Festival Même Pas Peur - Jour 1 : chaleur, rhinocéros et trisomiques

Christophe Foltzer | 20 février 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 20 février 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Nous vous en avions déjà parlé mais, cette année, nous sommes partenaires du Festival Même Pas Peur, qui a lieu depuis 9 ans à Saint-Philippe, sur l'île de la Réunion. Un festival dont le coeur réside dans la découverte et la transmission de films fantastiques et étranges, entièrement gratuit où durant 4 jours, la paisible ville tropicale se transforme en crypte à ciel ouvert.

Et c'est vrai que l'on nous avait prévenu que, ce festival, c'était quelque chose. Pourtant, impossible de croire la rumeur avant d'avoir vécu l'événement qui se tient cette année entre le 20 et 23 février au cinéma Henri Madoré de Saint-Philippe. C'est donc dans ce cadre tropical, sous une chaleur écrasante que nous nous apprêtons à vivre 4 jours d'émotions fortes. Et ce que nous avons découvert ce soir donne clairement le ton.

Ce que l'on comprend tout de suite, c'est que les intentions d'Aurélia Mengin, fondatrice du festival, et d'Olivier Rivière, maire de Saint-Philippe et 1er vice-président de la région Réunion, sont à mille lieux d'un festival classique. Ici, point de compétition, point d'enjeu autre que la passion du cinéma et la volonté, claire et ferme, de proposer à la population une sélection de films qui n'auraient aucune chance de sortir dans les salles obscures de l'île en temps normal. Une réalité qui nous semble bien injuste lorsque l'on voit d'une part la passion qui émane de l'équipe organisatrice, l'ambiance familiale qui s'en dégage, et, d'autre part, le nombre impressionnant de spectateurs puisque, pour sa soirée d'ouverture, la salle était comble.

 

photo RhinocérosAurélia Mengin et Nicolas Luquet, co-organisateur, devant un imposant rhinocéros

 

Enrichie d'oeuvres architecturales spectaculaires de l'artiste Vincent Mengin-Lecreulx, telle son imposante Corne féroce du rhino trônant au centre de la scène, la manifestation a tout de l'événement atypique que l'on aime découvrir et vivre. Et il faut bien avouer que, dès le départ, ça fonctionne, tant nous avons l'impression de pénétrer dans un autre monde, de quitter la réalité tangible et concrète, aussi paradisiaque soit-elle, pour entrer dans un univers coloré, étrange et irréel qui met immédiatement en condition.

Une sensation qui ne nous a pas quitté de la soirée d'ailleurs puisque nous avons directement embrayé sur une série de courts-métrages en provenance du monde entier, dont pas mal de petites pépites. Citons par exemple le très drôle Kleptomami de Pola Beck, récit tordant et perturbant en même temps d'une jeune mère arrêtée pour vol à l'étalage et qui explique au vigile la difficulté de sa condition. Un court récit (10 minutes) sans détours, qui ne prend pas de gants, à la mise en scène ingénieuse et énergique qui provoque autant de rires que de très sympathiques moments de gêne fulgurants.

 

photo KleptomamiL'énorme Kleptomami

 

On ne peut aussi passer sous silence le pari audacieux de Belle à croquer d'Axel Courtière, film muet d'inspiration Caro&Jeunet avec du Tim Burton dedans, où un cannibale s'éprend d'une végétarienne qui tente de le convertir lors d'un premier rendez-vous. Une esthétique léchée, des trouvailles visuelles ingénieuses et un bon état d'esprit général qui n'empêche cependant pas le film de tomber dans une certaine prétention par moments.

Let them die like lovers, de Jesse Atlas, tente le pari du court récit de SF dystopique avec cette nouvelle méthode de la CIA qui, pour lutter contre le terrorisme, permet à un agent de se plonger dans la peau du proche d'un suspect afin de l'éliminer. Un propos très actuel qui porte évidemment à réflexion en ce qui concerne les dérives du tout-sécuritaire tout autant qu'il s'attache également à nous montrer toute la confusion humaine que cela engendre pour l'agent polymorphe. Une très belle découverte qui aurait cependant demandé plus de moyens.

 

photo Belle à croquerBelle à croquer

 

Enfin, on ne peut que vous parler de l'extraordinaire Downside Up de Peter Ghesquiere, fable hallucinante et hallucinée sur la différence et l'acceptation de l'autre qui possède une grosse particularité. A l'exception de deux comédiens, tout le casting est composé de trisomiques. Le tour de force du film est de ne jamais tomber dans le pathos et de ne jamais appuyer sur le côté victime des comédiens. Dans cette histoire où la société normale est constituée de trisomiques, le film parvient à nous faire réfléchir sur le concept-même de notre rapport à la normalité et à la différence, qu'au final, rien de tout cela n'existe vraiment en dehors des quelques contingences sociales et morales qui façonnent une civilisation et que, au bout du compte, chacun a sa place, chacun peut apporter quelque chose à l'autre. On se retrouve avec un récit extrêmement drôle et terriblement tendre, bourré d'idées visuelles percutantes alors qu'évidentes, parfaitement réalisé et dirigé qui nous donne qu'une envie : voir ce court transformé en long-métrage ou au moins son univers davantage exploré tant le potentiel est énorme.

 

photo Downside upL'incroyable Downside Up

 

Comme vous pouvez le voir, nous sommes déjà conquis par ce festival hors-normes. Familial, étrange, surprenant et envoûtant dès sa première soirée, il a déjà rempli sa promesse. En fait, une sensation nostalgique nous saisit, puisque l'énergie qui se dégage du Festival nous a beaucoup rappelé l'Etrange Festival d'il y a 20 ans, lors de ses soirées courts extraordinaires. Et c'est exactement ce que nous avons vécu ce soir. Il ne manquait plus que l'éruption du Piton pour vraiment basculer dans un autre monde et être à fond dans l'ambiance. Et c'est évidemment ce qui s'est passé.

 

A suivre...

 

photo Même pas peur

 

 

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