements illégaux, en excellente qualité, seulement quelques jours (heures) après leur sortie.

Triste constat, par exemple, Black Widow était numéro 1 des téléchargements illégaux la semaine qui suivait son premier week-end d'exploitation. Puis c'était au tour de Don't Breathe 2 d'être numéro 1 de cette liste, suivi de près par The Suicide Squad.

Shang-Chi, avec une sortie exclusive au cinéma, permet à Disney de sortir la tête hors de l'eau, mais d'une certaine manière, malgré les sorties de Cruella, Free Guy, Jungle Cruise et Black Widow, la firme de la souris à la voix guillerette peine à joindre les deux bouts. Un constat partagé pour une majorité des studios hollywoodiens, qui manifestent des bilans 2020-2021 allant du mitigé au carrément médiocre, sauf pour Paramount qui surnage grâce aux 300 millions de dollars de Sans un bruit 2.

 

Photo, Stephen Lang"Je vous entends télécharger..."

 

equilibrium

Si le box-office devrait continuer de  reprendre des couleurs avec des films comme Dune, Venom : Let There Be Carnage, Spider-Man : No Way Home et Matrix 4 : Resurrections, la situation est loin d'être stabilisée. L'arrivée dans l'équation de la SVoD a bouleversé le modèle économique, et tous les studios cherchent maintenant un équilibre entre les salles de cinéma et les plate-formes, les artistes et le business pur (notamment pour chasser sur les territoires des nouveaux concurrents que sont Netflix et compagnie).

Et cette course au streaming comporte ses risques. Le conflit judiciaire entre Scarlett Johansson et Disney, la colère des cinéastes contre la SVoD, le divorce entre Christopher Nolan et Warner, les évolutions des stratégies de sorties simultanées : autant de preuves que cette course vers l'avant a été précipitée, et que l'industrie apprend encore à manier la bête streaming.

 

photo, Scarlett JohanssonJe vous présente mon avocat, Aimé seize

 

Tout sera donc une question d'équilibre, notamment autour de la question de la double exploitation, et d'une fenêtre d'exclusivité pour les cinémas. Warner a déjà annoncé qu'à partir de 2022, leurs films seront diffusés pendant 45 jours en salles, avant d'arriver sur HBO Max. Disney a suivi, et utilisera les films de fin 2021 (Les Eternels, West Side Story, Le Dernier Duel) pour tester cette formule. Mais ce modèle est encore loin d'être validé par l'industrie, comme l'a confirmé Universal avec la décision de sortir Halloween Kills au cinéma et sur Peacock aux Etats-Unis.

Comment les studios vont-ils gérer cette manoeuvre inédite ? Vont-ils s'harmoniser ou avancer à différentes vitesses ? Comment vont-ils protéger leurs poules aux oeufs d'or ? Ce sera sans nul doute le grand enjeu hollywoodien de la prochaine décennie. Et il y aura forcément des dommages collatéraux.

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commentaires
Kyle Reese
18/09/2021 à 17:55

@GTB

Je ne peux que vous rejoindre sur votre analyse. Vous semblez être bien plus informé que moi sur le sujet avec une compréhension assez précise du sujet. Je ne fais de mon coté qu'exprimer mon sentiment un peu à l'instinct me basant sur cet article et quelques autres lu ici et ailleurs depuis le début de la pandémie. Et puis entre ce qui sort et les discussions et tractations gardées sécrètes il doit y avoir un petit monde. Le sujet est très complexe car totalement inédit avec de nombreuses variables et inconnues. J'ai un peu tendance à faire des conclusions hâtives sur certains sujets que je ne maitrise pas ... on ne se refait pas ! :)

