Les oubliés des Oscars

Perrine Quennesson | 1 février 2013
Perrine Quennesson | 1 février 2013

Chaque année, c'est la même rengaine. On fait nos pronostiques, on attend fébrilement les nominations puis vient enfin la cérémonie. Et là le concert de « je l'avais bien dit » et de « Non mais d'accord, c'est parce qu'il y a les Weinstein derrière » commence. Mais dans tout ce bien habillé et joyeux fatras, il y en a certains qui rongent sérieusement leur frein. Cela fait des années que l'ont peut voir leur tête sur le grand écran ou derrière la caméra, ils sont encensés par la critique et par le public. Et rien. Nada. Quelques petites nominations mais jamais la consécration. Ce sont les oubliés des Oscars.  Si certains, comme si l'Académie avait voulu se rattraper (oui mais trop tard), ont reçu un Oscar posthume, d'autres bien vivants trépignent d'impatience. Chez Ecran Large, nous avons sélectionné 4 acteurs, 4 actrices et 4 réalisateurs, qui respirent encore et que l'on aimerait bien voir récompensés.

 

Réalisateurs

David Fincher

 

Que ce soit dans le thriller, le récit apocalyptique ou encore l'épopée personnelle, David Fincher a montré qu'il maitrisait l'image. Perfectionniste, son travail est toujours excessivement précis, détaillé et plutôt avant-gardiste. Avec ses personnages torturés, aliénés, Fincher a bâti une filmographie solide dotée de quelques sommets comme Seven, Fight Club, Zodiac ou encore Social Network. D'ailleurs pour ce dernier, on ne comprend toujours pas (enfin si, on a une petite idée et elle s'appelle Harvey Weinstein) comment il a pu perdre l'Oscar l'an dernier face à Tom Hooper. Espérons qu'avec son prochain film, à-priori Gone girl, justice lui soit rendu.

 

Ridley Scott

 

Ne serait-ce que pour Alien. Non, pour Blade Runner. Non Thelma et Louise. Non, en fait Gladiator. Et le débat est sans fin. C'est un fait : Ridley Scott n'a jamais reçu d'Oscar alors que certains de ses films font partie des œuvres les plus connues de l'histoire du cinéma, certaines sont même quasiment des pierres angulaires, notamment en terme de science-fiction. Mais il faut croire que le réalisateur ne désespère pas d'en recevoir un puisque son prochain film, The Counselor, est prévu pour novembre 2013 afin d'entrer dans la course aux Oscars. Enfin, une récompense en perspective, synonyme de prix pour l'ensemble de sa carrière ? Après tout, mieux vaut tard que jamais...

 

Michael Mann

Son sens du détail est sa grande qualité et sa volonté d'expérimentation, notamment du format numérique, fait de lui un avant-gardiste. Et c'est bien connu, les avant-gardistes ont quelques difficultés à se faire reconnaitre. Du moins, officiellement. Car les cinéphiles, eux, dès Le Solitaire ou Le Sixième sens étaient déjà acquis à la cause de Michael Mann, le somptueux Dernier des Mohicans ne faisant que confirmer cela. Mais là où cela tient du mystère (au moins aussi grand que celui des pyramides), c'est au sujet de Heat. Cette saga criminelle fascinante, précise et surprenante méritait les plus hauts honneurs. Même si l'esthétique de ses films en numérique (surtout Public enemies) n'est pas du goût de tous, on espère un jour voir ce maestro du formalisme récompensé. 

 

Christopher Nolan

 

Certes, si on ne l'avait pas encore compris, les films dits de genre font rarement partie du club des oscarisés. Et pourtant Christopher Nolan est tout de même l'un des rares réalisateurs à obtenir l'accord presque parfait entre public et critique. Son cinéma plus cérébral qu'émotionnel (à l'exception sûrement du Prestige et du second Batman) est devenu un modèle. Il suffit de regarder les blockbusters à venir. La part d'ombre de nos héros a repris le dessus, on se pose des questions sur leur légitimité et leur place dans le monde actuel. Ses films ont été récompensés de nombreuses fois (surtout en prix techniques) mais ce visionnaire semble, lui, être transparent aux yeux de l'académie. Il va falloir y remédier.

