Le cinéma fantastique à hauteur d'enfants

Guillaume Meral | 14 mai 2013
Guillaume Meral | 14 mai 2013

Traditionnellement, le fantastique est souvent perçu comme un genre tributaire de sa propension intrinsèque à s'adresser à un public dit adulte, non seulement au regard des thèmes abordés (la peur, la transgression violente du quotidien par un agent étranger à ce monde, la déréalisation de l'environnement et les effets engendrés) mais également aux émotions véhiculées par un traitement désireux par essence de confronter le spectateur de manière viscérale à certaines de ses peurs les plus intimes. C'est sans doute cet aspect, ajouté à la croyance commune selon laquelle les adultes auraient le monopole de la lucidité pour ce qui est de ne pas reproduire l'altération du réel à l'écran dans son propre quotidien, que le genre est instinctivement tenu à l'écart des enfants, dont la psyché serait inapte à faire la part des choses entre la réalité et ce qui se passe à l'écran. Une posture qui jure quelque peu avec son importance dans le genre, comme le rappelle Mama d'Andrés Muschietti, en salles ce mercredi 15 mai. En effet, le cinéma fantastique est sans doute celui dans lequel la figure de l'enfant revêt une pluralité de facettes qui ne trouve guère d'équivalent ailleurs, tant le genre a maintes fois démontrer sa propension à en faire le pilier du déploiement de ses univers, comme la condition au questionnement perpétuel de sa place dans le monde.

Vecteur d'innocence et de promesses formulées à l'avenir, le visage de l'enfant constitue un moteur d'angoisse pour les parents à mesure que la tranquillité du quotidien vole en éclats au contact d'une réalité alternative. Placée au second plan, la présence de l'enfant acquiert alors une utilité avant tout narrative, dans la mesure où son rôle consiste à préciser les contours de la menace à l'aune des peurs primales cimentant l'inconscient de leurs ainés, à savoir la perte de l'être cher. C'est le cas notamment d'une œuvre comme Dark Water d'Hideo Nakata, qui à travers cette histoire de femme fraîchement divorcée essayant de survivre à son statut dans la société japonaise, place cette question de la peur de ne pouvoir assumer son rôle parental au centre de sa narration. L'enfant existe ici exclusivement dans la fonction narrative et symbolique qu'il revêt au regard du parcours d'un tiers, comme un fil d'Ariane que le héros va suivre pour découvrir une vérité douloureuse, et pas forcément salvatrice.

Ce qui n'est pas le cas de Don't be afraid of the dark de Troy Nixey, film dans lequel la menace, ancrée dans un imaginaire enfantin, va revêtir une importance secondaire dès lors que le film se recentre sur le personnage de la belle-mère jouée par Katie Holmes, transcendée en figure maternelle dans la lutte qu'elle mènera pour sauver une fille qui n'est pas la sienne. Figure typique du basculement, où l'identité de la menace s'efface au profit des névroses d'un personnage attaché à une certaine réalité matérielle. Il en est de même pour un film comme Poltergeist de Tobe Hooper, dans lequel la mère devra accepter de littéralement sauter dans un inconnu aux pourtours peu engageants pour sauver sa fille prisonnière d'un esprit vengeur.

Cependant, pour aussi légitimes que soient ces structures narratives, elles sont finalement interchangeables à d'autres genres, en ce qu'elles n'ont de sens qu'à l'aune de la trajectoire suivie par les parents. Autrement dit, elles ne participent pas à l'élaboration d'une mythologie de l'enfant comme ont pu le faire d'autres films, qui ont assis la place toute particulière que réserve le cinéma fantastique au traitement de cette figure à part entière. Ainsi, la spécificité du genre réside dans son emploi de l'enfant pour épanouir les fondements de son univers et faire basculer le quotidien dans une réalité tangente. Parce qu'il n'est pas encore attaché à une réalité matérielle sur laquelle repose toutes ses certitudes et ses points de repères, l'enfant a cette sensibilité aux signaux extra-sensoriels lui permettant de déceler ce qui est invisible à la vue de ses parents.

