Cannes 2018 : Critique à chaud de Yomeddine d'Abu Bakr Shawky

Simon Riaux | 10 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 10 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Abu Bakr Shawky se dévoile à Cannes avec Yomeddine, qui lui vaut d'être le plus jeune metteur en scène de 2018 à concourir à la Palme d'Or. Curiosité redoublée par la nature du projet : un road trip égyptien aux côtés d'un lépreux à la recherche de sa famille, interprété par une authentique victime de la maladie.

 

PAS DE BRAS


Les premières minutes de Yomeddine impressionnent. Baigné dans une lumière azuréenne, nous découvrons le corps et le visage de Rady Gamal, vulnérable, grêlé de cicatrices, il constitue un paysage vierge et tourmenté, exploré pour la première fois par une caméra de cinéma.
Expérience inédite, immersion radicale. L'effet est évidemment saisissant et assure d'autant plus au métrage une grande puissance qu'il déjoue dans un premier temps les attendus du drame de festival édifiant et doloriste. Extrêmement rythmé, bourré de rebondissements et ne surjouant jamais le catalogue de souffrances, le périple de Beshay parvient à nous emmener et à divertir avec une facilité déconcertante.

 

photo Yomeddine


PAS DE CHOCOLAT


Mais ces réelles qualités sont progressivement balayées par deux écueils majeurs. Le premier vient tout simplement de la mise en scène, ou plutôt de son absence. Abu Bakr Shawky ne parvient jamais à chorégraphier, découper, ordonner son action et les mouvements qu'elle génère. Réduit à scruter le visage de son épatant comédien, il révèle en creux que sous ses airs de quête de dignité, son projet de cinéma se limite finalement à enregistrer le martyr lumineux d'un damné de la terre, immortaliser la condition de lépreux. Une absence de discours qui confine par endroits à la putasserie la plus basse.

 

photo Yomeddine


L'épilogue vient confirmer la fragilité de l'édifice et les contradictions qui le minent quand, en une poignée de séquences, le scénario vient non seulement justifier le sort fait à Beshay, transformant l'inhumanité de ses bourreaux en compassion, et sa léproserie carcérale en ultime refuge.
Yomeddine se mue alors précisément en ce qu'il se devait d'éviter, à savoir une carte postale destinée aux festivaliers occidentaux désireux de sortir de projection les yeux humides. Humides et propres.

 
Yomeddine évite le piège de la dépression lourdingue pour mieux se vautrer dans une bonne conscience putassiere.
 
2,5/5
 

Affiche officielle

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