Venise 2011 : jour 2

Simon Riaux | 1 septembre 2011
Simon Riaux | 1 septembre 2011

À Venise, rien ne sert de courir. Se lever à l'heure pour les projections matinales est également superflu. Car un adversaire de taille se dresse sur la route de l'omnipotent critique : le vaporetto. Alors que dans la capitale parisienne, reste toujours l'option de pester avec force vulgarité contre la RATP avant d'attraper un taxi, qu'on pourra également critiquer à loisir, dans le but d'arriver à l'heure dans la salle de projection où vous attend un opulent fauteuil en cuir, tout ces stratagèmes sont parfaitement caduques dans la Cité des Doges. Oh vous pourrez toujours courir comme un dératé dans la chaleur moite des ruelles humides, avant d'être immanquablement stoppé par l'eau, salée qui plus est.

 

 


 

Votre seul ami face à l'hostilité aqueuse se nomme vaporetto, sorte de métro local et maritime, qui avancera juste un peu moins vite qu'un cul-de-jatte sans déambulateur. Vous serez alors confrontés aux différentes lignes qui parcourent la ville, selon une organisation parfaitement irrationnelle. Par exemple, il est toujours très amusant de constater que les navires reliant votre auberge à la Mostra ne circulent qu'entre 9h et 12h, horaire aussi bâtard qu'impropre à la ponctualité. Vous l'aurez compris, atteindre la projection de Carnage en ce jeudi matin ne fut pas de tout repos.

 

Geoffrey et moi-même arrivèrent juste à temps pour voir les portes se fermer devant nous, sous le regard amusé du même vigile culturiste qui mit en doute la veille mon ascendance avec George Clooney. Bien décidés à ne pas louper l'unique séance dédiée à la presse (et à conserver notre mirobolant salaire ainsi que nos bonus annuels), nous nous mîmes littéralement à genoux. Dans un italien qui aurait fait s'étrangler Andrea Bocelli, nous suppliâmes les gardiens de la salle Darsena, sans succès. C'est alors que l'un d'entre eux, touché par notre détresse, daigna nous ouvrir, grand prince, sauvant notre carrière balbutiante.

 


 

Grand bien lui en pris, car la veille nous avions grimpé Les Marches du pouvoir pour en redescendre aussitôt, déçus par une fausse candeur malvenue de la part du sieur Clooney, nous n'avions pas trouvé non plus notre bonheur avec Summer games, histoire vue et revue de mésaventures adolescentes. Heureusement Carnage vint donner le véritable coup d'envoi du festival. Roman Polanski nous gratifia d'un huis-clos à la fois glaçant et hilarant, un festival de méchanceté dirigé à la perfection. Nous sortîmes de la projection ravis, même si le film aurait gagné à trancher plus nettement avec son matériau de base, histoire de nous offrir une apothéose plus cinématographique.

 

La conférence de presse qui suivit fut des plus conventionnelles, chacun des comédiens rappela combien il était honoré d'avoir collaboré avec le réalisateur, que ses petits camarades avaient été formidables... jusqu'à ce que Kate Winslet remette vigoureusement à sa place un journaliste un peu trop curieux quant à l'anecdote surprenante qui l'amena à sauver un membre de la famille Bronson d'un incendie.

 


 

C'est donc rassérénés et contents que nous prîmes le chemin du Madonna, W.E, dont la conférence de presse lénifiante aurait dû nous mettre la puce à l'oreille. À la vision de cette romance indigeste et balourde, notre bonne humeur en prit un coup. La chanteuse-performeuse-réalisatrice nous avait annoncé quelques minutes plus tôt que contrairement à son héros, forcé de choisir entre le trône et l'amour, elle était sûre de pouvoir concilier ces deux aspirations. Hélas elle ne parvient jamais aborder le thème qu'elle s'est choisit.

 


 

Sans doute soucieux de nous faire un prix de gros, les organisateurs du festival avaient programmé Un Été brûlant de Philippe Garrel en début de soirée. Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, si brûlure il y eut, elle fut rétinienne, et le soleil n'eut rien à voir là-dedans. Nous ne nous attarderons pas sur le long-métrage, que monsieur Garrel semble avoir réalisé uniquement pour faire hurler ses détracteurs. Mission réussie avec cette bouse inter-galactique, grâce à laquelle Geoffrey et moi-même avons découvert qu'en plus d'avoir le tort de ne pas consacrer nos existences à l'art-pour-l'art-le-seul-le-vrai, nous appartenions à la méprisable sous-espèce des porcs fascistes, à tendance réactionnaire. Pauvres de nous.

 

 

Heureusement, un peu de Cronenberg devrait laver ces affronts pelliculés grâce à une Dangerous Method, qui administrée au Café de Flore, saura nous précipiter vers les sommets des Alps. Si nous survivons à tout cela peut-être trouverons-nous la force de filer jusqu'au Petit Poucet de Marina de Van, projeté sur les coups de 23h. À demain donc, pour de nouvelles aventures, et quelques explication sur les vertus du rire Vénitien.

 

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