GTB
18/09/2021 à 17:26

@Kyle Reese> Vous évoquez 2 choses différentes. La réactivité et le "non-respect" des contrats dans une situation d'urgence d'une part, et l'impact du day & date/piratage sur le box-office de l'autre.
Il est indéniable que les majors ont dû prendre des décisions sur l'exploitation des films de manières abruptes. Certains, en négociant, d'autres sans le faire. La pandémie a accéléré des mutations en cours et l'urgence des distributeurs les a amené à d'abord s'occuper des exploitations, avant l'encadrement de ces changements. D'où ce qui se passe maintenant, à savoir encadrer justement, et ajuster. Leur but était de minimiser les pertes dans un monde où le système normal était bloqué et où l'incertitude du lendemain régnait. Que faire de tous ces films sans les salles ou avec 20% des salles? La perte potentielle d'une paralysie est gigantesque! Et il faut bien comprendre que ceux qui n'avaient pas d'autres choix que la salle, et ont donc soit reporté soit exploité dans le peu de salle dispo, ont perdu énormément et sont dans des situations très difficiles. Donc effectivement les choses ont été précipitée...parce que la situation l'exigeait mettant justement à genou ce système monopolistique, très peu préparé à une telle éventualité. Et il est capital d'avoir conscience des dégâts financiers dévastateurs qu'auraient pu avoir cette crise 2020-2021 sans roue de secours, avant de juger l'utilisation de ces roues de secours.
Pour ce qui est du deuxième point, l'impact de ces roues de secours sur le box-office, quand vous dites "un film qui sort en même temps au ciné et sur une plateforme[...] semble performer moins bien qu'un film sorti en exclusivité au ciné." c'est en réalité plus complexe, et plus nuancé que ça. Est-ce pertinent de ne regarder que le box-office pour des films à exploitation multiples? Et au delà de cette question, si l'on prend juste les chiffres bruts du box-office, c'est déjà loin d'être systématique (sans parler de ceux qui font mieux que leur opus précédent exclusifs salles hors pandémie). Des films day & date ont nettement mieux marché au box-office que des films exclusifs salle. Mais prendre ce seul critère en compte est traitre. Est-il étonnant qu'un Marvel day & date fasse un meilleur box-office qu'un A Quiet Place 2 exclu salle? Pas vraiment. Il faut donc prendre en compte le potentiel commercial. Et là, on commence à comprendre toute la complexité des comparatifs et évaluations. Quel est le potentiel commercial d'un film? Combien aurait dû faire Black Widow en temps normal? 1 milliard comme un Avengers ou 600 millions comme un Ant-man? Quel était le potentiel commercial d'un Free guy à 125 millions et une campagne marketing hallucinante et qui en est à 275 millions worldwide?
Par ex, en terme de potentiel commercial par rapport à des opus précédent; Fast 9, exclusif salle, fait environ (en domestique et mondial) 56% du BO de Fast 8 et 47% de Fast 7. Conjuring 3, day & date, fait environ 65% (en domestique et mondial) du BO de Conjuring 2. Auxquels il faudrait donc ajouter la "rentabilité" annexe de sa double exploitation. En d'autres termes, Fast 9 sous-performe plus que Conjuring 3.
Bref, le constat est en réalité loin d'être systématique concernant le type d'exploitation et l'impact Box office. Il y a un effet, mais minime comparé à l'effet de la pandémie sur le BO. Et, par dessus cela, estimer la rentabilité ou même juste la viabilité des choix uniquement par le prisme du BO est aujourd'hui non pertinent. C'est le seul outil qu'on a; mais il faut prendre en compte dans nos analyses les infos qu'on ignore. Black Widow a un BO à 380 millions + l'impact et les recettes disney +. Shang-Chi est à 267 millions. Il sera intéressant de voir où il se situe à la fin de son exploitation salle.

Kyle Reese
18/09/2021 à 15:14

@GTB

Je ne parle pas de bilan, mais des problématiques actuelles que les changements brutaux annoncés ont déjà causé. Les auteurs/réalisateurs pas content du sort de leur film (Nolan, Villeneuve et d'autres). Les contrats des stars et des réalisateurs remis en question (Johansson qui se retrouve bien seule). Sans oublier le piratage. Chiffrer son impact est difficile voir quasi impossible. On extrapole bien sur. Mais néanmoins il se dessine une sorte de schéma qui fait qu'un film qui sort en même temps au ciné et sur une plateforme ou avec un décalage très réduit semble performer moins bien qu'un film sorti en exclusivité au ciné (en mettant de coté la qualité du film et en tenant compte seulement des attentes et projections). Tenet est un cas particulier, c'est le premier blockbuster a être sorti entre 2 confinement ici et ailleurs, en pleine pandémie avec une nouvelle vague qui s'annonçait alors que le vaccin n'existait pas encore et qu'il y avait beaucoup de peur tout autour du monde.
Je persiste à penser qu'il y a eu trop de précipitation, les studios qui devaient bien s'affoler à raison ont sentit l'opportunité du changement radical de distribution avec une réduction des frais très avantageuse. Le soucis est qu'ils ont fait tout ça sans me semble-t-il concertation avec les réals/producteurs/acteurs d’où le mécontentement et beaucoup d'inquiétudes.
Bon chacun voit midi à sa porte évidement. Après dans les mois, années qui viennent ça va se calmer, les choses vont se ré-équilibrer, l'orage sera passer et des stratégies plus claires et stables seront mises en œuvre. Et tout le monde pourra enfin respirer ou il veut, quand il veut ... sans masque ! Ou pas et on devra faire comme l'ami Bane qui avait tout prévu ! lol