La scène d'introduction de Poltergeist est ce titre éloquente, la mise en place de vecteurs d'attraction instaurant la relation privilégiée entretenue par la petite fille avec l'esprit malfaisant. Pour William Friedkin en revanche, les enfants sont juste les boucs-émissaires du mal, le relai par lequel le démon passe pour désagréger la cellule familiale (L'exorciste). Les enfants sont réceptifs au paranormal précisément parce qu'ils ne le considèrent pas dans son anormalité ou son incompatibilité avec la réalité matérielle dans laquelle ils évoluent, mais comme un horizon supplémentaire vers lequel étendre l'imaginaire structurant leur vie.

Une donnée parfaitement relayée par Guillermo Del Toro dans son magistral Le labyrinthe de Pan, qui voit une fillette se fondre dans un monde imaginaire sans s'attarder sur les conséquences de cette immiscion du merveilleux dans un quotidien délétère. Cette acceptation naturelle et instinctive du paranormal est d'ailleurs de mise dans la plupart des films confrontant l'enfant à un événement fantastique, permettant ainsi au metteur en scène de faciliter l'immersion du spectateur en le raccrochant à son point de vue. Qu'il s'agisse de long-métrages aussi différents que L'esprit de la ruche, Morse ou encore L'échine du diable, l'intrusion du fantastique est rarement vécue comme quelque chose de douloureux lorsqu'il se déroule à hauteur d'enfant, qui n'ont pas encore eu le temps de devenir cartésien et d'affecter ainsi leur raison.

Une scission avec le monde adulte que David Koepp a cristallisé de façon édifiante dans Hypnose, en confrontant la violence avec laquelle le personnage joué par Kevin Bacon accueille la découverte de son don avec la sérénité de son fils, qui partage les mêmes visions extra-lucides .Si douleur il y a, elle émane non pas du paranormal en lui-même, mais du rôle qui est dévolu à l'enfant dans ce frottement entre notre monde et l'au-delà, contraint d'assumer un statut trop lourd à porter pour ses frêles épaules, à l'image d' Haley Joel Osment dans Sixième sens de M. Night Shyamalan.

Cette idée de l'enfant comme passerelle vers l'ailleurs trouve une expression plus affirmée encore lorsque le réalisateur choisit d'éjecter toutes interférences d'un regard adulte pour laisser le point de vue de la tête blonde guider le récit. Ainsi, le fantastique est ici entièrement conditionné par le choix du regard adopté, forcément façonné par des représentations oniriques déformant l'univers dépeint. C'est le cas de La Nuit du chasseur de Charles Laughton, dont les élans ultra-expressionnistes de la mise en scène traduisent la perception que les orphelins nourrissent de leur propre odyssée, et du grand méchant loup lancé à leur trousses incarné par Robert Michum.

Dans L'Autre, Robert Mulligan explore lui aussi le terrain de la vampirisation du réel par l'imaginaire, avec son histoire de jumeaux inquiétants.  On le sait depuis Bruno Bethléem, les contes de fées structurent notre inconscient, et la projection de leurs mécanismes sur le monde constitue autant un moyen de relayer le point de vue de l'intéressé que de disséquer la psyché de l'enfant.

Dans Tideland et  Paperhouse, l'imaginaire est le prisme par lequel les enfants choisissent délibérément de se réfugier pour échapper à leur quotidien. Il faut noter ici que ce passage de l'univers diégétique au fantastique sous l'impulsion des enfants s'accompagne systématiquement de milieux familiaux dysfonctionnels ou traumatisés par un drame fondateur. Comme si finalement le monde adulte conduisait les plus jeunes à tromper leur solitude et leur désarroi en s'emmurant dans un monde dans lequel ils sont enfin au centre des choses. Reste dès lors pour les metteurs en scène à gérer le passage d'une réalité  à une autre sans décrédibiliser leur postulat en rendant le fantastique tributaire de la seule imagination de l'enfant. De la même façon que les histoires racontées au coin du feu doivent laisser planer un doute sur leur véracité, le mystère se doit d'être entretenu par les cinéastes, qui ont chacun leur solution pour entretenir le mythe : chez Guillermo Del Toro par exemple,  l'implantation d'un mal archétypal, presque mythologique dans le monde dit réel permet de crédibiliser l'autre (voir le personnage de Sergi Lopez dans Le labyrinthe de Pan).


