Festival Cinespana de Toulouse : Carmen et Lola, Ta acorda ba tu el Filipinas ? et Hayati

Christophe Foltzer | 13 octobre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 13 octobre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

La compétition va bientôt s'achever et on se disait naïvement qu'à partir de maintenant, les choses allaient progressivement se calmer. Manque de pot, le Festival s'est dit qu'il allait nous garder le meilleur pour la fin.

 

photo carmen et lolaCarmen et Lola

 

CARMEN ET LOLA


Pour son premier long-métrage réalisé toute seule (après le film Omnibus 7 from Etheria), la metteuse en scène Arantxa Echevarria n'a certes pas choisi un sujet facile. Parlant de l'histoire d'amour homosexuelle entre deux jeunes gitanes, la réalisatrice met directement en valeur le poids des traditions et l'enfermement de la communauté. Des gens qui vivent repliés sur eux-mêmes, guidés par la religion et le bien commun au détriment du bonheur individuel.

Si la peinture sociale du monde gitan fonctionne, notamment dans son approche documentaire sur leurs us et coutumes (une très belle scène de fiançailles notamment), le film montre malheureusement ses faiblesses lorsqu'il doit nous convaincre de la fameuse histoire d'amour entre Carmen et Lola. Mal rythmée, mal construite, elle fait montre sur le papierd'une certaine artificialité que ses deux comédiennes principales, Zaira Romero et Rosy Rodriguez, savent atténuer grâce à un jeu des plus intenses et des plus investis.

Il n'en reste pas moins que le film tire un peu trop en longueur, a parfois du mal à gérer sa romance interdite et se perd sur la fin dans un côté trop démonstratif qui nuit à cette belle histoire contrariée. Mais sa peinture du poids des traditions, des interdits religieux et du désir de liberté qui saisit les nouvelles générations demeure passionnant.

 

photo Ta acorda ba tu el filipinas ?Ta acorda ba tu el Filipinas ?

 

TA ACORDA BA TU EL FILIPINAS ?

Nous retournons à la section documentaires, décidément de grande qualité, pour découvrir Ta acorda ba tu el Filipinas ? et un sujet que nous ne connaissions pas de prime abord : l'héritage culturel espagnol aux Philippines. Après des années de colonisation, les philippins se cherchent une identité. Au carrefour de plusieurs croisements, tiraillés entre l'Asie, l'Europe et l'Orient, ils ont développé un langage bien à eux, le "chacabano", mélange d'espagnol et de langues natives.

A travers plusieurs histoires, c'est tout le passé colonial du pays qui se remet en question, bousculé par l'histoire et les révolutions et qui se cherche un avenir. C'est au gré des différentes interventions que cette quête se traduit à l'image, dans un rythme malheureusement un peu mal maitrisé qui rend l'ensemble parfois un peu indigeste. La multiplicité des points de vue, couplée à un manque de réel fil rouge nous laisse un peu hors du film, malgré son sujet passionnant et important.

Que l'on ne s'y trompe pas, cependant, ces scories formelles n'empiètent jamais vraiment sur le fond, d'une grande richesse et réellement nécessaire, surtout en regard des bouleversements que connaissent encore les Philippines à l'heure actuelle.

 

photo HayatiHayati

 

HAYATI

Dernier documentaire en compétition, Hayati est un vrai choc auquel nous n'étions pas forcément préparé. Récit d'une jeunesse syrienne exilée en Turquie pour échapper au conflit, le film nous propose de la suivre sur plusieurs mois, entre traumatismes, tentatives de reconstruction, et désir d'une vie normale avec une famille réunie.

Mêlant images réelles et séquences animées (illustrant leur sortie de Syrie au moment de l'éclatement du conflit), le film prend immédiatement à la gorge, bouleverse et ne peut que nous rappeler, non sans une pointe de culpabilité, notre statut de privilégiés. En restant à hauteur d'homme, Hayati touche sa cible avec une facilité déconcertante.

Avec ce jeune homme séparé de sa promise depuis 3 ans et dont les beaux-parents s'impatientent, ou cette star montante du foot syrienne, qui souhaite rejoindre son père et ses frères réfugiés en Espagne, ou un autre, pas totalement sorti de l'adolescence, qui a choisi de se marier sur le sol turque pour y fonder une famille. C'est toute l'horreur de la guerre et la volonté de vivre qui s'exprime ici dans un enchainement de séquences qui tutoient parfois la poésie pure.

Admirablement filmé, rythmé et narré, Hayati est un grand film sur la solitude, l'attente et l'impossible reconstruction. Un petit bijou d'humanité qu'on espère voir distribué chez nous très bientôt.

 

A suivre...

 

photo Cinespana

 

Tout savoir sur Max Pécas

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.