GTB
18/09/2021 à 11:53

@Kyle Reese> Oula attention à ne pas aller trop vite en besogne et les "on l'avait dit". Il est encore bien trop tôt pour faire le bilan des choix des distributeurs. Indéniablement des mutations sont en cours, et il est peu pertinent pour analyser ces mutations de sélectionné les informations qui vont dans le sens d'une idée préconçue.
Est-ce que le day & date était une erreur? Avec uniquement les infos box-office on a absolument pas toutes les infos pour répondre à la question. En revanche, le box-office permet surtout de pointer du doigt la pandémie, plutôt que le day & date et les SVOD.
Quasiment tous les films ont sous performé. Notablement. Qu'ils aient connu une sortie simultanée, ou une sortie exclusive en salles. Free Guy est loin du carton. Fast 9, l'un des plus gros succès, a fait moins de la moitié des opus précédents. Il a fait le score le plus bas de la licence depuis 2013. Onward de Pixar a remarquablement sous-performé également, alors que Raya a fait aussi bien en étant pourtant dispo sur Disney+. Tenet est une catastrophe avec des pertes sèches de 50 à 100 millions.
Et inversement, un Godzilla VS Kong, pourtant sorti en day & date, a fait un box-office domestique quasi aussi bon que le 2 et un box-office mondial supérieur.
Comme je le disais, globalement tous les films ont sous-performé, a peut-être à moitié de ce qu'ils auraient dû faire...qu'ils soient exclu salles, ou dispo aussi sur une plateforme. Et pour ceux là, il faudrait ajouter des données qu'on ignore.
Les bides en chine sont nombreux également et ni la SVOD, ni le piratage n'ont à voir là dedans.
L'état du box-office semble trouver nettement plus son explication dans la situation mondiale que dans le day & date et le piratage. D'ailleurs on peut noter que si les distributeurs ajustent leur stratégie face à un box-office qui reprend un peu des couleurs, et face aux constat évident que la salle n'est certainement pas obsolète, aucun n'abandonne sa plateforme. Disney+ a doublé ses abonnés en 1 an, arrivant aux chiffres ultra impressionnant de 116 millions en juillet. Et pour l'heure on se dirige vers des films dispo en SVOD, un peu plus d'1 mois après leur sortie salle. On est loin d'un retour en arrière; c'est un ajustement qui tient compte du potentiel salle. Il y aura d'autres ajustement encore.
Quant à savoir si ces mutations mènent vers un système aussi viable financièrement, il est encore bien trop tôt pour y répondre. On a pas le recul, il manque tout un tas de données que les plateformes gardent pour elles, et c'est un changement de paradigme dans le calcul de la rentabilité (ce qui beaucoup semblent oublier en ne regardant toujours uniquement le box-office).
Quant au piratage. C'est une donnée à manipuler avec précaution afin de ne pas l'utiliser comme biais de confirmation. On tombe facilement dans le piège de la corrélation qu'on transforme en causalité. Si Black Widow est dans le top piraté, c'est également le cas des séries Marvel Disney+, qui ont elles aussi couté une blinde. Ou encore, il n'y a pas si longtemps, Game of Thrones, l'une des séries les plus piratés ever....tout en étant également l'un des plus grand succès d'HBO.
Bref, quand il s'agit d'analyser le box-office en ces temps particulier et les mutations en cours dans le système hollywoodien, il faut être prudent, garder du recul et voir l'ensemble. Pas seulement ce qui confirme un a priori.

Kyle Reese
18/09/2021 à 10:43

C'est quand même étonnant que ce qui est décrit et constaté ici avait été déjà parfaitement anticipé quasiment dés le début de la crise par des journalistes et par de simple spectateurs commentateurs (y compris moi-même) ici et ailleurs ...
Il suffirait de fouiller un peu dans les archives des news de ce sujet. (quasi impossible mais bon) pour s'en rendre compte.
Après c'est sur qu'il fallait bien qu'ils trouvent une parade rapide pour palier au manque à gagne. Mais trop de précipitation et de décisions non réfléchit ayant comme presque unique objectif de transformer le système de distribution à leur avantage sont à l'origine du bordel ambiant.
Comment n'ont ils pu pas sut (ou voulut) imaginer un seul instant l'impact énorme du piratage dés la diffusion simultané des films sur les plateformes ? C'est de l'aveuglement ou de l'incompétence, voir de l'impuissance ... je ne sais vraiment pas.