Cette vocation inhérente au genre de décliner la figure de l'enfant sous une pluralité de facettes se caractérise par un jusqu'au boutisme qui n'aura épargné aucune image d'Epinal, surtout pas celle de l'innocence des intéressés. Ainsi, le cinéma fantastique n'a pas failli à sa mission de confronter l'humanité à ses phobies les plus inavouables en faisant voler en éclat l'ultime tabou de notre civilisation. Une tendance qui s'est d'ailleurs accentuée récemment : Joshua, Esther, ou encore The children représentent autant d'œuvres qui se plaisent à introduire la notion même de chaos au sein des entités les plus communément épargnées par les conduites infamantes.

The children notamment, puisque le film dépeint plusieurs couples qui vont se faire prendre en chasse par leurs propres progénitures, sans raisons apparentes. Un postulat d'autant plus dérangeant que ce faisant, l'enfant se déshumanise et offre à la société dans laquelle il évolue le reflet de son extinction imminente. Narciso Ibanez Serrador s'était déjà emparé de la problématique avec Les révoltés de l'an 2000, fable terrifiante dans laquelle une nuée d'enfants tueurs s'en prenait à un couple de touristes sur une petite île en Espagne. En assimilant de plus en plus le comportement des enfants à une tribu d'insectes à mesure que la menace se précise et se structure, Serrador construit sa vision d'apocalypse en confrontant le monde occidental à l'un de ses interdits fondamentaux. Dans cette optique, le chérubin n'est plus un vecteur d'imaginaire, ou un portail vers le fantastique,  mais une entité déshumanisée fondue dans une menace globale.

Le village des damnés de John Carpenter, remake d'un film de  Wolf Rilla , procède lui aussi à ce processus d'annihilation de l'individuation de l'enfant pour le faire succomber à un esprit de meute totalisant. Un principe que Serrador et Carpenter prennent un malin plaisir à pousser dans ses retranchements, notamment en conduisant leurs personnages à tuer pour survivre. Cependant, c'est sans doute lorsqu'une unique individualité enfantine véhicule le mal que la transgression atteint son paroxysme, puisque non seulement le parent réalise son absence totale d'emprise sur le destin de sa progéniture, mais se voit progressivement investi de l'obligation de mettre fin à sa vie pour l'intérêt général (voir La malédiction de Richard Donner). Ou quand notre instinct de protection des plus jeunes entre en contradiction avec l'intérêt de l'espèce et notre propre survie. Le fondement de notre boussole morale déréglé en somme.

Terreau de l'enfance dans toute la complexité du terme et les contradictions liées à cette période, le fantastique est sans doute le genre qui a offert certains des portraits les plus saisissants de l'enfance au cours de son histoire. Surtout, leurs traitements n'ont eu de cesse de révéler la nature intrinsèquement transgressive d'un genre, toujours prompt à balayer, voire à contrarier les tabous dressés comme des remparts autour de nos chères têtes blondes, dans sa volonté de confronter la condition humaine à sa propre fragilité à travers le sort réservé à sa descendance.

 

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commentaires
TA MÈRE SUÇE DES BITES ENFER
24/10/2016 à 19:41

Les films de fantôme des fois ces vraiment de la merde moi le genre que je préfère c'est le gore et la violence et seulement je vais vous données des noms des meilleur films d'horreur par contre certaint ne se vendront pas en dvd et ni en livre mais vous pouvez les trouver sur youtube ou sur instagrame

Donc voici la liste
1 La sage des saw
2 insidious 1 et 2
3 ABC of death 1 et 2
4 Silent hill la saga (ET PEUT ÊTRE QU'IL Y'AURA UN TROISIÈME)
5 Massacre dans le train fantôme
6 Suicidmouse (UNIQUEMENT SUR INTERNET ET N'EXISTE NI EN FILM NI EN LIVRE)
7 Le manoir du diable
8 Pervert (AVERTISSEMENT J'AI PAS VUE CE FILM MAIS PAR CONTRE JE SAIS QUE CE FILM CONTIENT DES SCENE PORNOGRHAPIQUE ET GORE MAIS QUAND J'AI VUE LA BANDE D'ANNONCE JE VOUS LE RECOMMANDE À CEUX QUI ONT +18 MERCI)
9 Le silence des agneaux
10 Burger kill
11 Les saw du 1 au 8 (AME SENSIBLE S'ABSTENIR)
12 The horror pictures show