 

Bonus : Quentin Tarantino

 

Parce que sa carrière est exemplaire, qu'elle n'est faite que de chefs d'oeuvre (réflexion partisane de la part de celle qui écrit ces lignes) et que si Quentin Tarantino s'en tient à ce qu'il a dit (s'arrêter à 10 longs-métrages), il ne reste plus que 2 films pour le récompenser. Vite, vite !

 

Acteurs

Leonardo DiCaprio

 

S'il y en a bien un qui est irréprochable et qui se donne beaucoup de mal pour obtenir une récompense, c'est bien Leonardo Dicaprio. Et pourtant. Il aura tout fait, tous les rôles qui, habituellement, incluent un Oscar dans la signature du contrat. Il a été un amoureux sacrifié dans une grande fresque romanesque (Titanic), un enfant handicapé mental (Gilbert Grape), des personnages historiques dans des versions de l'histoire plus ou moins réalistes (L'homme au masque de fer, J. Edgar, Aviator,..) ou encore un mari perdu dans un drame conjugal qui fait un clin d'œil à Titanic comme pour rappeler à l'Académie qu'elle peut encore se rattraper (Les noces rebelles). Et même quand il se lance dans le genre, c'est pour faire des personnages pénétrés et introspectifs (Inception, Shutter Island). Autant de persévérance, ça se récompense ! Mais rien. A force de l'ignorer ainsi, il ne faut pas s'étonner que le jeune homme se tourne vers l'écologie...

 

Johnny Depp

Certes, il y a eu Alice aux pays des merveilles. Certes son tandem avec Tim Burton commence sérieusement à sentir le renfermé. Certes, il semble être au ralenti ces derniers temps et ressasser les mêmes expressions. Mais tout de même, en presque 30 ans de carrière, Johnny Depp a su prouver qu'il était un grand acteur en allant de la folie douce avec ses personnages chez Burton ou dans Benny & Joon, à l'extravagance comme dans Las Vegas Parano ou Pirates des Caraïbes en passant par la sensualité (Le chocolat, Rochester) et par des cinéastes plus indépendants comme Jim Jarmusch ou Emir Kusturica. Et jusqu'à récemment, il était très juste dans tous ces registres. Ça mérite un prix, ça non ? 

 

Liam Neeson

 

Le parfait exemple de ce que l'on gagne à ne pas reconnaître un acteur en temps voulu : il s'enfonce. Oui, Liam Neeson s'enfonce dans des thrillers d'action synonymes les uns des autres, sans grandes envergures. Certes Taken, c'est sympa mais ça n'a pas l'ampleur de La liste de Schindler. Qu'il n'ait pas été récompensé pour cela reste un grand mystère (même si Tom Hanks le méritait aussi pour Philadelphia) et ce ne sont pas ses rôles récents, où il semble recycler sa carrure d'homme charismatique à coups de punch lines, qui vont vraiment l'aider. Mais quand il fait Le Territoire des loups, on sait que c'est cet acteur-là que l'on aimerait voir récompensé.

 

Gary Oldman

 

Considéré par tous les acteurs de la jeune génération comme un exemple, une référence, Gary Oldman reste néanmoins un grand ignoré des Oscars. Tout au long de sa carrière, il a pourtant su montrer son incroyable palette de jeu en naviguant de plus petits films comme Sid and Nancy ou Léon à de grosses franchises comme la trilogie du Dark Knight ou Harry Potter. C'est aussi l'homme des extrêmes, capable des pires folies, presque épileptiques, dans le cinquième élément comme d'un calme impénétrable et élégant dans La Taupe. Et Gary Oldman, c'est tout de même l'acteur qui a campé un formidable Dracula, à la fois sensuel et terrifiant, dans le film de Francis Ford Coppola. Comme dirait Johnny Rotten, le leader des Sex Pistols, à son sujet : « he's a bloody good actor » (C'est un putain d'acteur - NDLR).

 

Bonus : Kevin Bacon

 

Le mantra « Un film avec Kevin Bacon est un bon film » est vrai. Il serait peut-être temps qu'on le remercie pour ça.

 

Actrices

Glenn Close

 

En plus de 35 ans de carrière, Glenn Close a été nominée à tous les prix les plus prestigieux (Oscars, Emmys, Tonys, Golden Globes) et a sûrement l'un des CV les plus impressionnants du métier. Ses meilleurs rôles ont souvent été des femmes fatales, déchainant des passions dangereuses et elle n'a d'ailleurs pas eu peur d'aller au bout de ce personnage en jouant, par exemple, une Cruella d'Enfer qui pourrait être une descendante dégénérée de ses autres rôles. Véritable actrice caméléon, elle l'a encore prouvé récemment en jouant une femme qui se prenait pour un homme dans le difficile Albert Nobbs. Il serait temps que l'Académie récompense cette exemplaire carrière.

 

Julianne Moore

Si on regarde la filmographie de Julianne Moore, on peut s'apercevoir que son nom apparait au générique de quelques uns des films les plus encensés de ces 20 dernières années. Elle fut nominée une première fois pour Boogie Nights et, depuis, elle l'est régulièrement sans jamais concrétiser. Le pire fut sûrement 2002 où elle était nommée dans deux catégories : meilleure actrice pour Loin du Paradis et meilleure actrice dans un second rôle pour The Hours. Elle n'a rien remporté. Et c'est un peu navrant de voir que la majorité de ses récompenses, elle les a eu grâce à Game Change d'HBO. S'il ne s'agit certes pas d'un lot de consolation mais on aimerait plutôt voir l'actrice honorée par un Oscar pour ses, toujours excellentes, performances au cinéma, son vrai terrain de jeu.

 

Sigourney Weaver

Il s'agit bien d'une actrice exceptionnelle car grâce à quatre films d'une même mythologie (la tétralogie Alien), avec 4 réalisateurs différents, elle a contribué à modifier la vision des femmes au cinéma. Avec Sigourney Weaver, il ne s'agit plus de demoiselles en détresse ou d'objet du désir, elle prend les choses en mains : c'est une femme forte, de caractère et pleine de ressources. Mieux elle a développé cette image à travers d'autres films comme Ghostbusters, Avatar ou encore Galaxy Quest. Mais elle a su également aller vers d'autres registres comme le drame avec Gorilles dans la brume ou la comédie romantique avec Working Girl. Nominée 3 fois en tant que meilleure actrice, jamais récompensée. Incompréhensible.

 

Michelle Pfeiffer

 

De la fin des années 80 jusqu'au début des années 90, Michelle Pfeiffer, c'était une évidence. L'évidence même de l'actrice qui allait recevoir un Oscar. Pour preuve, entre 1988 et 1995, Michelle a été nommée à 6 Golden Globes, 3 Oscars, 2 BAFTA, 1 Saturn awards et 2 MTV Movie awards. Mais pour, on ne sait trop quelle raison, elle ne remporta qu'un Golden Globe pour Susie et les Baker Boys. Comme si elle n'était jamais parvenue à convaincre les juges. Depuis sa carrière semble décliner même si elle parvient, ponctuellement, à revenir dans de très bons rôles comme dans Chéri ou Hairspray. Et il ne faudrait pas que ce malencontreux déclin l'empêche de recevoir un jour le prix qu'elle mérite.

 

Bonus : Annette Bening

 

Avec une telle carrière, échouer deux fois aux Oscars face à Hilary Swank, ça énerve un peu tout de même. T'inquiète, Annette, tu vas l'avoir ta statuette !

 

 

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